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DÉLAYER v. tr. (fin XIIIe s.), d'origine incertaine, paraît être le même mot que l'italien dileguare et l'ancien provençal deslegar, de même sens, verbes que l'on rattache au latin deliquare « clarifier, transvaser », formé de de-, et liquare « rendre liquide, filtrer ». Liquare appartient au groupe de liqui « s'écouler », auquel appartient liquor (→ liqueur). Pour expliquer les formes du français et de l'ancien provençal, on postule une altération °delicare en latin populaire de Gaule, peut-être sous l'influence de delicatus qui a donné délicat*. Le développement anormal en delayer, au lieu de deleyer, deloyer, s'est peut-être produit pour éviter la rencontre de ces formes avec desleier, desloier, formes anciennes de délier ; cependant, il a causé ensuite un rapprochement avec l'ancien délayer « retarder » (→ délai).
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Délayer s'emploie au sens propre et au figuré (1766), alors avec une nuance péjorative pour « exprimer (la pensée) en beaucoup de mots, en longues phrases inutiles », d'où le participe passé adjectivé DÉLAYÉ, ÉE.
❏
Le plus ancien de ses dérivés
DÉLAIEMENT n. m. (1549), enregistré par Cotgrave (1611) et repris au
XVIIIe s., est demeuré rare.
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Les autres, DÉLAYAGE n. m. (1832) et DÉLAYURE n. f. (1838), datent du XIXe s., le premier étant assez courant au figuré.
DELCO n. m. est l'emploi comme nom commun, en français (1931) sans doute après l'anglais delco, acronyme de Dayton Engineering Laboratories Company, fabricant du dispositif. Le mot est une marque déposée.
❏
Delco désigne un système d'allumage pour les moteurs à explosion, et la bobine d'induction de ce système.
DELEATUR n. m. inv. est l'emprunt tel quel (1797) du latin deleatur, littéralement « qu'il soit biffé, effacé », troisième personne du subjonctif présent de delere « biffer, effacer » et « détruire, raser ». Le verbe repose sur °de-olere, formation parallèle de abolere (°ab-olere) et se rattacherait donc au groupe de alere « nourrir, faire grandir » (→ adolescent, adulte, aliment, altitude, haut, prolétaire).
❏
Le mot désigne un signe typographique indiquant, sur une épreuve soumise à la correction, ce qui doit être supprimé.
❏
On rencontre exceptionnellement DÉLÉATURER v. tr. par exemple chez Gide (1914).
❏ voir
INDÉLÉBILE.
DÉLECTER v. tr. est emprunté (déb. XIVe s., se délecter) au latin delectare « attirer, charmer, faire plaisir à », souvent à la voix passive « se réjouir, être charmé ». Ce verbe qui a produit l'italien dilettare (→ dilettante), est le fréquentatif de delicere « attirer, amadouer », lui-même formé de de- et lacere « attirer, faire tomber dans un piège », de lax « appât, ruse, séduction ». Ce mot, seulement attesté par les gloses, appartient à un groupe de mots expressifs populaires, d'origine inconnue. Laqueus (→ lacs, lacet) en fait peut-être partie.
❏
Le verbe est d'abord employé à la forme pronominale, se deleter, puis se délecter (1377). Son usage transitif au sens de « charmer, réjouir » (1365), est rare et propre au style littéraire.
❏
DÉLECTATION n. f. est emprunté (v. 1120,
delectatium) au dérivé latin
delectatio « plaisir, amusement ». Il est spécialement employé en théologie, à propos de l'attrait incitant la volonté à agir, en particulier dans l'expression
délectation morose, calque du latin
delectatio morosa, à propos de la complaisance avec laquelle on s'attarde à la représentation imaginaire d'une faute (mais le sens moderne de
morose rend l'expression peu compréhensible aujourd'hui).
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DÉLECTABLE adj. est emprunté (1160-1174) au latin delectabilis « qui plaît, qui charme, agréable », autre dérivé de delectare ; en est dérivé DÉLECTABLEMENT adv. (v. 1370).
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Ces mots ont remplacé d'anciennes formes issues par dérivation du latin : le verbe délitier (av. 1150-XVe s.), et ses dérivés délitacion (XIIIe s.) n. f. et délitable adj. (XIIe s.).
