DENRÉE → DENIER
DENSE adj. est emprunté (1390) au latin densus « épais, serré, touffu » (par opposition à rarus, → rare), employé dans la langue poétique avec un ablatif au sens de « couvert de ». Ce mot, ainsi que le verbe densare (→ condenser), est peu représenté dans les langues romanes où il a subi la concurrence de spissus, qui a donné épais* ; il est à rapprocher, dans les autres langues indoeuropéennes, du hittite daššuš « fort, dru », et peut-être du grec dasus et de son dérivé dasos « fourré, taillis », tous deux restés en grec moderne, avec les sens respectifs de « velu » et « bois, taillis ».
❏  L'adjectif qualifie concrètement ce qui est « épais, compact ». Il s'est spécialisé en physique pour décrire une chose dont la masse est considérable par rapport au volume (1671). Au XIXe s. (1855), dense s'emploie en parlant d'une réalité humaine, d'un ouvrage de l'esprit bref et plein (1855).
❏  Les dérivés apparus au XIXe s., sont DENSÉMENT adv. (1872) et DENSIFIER v. tr., employé depuis 1896 (au participe passé) dans un contexte médical et qui compte plusieurs emplois techniques, notamment en démographie (1969), de même que son dérivé DENSIFICATION n. f. (1937).
■  Sous la forme densi-, dense est entré dans la formation des termes de physique DENSIMÈTRE n. m. (1865, peut-être emprunté à l'anglais densimeter, av. 1863), DENSIMÉTRIE n. f. (1877) et DENSIMÉTRIQUE adj. (1877).
Le nom correspondant, DENSITÉ n. f., d'abord dempsité (1390), est emprunté au latin densitas « épaisseur », de densus. Le mot a suivi le même développement que l'adjectif, prenant à partir du début du XVIIIe s. des acceptions spécialisées en physique, « rapport masse-volume » (1703) [densité de la vapeur 1827, densité des gaz 1833], en électricité (1890) et en électronique. ◆  De DENSITOMÈTRE n. m. « appareil de mesure des densités », vient DENSITOMÉTRIE n. f. (1932) « mesure de la densité optique (d'une substance, d'un milieu) ». Un préfixé, en médecine, concerne la mesure de la densité osseuse, ou OSTÉODENSITOMÉTRIE n. f.
L + DENT n. f. est issu (1080) du latin dens, dentis n. m., peut-être employé aussi au féminin, qui désigne l'organe de la manducation chez l'homme ou l'animal ; par extension, dens s'est employé à propos d'objets de forme ou d'usage comparables : dent du peigne, de la charrue, du râteau, de la fourche, de l'ancre, etc. et au figuré. Le mot appartient à une vaste série indoeuropéenne, représentée par le sanskrit dán, le vieil allemand zand, le gallois dant, etc. ; la forme grecque odous, odontos (→ -odonte) indique un rapport avec le groupe du latin edere « manger » (→ comestible, comédon) dont elle serait le participe ; on dégage une racine °ed- ou (Benveniste) °denk-, dont le sens serait « mordre », « mâcher ». Voir aussi le schéma page suivante.
❏  Le mot, d'abord attesté à propos des humains, puis des autres mammifères, désigne l'un des organes de la bouche, durs et calcaires, (longtemps assimilés à des os), implantés sur le bord des maxillaires, et servant à broyer la nourriture. Comme la plupart des noms d'organe, il entre dans une abondante phraséologie, concrète et figurée, et, en tant que générique, suscite une terminologie importante (nom de dents spécifiques : dents canines, incisives, maschalieres, molares, in Cotgrave, 1660 ; noms de positions, de parties : racine, couronne, collet...). Sur le plan concret certaines expressions sont anciennes, telle dent de lait (1330-1332), d'autres, mal datées, doivent l'être : dent de sagesse (aussi dents de sens au XVIIe s. in Cotgrave), avoir de belles dents, les dents blanches, mal aux dents... Se frotter (XVIIe s.), se laver les dents correspondent aux progrès de l'hygiène ; arracher une dent, arracheur de dents (au figuré au début du XVIe s.), aux débuts de la chirurgie dentaire.
