G CROTTE n. f., d'abord crote (fin XIIe s.), est probablement issu d'un francique °krotta que l'on peut supposer d'après le rhénan krotz « brique mal moulée », « épaisse motte de terre », « fruit rabougri », le sens originel étant celui d'« excrément globuleux, fiente de lapin, de chèvre ». L'hypothèse d'un emprunt au moyen néerlandais krotte « boue déposée sur les vêtements » (1559) est moins satisfaisante pour une raison chronologique et parce que ce sens semble lui-même emprunté au français.
❏  Le mot, d'abord attesté dans crottes de chèvre, désigne les fientes globuleuses de certains animaux et, par extension, les excréments solides des animaux. Il fournit un synonyme familier d'excrément, en parlant des fèces de l'homme. De là lui viennent ses emplois en interjection (de dépit, d'impatience) et, avec une valeur dépréciative, de « chose sans valeur », aussi sous la forme crotte de bique (aussi interjection). ◆  Par antiphrase, il est employé (1898) comme terme affectueux, de même que la dénomination crotte en chocolat (v. 1900).
■  Son sens second, ancien, « boue des chemins » (v. 1278, au pluriel) est vieilli, même dans les locutions figurées du type être dans la crotte « vivre dans la misère ».
❏  Le dénominatif CROTTER v. (XIIe s.) se partage entre le sens transitif de « couvrir de boue », aujourd'hui archaïque, aussi au pronominal, et le sens intransitif « faire une crotte ». ◆  Le participe passé adjectivé CROTTÉ, ÉE (v. 1170) est plus vivant que le verbe au sens de « couvert de boue » (surtout régional de nos jours) ; par métaphore, il est employé au sens de « pauvre » (un jupon crotté « une miséreuse », Zola).
■  L'antonyme DÉCROTTER v. tr. (v. 1225), « nettoyer qqch. ou qqn en enlevant la saleté », se rapporte entièrement au sens ancien de crotte « boue » ; il s'applique surtout aux chaussures et compte quelques emplois analogiques figurés, comme « débarrasser (qqn) de sa rusticité » (1680). ◆  Il a produit DÉCROTTEUR, EUSE adj. et n. (1534) qui a perdu le sens figuré ancien de « personne qui dit rapidement », DÉCROTTOIR n. m. (XVIe s., descrotouer), nom d'ustensile passé du sens de « brosse » à celui de « lame de fer fixée aux portes pour décrotter les chaussures », et DÉCROTTAGE n. m. (1789).
■  L'adjectif INDÉCROTTABLE adj. (1611) est rare au sens concret, « que l'on ne peut nettoyer », mais c'est le seul mot du groupe à s'être répandu dans l'usage courant avec le sens figuré, « qu'on ne peut débarrasser de ses manières grossières », puis « de ses habitudes invétérées » (av. 1654).
Le dérivé de crotte, CROTTIN n. m. (v. 1346), nom donné aux excréments de certains animaux (mouton, cheval, âne) formés d'un amas de parcelles arrondies, a donné son nom à un fromage de chèvre sec sous forme de petit cylindre aplati, surtout en désignation spécifique (crottin de Chavignol).
1 CROUILLE adj., graphie normalisée à côté de croye, représente un type dialectal noté croi « mauvais, méchant », attesté de l'Auvergne au sud et à l'est de la France, jusqu'en Suisse romande. Les valeurs sémantiques vont de « méchant » à « en mauvais état, chétif ». Il a gardé ses valeurs en français de Suisse, où il est toujours antéposé (un crouille habit). À propos des humains, il s'emploie pour « malin, rusé, farceur » et est plutôt amical ou affectueux (enfants).
2 CROUILLE ou CROUILLAT n. m. est un emprunt (1917) à l'arabe algérien hūya « frère », entendu comme appellatif entre soldats maghrébins et transformé en français en terme injurieux et raciste pour « maghrébin », par la même péjoration raciste qui a frappé le mot sidi. Répandu par l'argot dans les années 1930, le mot fait partie du répertoire raciste ; heureusement il a vieilli.