❏ voir
ALLÉCHER, DÉLICAT, DÉLICE, DILETTANTE.
DÉLÉGUER v. tr. est emprunté (1395) au latin delegare « confier, s'en remettre à », « transmettre une créance, une dette », « attribuer » et « renvoyer à », formé de de- et de legare « attribuer à qqn l'exercice d'une charge », « envoyer en mission », de lex (→ loi ; légal).
❏
En français, le mot a gardé les sens latins en les infléchissant vers une valeur plus administrative ou abstraite et en y ajoutant l'idée de confier une responsabilité, un travail dans la vie professionnelle (savoir, ne pas savoir déléguer, absolt).
❏
Ses participes sont substantivés :
DÉLÉGUÉ, ÉE n. (v. 1534) est devenu usuel, en relation avec
délégation.
◆
DÉLÉGANT, ANTE n. (1846) est technique ou administratif pour « personne qui délègue, charge (qqn) d'une mission ».
◆
Il en va de même pour
DÉLÉGATAIRE n. (1605), formé sur
déléguer d'après
légataire* pour désigner en droit la personne à qui on délègue qqch. (rare av. 1831).
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Le nom correspondant, DÉLÉGATION n. f., est emprunté (XIIIe s.) au latin de même sens delegatio. Délégué et délégation, usuels, entrent dans de nombreuses désignations institutionnelles, le premier ayant désigné (XIXe s.) un député. En français de Tunisie, un délégué est le responsable officiel d'une délégation, subdivision territoriale et administrative d'un gouvernorat. Délégation et délégué, ée désignent la représentation diplomatique à l'étranger d'un représentant de la Communauté française de Belgique, et celle d'un représentant du gouvernement québécois (le délégué général, la délégation générale du Québec en France, à Paris). En France, la Délégation générale à la langue française (on a ajouté plus tard et aux langues de France) [D. G. L. F.], créée en 1989, est un service administratif, avec un délégué général. Ces désignations administratives sont sujettes à de fréquentes modifications, la terminologie du droit civil où délégation désigne (attesté XVIIe s.) une opération de transfert d'obligations (d'un délégataire à un délégué) étant plus stable.
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Le préfixe sub-* a servi à former SUBDÉLÉGUER v. tr. (XIVe s.) et SUBDÉLÉGATION n. f. (1550).
DÉLÉTÈRE adj. est emprunté (1370) au grec dêlêtêrios « nuisible, qui empoisonne, qui attaque », terme technique construit sur le modèle de son antonyme sôtêrios « qui sauve, secourable » et dérivé de dêleisthai « blesser, endommager, nuire à ». Ce dernier verbe est d'origine inconnue, l'hypothèse posant son appartenance à une racine indoeuropéenne °del- « fendre, déchirer » (représentée dans le latin dolare « dégrossir, façonner », → dédale, doloire) n'étant pas appuyée.
❏
Le mot, introduit en médecine comme synonyme didactique de nuisible, qualifie surtout un nom désignant un gaz, une émanation (miasmes délétères). Le style littéraire ou soutenu l'emploie au sens figuré de « qui cause la corruption », dans le domaine moral ou intellectuel.
DÉLIBÉRER v. tr. est emprunté (XIIIe s.) au latin deliberare « faire une pesée dans sa pensée, réfléchir mûrement » et « prendre une décision ». Le verbe est composé de de- et soit de libra « balance » (→ livre), soit de liber (→ libre) : si les Anciens penchaient pour libra, certains linguistes modernes ont allégué le fait que le composé attendu avec libra serait °delibrare (comme il existe un simple librare) et non deliberare (→ aussi délivrer).
❏
Le verbe correspond d'abord, d'après le latin, à « mûrir longuement une décision » et, construit avec
de, à « aboutir à une décision, décider de qqch. » (1406), sens courant jusqu'au
XVIIe s. puis recherché et enfin archaïque.
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En français moderne, l'accent est mis sur le caractère collectif et fait prévaloir l'idée de débat, de discussion, par exemple dans le contexte d'une assemblée. Cette acception a bénéficié de l'emploi de délibératif et délibération en droit.