■  S'agissant toujours de dents humaines, la phraséologie reflète une série de valeurs concrètes et symboliques attachées au mot : fonction nutritive dans à belles dents, qui s'oppose à du bout des dents « sans appétit » (la locution est d'abord attestée dans un autre contexte : rire du bout des dents [1330-1332]), avoir qqch. à se mettre sous la dent « à manger » et, dans doute récemment, l'argotique avoir la dent « avoir faim ». Le rôle des dents dans l'articulation de la parole est en cause pour dire entre ses dents (1150), ne pas desserrer les dents « ne pas parler ». Dent évoque aussi des attitudes physiques à signification psychologique : serrer les dents (1548, de rage), grincer des dents, claquer des dents (de froid, peur, fièvre...). ◆  D'autres locutions, imprévisibles, remontent à des images où les dents animales sont assimilées à l'homme (idée d'arme, de menace, etc.) par exemple dans montrer la dent (1340) puis montrer les dents « menacer », œil pour œil, dent pour dent, proverbe biblique. Armé jusqu'aux dents (v. 1550), au-delà de l'allusion à la position de la bouche (Cf. de pied en cap) utilise aussi le symbolisme de la menace et de l'arme. Sur les dents (attesté 1611) « épuisé, harassé », fait probablement allusion au cheval dont les dents appuient sur le mors, de même que prendre le mors aux dents « s'emballer ». ◆  Avoir les dents longues « être ambitieux », mêle les connotations humaines (1548, « avoir grand faim ») et animales ; l'expression a pris sa valeur morale vers la fin du XIXe s. (Duneton).
■  Sur le plan concret, les dents d'animaux, dans des syntagmes du type dent de..., désignent des objets techniques : DENT-DE-CHIEN (1690) « ciseau de sculpteur », DENT-DE-RAT (1754) « dentelure en passementerie », (Cf. ci-dessous dent-de-loup) ; des plantes (Cf. dent-de-lion), des minéraux, tel DENT-DE-CHEVAL (1864) « variété de topaze », etc.
Employé seul, dès l'ancien français, dent comme le latin dens sert à désigner un objet, un élément pointu faisant partie d'un ensemble : les dents du peigne (1177-1179), d'un râteau, d'une fourchette, d'une scie d'où la locution en dents de scie, concrète et abstraite. Spécialement (1786), le mot désigne un sommet aigu de montagne.
■  Enfin, une autre analogie lui donne la valeur de « découpure pointue », d'abord saillante, ce sémantisme étant à l'origine de nombreux dérivés (dentelle, dentelé, indentation, voir ci-dessous).
❏  Le mot a produit un grand nombre de dérivés, tant d'usage courant que didactique. Dès l'ancien français, on relève DENTÉ, ÉE adj. (v. 1120) au propre et au figuré (v. 1250), toujours vivant surtout dans le second cas (roue dentée), alors que DENTU, UE adj. (v. 1179) ainsi que DENTÉE n. f. (fin XIIe s.) sont sortis d'usage. Dentée a d'abord désigné un coup sur les dents puis, dans le langage de la vénerie, la quantité de nourriture qu'un animal saisit d'un coup de dent.
■  Le moyen français voit la création de DENTURE n. f. (1276) pour « ensemble des dents (d'un animal, d'une personne) » qui prendra un sens technique (1752), à propos de l'ensemble des dents d'un outil, d'un pignon, d'un engrenage. ◆  De denture sont dérivés DENTUROLOGIE n. f., qui désigne au Québec la technique et la pratique des prothèses dentaires, et DENTUROLOGUE n.
Par emprunt à une expression italienne, al dente « à la dent », AL DENTE adv., prononcé aldenn'té.
DENTELLE n. f., avec son sens étymologique de « petite dent » (dentele, av. 1388), se détache de son origine lorsqu'il s'applique (1549) à un ouvrage de fils, activité qui devient rapidement un art, puis une industrie. ◆  Ce sens apparu au XVIe s. vient d'Italie avec la chose désignée. Le même mot correspond à la fois à l'activité et à l'objet de parure fabriqué ; il entre dans de nombreux syntagmes et prend une grande importance dans l'histoire du vêtement, aux XVIIe et XVIIIe s. laissant la locution ironique guerre en dentelles, attestée plus tard. Au XIXe s., la dentelle, objet de parure, est réservée aux femmes ; sa fabrication devient mécanique dans la seconde moitié du siècle. Au figuré, le mot symbolise la délicatesse (il ne fait pas dans la dentelle, « il est direct, brutal... ») et, concrètement, évoque une surface découpée, ajourée.