L CROULER v. intr., d'abord croller (v. 980), est probablement issu d'un latin populaire °crotalare « secouer », dérivé du latin impérial crotalum (→ crotale). Une hypothèse moins probable le fait remonter à un latin populaire °corrotulare proprement « faire rouler », dérivé de rota (→ roue) par l'intermédiaire de °corrotare, largement attesté dans les parlers rhéto-romans et de l'Italie septentrionale au sens de « tomber en ruine ».
❏  Le sens primitif, « secouer, ébranler, trembler, vaciller » (transitif et intransitif), semble confirmer l'hypothèse étymologique de °crotalare. ◆  Il a totalement disparu en dehors de l'emploi du participe présent CROULANT, ANTE, qualifiant une personne âgée (1155-1160), aujourd'hui irrespectueux et familier (substantivé par les adolescents en parlant de leurs parents, v. 1944). Il survit également dans un emploi transitif technique en vénerie (1754) en parlant du chien qui agite la queue de peur.
■  Une spécialisation de ce sens correspond à « lancer » (1080, crouler un javelot), lui aussi propre à l'ancien français.
■  L'usage moderne se limite au sens de « tomber en ruines, s'affaisser » (1177-1180) et à son extension figurée « être surchargé de, accablé par » (1831, en parlant d'applaudissements).
❏  CROULEMENT n. m., d'abord crollement (v. 1120), a cédé la place à écroulement.
■  Dans le cas de CROULIER, IÈRE (v. 1200, crollière), la suffixation en -ier, -ière d'un radical verbal fait difficulté, mais elle peut être due à des synonymes, tel mareschiere, CROULIÈRE désignant à l'origine un sol sablonneux et mouvant ; de nos jours, il est uniquement employé comme adjectif au sens de « marécageux, mouvant ».
Crouler a produit le composé S'ÉCROULER v. pron. (1690 ; d'abord XIIIe s., comme verbe transitif), sémantiquement très voisin. Son premier emploi, avec un sujet désignant une entité abstraite et le sens de « subir une destruction brutale », date de la Révolution (1790). ◆  Depuis 1880, avec un nom de personne pour sujet, il signifie « se laisser tomber lourdement » (dès 1842, au figuré). La construction s'écrouler de (peine, rire) redouble crouler de, « être accablé de ».
■  Ce verbe a produit ÉCROULEMENT n. m. (1587 ; 1561, ecrollement « action d'ébranler »), beaucoup plus usuel que CROULEMENT et plus apte que lui à exprimer le sens abstrait de « destruction complète et soudaine » (av. 1742).
CROULE n. f., certainement antérieur à son attestation dans les dictionnaires (1863) et qui désigne l'appel amoureux des bécasses à la tombée du jour, au printemps (utilisé dans chasse à la croule), est le déverbal d'un autre verbe 2 CROULER. Celui-ci, attesté une fois en 1555 au sens de « roucouler » et repris fin XIXe s. au sens de « crier, de la bécasse au moment des amours », est l'altération de l'allemand grillen « crier » sous l'influence de 1 crouler.
❏ voir GROUILLER.
G + CROUPE n. f., d'abord crupe (1080), est issu d'un francique °kruppa, que l'on peut déduire de l'ancien bas allemand kropf, de l'anglo-saxon cropp, du moyen néerlandais crop, de l'ancien norrois kroppr « jabot, panse, bosse ».
❏  Le mot désigne la partie postérieure de certains animaux (en particulier les chevaux) et a développé très tôt (v. 1174) le sens ironique de « derrière humain rebondi » avec des connotations érotiques, particulièrement à propos d'une femme (1690), dans la mesure où elle est plus souvent que l'homme considérée comme objet de désir. ◆  Par analogie, il désigne la partie supérieure d'une élévation de terrain (apr. 1350), sens assez usuel, et techniquement un pan de charpente triangulaire qui constitue l'une des petites faces d'un comble et, en architecture, la partie supérieure et arrondie du chevet d'une église.
