DAMAS n. m. (1380), d'abord damasque (1352), est tiré du nom de la ville de Damas, en Syrie, une des plus importantes villes commerciales au moyen âge.
❏
Le mot a été emprunté pour désigner une étoffe monochrome ornée de dessins satinés en relief sur fond mat, formés par le tissage. Ultérieurement, il a servi à désigner quelques autres produits importés originairement de la ville de Damas, notamment une sorte de prune dont le plant provient de Damas, nommée prune de Damas (XVe s.), puis elliptiquement damas (1545) [le bas latin avait damascena en ce sens]. Au XVIIIe s., il est passé en métallurgie, à propos d'un métal utilisé pour les lames de sabre (d'où le sens métonymique de « sabre », 1732), obtenu par un alliage de fer et d'acier dont les teintes diverses dessinent des motifs variés (1762, acier de Damas ; 1783, damas).
❏
En est dérivé
DAMASSÉ, ÉE adj. (1386), employé en tissage, également en emploi substantivé (1646), et en métallurgie (1783) où il concurrence
damasquiné (→ damasquin).
■
L'infinitif DAMASSER, inusité, a permis la production de DAMASSURE n. f. (1556) « ouvrage de linge damassé » et « dessin figurant sur la toile damassée ».
■
DAMASCÈNE adj. (in P. Larousse 1870), emprunté au bas latin, qualifie ce qui est relatif à la ville de Damas, damasquin* étant sorti d'usage en ce sens.
◈
DAMASSINE n. f. est pris, d'abord sous des formes un peu différentes (
dalmaisine, 1551) au latin
(pruna) damascena « (prune) de Damas ». Le mot est en usage en français de Suisse, à propos d'une petite prune ronde d'un rouge violet, et de l'alcool tiré de cette prune.
DAMASQUIN, INE adj. et n. est emprunté (1405-1406) à l'italien damaschino « étoffe tissée à la manière de celles de Damas » (XVe s.), également, en emploi adjectif « de Damas » (drappo dammaschino), dérivé de Damasco, nom italien de Damas (→ damas).
❏
Le mot désigne une étoffe tissée à la manière de celles qui étaient fabriquées à Damas (au masculin puis surtout au féminin) ; il a qualifié (1445) ce qui est relatif à Damas, emploi disparu au profit de damasquiné.
❏
Le dénominatif DAMASQUINER v. tr., d'abord DAMASQUINÉ, ÉE adj. (1537), et ses dérivés DAMASQUINEUR n. m. (1558), DAMASQUINERIE n. f. (1571), rare, DAMASQUINAGE n. m. (1611) et DAMASQUINURE n. f. (1611), se rapportent à l'incrustation à froid de petits filets (d'or, d'argent, de cuivre) formant décor dans un autre métal.
1 DAME interj., attesté pour la première fois en 1665 (Molière, Dom Juan, III, 1), mais certainement antérieur, comme le juron tredame, attesté en 1690, est issu, par abréviation, de par nostre dame ou de damedieu, « Seigneur Dieu », invocation médiévale fréquente devenue juron. L'expression existe en latin ecclésiastique sous la forme domine deus, de dominus « maître », de domus « maison » (→ dôme) et deus (→ dieu).
❏
Le mot n'est plus compris et rattaché aujourd'hui à 2 dame* ; il s'employait encore couramment au XIXe s., en milieu rural, notamment dans dame oui !, dame non ! Dame ! employé seul, ou et dame, se dit encore en Bretagne, à côté de ma doué.
L
2 DAME n. f., d'abord dama (v. 1050), est issu du latin domina, contracté en domna (Ier s. apr. J.-C.), « maîtresse de maison, épouse », « amie », « maîtresse », « souveraine ». Le mot est le féminin de dominus (→ dom, domino), dérivé de domus « maison » (→ dôme). Voir schéma page suivante.
❏
Le mot est d'abord l'appellation d'une femme de haut rang, par opposition à
demoiselle qui désigne la femme d'un bourgeois, au moyen âge et encore au
XVIIe siècle. Il s'agit là d'un développement de sens d'origine féodale, parallèle à celui de
dominus, domnus qui, sur le territoire gallo-roman, a pris à l'époque des Mérovingiens et des Carolingiens, le sens de « seigneur, maître d'un fief ». En ancien français,
dame s'applique à l'épouse (v. 1175) et, spécialement, dans le langage courtois, à la femme aimée (fin
XIIe s.), emploi dont témoigne une expression comme
la dame de ses pensées.