■  Dentelle entraîne la création de DENTELLIER, IÈRE n. (1647), puis adj. (1864) et de DENTELLERIE n. f. (av. 1870) « activité, art de la dentelle ». ◆  Son ancienne valeur diminutive (-elle) s'est transmise à son propre diminutif DENTELET n. m. (1611), qui a pris le sens technique de « petit cube de pierre dans lequel on taille des denticules » (1690).
■  Dentelle, sous sa forme ancienne dentele « petite dent », a aussi donné DENTELURE n. f. (1467).
■  DENTELER v. tr. (1584), qui semble postérieur à DENTELÉ, ÉE adj. (1545), est dérivé de dentele au sens initial (ci-dessus). Le verbe correspond à « découper en forme de petites dents, en angles », l'adjectif, plus courant, à « qui présente des indentations » ; il s'est spécialisé en anatomie (muscle dentelé ; d'où n. m. le grand, le petit dentelé).
Au XVIe s., on commence à employer le dérivé DENTAL, ALE, AUX adj. (1534), ainsi que DENTINE n. f. (1586) repris depuis 1855 et répandu au début du XXe s. et DENTIER n. m. (1574), qui signifie à l'origine « rangée de dents » et « mâchoire » (av. 1589). Au sens moderne « ensemble de dents artificielles » (1624), s'est adjoint un sens technique qui fait de dentier le synonyme de denture n. f. (1857).
■  Toujours au XVIe s. DENT-DE-LION n. f. (1596) calque le latin médiéval dens leonis par allusion aux feuilles dentées du pissenlit et emprunté par l'anglais (dan de lion).
■  Un peu plus tardif, DENT-DE-LOUP n. f. (1676) est un terme de décoration qui possède plusieurs sens concrets (technique, cuisine).
DENTISTE n., mot qui semble avoir été créé par Pierre Fouchard (1728, Le chirurgien dentiste), créateur de l'odontologie moderne, a concurrencé et évincé l'appellation barbier-chirurgien. Avec l'évolution des techniques médicales, le mot s'applique depuis le XIXe s. à un praticien diplômé, autorisé à soigner les dents et à pratiquer des interventions chirurgicales sur les dents, les gencives, ainsi que des soins stomatologiques. Le mot s'emploie en apposition dans chirurgien dentiste (France) et médecin dentiste (Suisse). ◆  Du statut de barbier-chirurgien, voire d'arracheur de dents, la profession est passée à celle de médecin ou chirurgien spécialisé (début XIXe s.), avant que l'idée d'un diplôme spécialisé ne se fasse jour (projet de loi de 1847). ◆  Le mot a pour dérivé DENTISTERIE n. f. (1889).
■  DENTISTIQUE n. f., mot technique et rare, désigne la fabrication assistée par ordinateur des prothèses dentaires.
Les dérivés DENTIFÈRE adj. (1846), DENTIMÈTRE n. m. (XXe s.) ainsi que plusieurs composés en dento- (XXe s.) sont didactiques.
Dent a engendré également quelques préfixés : le plus ancien est ENDENTER v. tr. (av. 1134) « pourvoir de dents », spécialisé en blason (v. 1234) et en marine (fin XVIIIe s.), et qui a pour dérivé ENDENTEMENT n. m. (1792) ; les deux mots sont didactiques et rares.
■  ÉDENTER v. tr., lui aussi ancien (v. 1200 comme intransitif), est plus courant. Le participe passé du verbe a fourni le nom d'un ordre de mammifères sans dents (1829).
■  La série de INDENTATION n. f. (1861) et INDENTÉ, ÉE adj. (XXe s.), est d'usage didactique, mais indentation s'est diffusé pour décrire une forme dentelée en creux.
■  Dent entre encore dans SURDENT n. f. (v. 1560) « dent en plus », spécialisé en médecine vétérinaire du cheval (1678), qui existait déjà en ancien français sous la forme sordent (v. 1160) au sens figuré d'« outrage ».
1 DENTAIRE adj. est emprunté (1541), pour servir d'adjectif à dent*, au dérivé latin dentarius « qui concerne les dents ».
■  Le terme de botanique 2 DENTAIRE n. f. est emprunté (1572) au latin dentaria « jusquiame », cette plante étant utilisée contre les maux de dents.
DENTIFRICE n. m. et adj. est emprunté dès le moyen français (1495) au latin impérial dentifricium, formé de dens, dentis et de fricare « frotter » (→ friction). Avant le XIXe s., le mot relève du vocabulaire médical : on le rencontre chez Paré en 1575, et Furetière le taxe de « terme de médecine » dans un article où il énumère les substances sèches et humides avec lesquelles on se frotte les dents. ◆  Devenu courant, il est aussi employé comme adjectif depuis 1864 (pâte dentifrice).