❏  Les dérivés sont nombreux. ◆  CROUPIÈRE n. f. (v. 1165, crupiere) désigne techniquement la longe de crin qui passe sur la croupe d'une monture et parfois, par métonymie, la partie de la croupe sur laquelle passe la longe. Il entre dans la locution tailler des croupières à qqn (1616) « l'attaquer rudement » par référence à celui qui met en fuite l'ennemi et, le poursuivant par derrière, coupe la croupière de son cheval. Il a été repris en marine où il désigne le cordage servant à amarrer l'arrière du bateau à un quai ou à un navire voisin, sens qu'il partage avec le terme spécifique CROUPIAT n. m. (1845 ; 1382, groupiail ; 1694, croupias).
CROUPIR v. intr., d'abord à la forme pronominale, a eu le sens de « se mettre assis, les fesses sur les talons » (v. 1178) ; celui-ci a disparu, remplacé par s'accroupir (ci-dessous) et a laissé place au sens moderne (XVIIe s.) à partir d'emplois tels que croupir longtemps dans un endroit (1549), comportant une connotation d'« état pénible ». Dès 1545, son participe passé a été appliqué à un liquide stagnant qui se corrompt.
■  Du verbe sont issus CROUPISSANT, ANTE adj., le terme d'agriculture CROUPISSOIR n. m. (1835) « fossé où l'on fait pourrir des herbes pour en obtenir de l'engrais ».
■  CROUPISSEMENT n. m. (1610) et CROUPISSURE n. f. (1886) « liquide croupi » sont rares et d'usage soutenu.
Le sens physique de croupir s'est maintenu dans le préfixé verbal. S'ACCROUPIR v. pron. (fin XIIe s.), proprement « s'asseoir sur la croupe » (d'un animal) et « s'asseoir le derrière sur les talons » (1384), valeur qui a contribué au changement de sens de croupir.
■  En est issu ACCROUPISSEMENT n. m. (1555).
CROUPON n. m., d'abord crepon (1180-1190) « croupe d'un animal », est sorti de l'usage avant d'être repris en peausserie comme nom de la partie la plus épaisse et la plus ferme d'une peau tirée de la croupe d'un animal (1723).
■  À CROUPETONS loc. adv., d'abord au singulier (1180-1190), a peut-être subi l'influence de à bouchetons et désigne la position décrite par le verbe croupir en ancien français, puis par s'accroupir en français moderne.
Un autre dérivé de croupe, CROUPION n. m. est apparu au XVe s. (v. 1460) avec le sens familier de « partie postérieure du bassin humain » avant de prendre son sens courant de « saillie postérieure du corps des oiseaux » (v. 1538). Il traduit spécialement (1838) l'anglais rump dans Rump Parliament (1659), surnom donné par les adversaires de Cromwell au “Long Parliament” convoqué par Charles Ier en 1640, dissout par Cromwell en 1653 et convoqué à deux reprises. Par extension, il s'est dit d'un organisme politique qui n'est plus que le résidu d'un autre qui était réellement représentatif. ◆  Son dérivé CROUPIONNER v. intr. (1858) signifie « lever la croupe pour ruer » (d'un cheval) et s'applique par analogie à un être humain qui remue le derrière en marchant.
■  CROUPADE n. f. (1642), également grouppade au XVIIe s. sous l'influence de l'italien gruppata, appartient au langage de l'équitation, désignant un saut que le cheval fait en troussant les jambes de derrière.
CROUPIER n. m. (1657), après l'ancien français croupier (v. 1225) « sédentaire, qui demeure assis », est apparu comme adjectif dans cavalier croupier « qui monte en croupe derrière qqn ». ◆  Avec cette idée de « personne assise derrière », il a pris au XVIIe s. (1690) le sens figuré de « personne qui, à certains jeux, est associée à un autre joueur et se tient derrière lui », avant de s'appliquer à la personne qui dirige les jeux dans une maison de jeux (v. 1797), sens toujours usuel. ◆  Parallèlement, dans le domaine des affaires (1690), il a désigné d'abord un associé secret dans un traité, puis un tiers pris en sous-ordre par un associé pour partager risques et profits, et qui se dissimule derrière cet associé.