◆
Par extension, le mot commence dès le
XIIIe s. à désigner une personne du sexe féminin n'appartenant pas à la noblesse, mais cet usage ne se développe qu'au
XVIe s., toujours avec une nuance de courtoisie par rapport à
femme.
◆
Depuis l'ancien français et d'après le latin,
dame entre spécialement dans l'appellation de la vierge,
NOTRE-DAME (v. 1220), et a servi à former des titres pour des abstractions féminisées (
XIIIe s.,
damme Théologie).
■
Au XVIe s., il est entré dans le vocabulaire du jeu (1508, jeu des dames) par référence à l'idée de « reine » aux échecs et aux cartes, et, en ce qui concerne le jeu appelé spécifiquement jeu de dames, puis les dames (jouer aux dames), par allusion au fait que le pion qui a traversé tout le damier peut se déplacer d'un nombre illimité de cases diagonalement, comme la « reine » aux échecs.
❏
De
dame sont dérivés deux termes de jeu : l'un,
1 DAMER v. tr., est relevé une fois (apr. 1250) avec le sens ancien de « proclamer dame, souveraine » en parlant de la Vierge, puis reformé (1552) à partir de (jeu de)
dames, développant dès cette époque le sens figuré de « prendre l'avantage sur », souvent dans la locution
damer le pion à (1688).
■
Le second, DAMIER n. m., existe depuis 1529 pour désigner le plateau sur lequel on pousse les pions au jeu de dames et au jeu d'échecs. Par analogie avec la surface de ce plateau divisée en carrés de couleurs alternées, il a reçu des acceptions spéciales en architecture, textile, urbanisme.
■
Par une métaphore portant sur les deux anses de l'appareil, ainsi porté par l'ouvrier, dame désigne (1743) une hie de paveur, d'où le dérivé 2 DAMER v. tr. (1834) pour « tasser le sol » avec une « dame ». Il a pour dérivé DAMEUSE n. f. (années 1980) « engin servant à damer la neige (d'une piste de ski) ».
◆
Ce sémantisme a pu donner naissance aux expressions argotiques aller à dame « tomber, s'évanouir », envoyer à dame « faire tomber », mais rien n'est sûr : il s'agirait alors d'un emploi figuré de 2 damer, passant de « battre le sol » à « pousser, faire tomber ».
◈
Avec son sens propre,
dame a donné le diminutif péjoratif
DAMERET n. m., d'abord attesté dans un emploi adjectif sorti de l'usage (av. 1502,
œillades damerettes), puis comme nom (1508) pour désigner un homme d'élégance et de manières efféminées. De nos jours, le mot n'est guère employé que par allusion plaisante au moyen âge.
◈
Le composé
DAME-JEANNE n. f. (1701), d'abord écrit
dame-jane (1694, Corneille) « bonbonne », vient de
jane « bouteille, récipient pour les liquides », attesté en 1586 et répertorié par Cotgrave en 1611. C'est un emploi plaisant du prénom féminin
Jeanne, par allusion à la forme rebondie de cette bouteille. Le procédé est fréquent :
Christine est employé en Normandie pour désigner une grande bouteille de grès pour l'eau-de-vie, et
Jacqueline dans le nord de la France pour désigner une cruche de grès à long ventre (1640). Il s'agit probablement d'un terme forgé par les marins du sud de la France, car l'on rencontre
damajano en provençal,
damajana en catalan et
damigiana en italien. Le mot a circulé : anglais
demijohn, arabe
damǧāna (mot récent et lui aussi emprunté d'une langue européenne).
◈
MADAME n. f. (v. 1175), au pluriel
MESDAMES, est formé sur
dame avec soudure de l'adjectif possessif, comme
monsieur sur
sieur, et comme
mademoiselle.
◆
Cet appellatif a suivi les emplois de
dame (ci-dessus), s'appliquant d'abord aux femmes des très hautes classes de la société, notamment aux souveraines, aux filles de la maison royale (
Madame Royale était le titre porté par la fille aînée du roi). Au
XVIIe s., c'est aussi le titre de la femme de
Monsieur, le frère du roi.