❏
DÉLIBÉRÉ, ÉE, participe passé adjectivé, devenu courant dans des syntagmes comme
de propos délibéré, a donné
DÉLIBÉRÉMENT adv. (1381). Le verbe a aussi produit l'adjectif
DÉLIBÉRATEUR, TRICE « qui autorise à délibérer » (1826).
Délibéré, ée se dit, en français de Belgique, d'un étudiant qui fait l'objet d'une discussion.
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DÉLIBÉRATION n. f., d'abord deliberacion (1280), est emprunté au latin deliberatio « consultation, examen », lui-même dérivé de deliberatum, supin de deliberare. D'abord employé au sens d'« action de réfléchir, de délibérer », il a pris l'acception métonymique de « décision émanant d'un examen » (1549). Il signifie quelquefois « résolution, détermination montrée par une personne », depuis la même époque (1534). Comme pour le verbe, l'accent est mis ensuite sur le caractère de discussion collective.
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DÉLIBÉRATIF, IVE adj. est emprunté (1372) au dérivé latin deliberativus, terme de rhétorique se rapportant au genre de discours dans lequel on considère divers aspects d'une question en vue de faire adopter une résolution. Le français l'emploie en général, et techniquement en droit (1576, voix délibérative), en rhétorique et en linguistique.
DÉLICAT, ATE adj. est emprunté (v. 1454) au latin delicatus « attrayant, délicieux, élégant », « de goût difficile », spécialement employé pour qualifier et désigner un jeune homme efféminé. Le mot, d'étymologie douteuse, a subi l'influence de deliciae (→ délices).
❏
L'emprunt a éliminé une forme populaire ancienne delgié, deugié, dougié « fin, mince, svelte » (→ délié), « faible, infirme », qui a vécu jusqu'au XVIe s. et subsiste encore dans le patois de l'Ouest (de même : ancien provençal delgat, espagnol delgado « fin, mince, ingénieux »). D'autre part, il a été concurrencé en moyen français par l'adjectif délicatif, dit en particulier des mets, mais a laissé subsister une forme francisée délié*. Délicat qualifie d'abord physiquement un être de constitution frêle. Dès le XVe s., il qualifie également ce qui se distingue par une finesse propre à flatter les sens, et, par métonymie, se dit d'un aliment de saveur fine (1492). Avant la fin du XVIe s., divers emplois, souvent repris au latin, se développent. L'adjectif qualifie celui ou ce qui est gracieux, élégant (av. 1539), un ouvrage d'une grande finesse d'exécution (av. 1544), sur le plan psychologique, une personne sensible aux moindres impressions (1549), douée d'une grande sensibilité (1567) et aussi exigeante (1592, Montaigne) ou même susceptible, sens usuel au XVIIe s., puis archaïque. Transposé dans le domaine intellectuel, il se dit d'une chose difficile à apprécier ou à exécuter en raison de sa grande subtilité (av. 1592, Montaigne). Le champ sémantique est celui de la finesse, de la subtilité.
❏
De
délicat est dérivé
DÉLICATEMENT adv. (av. 1454) « d'une manière agréable, raffinée », puis aussi « légèrement, avec précaution » (1509) et « avec tact » (av. 1630).
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DÉLICATESSE n. f. (1548) a probablement été fait sur le modèle de l'italien
delicatezza (av. 1350) auquel il a repris la valeur de « qualité de ce qui est agréable aux sens ». Puis se sont développés le sens de « propriété de ce qui est difficile à comprendre » et le sens classique, aujourd'hui disparu, de « scrupule, susceptibilité ombrageuse » (1663).
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Le germanisme DELIKATESSEN n. f. pl. a été précédé par le calque délicatesses (1920, chez G. Leroux) pour désigner des produits alimentaires de luxe et la boutique qui les vend. D'abord dans le contexte allemand, le mot s'applique, aussi abrégé en DELI, aux États-Unis ; deli est en fait un emprunt à l'anglo-américain où delicatessen est attesté dès 1889.