❏ voir GROUPE.
CROUPIR → CROUPE
CROUSILLE → CREUX
CROUSTADE n. f. est probablement emprunté (1712) à l'italien comme plusieurs termes de cuisine (caviar, céleri, cervelas). L'italien crostata (v. 1250), dérivé de crosta (→ croûte), constitue en effet une hypothèse préférable à l'emprunt au languedocien croustado « tourte » attesté seulement depuis 1756.
❏  Le mot, apparu dans pâté de croustade, est utilisé seul (1735) à propos d'une croûte en pâte garnie de préparations diverses.
CROUSTILLER v. intr. est emprunté (1612) au provençal croustilha, mot de même sens dérivé de crousta (→ croûte).
❏  Le sens premier, « manger une croûte de pain », s'est prolongé par extension dans l'emploi familier pour « boire et manger de petites croûtes après le repas pour être plus longtemps à table » (1690), puis dans le sens argotique de « manger », éliminé par croûter (→ croûte). ◆  L'accent étant mis sur le bruit d'une croûte qui se brise, le verbe a pris le sens de « craquer légèrement sous la dent » (sans résister autant que ce qui croque) et par extension « produire de petits craquements ».
■  Le sens figuré, « être grivois, léger » (XVIIIe s.), correspondant à celui de croustillant, est archaïque.
❏  Son premier dérivé, le déverbal CROUSTILLE n. f. (1680) est d'usage rare et familier avec ses sens de « petite croûte » et de « collation » ; au Canada, il sert à désigner les lamelles de pommes de terre frites, pour éviter l'anglicisme chips. C'est plus un mot écrit, publicitaire souvent, qu'un mot spontané. ◆  Son diminutif CROUSTILLON n. m. (1852) « petite croûte de pain » est peu usité et désigne un beignet en Belgique.
■  Le participe présent CROUSTILLANT, ANTE adj. (v. 1751) a été adjectivé avec le sens figuré d'« amusant, piquant, grivois », puis le sens concret de « craquant sous la dent » (1832).
■  Quant à l'adjectif de sens figuré CROUSTILLEUX, EUSE, attesté par les dictionnaires du XVIIe s. au sens large de « qui fait rire, bouffon » et parfois « extravagant, ridicule, impertinent », il ne s'est maintenu qu'en tombant sous l'influence sémantique de croustillant « grivois ».
L CROÛTE n. f., d'abord croste (v. 1100), est issu du latin crusta « revêtement rugueux et durci », « revêtement appliqué sur une surface plane », en particulier « plaque de métal rapportée sur un objet et formant un bas-relief » par opposition à emblema « haut-relief » (→ emblème). Crusta a été rapproché d'un groupe de mots incluant le grec kruos « froid, glacial », le vieil islandais hriósa « frissonner » et le letton krevé « croûte » (d'un glacier).
❏  Le mot, apparu en parlant d'une croûte de sang, est devenu un terme de médecine (1314) et, par extension de l'idée de « revêtement durci », désigne la partie superficielle durcie qui s'attache à qqch. (1690), spécialement en géologie (1855, croûte terrestre). ◆  Son emploi figuré, au sens de « couche superficielle » (v. 1230) dans des syntagmes du type croûte de culture, d'ignorance, a décliné au profit de vernis ou de couche, croûte ayant acquis des connotations trop péjoratives. ◆  En revanche, d'autres sens figurés familiers se sont maintenus : « mauvaise peinture » (1757 ; 1730, « tableau faux »), par référence à une couche de peinture grossièrement appliquée sur la toile, et « personne bornée et routinière » (1844), par allusion, comme croûton, à une vieille croûte inutilisable, considérée comme un déchet. ◆  En ce sens, croûte a commencé à être employé comme adjectif dans le jargon des artistes du XIXe s. au sens de « désuet et ridicule » (le comble étant, rappelle Balzac dans Les Paysans, en 1850, d'être taxé de croûte-au-pot, du nom d'un potage avec des croûtes de pain) Cf. tarte.