◆
En français classique,
madame s'applique aux femmes nobles titrées et
mademoiselle aux nobles non titrées. Cependant, depuis le
XVe s.,
madame se dit aussi de femmes non titrées et même — probablement plus tard — de bourgeoises mariées (on a dit :
Madame bourgeoise [Furetière]) et de certaines religieuses.
◆
C'est au
XVIIe s. que l'appellatif s'étend donc à des femmes mariées de la classe moyenne, l'application sociale augmentant progressivement, au
XVIIIe s. et surtout au
XIXe s., selon les mêmes critères qui se sont appliqués à l'usage de
monsieur. Cependant, alors que l'opposition « mariée-non mariée » devient essentielle pour
madame-mademoiselle, l'idée hiérarchique ne disparaît pas. Ainsi
madame, depuis le
XVIIe s. (1668), s'applique à la maîtresse de maison par rapport aux domestiques
(Madame est servie).
◆
Le mot sert de titre, employé avant le nom patronymique du mari
(Madame Bovary) et, récemment, avant le nom même de la femme, ou encore avant un nom de fonction, qui peut être au masculin en français contemporain
(Madame le Maire), sauf au Québec. Le nom est très usuel en appellatif, seul
(oui, Madame), ou qualifié
(chère Madame). Il s'emploie familièrement pour
dame (jouer à la Madame).
◆
Une contraction populaire (1756, Vadé) est
mame, maame, aujourd'hui archaïque ou comique.
DAMNER v. tr. est emprunté dès le Xe s. (v. 980) au latin ecclésiastique damnare « réprouver, condamner » (en parlant de Dieu), servant à traduire le grec chrétien anathematizein (→ anathème). C'est une spécialisation de sens du latin classique damnare, terme juridique signifiant « frapper d'une amende », plus généralement « réprouver, condamner à un châtiment », passé dans l'usage courant au sens de « blâmer, critiquer » et, à basse époque, au sens de « fermer (une porte) ». Il est dérivé de damnum « dommage, préjudice » (→ dam).
❏
Le mot, repris dans sa spécialisation théologique, est employé transitivement et (1172-1174) à la forme pronominale se damner. La spécialisation juridique, reprise en ancien français (v. 1050), a été réservée à condamner.
❏
DAMNÉ, ÉE, rapidement adjectivé, est la substantivation du participe passé
damné pour désigner la personne qui est condamnée aux peines de l'enfer (1160). Par extension, l'adjectif désigne et qualifie la personne qui est l'objet de la plus violente réprobation (1465), spécialement en juron (
damné + nom), et toute chose que l'on réprouve : en français contemporain, cet emploi semble influencé par l'anglais
DAMNED (de même origine) emprunté plaisamment (mil.
XXe s.) comme interjection de dépit, d'abord dans des bandes dessinées.
◈
Le dérivé
DAMNATEUR n. m., à date relativement récente (1840), a supplanté
damneur, seulement attesté par le dictionnaire de Guérin (1892) avec la mention « vieux mot ».
■
DAMNATION n. f. (1172-1174, dampnatïun) est emprunté au latin chrétien damnatio, -onis « condamnation prononcée par Dieu après la mort », spécialisation du sens juridique classique de « condamnation ». Comme damner, le mot reste limité à son sens religieux (le sens juridique étant réservé à condamnation*), même si quelques dictionnaires du XIXe et du XXe s. répertorient un ancien sens de damnations « proscriptions, interdictions, amendes prononcées par les ouvriers soit contre l'un d'entre eux, soit contre les chefs d'atelier ou les entrepreneurs ».
■
DAMNABLE adj., antérieurement dampnable (1180-1190), est emprunté au latin chrétien damnabilis « condamnable, répréhensible, odieux, mortel (en parlant du péché) », dérivé tardif de damnare.
L
DAMOISEAU n. m., d'abord dameisel (v. 1135), est issu d'un latin populaire °domnicellus, diminutif de dominus « maître de maison » (→ dom, domino).
