L
CROIRE v. intr. et tr., d'abord credre (v. 980), devenu creire (1080) puis croire (v. 1050), est issu du latin credere, ancien terme de la langue religieuse, d'origine indoeuropéenne, conservé seulement en indo-iranien (védique çráddadhāti, juxtaposé de çrát) et en italo-celtique (vieil irlandais cretim et gallois credaf « je crois »). Tout comme fides (→ foi), credere a pris très tôt des emplois généralement profanes, par suite de la domination de plus en plus grande de la culture matérielle méditerranéenne sur la culture indoeuropéenne d'origine orientale. Ainsi, il a signifié « mettre sa confiance en qqn, en qqch. », « confier qqch. à qqn » d'où, concrètement, « prêter » (→ crédit) et « croire qqn, qqch. ». L'introduction du christianisme est venue rendre au verbe un rôle religieux, credo « je crois » étant affecté à traduire le grec pisteuô et fides le grec pistis ; de sorte qu'en pleine période romane, fides s'est remis à servir de substantif verbal à credere qui n'avait aucun dérivé pour remplir ce rôle. Devant cette situation de déséquilibre et suivant un procédé courant en latin, on a forgé credentia qui est représenté dans tout le domaine roman et n'a pas donné moins de trois mots en français (créance*, crédence* et croyance*), tandis que foi conservait son sens religieux. Grâce au christianisme, les résultats de la contamination de deux groupes subsistent jusqu'à présent.
❏
Le verbe est apparu au sens religieux d'« avoir foi », l'expression la plus ancienne, croire en Dieu (v. 980), évinçant croire à Dieu (fin XIIe s.), une différence sémantique entre les deux prépositions se manifestant ensuite : en impliquant une croyance spirituelle et morale et à une croyance intellectuelle. Cette différence est également pertinente pour les emplois plus généraux de croire à (l'innocence de qqn, par exemple) attestés au XVIIe siècle. Croire à implique parfois une croyance naïve (croire au Père Noël).
◆
Dès son apparition en français, le verbe a aussi le sens non religieux d'« admettre (qqch.) pour vrai », « ajouter foi aux paroles de (qqn) ». En ce sens, la construction transitive (1080) s'est généralisée aux dépens de l'ancienne construction croire à qqn (encore en 1787).
◆
L'ancienne construction renforcée en croire qqn (XIe s.) y ajoute la nuance d'« apporter une adhésion totale, mais personnelle » ; elle a fourni les locutions usuelles en croire ses yeux, ses oreilles (v. 1120), utilisées surtout en phrase négative. Par extension, croire signifie « penser, être d'avis que » (v. 1160), sens déjà connu du latin qui employait credo en incise.
◆
Il s'emploie spécialement dans croire qqn + attribut (1625 ; une fois en 1211) et croire qqn quelque part, dans une situation « penser qu'il est » (1600).
◆
La forme pronominale se croire « se considérer comme » a souvent une valeur péjorative : « se considérer à tort comme » (d'où absolument se croire dans le registre familier).
◆
Dès l'ancien français (1080), croire réalise l'idée d'avoir confiance en qqn, en construction transitive (XIIe s.) et en construction intransitive (1180), avant de s'étendre à l'idée d'« avoir confiance en l'efficacité, au pouvoir de (qqn, qqch.) » (av. 1662, croire aux astrologues, aux médecins).
❏
Le participe présent, anciennement
creanz (v. 1120), a été substantivé au sens religieux de « celui qui a la foi » et adjectivé (fin
XIIe s.) avec la même valeur. Il n'a pris la forme actuelle
CROYANT, ANTE que tardivement, une première fois en 1546 puis à partir du
XVIIIe siècle.
■
CROYABLE adj. a évolué de creable (v. 1120), credable (v. 1120) en croyable (v. 1370) d'après le nouveau radical verbal (il croy-ait) ; il a progressivement cédé son ancien sens actif de « qui a la foi, qui croit facilement » à croyant et à crédule, gardant lui-même le sens passif de « qui peut être cru » (v. 1120), en parlant d'une chose, d'une personne (v. 1175).
◈
CROYANCE n. f., d'abord
creance (v. 1050) puis
croiance (v. 1370), n'est pas dérivé de
croire mais issu d'un bas latin
°credentia, dont l'existence est assurée par sa diffusion dans les langues romanes. La forme à radical
croy- n'a pas éliminé totalement le type en
cré- réservé à un usage technique et juridique
(→ créance). Croyance exprime le fait de croire, à la fois dans sa spécialisation religieuse et (v. 1174) dans sa généralité, avec une extension métonymique pour « objet de la croyance » qui le rapproche de
foi et d'
opinion. Il a éliminé l'infinitif substantivé
CROIRE n. m. (1690).
◈
Croyable, croyant et
croyance ont reçu des antonymes préfixés en
in-.
◆
Le plus ancien est
INCROYABLE adj., d'abord
increable (
XIVe s.) puis
incroyable (1513). Proprement « qui ne peut être cru », il a pris par extension son sens courant de « peu commun, peu ordinaire » au
XVIe siècle. À la fin du
XVIIIe s., d'après une spécialisation en « étrange, ridicule » (1780), il a été substantivé à propos des jeunes gens qui affichaient une recherche extravagante dans leur mise et dans leur langage — ils ne prononçaient pas les
r — sous le Directoire (1795)
[Cf. merveilleuse].