■  Employé dès le XIIe s. à propos de la partie extérieure du pain durcie par la cuisson, des restes de pain dur, croûte a fait fortune dans le domaine culinaire, où il n'est pas péjoratif. ◆  Par métonymie, le mot s'applique à un repas sommaire dans l'expression casser la croûte (1878), en concurrence avec casser la graine ; plus généralement, il recouvre une idée de « nourriture, subsistance » dans gagner sa croûte (1900). ◆  Toujours dans le domaine culinaire dès le XIIe s. (v. 1165), il désigne la pâte enveloppant une préparation de viande, ensuite opposé à pâté, lorsque ce mot désigne non plus l'ensemble mais ce qui est entouré de pâte (pâté en croûte est un pléonasme étymologique), et en général toute pâte cuite qui entoure une préparation culinaire (1611) [en croûte] (→ croustade). Croûte dorée, équivalent du français de Suisse au pain perdu ou pain doré de France, est attesté indirectement par le latin médiéval (crostas deauratas) en 1481. ◆  Par métonymie, croûte désigne diverses préparations comportant soit des croûtes de pain, soit une pâte cuite ; par analogie, il s'applique aussi à la partie superficielle du fromage (que l'on ne mange généralement pas).
❏  Le dénominatif CROÛTER v. tr., d'abord croster (v. 1100), a signifié « s'encroûter » en parlant du pain, puis « couvrir d'une croûte » (av. 1593). Il n'est guère vivant qu'avec le sens argotique (1879) puis familier de « manger un morceau ».
■  On en a tiré au XXe s. le terme d'agriculture CROÛTAGE n. m. « dessèchement de la couche superficielle du sol ».
Le diminutif CROÛTELETTE n. f. (v. 1280), formé en médecine à propos d'une petite croûte sur la peau, désigne aussi (1611) une croûte de pain ; il est quasiment inusité.
■  CROÛTEUX, EUSE adj. (XIVe s.) qualifie ce qui forme une couche durcie ou qui est recouvert d'une couche durcie.
■  CROÛTON n. m., après une attestation obscure (av. 1596), a été repris (1669) avec son sens usuel d'« extrémité de pain », s'appliquant aussi à un petit morceau de pain frit ou grillé. ◆  Le mot partage avec croûte le sens figuré familier de « personne bornée, arriérée » (1838) et celui de « peintre qui ne peint que des croûtes » (1808), d'où CROÛTONNER v. tr. (1853) « peindre comme un croûton ».
■  La nourriture reçoit avec CROUSTANCE n. f. (1918, avec le suffixe de bouffetance) un nom argotique. Croûtonner, à côté de croustiller puis de croûter, s'est employé (1887) pour « manger des croûtons » puis « mal manger ».
Croûte a aussi donné des composés verbaux préfixés.
■  ÉCROÛTER v. tr. (XIIe s., escrouter), proprement « dégarnir de sa croûte », signifie techniquement « labourer une terre surperficiellement » (1845).
■  ENCROÛTER v. tr. (1538) est attesté depuis 1782 avec son sens figuré familier d'« enfermer comme sous une croûte qui interdit toute vie » (surtout s'encroûter, adjectivement encroûté, ée). ◆  Il a produit ENCROÛTEMENT n. m. (1546), au propre et (1848) au figuré, et l'antonyme DÉSENCROÛTER v. tr. (1845), surtout utilisé avec le sens technique de « débarrasser un tuyau de ses incrustations ».
❏ voir CASSE-CROÛTE (art. CASSER) et CROTCHON, CROUSTADE, CROUSTILLER, CRUSTACÉ, INCRUSTER.
CROWN-GLASS n. m. inv. est un emprunt scientifique (1764) à l'anglais crown glass « verre [glass] de couronne [crown] », attesté en 1706 (Oxford dict.).
❏  Le mot désigne en optique un verre très transparent servant à faire des lentilles.
