DÉFICIENT, ENTE adj., d'abord déficiens (1290), est emprunté au latin deficiens « manquant », participe présent de deficere « manquer » (→ déficit).
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Le mot, partiellement synonyme de déficitaire* et, dans certains contextes, de défectueux*, est employé spécialement en médecine, biologie et psychologie ; il y est substantivé pour désigner une personne présentant une insuffisance mentale, motrice ou sensorielle.
❏
Par substitution de suffixe, on a formé tardivement
DÉFICIENCE n. f. (av. 1908, Bergson), peut-être d'après le bas latin
deficientia.
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Le préfixé
IMMUNODÉFICIENCE n. f., répandu en pathologie dans les années 1980, dénomme l'incapacité, congénitale ou acquise, de résister à l'infection, par insuffisance fonctionnelle du système immunitaire. Le sida est un syndrome d'immunodéficience (ou immunodéficitaire) acquise (ou acquis).
DÉFICIT n. m. est l'emprunt tel quel (1560) du latin deficit, proprement « il manque », troisième personne du présent de l'indicatif de deficere « manquer », « abandonner », « faire défaut ». Ce verbe, composé de de (→ dé-) et facere (→ faire), est à l'origine de déficient, défectif, défection et défectueux.
❏
Le mot a désigné un objet manquant dans un inventaire, sens sorti de l'usage. Avec une vocation plus abstraite, il s'est spécialisé en finances (1771) et en économie. Il est passé, avec un sens très voisin de déficience, en médecine, psychologie et en climatologie.
❏
Son dérivé DÉFICITAIRE adj. (1909) est surtout un terme de finances et d'économie, avant d'entrer dans le vocabulaire de la pathologie, notamment par l'adjectif IMMUNODÉFICITAIRE, qui correspond à immunodéficience (→ déficient). Le préfixé IMMUNODÉFICIT n. m. est synonyme d'immunodépression (→ déprimer).
2 DÉFILER, DÉFILÉ → FILER
+
DÉFINIR v. tr. est emprunté (fin XIIe s.) au latin definire « déterminer », « fixer », « délimiter », spécialement en parlant du sens d'un mot. C'est un composé de de- (aboutissement du procès) [→ 2 de] et de finire (→ finir). En ancien français, définir a rencontré l'ancien verbe définir (1080), formé sur finir* avec le préfixe de- exprimant le renforcement et signifiant « mener à bonne fin, achever », et spécialement « mourir ». En moyen français, on relève la variante diffinir, issue de diffinire, variante du verbe latin, et encore utilisée au XVIIe siècle.
❏
Employé dès les premiers textes au sens de « faire connaître ce qu'est une chose, la préciser », le verbe a pris par extension celui de « déterminer exactement, fixer » (1481), spécialement en théologie « fixer un point de dogme » (1561, Calvin).
❏
En français même,
définir a produit quelques dérivés, sans compter l'adjectif tiré de son participe passé
DÉFINI, IE employé dans quelques domaines spécialisés comme la linguistique
(passé défini), la chimie, les mathématiques.
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Au XVIIIe s., il a donné DÉFINISSEUR n. m. (1771, Voltaire), synonyme plus général de définiteur, et DÉFINISSABLE adj. (1740 ; déb. XVIIIe s., selon Wartburg).
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Le nom correspondant, DÉFINITION n. f., d'abord écrit definicion (v. 1160), est emprunté au dérivé latin definitio « action de déterminer, de fixer » (spécialement pour le sens d'un mot). Emprunté avec l'idée de « détermination des limites (d'une chose, d'un concept) », il a acquis des emplois spécialisés en logique, en théologie (1561, Calvin), en sciences (mathématiques, sciences exactes), en linguistique et, plus récemment, en technique (1936, selon Larousse de la langue française).
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Il correspond à des notions différentes, selon que l'expression crée ou impose un concept (sciences, philosophie...) ou bien qu'elle correspond à une synonymie didactique (les dictionnaires).
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En technique, définition s'applique aux caractéristiques numériques d'un procédé plus ou moins fin, précis ; c'est notamment le cas en télévision, avec haute définition.
■
Le dérivé DÉFINITIONNEL, ELLE adj. (1906) est didactique.
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Autre emprunt savant,
DÉFINITIF, IVE adj. (
XIIIe s.) représente le latin
definitivus, dérivé de
definire avec le sens de « relatif à la définition » à l'époque classique, et employé à basse époque pour « fixé, décisif ».