◆
Il a produit
INCROYABLEMENT adv. (fin
XVe s.), souvent utilisé au sens expressif dérivé d'« excessivement ».
■
INCROYANT, ANTE adj. (1783, après non-croyant), aussi substantivé, et INCROYANCE n. f. (1836, Chateaubriand) sont plus tardifs et moins usuels. NON-CROYANT, ANTE n. se dit d'une personne qui n'a aucune foi religieuse, qui n'appartient pas à une confession. Le mot est en concurrence avec incroyant et peut (ou non) recouvrir l'idée d'« athéisme ».
■
MÉCRÉANT, ANTE adj., d'abord mescreant (1080), seule forme en usage de l'ancien verbe MÉCROIRE v. (XIIe s., mescroire) « être incroyant », encore utilisé au XVIIe s. au sens de « refuser de croire qqn ». Mécréant, devenu rare au sens de « qui ne professe pas la foi considérée comme vraie », a pris dans l'usage plaisant la valeur de « qui n'a foi en rien » (→ impie), surtout comme substantif pour « irréligieux, sans croyance religieuse ».
❏ voir
ACCROIRE, CRÉANCE, RECRU et les emprunts CRÉDENCE, CRÉDIBLE, CRÉDIT, CRÉDO, CRÉDULE.
CROISADE n. f., qui appartient à la famille de croix, est apparu au XVe s. (v. 1460) pour désigner la guerre sainte contre les Infidèles, dont les participants portaient une croix d'étoffe cousue sur leur habit. En ce sens, le mot est postérieur à la réalité historique des croisades : il remplace, avec un suffixe qu'il doit peut-être à l'ancien provençal crozata ou à l'ancien espagnol cruzada, les noms plus anciens, le masculin croisement (av. 1195), les féminins croiserie (av. 1272) croisière et croisée (1390), dérivés de croix*, se croiser et croisé étant attestés dès le XIIe siècle.
❏
Tous ces mots, d'ailleurs postérieurs eux aussi aux premières « croisades », avaient une trop grande polysémie (→ croix) pour ne pas nécessiter la formation d'un terme spécifique. L'idée même de croisade, c'est-à-dire d'une expédition militaire organisée par l'Église pour la délivrance de la Terre sainte, est ancienne : dès le IXe s., des prescriptions ecclésiastiques sanctifient le combat contre les infidèles pour la défense des chrétiens opprimés. Cette idée se précise au XIe s., notamment sous le pontificat d'Urbain II qui prêche la première expédition à Clermont, en 1095. Huit expéditions de ce type se succédèrent entre 1096 et 1291, les deux dernières étant dirigées par Saint Louis. Du côté musulman, l'occupation d'une des villes saintes de l'islam alimenta le développement de la doctrine de la guerre sainte (al-jihad). Par analogie, le mot croisade désigne une expédition militaire organisée par les chrétiens contre les hérétiques (la croisade contre les albigeois) et — parfois ironiquement — une lutte armée sous-tendue par un conflit idéologique religieux. Par extension, il est employé au figuré (1778) en parlant d'une campagne visant à soulever l'opinion en vue d'un résultat d'intérêt commun (Cf. campagne).
CROISER, CROISIÈRE → CROIX
CROISSANT n. m. (v. 1180) s'est, par ses sens modernes, détaché de croître* dont il est le participe présent substantivé.
❏
À l'origine, le mot désigne le temps qui s'écoule entre la nouvelle lune et la pleine lune (par opposition à
décroissant, n. m.), sens aujourd'hui disparu. Dès le
XIIIe s. (1223), il désigne l'aspect que prend la partie visible de la Lune, au début et à la fin de son développement, substituant l'idée d'un aspect formel défini à celle d'un processus en cours. À partir de là, il a développé quelques sens analogiques (v. 1260), désignant en particulier l'emblème de l'Empire turc (1674) et de la religion musulmane, le
croissant symbolisant les pays d'islam
(voir ci-dessous, Croissant rouge).
◆
En histoire, l'expression
Croissant fertile s'applique à la région de plaines alluviales du Moyen-Orient, où se développa l'agriculture au néolithique et où naquirent les premières grandes civilisations connues (hors de la Chine).
L'usage du mot en pâtisserie est attesté en 1850 :
croissant traduit alors l'allemand
Hornchen, de
Horn « corne » (du groupe indoeuropéen de
corne*), nom donné à des pâtisseries faites à Vienne après la victoire sur les Turcs en 1683. Datant, semble-t-il, de 1770, époque à laquelle Marie-Antoinette aurait introduit la pâtisserie en France — sans qu'elle soit nommée en français — une légende prétendait que c'étaient les boulangers viennois qui avaient déjoué l'attaque turque. En fait, c'est un boulanger autrichien nommé Zong qui a le premier commercialisé en France le « croissant », vers 1840 ou peu après, l'Exposition de 1867 assurant le succès du produit. D'abord pâtisserie viennoise, le croissant est devenu rapidement typique du petit déjeuner français, et obtint ensuite un succès mondial. Trahissant son étymologie, le croissant est souvent rectiligne, aujourd'hui, surtout lorsqu'il est « au beurre » (en apposition,
croissant beurre)
[→ aussi viennoiserie].
