2 DAUPHIN n. m., d'abord Dalfin (1245) et dalphin, est le cognomen des seigneurs du Dauphiné (1110-1140) et d'Auvergne (1167), devenu nom patronymique, puis titre (1281 en Auvergne, 1282 en Dauphiné, ce nom de lieu venant du nom de personne). Il fut attribué au fils aîné du roi de France après la cession du Dauphiné à la France en 1349. Le mot est issu du prénom bas latin Dalphinus (Ve s.), Delphinus (IVe s.), qui fut porté par un évêque de Bordeaux dès la fin du IVe siècle. L'apparition du dauphin (→ 1 dauphin) sur les écus des comtes de Vienne et d'Auvergne est due à un jeu homonymique sur leur nom et ne correspond pas à une origine.
❏  Le mot a servi de titre aux seigneurs des comtés d'Albon et de Viennois, dont les possessions furent appelées Dauphiné. Ces terres ayant été rattachées à la France, le titre de Dauphin de Viennois (1360) fut appliqué au fils aîné de Jean II, héritier de la couronne de France, appelé à une régence pendant la captivité de Jean le Bon, prisonnier des Anglais. Il règna sous le nom de Charles VI. On parle ensuite de dauphin, sans précision, pour cet héritier royal (écrit doffin en 1410, puis dauphin, 1420). Sous Louis XIV, époque où l'héritier est appelé le Grand Dauphin, le mot est employé au figuré à propos du fils unique de la maison, chez les bourgeois, ou d'une personne dont on a grand soin (1690). De nos jours, c'est ainsi qu'on nomme le successeur présumé d'un personnage important en politique, dans les affaires (1941).
❏  Le féminin DAUPHINE n. f. a été créé (1297, daufine) pour désigner la femme du dauphin, sens vivant jusqu'en 1690. Depuis le XVe s., il s'applique à la femme du dauphin de France. C'est de cette valeur du mot que provient l'appellation culinaire pommes dauphines (1692) [Cf. à la royale, etc.].
■  Le sens de « riche étoffe de soie à semis de fleurs » a peut-être la même origine, alors que celui de « droguet de laine ou de soie » (1718) pourrait venir de Dauphiné : d'après Trévoux (1752), c'est un ouvrier dauphinois qui aurait inventé cette étoffe à Reims.
DAURADE ou DORADE n. f., d'abord dorade (v. 1525), est emprunté, sous cette forme par l'intermédiaire d'un texte italien, à l'espagnol dorada (1490), lui-même issu, avec influence de dorar « dorer », du latin impérial aurata qui désigne le poisson. Aurata est le féminin substantivé de l'adjectif auratus « doré », de aurum (→ or), le poisson devant son nom au croissant doré qui orne sa tête au niveau des yeux. La forme daurade (1550) est empruntée à l'ancien provençal daurada, reformation, d'après daurar « dorer », de aurada (attesté par le provençal moderne aurado), du latin aurata. Les deux graphies ont survécu.
DAVANTAGE → AVANT
DAVIER n. m., d'abord davyet (1516) puis davier (1549), est issu, par substitution de suffixe et probablement sous l'influence d'un autre nom d'instrument, peut-être levier*, de daviet, ancien nom d'un instrument de menuiserie (1384). Ce dernier est le diminutif de david, employé avec le même sens (1363) et lui-même probablement issu du nom propre David, les noms d'outils étant souvent formés à l'aide d'anthroponymes (l'argot des coquillards atteste la forme populaire de même origine roi David, 1455, pour la pince à crocheter les serrures).
❏  Le mot est d'abord employé en marine à propos du rouleau en bois ou en métal, mobile autour d'un axe et qui sert à filer les chaînes et les câbles en mouillant l'ancre. ◆  Il sert à désigner d'autres instruments en tonnellerie, forge, menuiserie, et spécialement, en chirurgie dentaire, l'instrument en forme de tenaille courbée utilisée pour arracher les dents (1549) ; c'est là son sens le plus usuel.
DAZIBAO n. m. est l'emprunt (v. 1970) d'un mot chinois signifiant littéralement « journal en gros caractères ». Ce mot est formé des caractères signifiant « grand », « mot » (ou « caractère ») et « journal », et désigne un journal mural écrit au pinceau et affiché dans les lieux publics. Son emploi est lié à la révolution culturelle chinoise : Mao, en 1966, aurait eu la formule « mon premier dazibao pour lancer la révolution culturelle ».