❏
Le sens de ce diminutif s'est développé à l'époque de la féodalité, et le mot français, au moyen âge, désigne un jeune gentilhomme qui n'est pas encore chevalier. En moyen français (XIVe-XVe s.), il désigne spécialement le jeune noble accompagnant le châtelain ou la châtelaine à la chasse, à la promenade, et faisant office de messager. Par ironie, il s'est appliqué à un jeune homme empressé et galant (1563-1564, Ronsard) et s'est dit d'un jeune homme qui affecte de la recherche dans ses vêtements et qui témoigne d'une galanterie efféminée.
❏
Le féminin correspondant DAMOISELLE n. f. (fin IXe s., dameisele), forme archaïque de demoiselle*, a d'abord désigné une fille de noble condition, épouse de damoiseau. En entrant dans l'usage commun, le mot n'a cependant pas acquis les connotations péjoratives de damoiseau, et s'est dit d'une femme, même sans titre de noblesse. Il était encore employé en droit au XIXe s. pour demoiselle (ladite damoiselle).
DAN n. m. est l'emprunt (1944) du japonais dan qui désigne un degré de qualification, supérieur aux ceintures, délivré à ceux qui atteignent un haut niveau dans la pratique d'un art martial, judo ou aïkido. Le mot est à peu près contemporain en anglais (1941).
❏
Dan a été repris avec le vocabulaire des arts martiaux, dans premier, deuxième, troisième... dan.
DANAÏDE n. f. est emprunté (1546) au latin impérial Danaïdes, pluriel qui transcrit le grec Danaides « filles de Danaos ». Selon la légende, les cinquante filles de ce roi, pour avoir tué durant leur nuit de noces leurs maris sur ordre de leur père, reçurent aux Enfers un châtiment qui consistait à remplir éternellement d'eau un tonneau percé.
❏
Le mot a été introduit en français par allusion à ce mythe, dans l'expression bussart (« tonneau ») des Danaïdes (1546), aujourd'hui tonneau des Danaïdes (1840), pris comme symbole de la condition humaine. Ultérieurement, il est passé dans l'usage technique comme nom d'une roue hydraulique (1857).
DANCING n. m. est l'abréviation française (1920) de mots anglais attestés depuis le XIXe s., dancing-house, dancing-room, dancing-hall « maison, salle, hall de danse », et de l'américain dance-hall (1846). Ceux-ci sont formés de to dance « danser », emprunté au français danser*. L'anglais dancing, gérondif substantivé, ne signifie que « danse ».
❏
La vogue des établissements nommés dancings en français se situe entre les deux guerres, surtout dans les années 1930 ; elle instaure l'émancipation d'une certaine bourgeoisie qui ne se contente plus des réceptions et des bals privés, et celle de ses enfants qui sortent sans être accompagnés par les parents. Institution urbaine, le dancing fut un endroit chic, à la mode, comme son nom anglais l'indique ; cependant, le mot a vieilli et a perdu son prestige, donnant lieu à des emplois plaisants, prononcé dansinge. En français du Canada, dancing (faux anglicisme incongru en anglais) est inconnu en ce sens.
DANDIN n. m. est issu (1526-1532) du radical onomatopéique dand- évoquant un mouvement de balancement : on relève dandin en 1390 au sens de « clochette », et l'anglais a to dandle « dorloter » (→ dinguer).
❏
Le mot désignait un homme d'apparence niaise, décrit par Furetière (1690) comme « un grand sot qui n'a point de contenance ferme, qui a des mouvements de pieds et de mains déshonnêtes ». Cet emploi a disparu mais Dandin demeure dans l'histoire littéraire avec des noms propres, comme Perrin Dandin, type du juge ridicule inventé par Rabelais (1546, Tiers-Livre) et George Dandin ou le Mari confondu, titre d'une comédie de Molière (1668).
❏
Il est à l'origine du dérivé usuel
DANDINER v. tr. (1550), d'abord employé intransitivement puis surtout à la forme pronominale
se dandiner (av. 1694). Ce verbe signifie aujourd'hui « se balancer maladroitement ou de manière embarrassée lorsqu'on est debout » et a perdu une partie de ses connotations négatives.
■
Son participe présent DANDINANT, ANTE est adjectivé pour qualifier une démarche (av. 1750).
■
Du verbe sont dérivés DANDINEMENT n. m. (1585) et DANDINETTE n. f., vieux terme d'argot désignant une correction (1866), une « danse », puis spécialisé comme terme de pêche (1900) à propos d'un appât en forme de poisson, par allusion au mouvement constant de l'hameçon.