■
Par analogie, le mot désigne aussi un objet ou un espace qui, par sa forme, rappelle le croissant de lune, dans les domaines de l'horticulture, de la géographie, de l'optique, etc. Quelquefois, il indique un groupe de maisons disposées en demi-lune, traduisant l'anglais crescent de même sens ; rare en français, il fournit au Canada le terme normalisé.
◆
Le Croissant rouge est l'équivalent en pays musulman de la Croix* rouge des nations chrétiennes.
❏
CROISSANTERIE n. f. est un dérivé formé récemment (1980), dans la série prolifique des noms de commerce en -erie, pour un magasin proposant une restauration rapide à base de croissants.
L +
CROÎTRE v. intr., d'abord creistre (1080), crestre (XIIe s.) — les formes en craître subsistent jusqu'au XVIIIe s. —, puis croistre (XIIe s.), est issu du latin crescere « pousser (des plantes) », « grandir, s'accroître » et « arriver à l'existence, naître ». Ce mot est à rapprocher de l'arménien serem « j'engendre », sermn « semence », du lituanien šeriù, šérti « nourrir » et du grec ekoresa « j'ai rassasié ». Le verbe transitif correspondant est creare (→ créer).
❏
Croître, appliqué à des êtres organisés, au sens de « grandir progressivement jusqu'à son terme », a décliné sous la concurrence de pousser et de grandir, plus courants (sinon en locutions : ne faire que croître et embellir). Il s'est mieux maintenu appliqué à une chose qui devient plus grande, plus intense, plus nombreuse, dans l'expression biblique croissez et multipliez-vous, à un groupe humain. L'usage transitif du verbe, anciennement toléré, a disparu au profit d'accroître*.
❏
Le déverbal
CROÎT n. m., d'abord
croiz (v. 1160-1174), a vu au
XVIe s. son sens général, « accroissement de biens », se restreindre dans le domaine juridique agricole à l'accroissement d'un troupeau par les naissances annuelles (1385).
■
Le nom d'action de sens général est CROISSANCE n. f. (v. 1190), issu du radical du participe présent croissant (→ croissant) par imitation du latin crescentia « accroissement », très rarement attesté. Le mot a suivi l'évolution du verbe, appliqué à des êtres vivants (emploi où il reste usuel) et, par extension, à tout accroissement progressif (croissance économique).
◈
Le participe passé de
croître, crû est à l'origine d'un nom masculin et d'un nom féminin.
■
CRU n. m. (1307, creu) est apparu avec son sens de « terroir, en parlant de la vigne, du vin » (vin de grand cru). L'usage ancien l'employait plus largement à propos de ce qui croît dans une région et, par métonymie, de la terre elle-même. En ce sens, il a produit la locution de son cru (1573), proprement « de sa production, de son jardin », restée usuelle au sens figuré : « de son invention personnelle ».
■
Le féminin CRUE (XIIIe s., creue) est apparu avec son sens aujourd'hui courant, « élévation du niveau d'un cours d'eau ». Les sens ultérieurs, « enchères » (1325), « croissance de qqn ou de qqch. » (1651) sont sortis d'usage même si, dans le langage juridique, on désigne encore parfois par crue la somme en sus de la prisée que payait un acheteur lors d'une vente aux enchères (1440).
◈
Par préfixation,
croître a produit
DÉCROÎTRE v. intr. (v. 1119, transitif), aujourd'hui intransitif au sens de « diminuer progressivement », dont est tiré
DÉCROÎT n. m. (1174), d'abord synonyme de
décadence puis spécialisé en astronomie pour la diminution de la partie visible de la Lune (1583), et en droit agraire à propos de la diminution du bétail donné par bail à cheptel (1664).
■
En sont aussi issus DÉCROISSANT, ANTE adj. (1276), DÉCROISSANCE n. f. (v. 1265), spécialisé (mil. XXe s.) en économie et en physique atomique, DÉCROISSEMENT n. m. (v. 1210) et DÉCRUE n. f. (XVIe s. ; repris au XIXe s.), qui s'oppose à crue pour « baisse de niveau des eaux ».
■
L'ancien verbe SURCROÎTRE, « croître au-delà de la mesure ordinaire » (1327 ; succrestre v. 1175) s'est employé jusqu'au XVIIIe s. Il s'est maintenu par le déverbal SURCROÎT n. m. (1580, d'abord sorcrois, au XIIIe s.. : après 1275) « ce qui apporte un accroissement, s'ajoute », resté courant dans les locutions adverbiales de surcroît (1409) et par surcroît (1672). On appelait aussi œuvres de surcroît (1710) des œuvres chrétiennes non obligatoires.
■
Le composé RECROÎTRE v. intr. (XIIe s.) « se remettre à croître » et « redevenir plus grand, plus fort, plus nombreux » a produit RECRÛ n. m. (1669), substantivation de participe passé, terme de sylviculture, et, d'après son sens particulier d'« ajouter à une armée », RECRUE n. f. (1550). Ce mot a perdu les sens classiques d'« accroissement », « supplément » (1501) et « nouvelle levée de soldats en complément d'une troupe » pour être appliqué, par métonymie, à une nouvelle personne qui s'ajoute à un groupe (v. 1720), spécialement à un soldat venant d'être incorporé (1808).