❏  Dazibao se réfère à la réalité politique chinoise ; les mouvements maoïstes français, suivant l'exemple chinois, en ont élargi l'usage à leur pratique politique.
L DE prép. et art. partitif est issu (842) de la particule invariable latine de, usitée surtout comme préposition et comme préverbe. De se retrouve en celtique (irlandais di, gallois di-), mais ne se retrouve que là. En tant que préposition, de marque en latin l'origine, l'éloignement, la séparation, avec une idée accessoire de « mouvement de haut en bas » (comme le grec kata [→ cararacte, catastrophe...]), nuance bien conservée par certains composés (→ descendre). Il sert aussi à marquer l'extraction, une partie prise dans un tout et, dans cette valeur partitive, a tendu à se substituer de bonne heure au génitif. Du sens initial « en partant de », la préposition a signifié « à la suite de » (marquant un rapport, une relation de cause) et, abstraitement, « d'après, conformément à » ou « au sujet de ». Après l'époque classique, la construction prépositionnelle a progressé aux dépens du génitif partitif (annonçant l'emploi de l'article partitif et de l'article indéfini en ancien français) et du génitif de possession. La construction latine avec de alterne alors avec la construction sans préposition, annonçant la syntaxe de l'ancien français où cohabitent le tour prépositionnel et le cas régime en fonction du génitif. De même, le tour prépositionnel, de bonne heure en concurrence avec le qualificatif pour exprimer la matière, la substance, se substitue de plus en plus à lui pour marquer la provenance. L'emploi particulier de de introduisant un complément de propos serait, d'après Moignet, à l'origine des emplois de l'ancien français de et infinitif sujet, infinitif substantivé, ou infinitif de narration. En latin parlé, de a tendu de plus en plus à se substituer à ab et ex, présentant sur eux l'avantage d'une forme plus pleine commençant par une consonne ; par ailleurs, il a fini par les supplanter dans les langues romanes. D'autre part, de a servi à renforcer un grand nombre de particules, adverbes, prépositions, usage qui s'est beaucoup développé dans le latin populaire (→ demain, dans). Il sert de préverbe dans un grand nombre de composés verbaux (→ ses valeurs à l'article consacré à dé-).
❏  En français, l'usage du mot est fixé avant la fin du XIIe siècle. Il est à l'origine de l'article partitif (apr. 950) contracté en DU avec l'article le (de + le > del > deu > du) et en DES avec l'article les (de + les > dels > des), ainsi qu'à l'origine de l'article indéfini DES. Il est réduit à d' devant une voyelle depuis les premiers textes (842). Contrairement à l'usage ancien, la grammaire moderne proscrit l'emploi haplologique (en construction où il avait double emploi) et l'emploi de deux de consécutifs, sauf dans le cas où la préposition se présente sous la forme abrégée d'. ◆  En ce qui concerne particulièrement l'usage du partitif, alors que la langue moderne ne permet pas son omission, l'usage ancien l'autorisait (mangier pain étant possible à côté de mangier du pain) : il nous en reste des traces dans des locutions proverbiales et des syntagmes figés (tirer profit). L'ancienne langue tolérait également l'emploi elliptique de de partitif sans l'article défini (mangier de pain) : c'était là un héritage du latin tardif (de pane edere) qui, sorti de l'usage à la fin du moyen âge, s'est conservé dans plusieurs dialectes et en provençal moderne (on le rencontre quelquefois dans la bouche de Provençaux parlant français).
? 1  n. m., terme de jeu (av. 1150), est d'origine obscure. L'étymon le plus souvent proposé est un participe passé neutre substantivé de dare « donner » (→ donner) par l'intermédiaire de syntagmes comme °tesseram, calculum dare, proprement « donner le dé, le pion » (→ calcul, tessère). Dare est bien attesté au sens de « jouer » mais toute preuve de cette étymologie manque.