Définitif l'a emporté sur la variante
diffinitif, attestée jusqu'au
XVIe s. ; employé dès les premières attestations avec son sens moderne, il est entré dans la locution adverbiale
en définitive (1474). Le moyen français employait
definitive n. f. comme synonyme de « conclusion », sens attesté entre 1450 et 1600. De nos jours, le masculin est quelquefois substantivé avec la valeur neutre de « ce qui est définitif » (1802).
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De l'adjectif est tiré DÉFINITIVEMENT adv. (1558), « de manière définitive, pour toujours », qui a pris en français du Québec, sous l'influence de l'adverbe anglo-américain definitely, de même origine, le sens de « certainement, à coup sûr ».
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Enfin, dans la série des emprunts au latin, il faut mentionner
DÉFINITEUR n. m., emprunté sous la forme
diffinitour (1347) au latin médiéval
definitor appliqué à celui qui détermine les articles de la foi et au religieux choisi dans certains ordres pour assister le général ou le provincial (
XIIe s.).
Definitor, en latin impérial « celui qui définit » et en bas latin « celui qui prescrit », est dérivé de
definitum, supin de
definire.
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INDÉFINI, IE adj. et n., de
in- négatif et
défini, est attesté pour la première fois (av. 1375) dans la traduction de
La Cité de Dieu et calque le latin
indefinitus, de
in- privatif et
definitus.
■
Cet adjectif inaugure une série de préfixés en -in- faits sur les mots du groupe de définir : INDÉFINIMENT adv. (1531), spécialement employé avec son sens grammatical, INDÉFINITÉ n. f. (1823), qui a vieilli, S'INDÉFINISER v. pron. (fin XIXe s.), et INDÉFINITUDE n. f., terme de philosophie (v. 1950) dont le sens a d'abord été assumé par indéfinité.
■
Sur définissable a été formé INDÉFINISSABLE adj. (1731, Voltaire) « qu'on ne peut définir » (par exemple, les « primitifs », en sémantique [être, chose...]).
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Les préfixés itératifs en re-, REDÉFINIR v. tr. (1798) et, récemment, REDÉFINITION n. f. (v. 1960), s'emploient plutôt pour « réorganiser, réorganisation » que comme itératifs de définir.
DÉFLAGRATION n. f. est emprunté (1691) au latin deflagratio « combustion », dérivé de deflagrare « être détruit par le feu » et « cesser de brûler », « s'éteindre ». Ce nom est formé de de indiquant l'accomplissement du procès et de flagrare « flamber, être en flammes, être enflammé », au propre et au figuré (→ flagrant).
❏
Le mot, employé dans un traité de pathologie au sens de « combustion », est peu attesté avant 1721 et le développement de la chimie. Son sens figuré, « éclatement, manifestation intense », apparaît pendant la Révolution (av. 1791, Mirabeau).
❏
Le verbe correspondant, DÉFLAGRER v. intr., a été emprunté ultérieurement (1870) au latin deflagrare, ou formé d'après déflagration, modelant ses sens sur ceux du nom.
DÉFLATION n. f. a été formé par substitution de préfixe (aussi attestée en 1909) sur inflation*, comme terme d'économie. On a évoqué l'anglais deflation sans pouvoir conclure à un emprunt, le mot anglais étant attesté en 1891 au sens de « dégonflement », en 1893 comme terme de géologie, mais seulement en 1920 en économie.
❏
Le mot se rapporte au freinage ou à la résorption totale de l'inflation par des mesures économiques et financières visant à la réduction de la circulation monétaire. Par analogie, il s'emploie dans le domaine littéraire et artistique à propos d'une diminution de la production (1936).
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Sa spécialisation (aussi attestée en 1909) pour désigner l'érosion éolienne qui enlève des sols les matériaux légers et meubles, est un emprunt indépendant à l'allemand Deflation (1891, J. Walther), lequel est également passé en anglais.
❏
Le dérivé DÉFLATIONNISTE n. et adj. (1938), quelquefois concurrencé par désinflationniste ou anti-inflationniste, s'oppose à inflationniste en économie.
DÉFLECTEUR, TRICE adj. et n. m. est dérivé tardivement (1890, Larousse du XIXe s., 2e suppl.) du radical du latin deflectere, composé de de (→ dé-) et flectere (→ fléchir), « abaisser en ployant, courber », également employé au figuré, « détourner », et construit intransitivement au sens de « se détourner, s'écarter » (au propre et au figuré).
❏
Le mot se limite à quelques emplois techniques (mécanique, physique atomique, électronique, marine) ; l'un d'eux est devenu usuel pour désigner, dans une automobile, une petite vitre latérale orientable.