■
On rencontre également DANDINE n. f., surtout au pluriel, avec le sens argotique de « coups » (1881), DANDINEUR, EUSE n. et adj., rare, et DANDELINER v., peut-être influencé par dodeliner*.
DANDY n. m. est emprunté, sous la forme daindy (1813-1814, Mme de Staël) puis dandy (1817, Lady Morgan) à l'anglais dandy (1780), mot qui semble venir de l'écossais, peut-être de Dandy, diminutif de Andrew, correspondant au prénom français André. Ce mot désignait, dans la région frontalière entre l'Angleterre et l'Écosse, les jeunes gens qui fréquentaient l'église ou la foire annuelle dans un vêtement excentrique. Vers 1813-1819, il fut adopté à Londres à propos d'élégants dont le type fut George-Beau Brummel (1778-1844), réputé pour ses aphorismes qui eurent force de loi (« pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué », etc.).
❏
Le mot est passé en français avec la vague d'anglomanie qui déferla vers les années 1820-1830. Les plus notables des dandys parisiens furent Alfred d'Orsay, Roger de Beauvoir et Lord Seymour. Le personnage du dandy domine toute l'histoire du romantisme français et occupe une place de choix dans les grandes œuvres de l'époque (en témoignent de Marsay et Rastignac, personnages de La Comédie humaine de Balzac). Le soin apporté à l'aspect physique et à la mise, de même que le souci d'être « reconnu » en société caractérisent d'ailleurs l'attitude d'un bon nombre d'écrivains romantiques (Stendhal, Eugène Sue, voire Baudelaire). Dans les années 1830, le phénomène Jeune-France fait du dandysme la base même de sa démarche esthétique de refus, de détachement (comme l'humour) et de révolte. Le mot inaugure, avec fashionable (1804), une série de termes anglais relatifs à la mode (fashion*, 1830 ; snob*, 1857 ; select*, 1869 ; smart*, 1898). En insistant sur les connotations éthiques et spirituelles de dandy, dans le sillage de Baudelaire, puis de Villiers de l'Isle-Adam, on est passé à certaines valeurs qui excluent même l'idée d'élégance ; le concept correspond à dandysme (ci-dessous). Cependant, dandy désigne couramment un élégant, un raffiné, en parlant de toute époque et notamment de l'époque moderne ; il connote souvent une élégance de style britannique, et parfois des caractères empruntés au type de personnage de la tradition littéraire française. S'il s'insère dans le paradigme des termes désignant l'élégant, il n'a guère de synonyme, à l'exception de lion et de fashionable, plus marqués historiquement. Lui-même est devenu un terme historique ou du moins très stylistique. Le mot ne s'emploie pas au féminin (Augier utilise en 1858 l'expression dandy femelle).
❏
Il a produit
DANDYESQUE adj. (1892) et
DANDYFIER v. tr., aujourd'hui disparus.
■
DANDYSME n. m. est attesté pour la première fois en 1830 dans le Journal des Débats à propos de Byron et dans le Traité de la vie élégante de Balzac. C'est un emprunt à l'anglais dandyism (1819) qui, depuis Baudelaire (« le dandysme confine au spiritualisme et au stoïcisme ») et Barbey d'Aurevilly, s'applique davantage à une attitude esthétique et morale qu'à l'élégance matérielle. Dandy et dandysme restent vivants comme termes historiques.
❏ voir
DUNDEE.
L
DANGER n. m., d'abord dangier (1160), est issu du bas latin °dominarium, puis °domnarium « pouvoir », dérivé de dominus « maître, seigneur » (→ dom, domino). Le mot aurait été employé en Gaule du Nord pour dominium « propriété, droit de propriété » d'où « domination, puissance » et « droit », de même origine. Le vocalisme initial du français est peut-être dû à l'influence de dam*, l'ancien français attestant aussi la forme étymologique dongier.
❏
Le mot a d'abord eu le sens de « domination, empire », la locution
estre en dangier d'aucun signifiant « être au pouvoir de qqn, à sa merci ».