❏  Dé, terme de jeu, est entré dans quelques locutions figurées se rapportant à l'idée de « hasard, sort, chance » telles coup de dé, les dés en sont jetés (adaptation, au XVIe s., de l'expression latine alea jacta est, prononcée par César qui venait de franchir le Rubicon). Certaines d'entre elles, en usage au XVIIe s., ont vieilli comme tenir le dé pour « se rendre maître de la conversation », rompre le dé pour « interrompre qqn », quitter le dé pour « quitter la partie », flatter le dé pour « détourner la discussion » ; les dés sont pipés (truqués) s'emploie encore. ◆  Par analogie de forme, est employé en architecture (1680) à propos d'un cube de pierre que l'on met sous les pieds d'une statue. Le sens de « pièce cubique » donne lieu à quelques emplois techniques et en cuisine (dés de lard, etc., sens attesté en 1806).
2  n. m., d'abord sous la forme deel (v. 1200) puis, sous l'influence de 1 dé* (1260, dez au pluriel), est issu du bas latin digitale, proprement « ce qui couvre le doigt », neutre substantivé de l'adjectif digitalis « du doigt, de la grosseur du doigt » (→ digital), dérivé de digitus (→ doigt). Une forme deau, attestée au XIVe s. (écrite deaul), a des correspondants dans les parlers de l'Ouest et de l'Est, rarement dans le Centre.
❏  Le mot désigne le petit étui qui protège le doigt qui pousse l'aiguille. Par analogie de forme, dé à coudre s'emploie familièrement pour un petit verre à boire.
G 1 - préf., l'un des plus productifs de la langue française, indiquant qu'une action s'effectue en sens inverse ou est annulée, est issu de la particule latine dis- (di- devant certaines consonnes). Celle-ci marque la séparation, l'écartement, la direction en sens opposé et, par suite, le contraire, la négation ; elle s'oppose à com- (concors / discors), de cum (→ co-). Cette particule se retrouve en ombrien et peut-être dans le vieil haut allemand zir- (allemand moderne zer-,) élargissement de zi-, ze-, ainsi que dans l'albanais ts- ; le grec dia- (→ dia-) semble aussi apparenté, soit que l'on tienne -a pour une addition à di-, soit que dia repose sur °disa. En bas latin, di- a été souvent confondu avec de-, préverbe issu de la préposition de (→ de) marquant un mouvement de haut en bas, une action faite sur un objet, l'achèvement, mais aussi l'éloignement, la privation, la négation.
REM. Les préfixés en - qui sont clairement formés n'ont pas été renvoyés. On se reportera au radical (ex. débarbouiller à barbouiller, déboucher à boucher, etc.).
2 -. Premier élément de mots reprenant — en général par emprunt à un composé latin — le préfixe latin de- servant à former des verbes et présent dans leurs dérivés. Son sémantisme est voisin de celui de dis-, qui a produit le préfixe français 1 dé-. Il exprime soit l'intensité, soit au contraire la privation. → déambuler, déblatérer, décadence, décanter, décapiter, décorner, décevoir, déclamer, déclarer, décliner, déclive, décrire, défection, défendre, défense, déférer, déficit, définir, déflecteur, défunt, dégénérer, déglutir, 1 dégrader, dégressif, déguster, délecter, déléguer, délibérer, déliquescent, délivrer, demander, demeurer, démontrer, dénigrer, dénommer, dénuder, 1 dépendre, dépérir, déplorer, déporter, déprécier, déprédation, déprimer, dépurer, députer, déréliction, dérision, 1 dériver, déroger, descendre, désert, désigner, désinence, désirer, destiner, destituer, détenir, déterger, détériorer, déterminer, détester, détoner, dévaster, devenir, dévier, deviser, devoir, dévolu, dévorer, dévot.
❏  En français, ce préfixe revêt d'abord la forme des- (desraisonnable, 1370-1372). Il a fonctionné très tôt par substitution d'un préfixe de sens opposé comme a- (latin ad-) : dériver venant de arriver, détacher de attacher. Dans la formation des mots plus récents, il n'exprime plus le sens d'« éloignement » (ce qui est déjà le cas dans des emprunts tels que déclarer et dans des mots latins conservés tels que défendre, où il n'a pas de sens analysable).