DENTITION n. f. est un emprunt plus tardif (1754) au dérivé latin impérial dentitio « forme des dents, pousse des dents ». Enregistré dans l'Encyclopédie au sens de « poussée des dents », il ne prend le sens concret d'« ensemble et disposition des dents », concurrençant denture*, qu'au milieu du XIXe s. (1864). Ce dernier emploi, aujourd'hui courant, a longtemps été considéré comme fautif (Littré).
REDENT n. m. (1611) désigne en architecture un ornement découpé, denté, caractéristique du style gothique. ◆  REDAN n. m. est l'altération (1677) de redent. Il s'emploie à propos d'un ouvrage de fortification saillant, puis (1743) d'un ressaut vertical, d'une saillie et enfin (mil. XXe s.) d'un décrochement vertical de la coque d'un canot, d'un hydravion.
❏ voir BRÈCHE (BRÈCHE-DENT), TRIDENT.
⇒ tableau : Le français dent et ses dérivés
DENTELLE → DENT
DÉNUDER v. tr. est emprunté (av. 1150) au latin denudare « mettre à nu, découvrir » et au figuré « dévoiler, révéler », formé de de (→ de) et de nudare « déshabiller », lui-même de nudus (→ nu).
❏  Après une première attestation au sens de « mettre à nu », le mot semble inusité : on préfère à cette forme savante le verbe dénuer*. Dénuder est repris fin XVIIIe s., dans un contexte médical, au sens de « dépouiller (une chose) de ce qui la recouvre » (1790). ◆  Il se répand au XIXe s., surtout usité à la forme pronominale, au propre « se mettre à nu » (1844) et au figuré (1832, Hugo à propos de l'architecture). Son emploi familier, pour « se dégarnir » (1858) en parlant d'un crâne, est vieilli.
❏  À chaque valeur du verbe correspond un emploi du participe passé adjectivé DÉNUDÉ, ÉE, généralement plus courant.
■  Le nom correspondant DÉNUDATION n. f. est emprunté (1374) au dérivé bas latin denudatio. Alors que dénudé, dénuder ne semblent pas en usage dans la langue classique, dénudation y est attesté. ◆  Surtout réservé à des emplois techniques (médecine, arboriculture), ce substantif est concurrencé par le dérivé moderne de dénuder, DÉNUDEMENT n. m. (1916), surtout d'usage littéraire.
❏ voir DÉNUER.
L DÉNUER v. tr. est issu (av. 1150) du latin denudare (→ dénuder) altéré en disnudare au IXe s. par changement de préfixe, d'où le type desnuer, fréquent en ancien français.
❏  Le mot a surtout le sens propre de « mettre à nu » jusqu'au XVIe s. et encore dans l'édition de 1660 de Cotgrave. Le sens figuré « priver de tout bien, démunir » (1194-1197) s'est répandu, surtout réalisé par le passif être dénué de et le participe passé adjectivé DÉNUÉ, ÉE (1370).
❏  Le dérivé DÉNUEMENT n. m., anciennement desnuement (1374), a perdu son sens premier de « mise à nu » pour le sens figuré actuel (XVe s.) « privation totale ». Il correspond spécialement à l'état d'une personne ou d'un groupe qui est dépourvu du nécessaire (av. 1704).
DÉODORANT → ODORANT
DÉONTOLOGIE n. f., mot didactique, est attesté pour la première fois en 1825 dans l'Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d'Art et Science, ouvrage traduit du philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham. Il est emprunté à l'anglais deontology, formé du grec to deon « ce qu'il convient de faire », de deîn « lier, attacher » au propre et au figuré (→ diadème), et de logos « le discours, la doctrine » (→ logie). Le premier emploi du mot en anglais est relevé chez J. Bentham (« Ethics has received the more expressive name of Deontology »).
❏  Le mot se rapporte à la théorie des devoirs ; par métonymie, il désigne plus couramment l'ensemble des règles morales qui régissent l'exercice d'une profession, par exemple la médecine.
❏  Le quasi-synonyme DÉONTOLOGISME n. m., employé en 1874 par P. Janet, dérivé du radical de déontologie, est répertorié par plusieurs dictionnaires de la fin du XIXe s. (Littré, Guérin 1892, Larousse du XIXe s., Suppl. 1878), mais a vieilli.