❏
Antérieurement, le français a emprunté
DÉFLEXION n. f. (écrit
déflection au
XVIe s.) au bas latin
deflexio « écart, déclinaison », dérivé de
deflectere. Employé au
XVIe s. à propos d'un mouvement tournant, le mot a été repris (1755) comme terme de physique, puis est également passé dans les langages techniques de l'obstétrique, de la psychologie et de la psychanalyse, où il exprime une déviation.
◈
Deflectere a lui-même donné, par voie d'emprunt et adaptation d'après
fléchir, DÉFLÉCHIR v. tr. (av. 1778), antérieurement
disflechier (
XIIIe s.) « détourner de », d'usage didactique.
DÉFLORER v. tr., d'abord desflorer (v. 1225), est dérivé de fleur* au moyen du préfixe dé-* (anciennement des-) impliquant « séparation » et de la désinence verbale -er. La forme déflorer, pour défleurer, est due à l'influence du bas latin deflorare, lui-même dérivé de flos, floris (→ fleur), « prendre la fleur », « flétrir ».
❏
Le verbe a signifié proprement « dépouiller de ses fleurs » avant de prendre une valeur métaphorique d'après un emploi de fleur, « faire perdre à (une jeune fille) sa virginité » (XIIIe s.), au figuré « faire perdre sa fraîcheur primitive, sa pureté » (déflorer un sujet).
❏
On note cependant quelques emplois du participe passé adjectivé
DÉFLORÉ, ÉE au sens propre de « qui a perdu ses fleurs (en parlant d'une plante) ».
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Le nom correspondant est DÉFLORATION n. f., emprunté (1314) au dérivé latin defloratio avec le sens d'« action de faire perdre sa virginité à une fille ».
■
Ce mot ne doit pas être confondu avec DÉFLORAISON n. f. (1771), formé sur dé- et floraison*, ni avec son synonyme DÉFLEURAISON n. f. (1744), dérivé de défleurir (→ fleurir) « fait de perdre ses fleurs (d'une plante) ». Toutefois, on connaît quelques emplois de défloraison au sens de « fait de perdre sa virginité » (1808).
DÉFORMER v. tr., d'abord desformer (1220-1226), est emprunté au latin deformare « défigurer, enlaidir, altérer », de de-, préfixe marquant le manque ou la cessation (→ dé-), et de formare « arranger, organiser » (→ former).
❏
Le verbe signifie « modifier en l'altérant, la forme de (qqch.), l'aspect de (qqn) ». Ce n'est qu'au XIXe s. qu'il commence à s'employer figurément pour « altérer une faculté, une fonction » (av. 1850) et plus tard encore qu'il correspond à « altérer un fait, une parole, une idée en les dénaturant » (XXe s.). Le pronominal (soi desformer, 1er quart du XIIIe s.) est usuel avec un sujet désignant une chose.
❏
La dérivation se réduit à
DÉFORMABLE adj. (1877) et à l'adjectivation des participes
DÉFORMÉ, ÉE et
DÉFORMANT, ANTE (1904,
rhumatisme chronique déformant).
■
De déformable vient DÉFORMABILITÉ n. f. (1887) et INDÉFORMABLE adj. (1867) « qui ne peut être déformé, résiste aux déformations », d'où INDÉFORMABILITÉ n. f. (1908).
◈
DÉFORMATION n. f. est emprunté (1374) au dérivé latin
deformatio, « action de défigurer, dégradation », du supin de
deformare. Le mot, qui concerne d'abord une altération de la forme, s'est employé jusqu'au
XVIIe s. (1611), puis a été repris à partir de 1788. En relation avec le sens figuré du verbe, il exprime (1890) une altération de la réalité de la pensée, d'une faculté.
■
Son radical a servi à faire DÉFORMATEUR, TRICE adj. (1885), quelquefois substantivé (1897).
DÉFOULER v. tr. et pron. a été formé (1080) sur fouler* au moyen du préfixe dé- avec une idée d'« achèvement ».
❏
Le sens de « fouler aux pieds, maltraiter » est totalement sorti d'usage après 1611, sauf attestation avec la mention « vieux » dans quelques dictionnaires des XVIIIe et XIXe siècles. Le mot a été repris (1950) comme terme de psychanalyse signifiant « libérer une tendance habituellement refoulée », pour servir d'antonyme à refouler*. Il s'est bien répandu dans l'usage courant, surtout à la forme pronominale se défouler.
❏
DÉFOULEMENT n. m. a connu la même histoire : formé en moyen français avec le sens figuré ancien d'« oppression » (1413), il a été repris comme terme psychanalytique (1946, Mounier), par opposition à refoulement, et s'est répandu dans l'usage.