◆
Il est à l'origine de RECRUTER v. tr. (1691) « compléter une armée en levant des troupes », critiqué par Racine, et qui a pris la valeur d'« engager » (1835), et dont on a tiré RECRUTEUR n. m. (1771), souvent péjoratif — en apposition, sergent recruteur —, et RECRUTEMENT n. m. (1790), utilisé depuis 1893 dans le domaine du travail.
❏ voir
ACCROÎTRE, CONCERNER, CONCRET, CROISSANT, EXCROISSANCE.
L
CROIX n. f. est issu (v. 980) du latin crux, crucis désignant plusieurs sortes d'instruments de supplice : le pal, la potence, la croix. L'usage de ce dernier supplice apparaît à Rome à l'époque des guerres puniques (d'où l'hypothèse d'une origine punique du mot). Tertullien le fait remonter à l'histoire de Regulus, le consul fait prisonnier et mis à mort à Carthage, où cet usage était fréquent. La croix était réservée aux esclaves, puis à ceux, malfaiteurs et voleurs, qui n'avaient pas le titre de citoyens romains. Dès Plaute, crux devient courant en latin et entre dans des locutions proverbiales ; il prend le sens abstrait de « torture morale » et, par métonymie, désigne le tourmenteur.
◆
La langue de l'Église l'utilise particulièrement pour désigner la croix du Christ, puis la représentation de la croix, qui devient le symbole de la mortification chrétienne et du chrétien lui-même. Le culte de la croix apparaît chez les premiers fidèles, mais ils ne la figurent pas sur leurs monuments avant le Ve s. (sinon sous les formes cryptées du T, de l'X ou de l'ancre).
❏
Le mot apparaît dans les récits de la Passion du Christ, désignant un instrument de torture fait de deux poteaux perpendiculaires et, spécialement (avec une majuscule), celui sur lequel le Christ a été crucifié. De là plusieurs sens religieux et mystiques à valeur symbolique et les locutions
signe de croix (
XIIIe s.),
porter sa croix (1541, Calvin) encore vivante et
faire la croix sur le dos « dire adieu, renoncer » (1579) qui a disparu.
◆
Diverses formes de croix sont désignées par des qualifications :
croix grecque, à quatre branches égales ;
croix latine, à branche verticale plus longue ;
croix de Saint-André, en X ;
croix de Saint-Antoine, en T ;
croix de Malte, à branches qui s'élargissent vers leur extrémité ;
croix de Lorraine, à deux branches horizontales de longueur inégale (symbole du gaullisme) ;
croix fléchée, potencée ; croix gammée*, autre nom de la svastika, celle-ci ayant acquis valeur symbolique attachée au nazisme ;
croix ansée, croix en T surmontée d'une anse, dite aussi
ankh, dans l'art égyptien.
◆
Par métaphore, le mot
croix exprime l'idée d'un tourment moral (1564), cette dernière disparue.
◆
Un grand nombre de valeurs particulières s'ordonnent au sens métonymique de « représentation de la croix » (
Xe s.), tant dans le contexte religieux (v. 980) que dans une symbolisation propre à plusieurs ordres de chevalerie, divers ordres de dignité (1680,
croix de Malte ; 1836,
croix de la Légion d'honneur) et associations (1864,
Croix-Rouge ; pris comme insigne de la neutralité des services d'aide médicale depuis la Convention de Genève).
■
Le mot désigne aussi simplement une marque formée de deux traits croisés (v. 1160, dans la locution en croix), sens réalisé notamment à propos d'une représentation graphique (v. 1395) et dans les locutions courantes faire une croix (pour se rappeler qqch.) et faire une croix sur (1851) « renoncer définitivement à ». L'ancienne forme de pile ou face était pile ou croix, parce qu'une face de la pièce de monnaie portait une croix.
◆
Concrètement, croix désigne une représentation ornementale, sculpturale de la croix chrétienne, un bijou en forme de croix. En français d'Afrique, croix d'Agadès désigne un bijou formé d'une croix à branches incurvées surmontée d'un anneau, appelée en français général croix du Sud.
❏
Le dérivé
CROISER v., d'abord
cruisier (1080) « disposer en croix », s'est spécialisé à l'époque des croisades (longtemps avant l'apparition de ce mot,
→ croisade) au sens pronominal de « s'engager pour la croisade en revêtant un vêtement portant la croix » (1174).
◆
Sur le plan spatial, le verbe exprime le fait de rencontrer qqn allant en sens contraire (v. 1360,
se croiser), sens transposé au figuré pour « suivre une direction opposée » (1620). Intransitivement, il est passé dans le vocabulaire de la marine, en parlant d'un navire qui va et vient dans des parages déterminés pour y surveiller la navigation (1671).
◆
Ultérieurement, il a reçu des acceptions techniques concrètes (1835,
croiser le fer avec qqn, en escrime) et abstraites, en biologie génétique et d'abord en zootechnie (av. 1782).
Croiser les bras, les jambes est usuel,
se croiser les bras ayant pris la valeur figurée de « ne rien faire ».
■
Son participe passé CROISÉ, ÉE, adjectivé par exemple dans mots croisés, a été substantivé dès le XIIe s. en parlant de celui qui part en croisade (→ croisade).