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À la fin du
XVIIIe s.,
délicat a produit
INDÉLICAT, ATE adj. d'abord employé avec l'idée de « grossièreté » (av. 1773). Ce mot a probablement été fait sur le modèle de l'anglais
indelicate, attesté depuis 1742 (Richardson). Ultérieurement, il est devenu un synonyme atténué pour « malhonnête » (1879), d'une personne ou d'une action.
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En sont tirés INDÉLICATEMENT adv. (1823) et INDÉLICATESSE n. f., enregistré dans un Vocabulaire de nouveaux privatifs en 1794. Comme de nombreux noms de qualités, indélicatesse est devenu un nom « comptable » (une, des indélicatesses), s'appliquant spécialement à un acte répréhensible (1842) et à une escroquerie (1847, Balzac), par un léger euphémisme.
DÉLICE n. m. est emprunté (1120) au latin deliciae, -arum n. f. pl. (rare au sing., pour lequel le latin a le neutre delicium) et qui signifie proprement « séduction, perversion », d'où « jouissances, agrément » et, particulièrement, « objet d'affection, d'amour ». Delicium vient de delicere « attirer, amadouer », formé de de- et d'un verbe simple lacere (-licere en composition), uniquement attesté par les glossateurs, de même que le nom racine lax « appât, tromperie, ruse » dont d'autres composés ont laissé des traces (→ allécher, délecter, dilettante).
❏
Introduit comme féminin pluriel, le mot s'emploie aussi au singulier dès 1175. Cependant, l'usage du XVIe s. était de le considérer comme masculin au singulier avant que ne se fixe au XVIIe s. l'usage généralisé du masculin qui souffre encore des flottements. Surtout employé au pluriel, délices, en langue classique, il est devenu plus fréquent au singulier, le pluriel étant senti comme littéraire, au sens de « plaisir extrême ».
❏
DÉLICIEUX, EUSE adj. est emprunté à la même époque que
délice, sous l'ancienne forme
delicius (v. 1121), au dérivé bas latin
deliciosus, employé en parlant d'une chose douce, agréable et d'une personne voluptueuse.
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Son féminin d'alors, deliciouse (XIIIe s.), a servi à former delicïousement adv. (av. 1250) devenu DÉLICIEUSEMENT.
❏ voir
DÉLICAT.
1 DÉLIÉ, ÉE adj., d'abord attesté par l'ancien féminin pluriel delïetes (v. 1121), est la francisation du latin delicatus (→ délicat) sur le modèle des mots où -ié correspond au groupe phonétique -icatu. Le maintien du mot à côté de délicat est dû au fait qu'il a été compris comme étant le participe passé adjectivé du verbe délier* (Montaigne l'orthographie deslié).
❏
Le mot qualifie ce qui est mince, svelte, avec une valeur plus matérielle que
délicat. Transposé au sens figuré de « fin, habile, pénétrant » (1585), il met l'accent sur l'acuité intellectuelle,
délicat évoquant davantage une intelligence sensible et élégante.
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Le masculin a été ultérieurement substantivé en calligraphie pour désigner la partie fine d'une lettre (1706), par opposition à plein n. m.
DÉLINQUANT, ANTE adj. et n. est le participe présent adjectivé et substantivé (1375) de l'ancien verbe délinquer v. intr. (attesté 1379) « commettre un délit ». Ce verbe considéré par l'Académie en 1694 comme « un terme de pratique qui n'a guère d'usage qu'au prétérit », ne se rencontre plus que par archaïsme (Chateaubriand). Il est emprunté au latin delinquere, forme préfixée en de- d'un simple linquere « laisser, abandonner » (→ relique) de moindre vitalité. Delinquere, moins fréquent que deficere (→ déficit) au sens absolu de « manquer, faire défaut », s'employait surtout pour « manquer à un devoir », d'où « commettre une faute », en contexte juridique.
❏
Le mot, qui a supplanté délinqueur, dérivé de délinquer en moyen français, qualifie et désigne la personne qui a commis un ou des délits et, par extension, une faute quelconque, voire un crime.
❏
DÉLINQUANCE n. f., dérivé tardif (1926) de
délinquant, est devenu usuel dans le contexte du droit pénal, notamment dans les syntagmes
grande, petite délinquance.