■
Le sens moderne de « péril » (1340) s'est probablement dégagé de la locution en danger de, qui serait passée de « au pouvoir de » à « en craignant l'action de ». Ce sens a éliminé les autres, dont il reste quelques traces dans les patois, au XVIe siècle. Dans l'usage familier, y a pas de danger correspond à « cela ne peut pas arriver ».
❏
Danger a donné
DANGEREUX, EUSE adj. (déb.
XIIIe s.), le latin médiéval attestant
Dangerosa, surnom d'une femme, en 1060. Le sens du mot dans les premières attestations n'est pas clair (« faible » ?, « qui agit inconsidérément » ?) ; du sens de « difficile », il est passé au sens moderne de « périlleux », probablement en même temps que
danger (
XIVe s.).
■
En sont dérivés DANGEREUSEMENT adv. (1538), avec son sens actuel, et DANGEROSITÉ n. f. (1963), terme didactique d'abord employé en psychologie, puis en général pour « caractère dangereux ».
DANOIS n. m. est la spécialisation, attestée dans les travaux de Buffon (1750), de l'adjectif et substantif ethnique danois, oise (1080, Oger li Daneis). Ce mot est issu du francique °Danisk-, à l'origine de l'ancien nordique Dansk et adapté au latin médiéval sous la forme danensis. Danisk- repose sur Dani-, lui-même rendu par le latin médiéval Dani, -orum « les Danois », qui a donné le danois Dane et, en composition, le toponyme Danemark dont le second élément représente mark (→ marche). L'anglais a à la fois Danish (adaptation de l'ancien français) et Dane comme nom ethnique et comme traduction (1774, Goldsmith) du terme de zoologie choisi par Buffon. L'étymologie de Dani est controversée, l'hypothèse la plus répandue avançant « peuple de la forêt ».
❏
Le mot désigne un grand chien d'une race dont l'origine danoise est sujette à caution, au poil ras, aux oreilles courtes et représentée par deux variétés.
L
DANS prép. est issu, sous la forme denz (v. 1112), du bas latin deintus « au dedans, en dedans », de de (→ de) et intus « de l'intérieur » puis simplement « à l'intérieur », dérivé de in (→ en).
❏
Dans est d'abord employé adverbialement au sens de « à l'intérieur », avant de céder cet emploi à son composé dedans (ci-dessous). Depuis 1170, on le trouve employé comme préposition, exprimant une idée de lieu, de temps (XIIIe s.), ainsi qu'une disposition physique et morale (1667). Rare avant le XVIe s., il s'est progressivement imposé au détriment de dedans et de en, d'usage incommode en raison de ses formes contractes.
❏
DEDANS adv., d'abord dedenz (v. 1050), formé avec de*, a donc seulement conservé son usage adverbial, perdant son usage prépositionnel (1080), par exemple dedans la chambre, encore usuel au XVIIe s. et d'ailleurs condamné par Vaugelas (1647). Il est substantivé depuis 1530 (le dedens), symétriquement à l'antonyme dehors.
◆
Avec quelques verbes, dedans sert à former plusieurs expressions populaires, comme mettre, foutre dedans « tromper ; emprisonner » (1793, ficher dedans) ; se foutre dedans « se tromper » ; entrer, rentrer dedans « cogner ; attaquer » (fin XIXe s.).
G +
DANSER v., attesté depuis le XIIe s. (v. 1170), et qui désigne, par opposition aux représentants de ballare (→ bal), des formes de danse élégantes ou solennelles, est propre à la langue d'oïl. De la France du Nord, il s'est répandu dans les langues voisines (italien danzare, espagnol danzar, anglais to dance) ; dans les langues méridionales, il a gardé un certain caractère littéraire. En raison de ces particularités, une origine germanique est probable, et on a supposé un étymon francique °dintjan (aboutissant en gallo-roman à °dintjare), déduit du néerlandais deinzen « s'éloigner, reculer » et « se remuer », du frison dintje « trembler légèrement », de l'islandais dynta « s'agiter » ; cependant, l'hypothèse se heurte au -a- de l'ensemble des formes françaises. Un autre mot francique, °dansôn, déduit de l'ancien haut allemand dansôn « tirer », présente des difficultés sémantiques (il faut alors supposer que la danse était une sorte de ronde où les danseurs tournaient en s'entraînant) et ne peut expliquer, même à travers un gallo-roman °dantsare, l'ancien français dancier. Levant la difficulté formelle, V. Günther a proposé, à partir de l'ancien haut allemand dansôn (variante de l'ancien haut allemand dinsan « tirer, étendre »), la formation précoce, vers le VIIIe s., d'un doublet °dansjan.