DEALER n. m. est l'abréviation (1975) de l'anglais drug dealer « trafiquant de drogue », composé de drug, lui-même emprunté au français drogue* (→ drugstore), et de dealer « celui qui distribue » (v. 1000), dans sa spécialisation commerciale pour « trafiquant » (1611). Dealer est dérivé de to deal « partager, distribuer », verbe reposant (comme ses correspondants germaniques) sur la racine d'un substantif dont le sens est « part, portion », d'où vient l'anglais dole, anciennement « part », puis « destin, lot de chacun ».
❏  Le mot désigne un vendeur de drogue, en général un drogué qui revend de la drogue pour subvenir à ses besoins. Il est à demi francisé quand on l'écrit DEALEUR, EUSE n.
❏  DEAL n. m., anglicisme de même origine, semble plus récent (vers 1980) et n'appartient pas au même contexte ; il s'emploie pour « marché, affaire conclue », alors que le verbe DEALER correspond au sens de dealer n., et concerne surtout les petites trafics de drogue.
DÉAMBULER v. intr. est emprunté (1477-1483) au latin deambulare « se promener », formé de de- et ambulare « se promener » (→ aller, ambulant).
❏  En français, déambuler est rare avant le XIXe s. (1836) et a pris une valeur familière. Se déambuler (1885) est familier.
❏  Le verbe français a produit deux dérivés rares : DÉAMBULAGE n. m. (1932) et DÉAMBULEMENT n. m. (déb. XXe s.).
■  DÉAMBULATION n. f. est emprunté (1492) au dérivé latin deambulatio « promenade ».
Quant à DÉAMBULATOIRE n. m. et adj., il a été emprunté comme terme d'architecture (1530) au bas latin deambulatorium, terme d'archéologie chrétienne désignant le pourtour d'une église et souvent le cloître, attesté aux VIIIe-IXe s., et dérivé de deambulare. D'abord défini comme « promenoir », il s'est spécialisé en architecture religieuse (1851-1852). Dès le XVIe s., il avait été emprunté comme adjectif (1571, gallerie déambulatoire) à l'adjectif bas latin deambulatorius « où l'on peut se promener ». Certains emplois du XVIIe s., au sens juridique de « qui n'a pas de siège fixe » (1611) et au sens moral de « qui se déplace », correspondent à ambulatoire* ; ils sont sortis d'usage.
DÉBALLER → 2 BALLE
1 et 2 DÉBANDER → 1 et 2 BANDE
DÉBARCADÈRE → BARQUE
DÉBARDEUR → BARD
DÉBAROULER ou DÉGAROULER v. intr., attesté en français à la fin du XIXe s. et pour dégarouler, en 1906, est formé de dé- et des composés dialectaux barroulô, barulá, préfixés sur des formes régionales de rouler. Dans le Lyonnais, le Dauphiné, se dit pour « tomber en roulant » (→ débouler).
DÉBARRASSER v. tr., attesté depuis 1584, précédé par la forme de participe passé debaracee (1544, debaracee de mon enfantement), est issu par contraction de desembarasser (1535). Ce dernier est emprunté à l'espagnol desembarazar « enlever, retirer ce qui encombre » (1495), dérivé avec le préfixe correspondant au français dé-*, de embarazar (→ embarrasser).
❏  Le verbe correspond à « délivrer (qqn) de ce qui l'incommode », le pronominal se débarrasser de (1584) s'employant pour « se libérer d'une gêne ». Il signifie également « dégager (un lieu) de ce qui l'encombre » (av. 1655), par exemple dans la locution familière débarrasser le plancher « partir » (1843). Son emploi absolu est elliptique pour débarrasser la table « enlever le couvert ». ◆  En français de Suisse, débarrasser s'emploie pour « enlever (qqch.) qui gêne » (débarrasse ta valise du couloir).
❏  Le déverbal DÉBARRAS n. m., enregistré tardivement par le Dictionnaire de l'Académie (1798) comme nom d'action, a pris par métonymie un sens local, « endroit où l'on met les objets hors d'usage ou encombrants » (1810).
DÉBATTRE v. est le dérivé (v. 1050) en dé-* (valeur intensive) de battre*, à peu près démotivé aujourd'hui.
❏  Le verbe a longtemps gardé le sens de « battre fortement » (encore relevé en 1627 en parlant du lait). Il s'est détaché de battre en prenant le sens figuré de « discuter vivement », construit indirectement avec préposition : débattre de qqch. (1172-1175) et directement (1283), emploi sorti d'usage. ◆  Cependant, le rapport à battre reste un peu plus sensible avec le pronominal se débattre (1175), au moral « se tourmenter » et au physique « lutter en faisant tous ses efforts pour se délivrer ».
