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DÉPENS n. m. pl., d'abord despens (1170) forme encore usitée au XVIIe s., est issu du latin dispensum, participe passé neutre substantivé de dispendere. Ce verbe, formé de dis- (→ dis-) et pendere « peser » (→ pendre), signifie en latin classique « peser en distribuant », et en latin impérial « distribuer ». L'emploi de son dérivé dispendium au sens de « frais, dépense » semblerait indiquer qu'il a connu également le sens de « dépenser ». Le verbe a été influencé par l'ancien français dispendre, dépendre v. tr. (av. 1150) « dispenser, répandre » et « dépenser » (1150), évincé par dépenser.
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Dépens a vieilli au profit de dépense avec le sens de « ce que l'on dépense » ; cependant, il est encore employé dans le langage juridique pour désigner les frais occasionnés par la partie qui succombe (1260, despens et domages, expression qui sera employée dans le code civil).
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Le mot est demeuré usuel dans la locution prépositionnelle aux dépens de (1306), qui a perdu son sens propre, « aux frais de » (encore au XVIIe s.), pour le sens figuré « au détriment de », attesté depuis Montaigne (1580) ; la langue classique l'employait avec un infinitif au sens de « en supportant le dommage de » (1673, Mme de Sévigné).
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DÉPENSE.
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DÉPENSE n. f. est issu du latin dispensa, participe passé féminin substantivé de dispendere (→ dépens). Il est attesté en 1176, mais probablement antérieur, dépensier se rencontrant dès 1130.
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Le mot désigne l'action d'utiliser de l'argent et, par métonymie, la somme donnée, les frais, sens avec lequel il a concurrencé et supplanté
dépens*. Il correspond par extension à l'emploi, l'utilisation d'une chose (1693, du temps) d'où par métonymie, la quantité de matière, d'énergie utilisée (1851, Cournot).
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Une autre métonymie lui a valu le sens spatial de « lieu où l'on conserve les provisions, cave » (1180) affecté en particulier au lieu où, dans un château, on recevait et on distribuait les objets en nature, où l'on payait les fournisseurs ; ce sens est archaïque ou historique.
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Le dérivé
DÉPENSER v. tr. (v. 1225) a suivi un développement parallèle à celui du nom. Il signifie « utiliser, user de biens » et en particulier « user de l'argent pour avoir, pour acheter » ; au début du
XVIIe s., il s'emploie aussi pour « employer avec prodigalité » (1613), d'abord en parlant du temps, puis au
XIXe s. de l'activité (à la forme pronominale,
se dépenser, 1832 chez Balzac), de l'énergie (1836). En ce sens, il est aussi employé avec un nom d'inanimé
(appareil, machine) pour sujet (1907).
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DÉPENSIER, IÈRE adj. et n. (1130), malgré le léger hiatus chronologique, est dérivé de dépense. À la même époque, on relève la forme latine dispensarius (1130) dans le domaine anglais avec le sens de « récipient pour les aumônes ». En ancien français, le mot désigne celui ou celle (1324) qui administre la dépense dans une maison, en particulier qui pourvoit à la table (dit maistre despensier). Il se rencontre encore pour la personne qui a la charge des dépenses dans une communauté.
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De nos jours, il désigne (1468-1492) et comme adjectif qualifie (1559) une personne qui dépense beaucoup ou qui aime dépenser, en opposition à économe.
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DISPENDIEUX, DISPENSAIRE, DISPENSER.
DÉPERDITION n. f. est dérivé (1314) sur le modèle de perdition*, de l'ancien verbe déperdre, attesté du XIIe au XVIe s. et emprunté au latin deperdere, de de- et perdere (→ perdre).
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D'abord employé dans un contexte médical (déperdition de substance), le mot est passé en chimie (1797, déperdition d'humidité) et, par extension, a pris le sens de « gaspillage ». Mais la valeur concrète reste dominante, en sciences et en technique.
DÉPÉRIR v. intr. est emprunté (v. 1120) au latin deperire « s'abîmer, se perdre, mourir » et, transitivement, « aimer éperdument ». Il s'agit du composé avec de- intensif de perire qui a donné périr*.
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Le mot est employé en parlant d'une chose qui disparaît, va à la ruine, bien longtemps avant de se dire d'un être vivant qui perd peu à peu ses forces (1687).
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Il a produit DÉPÉRISSEMENT n. m. (déb. XVIe s.), mot didactique de sens propre et figuré, et DÉPÉRISSANT, ANTE adj. tiré (av. 1832, Baudrillart dans Larousse, 1870) de son participe présent.
DÉPERSONNALISER → PERSONNEL
DÉPÊTRER v. tr. est formé (déb. XIVe s.) de 1 dé- et du radical du bas latin pastoria « entrave pour les bestiaux », qui a servi à former empêtrer*.
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Il s'emploie d'abord pour « dégager » (un animal, ses pieds) d'une entrave, puis au figuré pour « dégager » au concret et à l'abstrait. Technique et rural à l'origine, il est devenu familier. Le pronominal se dépêtrer (1538) signifie « se tirer d'une situation embarrassante », « se débarrasser de qqn ».
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EMPÊTRER, PÂTURE.
DÉPIAUTER v. tr., d'abord relevé en picard (1834) puis dans l'argot des prisons (1846), est dérivé de piau, forme dialectale pour peau*, au moyen du préfixe privatif dé-*, avec un -t- épenthétique, et de la terminaison verbale en -er.
