DÉCA- est un élément préfixal tiré du grec deka « dix », premier terme de nombreux composés, qui repose, comme le latin decem (→ dix), le sanskrit dasa, etc., sur une racine indoeuropéenne °dekṃ.
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Déca- sert à construire des noms et des adjectifs appartenant au vocabulaire scientifique et indiquant la multiplication par dix d'un élément ou d'une unité de base.
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Il entre notamment dans la formation des noms du système métrique comme
DÉCALITRE n. m. (1795),
DÉCAMÈTRE n. m. (1795).
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DÉCADE n. f. est emprunté (
XIVe s.) au bas latin
decas, -adis et
decada, -ae « dizaine, nombre dix, espace de dix ans » et « partie d'un ouvrage divisé en dix », emprunté au grec
dekas, -ados « groupe de dix, dizaine », dérivé de
deka. Le mot est passé en français avec le sens de « partie d'un ouvrage divisé en dix ». Son sens temporel de « période de dix ans, ou dix mois », enregistré par Cotgrave en 1611, semble inusité avant 1851 et fait concurrence à
décennie*. Le mot est surtout connu depuis l'introduction du calendrier républicain de 1793 où il désignait une période de dix jours (1793, adoption des dispositions générales du projet de Romme, Fabre, David et Chénier). Les puristes, qui opposent
décennie « dix ans » et
décade « dix jours », oublient ou ignorent que le
-de de
décade ne représente pas
dies « jour » ; leur condamnation de
décade « période de dix ans » vient surtout du fait que cet emploi est considéré comme un anglicisme, l'anglais
decade ayant conservé la valeur étymologique. L'introduction du calendrier révolutionnaire fut aussi celle du dérivé
DÉCADI n. m. « dixième et dernier jour de la décade, jour chômé » (1793), dans lequel
di représente bien le latin
dies « jour » (d'après
lundi, mardi, etc.).
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DÉCALOGUE n. m. est emprunté (v. 1450) au latin chrétien
decalogus, calque du grec chrétien
dekalogos, formé de
deka « dix » et
logos « parole »
(→ -logie, logo-). On désigne ainsi les « dix paroles » qui, selon la
Bible (
Deutéronome 5, 22), ont été adressées directement par Dieu à l'assemblée de son peuple sur l'Horeb ; l'expression se trouve également dans l'
Exode (34, 28), comme base de l'alliance du Sinaï (l'écriture en étant attribuée Moïse ou, selon une autre tradition, à Dieu lui-même). Le mot recouvre un ensemble de dix prescriptions morales (quatre commandements sur Dieu et six sur le prochain) qui furent peut-être, à l'origine, une condition d'entrée au sanctuaire. Déposé dans l'arche d'alliance au Temple de Salomon, ces préceptes furent la base morale de la législation d'Israël ; ils sont toujours celle de la morale juive et de la morale chrétienne.
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Comme l'expression les dix commandements, le mot s'emploie quelquefois par extension pour un ensemble de lois ou de règles de comportement.
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DÉCAPODE adj. a été formé en zoologie (1804) et signifie « qui a dix pattes, cinq paires de pattes ». Substantivé, le mot sert à désigner un sous-ordre de mollusques céphalopodes à huit bras et deux tentacules, et un ordre de crustacés comprenant les crabes, crevettes, langoustes, homards, écrevisses, etc.
DÉCADENCE n. f. est probablement emprunté (1413) au latin médiéval decadentia, pluriel neutre devenu singulier féminin du participe présent de decadere, lequel a donné déchoir*.
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Le mot, d'abord employé au sens concret, « état d'une construction qui se dégrade », s'est restreint au sens figuré usuel d'« acheminement vers le déclin, la ruine » (v. 1460). L'idée de décadence, solidaire d'une réflexion sur l'histoire, a longtemps été hantée par le déclin et la chute de l'Empire romain d'Occident. La notion de déclin de la civilisation n'était pas étrangère à la pensée antique, grecque (Hésiode, Platon) et romaine (Lucrèce, Salluste, Cicéron) qui en formula les principes interprétatifs dès le Bas-Empire. La pensée chrétienne lui apporta une explication d'ordre religieux, parvenue à maturité au XVIe siècle. C'est à l'époque où se diffusent les idées de renaissance et de réformation, mais où tout changement a une tonalité négative, que se répand l'idée de décadence (exprimée diversement par le mot latin decadentia mais aussi par declinatio, inclinatio, lapsus, vacillatio, eversio, conversio, perversio, subversio).
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Deux siècles plus tard, dans la seconde moitié du XVIIIe s., l'analyse du déclin de Rome est ajustée aux événements contemporains (Gibbon, Guizot, Montesquieu, Herder) ; la méditation sur les restes des civilisations perdues (Les Ruines de Volney) deviendra un thème romantique.
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DÉCADENT, ENTE adj. et n., formé (1516) à partir de
décadence, n'est pas attesté entre 1584 et 1834 (
Dictionnaire de Boiste, en référence à Brantôme).