❏  Le déverbal DÉBAT n. m. (XIIIe s.) ne reprend que le sens de « discuter », désignant une controverse, une querelle, et, surtout au pluriel, des délibérations et discussions, d'abord à propos d'un procès (1283). À partir de 1627, il est employé dans le vocabulaire parlementaire pour désigner la délibération, au singulier, puis au pluriel (1704). En ce sens, il correspond à l'anglais debate (du verbe to debate, emprunt au français), employé au singulier ou au pluriel pour désigner les délibérations officielles dans une institution publique, et notamment au Parlement (1500).
■  DÉBATTEMENT n. m. a été formé à deux reprises, une fois pour désigner le fait de se débattre (XVIe s.) et, au XXe s. avec un sens technique, « amplitude de mouvement d'un élément suspendu, porte, trappe... » (1929). ◆  L'ancien français employait débattement avec le sens intensif de « fort battement (d'yeux, d'ailes) ».
■  DÉBATTEUR, EUSE n. (1896 au masc.), d'emploi rare, est concurrencé par l'anglicisme DEBATER.
G DÉBAUCHER v. tr., d'abord desbauchier (1195), est dérivé avec des- (dé-) de l'ancien français bauc, bauch « poutre », issu du même étymon francique que balcon*. Débaucher signifierait donc « dégrossir (du bois) pour en faire des poutres » (Cf. ébaucher) d'où « fendre, séparer », sens qui fonderaient celui d'« écarter, détourner de ». À cette hypothèse, qui oblige à reconstituer des sens non attestés, P. Guiraud préfère une dérivation de bauche « maison », d'abord « mortier de paille et de terre, mélange boueux » (→ bauge), mais son hypothèse pose d'autres problèmes.
❏  L'ancien français connaît seulement le verbe au sens de « disperser, éparpiller (des gens) », se desbaucher équivalant à se disperser (1300). C'est seulement au XVe s. que, par spécialisation, débaucher prend le sens moral de « détourner (qqn) de ses devoirs, entraîner à l'inconduite », d'où « jeter dans le vice » (1538). Par une autre spécialisation, dans le monde du travail, il prend au XVe s. la valeur de « détourner (qqn) de son travail, de ses obligations » (1469) au propre et au figuré (1687), s'opposant alors à embaucher*. Depuis 1812, d'abord dans l'argot des typographes, il signifie spécialement « renvoyer (un ouvrier) faute de travail ». En français régional de l'Ouest, de la Bretagne à l'Aquitaine, le verbe signifie « cesser le travail, à la fin de la journée ».
❏  Son participe passé DÉBAUCHÉ, ÉE est adjectivé (1549, desbauché) puis substantivé en parlant d'une personne qui s'adonne sans retenue aux plaisirs de la sexualité.
■  DÉBAUCHE n. f., déverbal (1499) de débaucher, correspond partiellement au verbe avec la même valeur que débauché, « pratique excessive et jugée condamnable des plaisirs sensuels », aujourd'hui surtout dans lieu de débauche. ◆  Par exagération, avec un glissement de la notion d'excès moralement condamnable à celle d'entorse aux principes bourgeois d'économie, il se dit d'un excès dans les plaisirs de la table (1690). Par métaphore (comme orgie), il s'applique aussi à l'usage déréglé et excessif d'une chose, souvent sans jugement péjoratif (av. 1872, débauche de couleurs, Gautier). ◆  Au sens professionnel de débaucher (Cf. débauchage, ci-dessous), il s'emploie dans les mêmes régions que le verbe débaucher, pour « fin du travail quotidien ».
■  DÉBAUCHEUR n. m., créé au XVIe s. chez les écrivains religieux (av. 1544) comme Calvin (1562), est sorti d'usage.
■  Quant au moderne DÉBAUCHAGE n. m. (1900), il répond au besoin de former un nom d'action qui corresponde au sens de débaucher « faire perdre son travail », non assumé par débauche. Ainsi, des deux valeurs du verbe, débauché et débauche assument la première, débauchage la seconde, économique.