■  DÉONTOLOGIQUE adj. (1834, traduction de J. Bentham) et DÉONTOLOGISTE n. ou DÉONTOLOGUE n. (respectivement 1823 et 1834, eux aussi dans des traductions de Bentham) sont empruntés à l'anglais, mais considérés comme des dérivés français de déontologie. Tous les mots de la série se sont spécialisés surtout en médecine.
DÉONTIQUE adj. est un emprunt (1935) à l'anglais deontic, de même origine que déontologie. Il qualifie tout ce qui constitue une obligation, un devoir.
DÉPANNER, DÉPANNEUR → PANNE
DÉPAREILLER → PAREIL
DÉPARTEMENT → DÉPARTIR
+ DÉPARTIR v. est formé (1050) de dé-* et de partir* au sens ancien de « séparer, partager » sens qu'il n'a plus que dans avoir maille à partir.
❏  L'usage du verbe s'est progressivement restreint, notamment en construction directe : son sens de « partager, diviser » est sorti d'usage au profit de répartir*, celui de « séparer (une chose d'une autre) » (1080) n'a laissé de trace que dans le langage de la vénerie à propos d'un chien qui se sépare de la harde. Celui de « se séparer d'un lieu », « s'en aller » ne survit que dans le déverbal 2 départ (ci-dessous). Le sens de « partager » (1177) ne vit plus que dans le syntagme juridique départir des causes aux temps composés et au participe passé. Départir est relativement plus courant à la forme pronominale se départir de (peu après 1350) « renoncer à ».
❏  Parmi les dérivés, certains ont subi la même restriction d'emploi que le verbe.
■  DÉPARTIE n. f. « partage » (1050) et « séparation » (1080) a disparu, ainsi que DÉPARTITEUR n. m. (1870), d'usage juridique, dénommant un juriste habilité à compléter un tribunal lorsqu'il est impossible de dégager une majorité.
■  D'autres se sont maintenus partiellement comme 1 DÉPART n. m. (v. 1222) « séparation », qui ne subsiste que dans la locution faire le départ entre... (1819) servant de substantif d'action de départager. D'autres enfin sont restés vivants en se détachant du sens de base de départir.
C'est le cas de 2 DÉPART n. m. (1213) « action de partir », déverbal de départir au sens ancien de « se séparer d'un lieu, s'en aller », et qui est devenu le nom d'action correspondant à partir* créant une anomalie morpho-sémantique due en partie au monosyllabisme et aux autres valeurs de part, partage. Le mot est entré dans quelques locutions usuelles comme être sur le départ (1680, sur son départ), point de départ (1796), etc. Par métonymie, il désigne le lieu d'où l'on part (1890). Il s'est spécialisé en sports, dans les deux acceptions. Par abstraction, il se rapporte spécialement, dans un contexte professionnel, au fait de quitter un emploi, une fonction (1793). Il exprime aussi le sens temporel de « commencement » (1854) réalisé dans la locution au départ.
Départ n'est plus senti comme lié à départir ; il en va de même pour l'autre dérivé important du verbe, DÉPARTEMENT n. m. (déb. XIIe s. « parties dispersées »), qui lui a longtemps tenu lieu de nom d'action au sens d'« action de partager » (1180), encore au début du XVIIe siècle. ◆  Le mot, appliqué par métonymie aux choses partagées (spécialement la terre, fin XIVe s.), a pris d'une part le sens abstrait de « partie de l'administration attribuée à un ministre, attributions reçues en partage » (1680) et, d'autre part, le sens concret plus courant de « division administrative » (1765), acquérant sa valeur terminologique française sous la Révolution (1790). Le mot, en français de Suisse, désigne un ministère fédéral ou cantonal. Il semble devoir à l'anglais department son emploi plus récent pour « unité administrative responsable d'un certain type de documents dans une bibliothèque » et de « section d'activités pour un grand magasin, une entreprise », emploi usuel au Québec.
■  Il a lui-même produit DÉPARTEMENTAL, AUX adj. (1790) « qui se rapporte à l'unité administrative du département français », lequel a donné DÉPARTEMENTALISER v. tr. (v. 1950) sur le modèle d'étatiser, nationaliser, et, attesté avant le verbe, DÉPARTEMENTALISATION n. f. (1930).
DÉPASSER v. tr. est dérivé (v. 1160) de passer (→ passer) avec le préfixe 1 de-* exprimant l'intensité.