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Employé pour « dépouiller de sa peau » en parlant d'un animal, le verbe concurrencé en ancien français par despeler (v. 1225-1250), puis par dépecer, formé sur pièce, compte quelques emplois analogiques ayant trait à l'homme et quelques sens argotiques anciens : « priver (qqn de qqch.) » (1846) et « fouiller à fond (un endroit) ».
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Son radical a servi à former DÉPIAUTAGE n. m. (1867, dépiotage, Goncourt), quelquefois concurrencé par DÉPIAUTEMENT n. m.
DÉPILER v. tr., d'abord despiler (1538), est emprunté au latin depilare « plumer, dépouiller », puis « épiler » à basse époque, de de privatif et pilus (→ poil).
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En français, le verbe est distinct de épiler* qui implique le fait d'ôter volontairement les poils.
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Le radical du supin de depilare, depilatum a servi à former DÉPILATION n. f. (1370) et DÉPILATOIRE adj. (1390), ce dernier étant quelquefois concurrencé par les adjectifs DÉPILATIF, IVE (1721) et DÉPILANT, ANTE (1870), ainsi que par les dérivés de épiler.
❏ voir
ÉPILER.
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DÉPIT n. m. est issu, sous la forme despit (1140), du latin despectus « action de regarder de haut en bas », d'où « fait de mépriser » et « paroles méprisantes ». Despectus (génitif -us) est le nom d'action qui correspond au verbe despicere « mépriser », formé de de et de specere, spicere « regarder » (→ spectacle ; aspect, respect ; répit).
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En ancien français, le mot exprime comme en latin une idée de mépris (avoir en despit « mépriser ») ; il est alors au centre d'un important groupe de mots exprimant le mépris, l'arrogance, l'insolence, également l'insulte, la honte et l'humiliation. Si l'usage moderne n'a retenu que le sens de « chagrin mêlé de colère », d'ailleurs attesté dès le XIIe s. (1160-1174), il reste une trace du sens de « mépris » dans la locution prépositionnelle usuelle en dépit de (1174, el despit le rei), à rapprocher de au mépris de, qui ne correspond plus qu'à « sans tenir compte de, malgré ». L'évolution sémantique du mot s'explique par référence aux sentiments de la personne méprisée.
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Dépit a produit
DÉPITEUX, EUSE adj. (1212) qui a perdu son sens premier de « digne d'être méprisé », propre à l'ancien français ainsi que le sens actif de « méprisant, arrogant » (1319-1340) attesté jusqu'au début du
XVIIe siècle. Cet adjectif est sorti d'usage, même avec le sens plus récent de « qui éprouve du dépit » (1450), et ce dès le
XVIIe s. (Furetière signale qu'il « ne se dit gueres que des petits enfans »).
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Il a été supplanté par DÉPITÉ, ÉE, participe passé adjectivé de DÉPITER v. tr. dénominatif (1200) de dépit dont l'évolution a accompagné celle du nom : d'abord employé avec le sens de « mépriser », sorti d'usage au cours du XVIe s., il exprime le fait d'irriter, et, à la voix passive (1310-1340) et à la forme pronominale (1450), le fait d'être irrité.
DÉPLÉTION n. f. est l'emprunt en médecine (1743) du latin depletio « action de désemplir », dérivé du supin de deplere « désemplir, vider, épuiser », spécialement en médecine « saigner », composé de de- (→ dé-) et plere « emplir » (→ plein).
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Le mot désigne la diminution du volume des liquides, en particulier du sang, contenu dans l'ensemble du corps ou accumulé dans un organe.
DÉPLORER v. tr. est emprunté (av. 1150) au latin deplorare « pleurer, gémir, se lamenter » d'où « renoncer à, désespérer de », formé de de intensif et de plorare (→ pleurer).
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Le verbe a signifié « pleurer sur qqn » jusqu'au XVIIe s., ce sens s'effaçant au profit d'une valeur plus abstraite et psychologique, « regretter » (1200).
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Aux
XVIe et
XVIIe s., le participe passé adjectivé
DÉPLORÉ, ÉE a souvent le sens de « sans remède, désespéré » d'après le latin
deploratus. De
déplorer est dérivé
DÉPLORABLE adj. (fin
XVe s.) « digne de pitié » qui a développé ultérieurement le sens péjoratif de « très médiocre ou mauvais » (1803) et s'est détaché sémantiquement du verbe.
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Il a produit
DÉPLORABLEMENT adv. (1610).
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DÉPLORATION n. f. est emprunté (1496-1499) au latin impérial deploratio « plainte lamentatoire », formé sur le supin de deplorare.
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Le mot, pourtant bien attesté dans la littérature moderne avec le sens de fait de manifester des sentiments de douleur, de compassion, n'apparaît pas dans plusieurs dictionnaires généraux, les autres le considérant comme vieux ou peu usité (excepté Guérin, 1892) ; il est en fait didactique ou littéraire.
DÉPONENT, ENTE adj. et n. est emprunté (XIIIe s.) au bas latin grammatical deponens « verbe qui a la forme passive et le sens actif », participe présent substantivé de deponere « déposer, mettre de côté » (→ déposer), parce que le verbe déponent « quitte » le sens passif.
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Le mot, repris en grammaire, n'a eu aucune extension de sens.