■
La dérivation du verbe est abondante dès l'ancien français : CROISEMENT n. m. (1195), supplanté par croisade dans son ancien sens historique, « fait de se croiser », désigne le fait de disposer en croix (1539) et l'action de croiser, avec des acceptions spécialisées en génétique (1809), escrime, musique et linguistique. Par métonymie, le mot désigne couramment le lieu où deux ou plusieurs voies (routes, rues) se croisent.
■
CROISERIE n. f. (fin XIIe s.), lui aussi apparu au sens de « croisade », s'est limité au sens technique d'« ouvrage de vannerie en brins d'osier entrecroisés » (1754) ; régionalement, il désigne aussi la croisée des chemins.
■
CROISETTE n. f. (v. 1170), tombé en désuétude, n'a gardé son ancien sens de « petite croix » que dans le nom d'une célèbre avenue de Cannes. Il a désigné un croisement de routes (encore dans des lieux-dits) et a reçu quelques sens techniques en héraldique (1254), marine, escrime, botanique.
■
CROISILLÉ, ÉE adj. (v. 1170) est dérivé de croix, par l'intermédiaire de l'ancien français croisille (av. XIIIe s.) qui a donné également CROISILLON n. m. (1375). Ce mot, qui désigne un élément qui en croise un autre dans le sens de la longueur, est courant en construction à propos de l'élément d'une fenêtre (1567).
■
CROISIÈRE n. f. (1285), lui aussi d'abord attesté aux sens de « croisade » et (1344) de « rencontre de deux choses qui se croisent », s'est spécialisé comme terme maritime à partir du XVIIe s., pour le parage où les vaisseaux vont croiser (1678).
◆
Son sens courant aujourd'hui, « voyage d'étude ou d'agrément sur un paquebot ou navire de plaisance » (d'où vitesse de croisière, au propre et au figuré), n'est attesté que depuis 1924 ; il est à peu près démotivé par rapport à croix et même au verbe croiser.
■
CROISÉE n. f. (1348), « endroit où plusieurs choses se coupent », est employé spécialement en architecture (1390, en parlant du carré du transept) et, plus couramment, dans l'expression croisée des chemins (au propre et au figuré).
◆
Après avoir servi à désigner concrètement le montant de métal ou de bois qui divisait l'ouverture d'une fenêtre (1508), il a pris son sens moderne de « châssis vitré qui ferme une fenêtre » (1690), acception qui tend à reculer au profit de fenêtre, sauf dans des usages régionaux.
■
CROISURE n. f. (1423) est passé du sens général d'« endroit où se coupent deux lignes » (conservé en héraldique) à l'acception technique de « tissure d'une étoffe croisée » et, littérairement, « action de croiser des rimes ».
■
Enfin, CROISEUR n. m., dérivé de l'acception maritime de croiser (1690), désigne un navire de guerre rapide destiné à surveiller les routes maritimes.
◈
De
croiser sont dérivés les préfixés verbaux
DÉCROISER v. tr., d'abord
descroisier (1221) « cesser d'être croisé », repris (1548) pour « faire cesser d'être en croix »
(décroiser les bras, les jambes).
◆
Il a pour dérivé
DÉCROISEMENT n. m. (1836), mot technique.
■
ENTRECROISER v. tr. (v. 1320), « croiser ensemble à plusieurs reprises », aussi pronominal, est plus courant, de même que son dérivé ENTRECROISEMENT n. m. (v. 1600), nom d'action et, par métonymie, de forme.
■
RECROISER v. tr., d'abord (1445) « remettre en forme de croix », s'oppose ensuite (1545) à décroiser et signifie « croiser de nouveau ».
◈
PORTE-CROIX n. m. et adj., d'abord (1571) au sens général de « (personne) qui porte une, la croix », s'est appliqué (début
XVIIe s.) à la personne qui porte la croix dans une procession, devant un prélat... En histoire (1704) les
porte-croix ou
chevaliers porte-croix sont les chevaliers de l'ordre créé par saint Étienne, roi de Hongrie.
❏ voir
CROISADE, CROSS, CRUCI-, CRUCIAL, CRUCIFIER, CRUZEIRO.
CROLLE n. f. est un emprunt du français de Belgique au néerlandais flamand krol.
❏
Le mot désigne (1856) une boucle de cheveux frisés.
❏
Les dérivés CROLLER v. intr. et CROLLÉ, ÉE adj. se disent des cheveux, pour « friser » et « frisé ». Ils sont attestés en même temps que crolle.
CROONER n. m. est emprunté (1946) à l'anglo-américain crooner (1930) désignant un chanteur populaire qui susurre des romances dans un micro qu'il tient près de lui. Ce mot est dérivé de to croon « murmurer », spécialisé à propos de cette technique vocale, lui-même issu d'un verbe anglais d'usage dialectal signifiant d'abord « mugir, gronder » (croyne et crune au nord de l'Angleterre et en Écosse). Des rapprochements avec le moyen bas allemand et le moyen néerlandais krōnen (néerlandais kreunen), voire avec l'ancien haut allemand chrōnnan, chrōnan, « papoter, babiller », font supposer une formation de type expressif.
❏
Le mot, d'abord employé à propos de chanteurs américains, tels Bing Crosby et Frank Sinatra, a été acclimaté à d'autres chanteurs, par exemple Jean Sablon.
?