CROZET ou CROUZET n. m. est une spécialisation de l'ancien français crozet, du latin °crosus, qui aurait donné creux, forme hypothétique d'origine gauloise.
❏  Dans la région des Alpes, ce mot, « petit creux », désigne des pâtes de farine de froment et de sarrazin, coupées en petits carrés.
CROYABLE, CROYANCE, CROYANT → CROIRE
L 1 CRU, CRUE adj. est issu (1165-1170) du latin crudus, adjectif dérivé de cruor. Ce nom provient d'une racine indoeuropéenne exprimant les notions de « chair crue » et de « sang répandu », représentée dans le sanskrit kravyam « chair crue », le grec kreas, kreatos « chair saignante » (→ pancréas). En latin, ce sens étant celui de caro (→ chair), cruor s'est spécialisé au sens de « sang répandu », différencié de sanguis que les bons auteurs réservent au sang qui se trouve dans le corps. Crudus exprime donc l'état « saignant » et l'action « qui fait couler le sang » ; il a pris la valeur figurée de « qui aime le sang, la violence » (→ cruel) tandis que, sur le sens de « saignant », s'est greffé celui de « non soumis à l'action du feu », à propos de la nourriture (par opposition à coctus « cuit »), d'où « non digéré, non digestible », « non mûr » et, au figuré, « vigoureux ».
❏  L'adjectif français qualifie ce qui n'a pas subi de cuisson. Par analogie, il se rapporte à une matière première (cuir, soie) non préparée (1268) ; en ce sens, il est aujourd'hui couramment concurrencé par brut (cuir) et par son composé écru (soie). Depuis 1765, il qualifie spécialement une eau trop chargée en sels pour permettre de dissoudre le savon et de cuire les légumes. ◆  Le sens second, « humide et froid » (v. 1360), s'est maintenu dans les parlers de l'est et du nord de la France, en Belgique, au Canada et en Suisse (où il qualifie aussi un lieu, un local). Ailleurs, notamment en France, il est soit stylistique, soit d'usage local. ◆  Par l'intermédiaire de l'idée d'« absence de préparation, d'atténuation », cru s'emploie au figuré pour « exprimé sans détours, sans ménagement » (1460). D'abord employé avec une connotation de « franchise », il a peu à peu glissé vers la valeur péjorative de « contraire aux bienséances, indécent » (1819). ◆  Dans le domaine des sensations visuelles, il signifie particulièrement (av. 1754) « criard, discordant ». ◆  Il est entré en moyen français (XIVe s.) dans la locution adverbiale à cru, reprise au XVIIe s. dans l'expression monter à cru (1660) qui exprime l'idée d'un contact direct avec la peau de l'animal, l'absence de selle.
■  L'emploi substantivé le cru assume le sens général de « ce qui est cru » (Le Cru et le Cuit, ouvrage de C. Lévi-Strauss) et spécialement, en céramique, le sens concret de « produit séché non cuit ».
❏  CRÛMENT adv. (1559, cruement) réalise surtout des sens figurés de l'adjectif dans le domaine de l'expression et (1832) des sensations visuelles.
ÉCRU, UE adj. et n., d'abord (1245) dans un emploi substantivé désignant un vêtement de toile non traitée, est dérivé de cru avec le préfixe é- à valeur intensive ; son sens de « à l'état naturel, qui n'a subi aucune préparation » (1260) s'est spécialisé techniquement en parlant d'un textile, d'un cuir, d'une pâte à papier. ◆  En référence à la toile, à la soie écrue, il est employé comme adjectif de couleur.
CRUDITÉ n. f. est emprunté (1398) au dérivé latin cruditas « indigestion » et, au figuré, « rancœur, amertume », employé au pluriel pour des aliments non cuits, non digérés. L'idée de « non maturité » (1577) a été éliminé au profit d'« état de ce qui n'est pas cuit » (1596), dont procède, par métonymie, le sens courant du pluriel crudités « aliments, légumes consommés crus » (1834). ◆  Transposé au figuré, le mot s'applique à la brutalité des couleurs (1754) et à la violence non atténuée de l'expression (av. 1799, crudité des injures), domaine dans lequel un emploi métonymique, pour « discours brusque et désobligeant », est attesté dès le XVIIe s. (1690).