❏  D'abord envisagé comme un verbe de mouvement concret, d'après l'ancien sens de passer « marcher », dépasser signifie « aller plus loin que » et, de la fin du XIIe au XVe s., « passer par-dessus, fouler aux pieds ». L'évolution sémantique a privilégié l'idée d'« aller au-delà », éliminant le sens de « reculer » (XIVe s.), qui exploitait de- avec sa valeur d'éloignement. ◆  Dès l'ancien français, dépasser réalise un sens moral et figuré, « aller au-delà de ce qui est établi, transgresser » (XIIIe-XIVe s.), sens demeuré vivant, et rejoint par la locution métaphorique dépasser les bornes (1803). ◆  Le sens temporel « aller au-delà d'un point dans le temps, d'un délai » date lui aussi du moyen français (1316). ◆  Le XVIIe s. atteste l'emploi du mot en marine à propos d'un vaisseau qui va, involontairement, au-delà d'un lieu, d'un point d'ancrage (1691). ◆  Avec un autre sens de passer, dépasser s'est dit en marine pour « faire sortir (un cordage) de ce dans quoi il était passé ». ◆  Cette dernière spécialisation (dépasser un mât, 1771 ; dépasser un câble, 1838) est le seul vestige de l'usage du verbe pour « enlever un objet de l'endroit où il était passé », encore vivant au XIXe s. ◆  Avec la valeur abstraite correspondant à « excéder en importance » (1794), dépasser se rapproche d'un autre préfixe de passer, surpasser. Au XIXe s., la vitalité des valeurs métaphoriques confère au verbe la valeur de « s'étendre au-delà de (qq chose) avoir des dimensions supérieures », absolument (1822) et transitivement (1825, dépasser qqn de toute la tête), également au concret « sortir d'un alignement » (1830, pas un cheveu ne dépassait l'autre). ◆  Le verbe passif, être dépassé, se colore d'une valeur péjorative « être démodé, en retard » dans être dépassé par les événements (1848, Chateaubriand ; de nos jours familièrement). ◆  Le pronominal se dépasser rejoint se surpasser dans sa valeur généralement laudative : « aller au-delà de ses propres limites » (1864).
❏  La dérivation, tardive, consiste en DÉPASSEMENT n. m. (1865), d'abord attesté en finance, puis dans ses valeurs concrètes (1894, voie de dépassement) et morale (1910), et INDÉPASSABLE adj. (1864 ; 1866, Bloy), au sens strict (Cf. infranchissable) et, par extension, « extrême ». ◆  DÉPASSANT, ANTE adjectif tiré (1886) du participe présent, est substantivé en couture (1922) à propos de l'ornement d'étoffe qui dépasse de la partie du vêtement à laquelle il est fixé.
DÉPATOUILLER → PATOUILLER
DÉPAYSER → PAYS
DÉPECER v. tr. est composé (1080) de pièce* avec traitement atone de la voyelle, du préfixe privatif dé-* et de la désinence verbale -er.
❏  En ancien français, le verbe signifie « mettre en pièces » en parlant de divers objets, par exemple une lance dans la Chanson de Roland ; l'usage moderne l'emploie essentiellement à propos du corps humain ou animal (1200), d'une viande (1595). Dépecer a acquis le sens figuré de « morceler » en parlant d'un territoire (1606) [Cf. démembrer] s'appliquant par extension à un objet de langage que l'on analyse minutieusement (et malignement) [fin XVIIIe s., Voltaire]. Depuis 1812, par une spécialisation technique, il est employé en peausserie.
❏  En sont issus DÉPÈCEMENT n. m. (1160), aujourd'hui surtout au figuré (dépècement d'un pays, d'un État), le nom d'outil DÉPEÇOIR n. m. (1753) désignant un couteau utilisé dans la fabrication des chandelles, et DÉPEÇAGE n. m. (1842), qui, au sens concret, s'est substitué à dépècement, en particulier à propos d'un animal chassé et tué.
Le rapport de ce groupe à son étymon pièce n'étant pas suffisamment senti, on a formé sur pièce un autre composé, DÉPIÉCER v. tr. (1155) « mettre en pièces » et au figuré « annuler, faire cesser » (v. 1175).
■  Le verbe a donné DÉPIÉÇAGE n. m. « démembrement d'un fief », repris au XIXe s. (1842), et DÉPIÈCEMENT n. m. Ces formes sont restées rares par rapport à dépecer, dépeçage.