CROQUANT, ANTE n. (1603) est d'origine controversée : certains le rattachent au provençal croucant « paysan » (av. 1650) issu du verbe crouca « arracher » (de croc* « croc ») parce que les paysans pauvres, révoltés pillaient et rançonnaient. Une autre hypothèse le rattache à croquer* pris dans un sens figuré, soit d'après les destructions commises par les paysans, soit, au contraire, selon Mézeray, parce que les paysans appelaient croquant le seigneur « qui les croquait » et que celui-ci leur aurait retourné le nom par dérision.
❏
D'abord appliqué péjorativement à un paysan, le mot se réfère spécialement (1608) aux paysans du Sud-Ouest qui, poussés par la misère, avaient pris les armes en 1594, sous Henri IV. On les appela à l'époque tard-avisés (parce que les guerres civiles s'apaisaient alors) et croquants, surnom que d'Aubigné interprète comme un nom issu de Crocq, ville de la Creuse où le mouvement aurait pris naissance (cependant, le nom est plus ancien). La révolte des croquants, qui éclata à nouveau en 1624 et fut écrasée une seconde fois, fut une insurrection contre la fiscalité royale et pour la défense de privilèges provinciaux contre la centralisation parisienne, plus qu'une véritable lutte sociale ; elle ne menaça guère la monarchie. Par extension, le mot fut employé avec des connotations péjoratives et rejoint les nombreux mots insultants à l'égard de la paysannerie à commencer par vilain et rustre. Ce n'est que beaucoup plus tard que le croquant fut réhabilité dans la légende folklorique, avec le roman d'Eugène Le Roy, Jacquou le Croquant (1899). Le mot, demeuré historique ou régional, a connu un regain de succès avec une chanson de Brassens.
CROQUER v. est formé (fin XIIIe s., crokier) sur un radical onomatopéique krokk- exprimant un bruit sec (→ crac, cric, croc).
❏
Le sens de « frapper », vivant jusqu'au
XVIe s., est sorti de l'usage ainsi que celui de « craquer » (1392), aujourd'hui restreint aux aliments qui
croquent sous la dent.
◆
Au
XVe s., le verbe a développé le sens transitif de « broyer sous la dent avec un bruit sec » (parfois absolument
croquer dans une pomme). Par métonymie, il a pris celui de « manger entièrement », aujourd'hui disparu, sauf avec la valeur figurée de « consommer entièrement, dilapider » (de l'argent).
■
Par l'intermédiaire du sens de « connaître superficiellement qqch. » (1611), il a reçu la valeur imprévisible de « prendre un dessin sur le vif » (1676) — Cf. le dérivé croquis — d'où, par extension, « esquisser un ouvrage » (1680), « décrire en notant l'essentiel ». C'est probablement là l'origine de l'expression jolie, belle à croquer (1798), à entendre comme « jolie au point de donner envie de prendre un croquis », cependant, une surmotivation par le sens figuré de « manger à belles dents », chargé d'une valeur érotique (morceau à croquer, 1739), est très vraisemblable.
En français de Belgique, croquer, avec le sémantisme de croc, croche, se dit pour « plier », s'agissant d'un objet rigide qui garde la marque du pli.
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Être croqué se dit d'une plante prise par la gelée, d'une personne qui subit une attaque (d'apoplexie).
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Les dérivés de
croquer se partagent entre une majorité de termes exprimant un bruit (domaine culinaire) et deux termes de dessin.
CROQUEUR, EUSE n. est le seul à réaliser les deux sens : apparu dans l'ancienne expression
crocqueur de pies (1548) « gros buveur », il désigne depuis le
XVIIe s. celui qui mange beaucoup (au propre et au figuré), puis l'artiste qui
croque un dessin. Il est entré, avec les valeurs du verbe, dans les syntagmes
croqueur de dot (1861) et
croqueuse de diamants (1952).
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1 CROQUET n. m. (1642), CROQUANTE n. f. (1716), CROQUETTE n. f. (1740) et CROQUANT n. m. (1829) désignent des préparations culinaires. Croquette est demeuré usuel, tant en pâtisserie et confiserie qu'en cuisine, pour des préparations hachées et salées ; il s'applique aussi aux aliments pour chiens et chats. Croquant s'est limité à la biscuiterie, remotivé par le sens de « qui croque sous la dent ».
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Le déverbal 1 CROQUE n. f. (1930) se rapporte familièrement à l'action de manger et à la nourriture. Cf. la bouffe.
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Les termes de dessin sont CROQUIS n. m. (1752) et plus rarement CROQUADE n. f. (1842), le terme le plus ancien, quasiment démotivé, étant resté vivant et usuel et ayant donné des dérivés argotiques (crobar pour croquebar).
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Le déverbal 2 CROQUE n'est en usage que dans la locution à la croque au sel (1718) « cru et salé ».
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Croquer a servi à formé plusieurs composés qui procèdent, plus ou moins clairement, de sens particuliers de
croquer. CROQUE-NOTE ou
CROQUENOTE n. m. (1767), « musicien pauvre souvent dépourvu de talent », vient de
croquer la note « la sauter, l'escamoter ».
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CROQUE-MORT n. m. (1788), « employé des pompes funèbres », réalise le sens figuré de « faire disparaître (le mort) ».