DÉFROQUE, DÉFROQUER → FROC
DÉFUNT, UNTE adj. et n. est emprunté (1243) au latin defunctus (sous-entendu de vita) « qui s'est acquitté (de la vie) », c'est-à-dire « mort ». Defunctus est le participe passé de defungi « s'acquitter tout à fait », formé de de- indiquant l'achèvement du procès et du verbe fungi « s'acquitter de », « accomplir ». Ce verbe procède d'une racine indoeuropéenne représentée (avec des sens divergents) par le védique bhuṅkté « il jouit de » et par des mots iraniens se rapportant à l'idée de « délivrer, délier, sauver ». En latin, l'idée de « mort », déjà dans Cicéron, est également réalisée par le simple functus et par un autre composé, effunctus ; on l'exprimait également par le temps de l'« infectum » et, plus tard, par defunctorius, defunctio.
❏
Le mot, employé comme adjectif et (av. 1350) comme substantif, est un euphémisme et un mot administratif pour mort.
❏
Il a donné DÉFUNTER v. intr. (1739) « mourir, trépasser », usité dans le nord de la France, et dans des régions comme l'Anjou, la Suisse romande et la Provence. Comme on le voit à la variante défuncter (1852), la formation du mot a été influencée par le latin defunctus ; l'ancien français avait déjà defunctee « défunte » (1261).
DÉGAGER v. tr., anciennement desguagier (1174-1176), est dérivé de gage* avec le préfixe dé- et la désinence verbale -er.
❏
Le sens propre, « retirer ce qui était en gage », est aujourd'hui vieilli ou technique mais permet de comprendre divers sens figurés comme « donner congé, libérer » (1180-1220) et « tirer d'une position embarrassante » (1585), surtout au pronominal.
◆
L'interprétation littérale de l'idée de « libérer » est à l'origine du sens concret de « dépouiller, débarrasser de ce qui couvre » (apr. 1250) et d'une spécialisation pour « donner de l'aisance (en parlant d'un vêtement) » (1718). Au XIXe s., le verbe est passé dans le langage de la chimie pour « libérer (une émanation) » et en algèbre dans dégager une inconnue (1835) « déterminer la quantité inconnue dans une équation ». Ces deux emplois ont engendré au XIXe s. des emplois métaphoriques et figurés.
❏
Le dérivé
DÉGAGEMENT n. m. (v. 1330), attesté au
XIVe s. avec un sens mal éclairci : peut-être « manquement à un engagement », « action de prendre gage », a eu la même évolution que le verbe.
◆
Le sens littéral d'« action de retirer ce qui est en gage » (1465) est devenu technique. Depuis le
XVIIe s., il exprime l'action de libérer qqn (1636).
◆
Par métonymie du sens d'« action de libérer (un espace) » (1680),
un dégagement désigne en particulier un petit réduit « dégagé et détaché de tout » (Richelet, 1680).
◆
L'emploi du mot comme nom d'action correspondant au pronominal est attesté en 1835.
■
Le participe passé DÉGAGÉ, ÉE a été adjectivé, notamment pour exprimer l'idée d'« aisance » (1669, air dégagé, taille dégagée).
❏ voir
ENGAGER.
DÉGÂT n. m., d'abord degast (v. 1207), est le déverbal resté vivant de l'ancien français deguaster « ravager » (1080), dérivé de gâter* d'après le latin classique devastare (qui a donné dévaster*).
❏
Après une attestation au singulier dans un sens incertain, le mot apparaît au pluriel (1321) avec le sens concret et spécial de « partie de forêt où les arbres ont été abattus ». Le sens moderne, « ravage, dévastation, pillage » (v. 1360, Froissart), s'emploie dans le contexte de la guerre, avec la locution faire dégast « ravager » (1538).
◆
Au XVIe s. apparaissent le sens de « souillure », spécialement de « pollution nocturne », ainsi que la valeur atténuée de « dilapidation ». Le mot a effectivement exprimé, dans la langue classique, une consommation excessive, faite sans ordre ni économie (encore in Académie, 1878), sens aujourd'hui disparu. Souvent employé au singulier (du XVIIe au XIXe s.), il s'est longtemps identifié aux dévastations de la guerre (voir Furetière).
◆
En français moderne, il n'est guère usuel qu'au pluriel, avec des spécialisations et des locutions (limiter les dégâts, bonjour les dégâts, slogan antialcoolique), le singulier restant possible dans un usage très littéraire.