DÉPÊCHER v. est formé (v. 1225) comme antonyme d'empêcher*, par substitution du préfixe dé-* au préfixe em-.
❏  Le lien étymologique du mot à empêcher est resté sensible dans son emploi pour « délivrer, mettre en liberté, affranchir », vivant du XIIIe au XVIe s. et, au pronominal, se dépêcher « se délivrer » (v. 1225). Ce lien s'est progressivement distendu à mesure que l'idée de « se débarrasser de qqch. ou de qqn au plus vite » a acquis son autonomie au XVIe s., mettant l'accent sur la rapidité d'accomplissement. ◆  Dépêcher qqn a pris familièrement le sens d'« expédier dans l'autre monde » (v. 1462), le sujet désignant un meurtrier, puis, par hyperbole, un mauvais médecin dont les patients trépassent (v. 1490). Dépêcher qqch., symétriquement, s'est employé pour « en finir rapidement avec elle » (v. 1490). ◆  L'emploi transitif du verbe s'est teinté de familiarité, impliquant souvent la négligence (dépêcher ses prières, ses devoirs), alors que l'emploi correspondant au pronominal se dépêcher (v. 1490) est devenu très courant avec la valeur neutre de « se hâter ».
■  De l'idée de diligence est sortie la notion d'un mouvement à partir de soi, d'où les sens usuels, « envoyer (qqn) » (fin XVe s., un messager, un ambassadeur) et « envoyer (un message, un courrier) » (1681).
❏  C'est à ces derniers sens que se rattache le déverbal DÉPÊCHE n. f., attesté dès ses premiers emplois (1464) avec le sens concret de « lettre », d'abord à propos d'une lettre patente, puis d'un courrier quelconque (fin XVe s.), avant de se spécialiser à propos d'une lettre concernant les affaires publiques (1671) et d'une communication officielle transmise par voie rapide (1690). De là, dépêche télégraphique (1800) et, en journalisme, dépêche de presse, d'agence.
■  Les tentatives pour faire de dépêche le substantif d'action de dépêcher dans ses différents sens ont définitivement échoué après le XVIIe siècle.
■  DÉPÊCHEUR, EUSE n. (1534) « celui qui expédie une besogne en toute hâte » est sorti d'usage, malgré sa reprise au XIXe s. (1838) ; DÉPÊCHEMENT n. m., vivant en ancien français (1232) et repris au XIXe s. par Chateaubriand (1848) pour « action d'envoyer qqch. ou qqn », est rare et littéraire.
DÉPENAILLÉ, ÉE adj. est issu (1546, Rabelais) du croisement du moyen français pennallye, penaille « tas de vêtements, de loques » (XVe s.), lui-même de l'ancien français pane, panne*, penne « étoffe, chiffon de soie », avec l'ancien français despaner « déchirer » (XIIe s.), dérivé du même pane.
❏  Le mot qualifie un objet en lambeaux, et, par métonymie (1611), une personne en haillons ou, par affaiblissement, à la mise très négligée (1798).
+ 1 DÉPENDRE v. tr. ind. est emprunté (1154-1173) au latin impérial dependere « être suspendu à », au figuré « être rattaché à », « être sous l'influence, l'autorité ». Lui-même est composé de de- et de pendere (→ pendre).
❏  L'ancien français a employé le mot là où l'usage moderne utilise pendre, notamment dans l'expression figurée (il) depent a l'ueil « c'est imminent », ainsi qu'au sens concret « être pendu à » (1177). ◆  À la fin du XIIIe s., dépendre commence à exprimer l'idée abstraite d'une solidarité de faits, signifiant dès lors (v. 1278) « pouvoir se réaliser sous l'action ou l'intervention de (qqn) ». Les autres acceptions se sont développées aux XVe et XVIe s. : « relever de » (1549, d'un fief), « procéder, découler de » (1490), « être à la merci de (pour une chose) » (av. 1544) et « être sous l'autorité, la dépendance de (qqn) » (1580, Montaigne). L'idée de causalité abstraite a dû se dégager de celle de pouvoir contraignant, comme pour le concept de loi ; cette valeur intellectuelle semble apparaître en moyen français (Cf. ci-dessous dépendance). Le verbe exprime également l'idée d'une relation entre choses qui les rend nécessaires les unes aux autres (1370, Oresme) spécialement celle d'une sujétion politique, d'une subordination à une personne, à un État (1636).