◈
CYBERDÉLINQUANCE n. f., désigne les actes contraires à la loi commis dans l'utilisation des moyens de communication électroniques, d'Internet.
❏ voir
DÉLIT.
DÉLIQUESCENT, ENTE adj., attesté en 1773 mais antérieur (Cf. déliquescence), est emprunté au latin deliquescens, participe présent du verbe classique deliquescere « se fondre, se liquéfier », composé de de- et de liquescere « devenir liquide, limpide ». Ce dernier est le dérivé inchoatif de liquere « être liquide », du groupe de liqui « s'écouler » (→ liqueur, liquide).
❏
Introduit en français avec le sens concret de « qui passe à l'état liquide en absorbant l'humidité de l'air », déliquescent est surtout courant avec un sens figuré, « qui tombe en décadence », relevé chez Flaubert (1874). Cette évolution vers une valeur péjorative témoigne de l'influence de (se) liquéfier avec la valeur figurée de « perdre sa consistance, se défaire ».
❏
DÉLIQUESCENCE n. f. (1757), d'abord employé dans un contexte scientifique en chimie, est lui aussi plus usuel au figuré (1877, Flaubert).
DÉLIRE n. m., d'abord deslere (1478), puis deslire, délire (1537), est emprunté au latin impérial delirium « transport au cerveau ». Celui-ci est fait sur delirus « extravagant », dérivé de delirare pris avec le sens figuré de « perdre la raison, extravaguer ». Delirare signifie proprement « sortir du sillon » ; il est composé de de- et de lirare « labourer en billons », également employé au figuré. Ce verbe est dérivé de lira « billon », terme d'agriculture en usage dans les campagnes, et d'origine indoeuropéenne, à rapprocher du vieux prussien lýso, du lituanien lýsia « planche du jardin », de l'ancien haut allemand wagan-leisa « sillon (tracé par une voiture) », du gotique laists « trace de pas » auquel correspond le verbe laistjan « suivre à la trace ».
❏
Le mot, introduit en français par les médecins, est devenu courant avec le sens vague d'« égarement de l'esprit ». À partir du XIXe s., le délire est défini comme objet d'étude scientifique. Probablement d'après la valorisation poétique de la fureur (→ fureur), délire recouvre aussi l'acception de « rêve », « exaltation de l'imagination » (av. 1709).
❏
Le verbe correspondant,
DÉLIRER v. intr., emprunté (1525) au latin
delirare, a lui aussi pris un sens extensif, « être en proie à une émotion qui trouble l'esprit » (1772).
■
Son participe présent DÉLIRANT, ANTE est employé comme adjectif (1789) et, depuis 1870, comme nom pour désigner en psychiatrie une personne en proie au délire. La langue courante contemporaine en fait un intensif, qui peut être positif, à la manière de fou, dingue...
■
Le terme médical DELIRIUM TREMENS n. m. (1824), proprement « délire tremblant », a été introduit dans la terminologie scientifique par le médecin anglais T. Sutton en 1813 dans son ouvrage Tracts on Delirium Tremens ; le mot est didactique, mais assez connu, à propos d'un délire aigu alcoolique.
DÉLIT n. m. est emprunté (1330-1332) au latin delictum « faute », substantivation du neutre du participe passé delictus de delinquere (→ délinquant).
❏
Introduit au sens général de « faute », délit semble peu employé avant le XVIIe s. ; Furetière, qui enregistre (1690) son acception juridique, signale qu'en termes d'eaux et forêts, on appelait arbres de délit « ceux qui ont été coupés clandestinement ou contre les ordonnances et règlements, qui sont sujets à confiscation ou à amende ». L'expression juridique corps du délit (1835) traduit littéralement le latin corpus delicti. Avec le Code pénal, la définition juridique du mot a été précisée par rapport à crime et à contravention, termes ayant dans la langue courante des valeurs différentes.
❏
DÉLICTUEUX, EUSE adj., attesté chez Littré (1863), a été dérivé savamment du radical du latin delictum avec le suffixe -ueux, sur le modèle d'adjectifs comme difficultueux.
◆
On rencontre chez Durkheim DÉLICTUOSITÉ n. f. « qualité de délit » (1893).