❏
Quoi qu'il en soit, danser en français signifie dès le XIIe s. « exécuter une suite réglée de pas suivant un rythme musical ». Il est également employé à propos d'une chose au sens de « faire une série de mouvements rythmés » (1200-1220) avec de nombreux contextes sociaux différents, selon les époques (→ ci-dessous danse).
◆
Plusieurs extensions, familières, mettent en avant l'idée de violence physique. Le sens argotique de « puer » fait probablement allusion au mouvement du fromage coulant (1827) ou à un emploi régional de danser « remuer le fumier » (Vosges), donc à une image rurale.
❏
DANSE n. f., son déverbal, désigne le mouvement rythmique du corps humain (1172-1175) et, dès 1223, est aussi employé au figuré (par exemple
entrer dans la danse, en danse « en action »). Par métonymie, il désigne une pièce musicale composée pour la danse
(une danse). Le mot, dans son sens premier et principal, a des connotations très différentes selon les contextes : d'une part, chorégraphie (
danse classique, entraînant le vocabulaire propre de la chorégraphie), danses propres à chaque civilisation (antiques et modernes, européennes et exotiques, « orientales », etc.), danse professionnelle moderne liée au spectacle (music-hall, etc.) ; d'autre part, « activité sociale réunissant hommes et femmes pour danser », avec une évolution historique considérable, des
danseries du
XVIe et du
XVIIe s. aux bals, sauteries, surprise-parties et aux lieux publics consacrés à la danse
(dancings*).
◆
Le vocabulaire de la danse est très riche, puisqu'il comprend celui de la chorégraphie et du ballet, avec de nombreux termes techniques, celui de la danse-spectacle populaire et, depuis le début du
XVIIIe s., celui de la « danse de salon », précédée au
XVIIe s. par les bals de la haute société et la vogue des
maîtres à danser (Molière). Au
XIXe s., tous ces genres prospèrent et s'organisent ; les noms de danse, anciennes et traditionnelles, populaires et savantes, s'enrichissent d'emprunts, depuis
polka*, mazurka* (polonais),
valse* (allemand), jusqu'aux genres populaires
(cancan*...) et aux importations exotiques, américaines ou autres, du début du
XXe s.
(tango*, samba*, cake-walk*, charleston*) puis au foisonnement contemporain.
◆
Enfin, la découverte et la redécouverte assez récentes de la variété historique et culturelle, des fondements anthropologiques de la danse, liée à l'idée de rythme, de mime et à la musique, ont encore amplifié ce grand domaine lexical, alors même que le sens fondamental de
danse, danser n'a pas changé.
■
Danse a reçu à l'époque révolutionnaire (1792) la valeur de « correction, coups répétés » (filer une danse à quelqu'un).
◈
De
danser sont également dérivés les adjectifs tirés des participes
DANSÉ, ÉE et
DANSANT, ANTE (fin
XVIIe s.) « qui danse », puis (
XVIIIe s.) « apte à faire danser ; rythmé », le nom d'agent
danseur (ci-dessous), le diminutif
DANSOT(T)ER v. intr. (1648, Scarron), et quelques mots vieillis ou rares :
DANSERIE n. f. (av. 1506, Molinet) et
DANSEMENT n. m. (1885), variante expressive de
danse.
◆
DANSABLE adj. (1845), d'une musique, est plus courant.
◆
Parmi ces dérivés,
DANSEUR n. m. et
DANSEUSE n. f. sont les plus usuels ; ils ont suivi l'évolution des contextes de
danse. Le mot concerne à la fois les professionnels de la danse classique (avec les syntagmes
danseur, euse étoile, premier danseur, etc.), de la danse folklorique, du music-hall. Des activités spéciales sont désignées par des expressions :
danseur mondain (vieilli),
danseur de corde (au figuré « personne très adroite »). Le mot concerne aussi la danse mondaine ;
son, sa danseuse étant en concurrence avec
cavalier, ière. Enfin, au féminin,
danseuse se dit d'une maîtresse coûteuse et figurément d'une opération de prestige coûteuse.