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CROQUE-MITAINE n. m. (1820) est d'origine obscure : il pourrait s'agir d'une composition comparable à celle de grippeminaud où mitaine désignerait le chat, compagnon du diable, à qui l'on enjoindrait de manger les enfants. Ph. A. Becker rapproche le second terme de mitaine « gifle, injure », attesté en moyen français. Le syntagme impératif croque-mitaine, « reçois cette injure », aurait été lexicalisé et utilisé pour son expressivité. Une autre hypothèse propose de voir en mitaine l'adaptation du néerlandais meitjen, correspondant à l'allemand Mädchen « jeune fille », mais ces étymologies ingénieuses se heurtent à l'attestation assez récente du composé.
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CROQUENOT n. m. (1866), dénomination familière d'un gros soulier, viendrait peut-être de croquer « craquer », par référence au bruit, à la marche ; cependant son mode de formation demeure obscur.
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Dans le domaine de la pâtisserie et de la cuisine, trois composés sont attestés.
CROQUEMBOUCHE n. m. (1845, écrit
croqu'en-bouche en 1808), puis
croque-en-bouche (1818), désigne une pâtisserie croquante, puis une pièce montée faite de choux à la crème glacés au sucre et croquants.
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CROQUE-MONSIEUR n. m. (attesté 1918 chez Proust) nomme un entremets chaud fait de pain de mie grillé au jambon et au fromage, devenu courant dans la restauration rapide des cafés (avec les pizzas, etc.) et appelé familièrement CROQUE n. m. (d'abord dans l'argot des cafés, dans les années 1970).
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CROQUE-MADAME n. m., variante analogique désignant un mets analogue garni d'un œuf, est moins usuel.
❏ voir
CROQUIGNOLE ; peut-être CROQUANT.
2 CROQUET n. m. est emprunté (1866) à l'anglais croquet (v. 1855) dans sa spécialisation en sport, lequel est emprunté soit à une forme normanno-picarde de crochet (→ croc), soit — plus probablement — au moyen français croquet « coup sec », dérivé de croquer* au sens de « frapper ». À la différence d'un autre nom de jeu, cricket, lui aussi d'origine anglaise, croquet est complètement francisé : le t final ne se prononce pas. Cependant, il s'est parfois écrit crocket au XIXe siècle.
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Le croquet fut véritablement lancé en Angleterre en 1867 ; il s'effaça devant les débuts du tennis. Le jeu, qui se joue avec des maillets et des boules qui doivent suivre un chemin, passer sous des arceaux, etc., eut un certain succès en France à la fin du XIXe s. et jusque vers 1930, mais n'y est plus guère joué que dans les familles. Le mot désigne aussi par métonymie le matériel nécessaire à ce jeu, le terrain.
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La vogue dont le croquet fut l'objet au XIXe s. nous a valu le verbe CROQUER v. intr. (1869) « jouer au croquet », francisation de l'anglais to croquet, qui est aujourd'hui sorti d'usage.
CROQUIGNOLE n. f. connu depuis le XVe s., est d'origine incertaine : on a allégué une dérivation de croquer* au sens de « frapper » (→ croquet) mais la finale reste obscure. P. Guiraud propose d'y voir un doublet diminutif et expressif de croque en -ign- (variante de -in-) et -ole.
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Le mot est synonyme de chiquenaude.
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D'après croquer* « broyer sous la dent », il a également désigné un petit gâteau sec et croquant (1562, croquignolles savoureuses). Ce sens, avec des référents différents, est encore vivant en français du Québec et d'Acadie (où l'on parle aussi de croquecignole), à propos d'une pâtisserie traditionnelle, variété de beignet au sucre.
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En sont dérivés CROQUIGNOL, OLE adj. (1936) « bizarre et ridicule », précédé par le nom propre comique Croquignol, qui évoque plutôt le geste de dérision (croquignole), rendu célèbre par les Pieds-Nickelés de Forton ; et le dérivé CROQUIGNOLET, ETTE adj. (1939), précédé par croquignolet n. m. nom de pâtisserie (1869), alors dérivé de croquignole n. f. et qui correspond à « mignon, attendrissant et ridicule ». Ces adjectifs connotent la dérision et l'ironie, valeurs fréquentes pour le suffixe argotique -ole (Cf. tartignole).
CROSNE n. m. est le nom commun tiré (1890) de Crosne, nom d'une localité de l'Essonne (alors Seine-et-Oise) où cette plante potagère au rhizome comestible, originaire du Japon, fut acclimatée pour la première fois.
CROSS ou CROSS-COUNTRY n. m. est — pour cross — l'abréviation (1892) de cross-country (1880), lui-même emprunt abrégé à l'anglais cross-country running, proprement « course (running) à travers (cross) la campagne (country) ». Cette expression date, semble-t-il, du XIXe s. ; l'anglais cross est la forme issue par aphérèse (v. 1400-1440), et aujourd'hui rare, de across « à travers » (XVIe s.), à l'origine « en forme de croix » comme l'indique l'ancienne forme a creoix (XIIIe s.), ultérieurement acclimatée d'après les formations en a- et le substantif cross « croix », du latin crux (→ croix). C'est l'adaptation de l'ancien français a-croix, remplacé par en croix*.
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Cross-country est toujours adjectif en anglais et la substantivation est française ainsi que l'abréviation en cross, forme aujourd'hui la plus courante. Le sport est venu d'Angleterre, dans une tradition de jeu de poursuite dans la campagne (Cf. la course au clocher du début du XIXe s.).