CRUOR n. m., emprunt savant au latin cruor (voir ci-dessus), apparaît au XVIIIe s. en anatomie (1765) pour désigner la partie coagulable du sang, par opposition à sérum*.
❏ voir CRUEL, ÉCROUIR, RECRUDESCENCE.
2 CRU → CROÎTRE
CRUAUTÉ → CRUEL
CRUCHADE n. f. est emprunté (attesté 1823) à un mot dialectal du sud-ouest de la France, probablement dérivé du gascon cruchi « cuire sur la braise », d'un radical exprimant le résultat de la cuisson, qui est croquant, croustillant. Ce mot provient du francique krussjan « crisser ». L'évolution de sens a pu rapprocher le mot d'un autre mot français d'origine germanique, cruche, puisque cruchade désigne régionalement une bouillie de maïs, cuite dans un récipient.
G CRUCHE n. f. est issu (1178) d'un francique °krûkka (restitué par l'anglo-saxon crocca et l'islandais krukka) qui est lui-même une variante de °krucka (moyen haut allemand krûche, moyen néerlandais crûke), forme dont procède l'ancien français cruie (v. 1230).
❏  Le mot désigne un récipient à anse et, en Suisse (1862), une bouillotte. Par métonymie, il se réfère au contenu d'une cruche, empiétant sur le sens spécifique de CRUCHÉE n. f. (v. 1220) aujourd'hui quasiment sorti de l'usage. ◆  Par un développement métaphorique analogue à celui de pot, casserole, cruche s'applique comme nom (1633) et comme adjectif à une personne ignare et niaise.
❏  En est dérivé CRUCHON n. m. (av. 1300) « petite cruche », spécialement « bouteille de grès remplie d'eau bouillante pour chauffer un lit » et, par métaphore, sur le modèle de cruche, « idiot, bêta ». ◆  Ce mot a supplanté CRUCHETTE n. f. (v. 1450).
CRUCI- est un élément repris au latin crux, -ucis (→ croix) entrant dans la formation de mots savants.
❏  CRUCIFÈRE adj. (1690) est emprunté au latin crucifer « qui porte la croix » (de crux et de ferre « porter »). Il signifie « qui présente une croix » et, spécialement en botanique (1762), « qui porte une fleur en forme de croix ».
■  De là, on a appelé successivement crucifères (1762), cruciférinées (XIXe s.) et CRUCIFÉRACÉES (XXe s.) les plantes ayant une fleur de cette forme.
■  CRUCIFORME adj., « en forme de croix » (1754), a existé au XVIIe s. avec le sens de crucifère (1694).
■  Le composé le plus récent, bien qu'il soit didactique, est le plus courant : CRUCIVERBISTE n. (1955) « amateur, auteur de mots* croisés », s'est mieux répandu que le dérivé mot-croisiste.
CRUCIAL, ALE, AUX adj. est dérivé (1561) du radical du latin crux, -ucis (→ croix), avec le suffixe -al.
❏  Le mot a été introduit en médecine pour qualifier un muscle en forme de croix, sens qui a reculé au profit de cruciforme. Il a été réemprunté (1911), avec son sens moderne de « décisif, capital », à l'anglais crucial : celui-ci, repris au français (1760), a en effet développé le sens abstrait de « décisif, permettant de trancher entre deux hypothèses », dans l'expression crucial instance (1830). Celle-ci est calquée sur l'expression latine instantia crucis « l'épreuve, l'expérience de la croix », créée en 1620 par le philosophe F. Bacon pour désigner une expérience permettant d'écarter une des deux explications également plausibles d'un phénomène, par référence aux croix disposées aux bifurcations des routes qui figurent ces hypothèses. Newton emploie l'expression experimentum crucis avec la même valeur.