❏  Sur le participe présent adjectivé ont été formés l'adverbe DÉPENDAMMENT (1671), rare en français d'Europe, fréquent en français du Québec (aussi dépendamment de... « selon, en fonction de »), et un substantif.
■  DÉPENDANCE n. f. (1361) est d'abord employé avec le sens métonymique de « ce qui dépend (souvent accessoirement) d'un tout », spécialement en droit (1361), notamment au sujet d'une propriété dans un domaine (1474), d'une contrée sous l'autorité d'une autre ; dans ce type d'emploi, il est souvent au pluriel (1676) avec l'idée d'annexe, de construction secondaire. S'agissant des malades, des handicapés, des vieillards, dépendance désigne l'absence d'autonomie physique. ◆  DÉPENDANT, ANTE adj. (1355) qualifie à la fois les choses, sur le plan logique, et les personnes, avec un sens psychologique et une spécialisation, influencée par l'anglais, concernant l'asservissement à la drogue, le même sens existant pour dépendance. Avec cette valeur, on parle de TOXICODÉPENDANCE n. f., du radical de toxique.
Dépendant et dépendance s'appliquent aussi au besoin d'une substance thérapeutique, par exemple dans INSULINODÉPENDANT, ANTE adj. et n., et INSULINODÉPENDANCE n. f., à propos du diabète et des diabétiques qui relèvent d'injections d'insuline.
L'adjectif, l'adverbe et le nom ont suscité des antonymes en in- devenus usuels. INDÉPENDANT, ANTE adj. (1584), « qui ne dépend pas », a développé au XVIIe s. le sens psychologique de « qui aime sa liberté » (d'une personne). L'adjectif se construit surtout avec la préposition de (1636), au sens de « qui ne varie pas en fonction de ». Dans le contexte politique international, il désigne le statut. ◆  Son emploi comme terme de mode (1826, Balzac) qualifiant un chapeau analogue à celui des soldats de la guerre d'Indépendance américaine a disparu, comme bien d'autres en ce domaine. ◆  Depuis le milieu du XXe s., indépendant qualifie spécialement un logement, un local auquel on accède sans passer par un autre.
■  Substantivé (au singulier et au pluriel), le mot sert à dénommer les membres d'une secte religieuse anglaise du XVIIe s. (1669) et, en politique, ceux de partis ou groupes conservateurs (1791), entrant ainsi dans l'appellation Républicain indépendant (1872).
■  Sa dérivation consiste dans les termes politiques INDÉPENDANTISME n. m. (1682), récemment INDÉPENDANTISTE adj. et n. pour désigner les partisans de l'indépendance d'une région, d'une zone géographique, d'un territoire national dépendant d'un État plus vaste, d'un empire (1968). Ces dérivés correspondent aux valeurs politiques de dépendre.
■  Quant aux valeurs logiques, intellectuelles, elles se réalisent dans l'adverbe INDÉPENDAMMENT (1630) avec lequel on a formé la locution prépositionnelle indépendamment de (1675), au figuré (XVIIIe s.) « de surcroît, en plus de ».
■  INDÉPENDANCE n. f. (1610) désigne l'absence de dépendance et, par métonymie, un pouvoir indépendant (1663). ◆  Le mot, employé spécialement, s'est dit au jeu de cartes (av. 1850 chez Balzac) pour le fait de réaliser plusieurs levées au boston. Cette spécialisation a disparu.
Les emplois en politique se sont développés au cours du XIXe s., en relation avec les nationalismes, en Europe. Ils étaient déjà importants au XVIIIe s., avec le mouvement d'émancipation des colonies anglaises d'Amérique, bientôt nommé guerre d'indépendance. Au XIXe et surtout au XXe s., il recouvre les mouvements d'affranchissement par rapport aux empires (les révolutions du milieu du XIXe s. en Europe) puis par rapport à un colonisateur. Au milieu du XXe s., le mot est lié à décolonisation, puis s'applique à des minorités, en relation avec autonomie (mouvements pour l'indépendance), d'où les dérivés de indépendant, indépendantisme, réapparus à cette époque.
INTERDÉPENDANCE n. f., formé sur inter- et dépendance, est d'abord (1867, Littré) un mot scientifique désignant la dépendance réciproque de deux phénomènes ou concrètement de deux États. ◆  INTERDÉPENDANT, ANTE adj. (1916, F. de Saussure) lui correspond.