■
En danseuse qualifie (1919) une façon de pédaler debout à bicyclette.
◈
Une reprise à l'anglais
dance music « musique de danse », spécialisé à propos d'un style issu du disco, a produit l'anglicisme
DANCE n. f. (attesté 1994), seulement avec ce sens précis.
◈
CONTREDANSE n. f. est l'altération (1626), d'après
contre et
danse, de l'anglais
country dance, où
country signifie « campagne » (→ contrée) et
dance est de même origine que danse.
◆
Le mot désigne une danse collective, d'abord campagnarde puis mondaine, qui s'exécute par couples (en général quatre), avec des figures voisines de celles du quadrille.
◆
Par jeu de mots,
contredanse s'emploie (1901) pour
contravention.
❏ voir
DANCING.
DANTESQUE adj. est tiré, au moyen du suffixe -esque (1830, Lamartine), de Dante, nom du plus célèbre écrivain italien (1265-1321), auteur de La Divina Commedia (La Divine Comédie), œuvre qui narre l'itinéraire fictif du poète dans l'outre-tombe en trois étapes qui correspondent aux trois parties du livre (enfer, purgatoire et paradis).
❏
Le mot possède une valeur caractérisante assez courante, « sombre, grandiose, vertigineux », en référence à la tonalité de l'œuvre de Dante. Il s'emploie aussi avec une valeur déterminative neutre, en histoire et en critique littéraire (1834).
DARABOUK n. m. ou DARBOUKA n. f. est emprunté (1830) à l'arabe darbukka, darabukka désignant un tambour. Le mot, après une tentative de francisation en darabouque, a été rendu par daraboukah (1840), tarbouka (1853), darabouk (1854), tandis que la forme algérienne a été adaptée conjointement en DERBOUKA (1847).
❏
Introduit à l'époque de la vogue des voyages en Orient, le mot désigne un instrument de musique en poterie dont le fond, de peau tendue, constitue la surface de percussion.
DARBON n. m. est un emprunt au latin populaire °darbo, attesté en 1582 en Suisse romande, en 1790 à Lyon, et provenant donc des dialectes francoprovençaux. De Lyon à la Provence, le mot s'emploie pour « taupe », et pour « taupinière ».
G
1 DARD n. m. est issu (1080) du francique °daroth « arme de jet » que l'on peut déduire de l'anglo-saxon darod, de l'ancien haut allemand tart et de l'ancien nordique darradr. Au IXe s., le latin médiéval atteste dardus « arme de jet ». Le mot est passé dans les langues méridionales : italien, espagnol dardo.
❏
Le sens d'« arme de jet » a vieilli avec l'abandon de cette arme, sauf dans son extension figurée (1165-1176). Le mot s'est maintenu comme dénomination d'objets fabriqués ou naturels qui fendent ou déchirent : par exemple la langue des serpents, selon une ancienne croyance, l'aiguillon piquant de certains animaux (1668, d'un hérisson, La Fontaine) et, par une métaphore banale, le sexe masculin. Par ailleurs, le mot a servi à former des locutions comparatives où il joue le même rôle que
flèche (
comme un dard, « très vite »
[→ dare-dare]).
◆
Le sens populaire (disparu) d'« arme blanche, épée ou sabre » figure dans des expressions comme
fligue à dard (1836, Vidocq), à l'origine du mot
flic*.
■
En revanche, l'homonyme 2 DARD n. m., nom d'un poisson d'eau douce du genre chevesne (1555), est l'altération, sous l'influence de dard, d'un autre mot ancien français, dars (1197), lui-même emprunté au latin médiéval darsus, probablement d'origine celtique.
❏
1 Dard a donné
DARDER v. tr. (
XVe s.), d'abord « lancer une arme de jet », puis, en relation avec
dard, « diriger en ligne droite (des rayons du soleil) » [1550] et « frapper en piquant » (par allusion au sens poétique de
dard « langue des serpents »). Le sens figuré de « s'élancer » a vieilli.
■
Le participe présent adjectivé DARDANT, ANTE a été substantivé en argot pour désigner le soleil (1901) et, au figuré, l'amour (1828-1829).
■
Le nom d'action DARDEMENT n. m. (1891) est très rare.
❏ voir
DARE-DARE.