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Cross a permis de former en français
CYCLO*-CROSS n. m. (1919), « course de vélos sur parcours accidenté hors des routes », et
MOTO-CROSS n. m., SIDE-CROSS n. m., (1981).
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Le dérivé CROSSMAN n. m. (1981) [crossmen au pluriel] est formé avec l'élément man « homme » d'autres noms d'agent, mais n'existe pas non plus en anglais.
G
1 CROSSE n. f. est issu (1080), de même que ses correspondants italien et espagnol, du germanique °krukja « bâton à l'extrémité recourbée », que l'on peut déduire de l'ancien haut allemand krucka (allemand Krücke), de l'ancien saxon krukka et du moyen néerlandais crucke.
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Le mot désigne le bâton pastoral que portent les évêques et les abbés comme insigne de leur pouvoir spirituel et disciplinaire, bâton dont le bout est recourbé en volute. Par analogie, il a désigné un bâton aidant à marcher qui se pose sous l'aisselle (v. 1160) jusqu'à ce que béquille l'évince en ce sens.
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Il est utilisé comme terme de jeu dès le moyen français (1381), désignant le bâton servant à pousser la pierre ou la balle, et de là, le jeu lui-même.
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Le sens métonymique, « partie recourbée (d'un objet fabriqué) » (1616-1620), est réalisé dans plusieurs emplois et notamment en parlant d'une arme à feu ; le changement de forme de cette dernière (de recourbé en droit) n'a pas fait abandonner le mot, qui désigne la partie de l'arme à feu individuelle permettant de la saisir ou de coucher en joue. Le mot s'applique aussi à la partie recourbée d'un objet naturel en anatomie (crosse de l'aorte, av. 1752) et en botanique (crosse de fougère).
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En sont dérivés
CROSSÉ, ÉE (
XIIIe s.) qui correspond au sens religieux du nom
(abbé crossé et mitré), 1 CROSSER v. tr. (1270,
crochier ; fin
XIIIe s.,
crocier), apparu au sens de « pousser la balle avec une crosse » (aujourd'hui rare), puis « frapper, malmener (avec une crosse) » et au figuré « critiquer, mépriser » (1740), et
CROSSETTE n. f. (1551 ;
XVe s.,
crochette en picard), employé en architecture et en agriculture.
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Le terme familier
2 CROSSES n. f. pl. (1881), utilisé dans la locution
chercher des crosses à qqn « lui chercher querelle », est probablement le déverbal d'un autre
2 CROSSER v. intr. (1790) « se plaindre » et, dialectalement, « glousser », issu du latin
glocire (→ glousser) avec influence de
crosser « battre à coups de crosse », le mot étant aujourd'hui rattaché à
1 crosse par étymologie populaire.
❏ voir
CRESSON.
CROSSER v. tr. → 1 CROSSE
2 CROSSES n. f. pl. → 1 CROSSE
CROTALE n. m. est emprunté (1596) au latin crotalum, lui-même transcription du grec krotalon (surtout au pluriel krotala) « castagnettes, crécelle ». Ce dernier est dérivé de krotos « coup qui résonne » (des mains qui applaudissent, des pieds des danseurs et des chevaux, etc.), auquel répond krotein, verbe plus ancien et plus fréquent signifiant « heurter, faire résonner », « frapper un objet qui résonne ». Ce dernier est issu d'une racine indoeuropéenne représentée en germanique dans le verbe anglo-saxon hrindan, hrand, le vieux norrois hrinda, hratt « frapper ».
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Le mot a été introduit comme terme d'antiquités grecque et romaine, désignant (au pluriel) un instrument à percussion utilisé dans le culte de Cybèle et pour accompagner la danse. Furetière (2e édition, 1701) le définit comme « tambour de basque ». Actuellement, il s'emploie pour désigner un instrument à percussion chez certaines peuplades d'Afrique et, plus couramment, au singulier (1804 en latin scientifique) comme dénomination d'un serpent venimeux qui porte au bout de la queue des cônes creux produisant un bruit de crécelle (d'où sa dénomination courante de serpent à sonnettes).
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Son sens particulier de « chef de salle » dans l'argot de Polytechnique (1882) vient probablement de celui de serpent* au même sens, lequel est une déformation probable de sergent*.
❏ voir
CROULER.
L
CROTCHON, CROCHON n. m., avec d'autres variantes (crotzon, crotion), est un mot du domaine francoprovençal, attesté aussi en occitan (XIVe s.), qui s'est maintenu en Suisse (attesté depuis 1808). Cette forme est issue du latin crusta (→ croûte) et correspond au français central croûton. Crotchon, à côté de croûtion, s'emploie dans le canton de Vaud, crochon à Genève pour « quignon (de pain) », parfois « trognon (de pomme) ».
CROTON n. m. est la francisation en botanique (1791) du latin impérial croton, emprunt au grec kroton « ricin ».
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Le mot dénomme une plante (Euphorbiacées) arborescente ou arbustive, dont une variété qui croît en Asie et en Afrique tropicale produit des graines, appelées (petits) pignons, dont on extrait une huile laxative (huile de crotons) et une autre, en Extrême-Orient, une gomme laque, après piqûre de la tige par une cochenille.