❏ voir
DÉLINQUANT.
L
DÉLIVRER v. tr., attesté indirectement au XIe s. par l'adjectif dérivé régressif delivre « libéré de » (1050), est issu du latin chrétien deliberare « mettre en liberté », élargissement en de- du verbe simple liberare (→ libérer, livrer).
❏
Délivrer a le sens de « libérer » dès ses premières attestations (av. 1150). Par analogie, il se dit (
XIIe s.) de l'acte d'accoucher, envisagé passivement (déb.
XIIe s.,
estre delivrée) et activement (1172-1184) avant de recouvrir techniquement, en chirurgie, l'idée d'« extraire l'arrière-faix » (1752), d'après son déverbal
délivre (→ ci-dessous).
■
Une autre acception, « remettre après certaines formalités », apparaît dès le XIIe s. (v. 1130). On a évoqué une référence possible aux formalités accompagnant la remise de captifs libérés, mais l'influence formelle et sémantique de livrer pourrait être déterminante.
❏
Le nom correspondant,
DÉLIVRANCE n. f. (déb.
XIIe s.), possède dès le
XIIe s. les sens de « maternité, accouchement » et, en général, de « libération », au propre (1170) et au figuré (fin
XIIe-déb.
XIIIe s.). Comme le verbe, il désigne aussi l'acte de remettre qqch. après l'accomplissement de formalités (fin
XIIIe s.).
■
Le déverbal DÉLIVRE n. m. a été formé ultérieurement sur délivrer au sens d'« accoucher » (ci-dessus), pour désigner l'ensemble des annexes du fœtus expulsés dans la dernière phase de l'accouchement, d'abord comme mot féminin (1606) puis comme masculin (1694).
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Le nom d'agent DÉLIVREUR n. m. (v. 1120) n'a eu longtemps que le sens de « libérateur » avant de prendre aussi, d'après l'autre sens du verbe, celui de « personne chargée de remettre, de distribuer qqch. » (1734) ; il est quasiment sorti d'usage.
DELTA n. m., d'abord deltha (v. 1250, deltha ; repris XIXe s.), est emprunté au grec delta, nom de la quatrième lettre de l'alphabet, équivalent de d, employé métaphoriquement à cause de la forme triangulaire de sa majuscule (Δ) : les Grecs l'employaient pour désigner la région des bouches du Nil.
❏
Les clercs qui ont introduit le mot l'ont d'abord appliqué à l'embouchure du Nil : « Et s'adreça viers Nillum, et vint droit viers une ille qui estoit en cel flun c'om apieloit deltha pour çou que li illes est fais à la maniere d'une letre qui a non deltha en grigois ». Inusité, semble-t-il, avant le XIXe s., delta est un terme de géographie usuel pour la zone constituée par les alluvions apportées par les branches d'un fleuve à son embouchure.
❏
Au
XVIe s., a été emprunté l'adjectif
DELTOÏDE (1530) au dérivé grec
deltoeidès « en forme de delta », désignant et qualifiant un muscle ; le mot est relativement usuel.
■
Ultérieurement, ont été formés avec delta quelques dérivés savants (DELTAÏQUE adj., 1851 ; DELTACISME n. m., 1933) et des composés comme DELTA-CORTISONE n. f. (1959).
■
Le seul courant est DELTAPLANE n. m. (1974), formé sur le modèle d'aéroplane* et aquaplane*, de aile delta, marque déposée.
DÉLUGE n. m. est l'adaptation (v. 1120) du latin diluvium « inondation, débordement », appliqué spécialement par les auteurs chrétiens à l'inondation du monde rapportée dans la Genèse (7, 11 à 8, 14), dérivé de diluere (→ diluer).
❏
Introduit dans son acception biblique, le mot, qui a supplanté la forme empruntée diluive (1120), désigne plus généralement une pluie très abondante, torrentielle. Par extension, avec un complément de détermination (1593, déluge de sang ; 1640, déluge de feux), il exprime la surabondance, au propre et au figuré. Par une hyperbole analogue à celle de cataracte ou grandes eaux, il concerne en particulier des larmes abondantes.
❏ voir
DILUVIEN.