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Le mot, appliqué à un mouvement littéraire de la fin du
XIXe s. (av. 1872, Gautier), est souvent employé par Gautier, Flaubert et Goncourt dans le sens de « raffinement littéraire ». Pour la première fois, la décadence est assumée, car elle a pour effet d'alléger l'esprit et de lui rendre en quelque sorte la liberté par rapport aux conventions sociales dans la recherche du nouveau, du rare, de l'étrange et de l'artificiel. L'imaginaire décadent marque les œuvres de Baudelaire, Poe, de Quincey, Flaubert, Gautier comme celles de E. Bourges, J. Peladan, Huysmans.
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Le mot de DÉCADISME n. m. est forgé par Verlaine (1896) qui emploie également DÉCADISTE n. (1887) à la place de décadent ; cependant, depuis P. Bourget (1890), décadisme est concurrencé par DÉCADENTISME n. m. qui l'a supplanté.
DÉCALCOMANIE, DÉCALQUER → CALQUER
DÉCAN n. m. est emprunté (1732) au bas latin decanus, dérivé de decem (→ dix) sur le modèle de primanus, etc., peut-être sous l'influence du grec deka (→ déca-). Le mot latin désigne à la fois le chef d'un groupe de dix hommes, puis des dignitaires civils, militaires et religieux (→ décanat, doyen), et aussi, en astrologie, l'étoile qui préside à dix degrés du zodiaque.
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Le mot a été introduit comme terme d'histoire ancienne, mais n'a conservé que sa spécialisation en astrologie (1796), désignant chacune des trois divisions du signe correspondant à un arc zodiacal de dix degrés.
DÉCANAT n. m. est emprunté (1650) au latin médiéval decanatus « charge de doyen » (1190) et, par métonymie, « circonscription où s'exerce l'autorité spirituelle d'un doyen de chrétienté » (1209). Celui-ci est dérivé du bas latin decanus, qui a donné doyen* en français (→ aussi décan).
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Décanat désigne la dignité de doyen d'un corps constitué et, par métonymie, le temps que dure cette fonction.
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L'adjectif correspondant à doyen, DÉCANAL, ALE, AUX, est dérivé (1476) du radical de decanus avec le suffixe -al.
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DÉCANILLER v. intr., mot populaire, est d'origine incertaine et controversée, probablement emprunté (attesté en 1745 au Canada, fin XVIIIe s. en France) au lyonnais se décanilli ; mais son emploi au Canada peut suggérer une origine dans les dialectes de l'Ouest de la France. Ce dernier est composé du préfixe dé- et de canilles « jambes » (avec une intention comique), dérivé diminutif de cannes, pluriel de canne*, employé dans l'argot franco-provençal au sens de « jambes ». Toutefois, les régionalismes déquenailler, décanailler « s'en aller, quitter la place », et se deichonilla qui se dit d'un chien et d'une chienne accouplés contraints de se déprendre, suggèrent le rattachement de ce « mot bas » (Brunot) à canis (→ chien). Enfin, P. Guiraud propose une base °canille tirée de nille « niche », avec le préfixe ca- indiquant un creux ; mais il ne se fonde que sur l'existence du verbe niller « nicher » issu du latin °nidiculare (→ nicher).
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Le verbe, aussi pronominal, signifie « s'en aller malgré soi, sans demander son reste, se sauver ».
DÉCANTER v. tr. est emprunté (1701), selon l'hypothèse la plus communément admise — notamment par Wartburg —, au latin des alchimistes decantare, composé du préfixe de- et de cantus, canthus « bec de cruche, goulet » qui a donné chant* en français.
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Le mot, qui exprime proprement le fait de séparer un liquide des matières qu'il contient en suspension et qui se déposent au fond d'un récipient, s'est répandu au sens figuré de « mettre de l'ordre, dégager les éléments essentiels » (également à la forme pronominale).
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Ses dérivés
DÉCANTAGE n. m. (1838) et
DÉCANTEUR n. m. « appareil servant à décanter » et
DÉCANTEUR, EUSE adj. (1877), qui ont suivi la même évolution, sont rares.
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DÉCANTATION n. f. est emprunté (1680), toujours selon Wartburg, au latin des alchimistes decantatio, dérivé de decantare.
DÉCAPITER v. tr. est emprunté (déb. XIVe s.) au bas latin decapitare « enlever la tête de », et par extension au moyen âge, « enlever l'extrémité de (qqch.) », formé sur caput « tête » (→ chef) au moyen de la particule privative de- et du suffixe verbal -are.
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Le verbe, employé dès les premières attestations au sens propre de « couper la tête de (qqn) », a développé au XVIIe s. (av. 1630) un sens figuré, « enlever ce qui est capital ». Par extension, il signifie « enlever l'extrémité de (qqch.) » (1809).
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DÉCAPITATION n. f., d'abord decapitacion, est emprunté (fin XIVe s.) au dérivé bas latin decapitatio, -onis. L'évolution du mot est la même mais le sens figuré est rare.