DÉPORTER v. tr. est issu (v. 1150) du latin deportare, composé de de- et portare (→ porter) qui signifie « emporter, transporter », « ramener avec soi, remporter » et « exiler qqn de son pays ». En latin tardif, le mot a dû avoir également le sens de « distraire », car un tel sens se retrouve dans l'italien diportarsi, l'espagnol deportarse (formes pronominales) et l'ancien provençal deportar. L'anc. français desporter a donné desport, qui a fourni par l'anglais sport.*
❏  Le premier sens, réalisé par le pronominal, est « s'amuser, se divertir ». D'autre part, se déporter signifie « se conduire » et « s'abstenir, se désister, renoncer » (1180). Tous ces sens, usuels jusqu'au XVIe s. et encore répertoriés dans les dictionnaires du XIXe s., ont disparu de l'usage dès le XVIIe s., l'acception « se désister » se maintenant plus longtemps dans l'usage juridique.
■  Le sens moderne, « exiler en guise de châtiment », est employé depuis la seconde moitié du XIIIe s. ; cependant, il est rare avant 1791, lorsque cette peine (ci-dessous déportation) a été établie pour toute la France. Depuis la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte contemporain, il est surtout compris comme « interner dans un camp de concentration » (v. 1942) ; Cf. ci-dessous déporté. ◆  Dans un contexte neutre, il se dit aussi pour « dévier (un véhicule) de sa route » (déb. XXe s.).
❏  Les sens anciens et modernes du verbe se retrouvent dans trois substantifs dérivés : le plus ancien est DÉPORTEMENT n. m. (1260), d'abord attesté au sens général de « conduite », et spécialisé (1636), le plus souvent au pluriel, avec son sens moderne « écart de conduite, dérèglement », d'usage littéraire.
Le second, DÉPORTATION n. f., est emprunté (1508-1517) au dérivé latin deportatio « charroi, transport » et à basse époque « exil (par condamnation) ». Le développement du mot français a été parallèle à celui de déporter : d'abord employé au sens général de « bannissement », il a développé son sens juridique moderne (1797, déportation en Guyane), lui-même tombé en désuétude depuis que cette peine a été remplacée par la détention criminelle (v. 1960). ◆  Depuis la Seconde Guerre mondiale, il est courant à propos de l'internement dans un camp de concentration à l'étranger (v. 1942) en référence aux camps nazis et en relation avec DÉPORTÉ, ÉE, le participe passé de déporter, surtout substantivé (v. 1940) en parlant d'une personne internée dans un camp de concentration nazi.
Déporter a aussi produit 1 DÉPORT n. m. (déb. XIIIe s.), terme de droit ancien (en locution droit de déport, 1508) qui est passé dans des langages techniques, récemment dans celui des télécommunications (1973).
■  Un premier déverbal déport n. m. avait été créé avec le sens juridique de « démission qu'un arbitre donne de ses fonctions » (XIIe s.) ; il est encore répertorié par la plupart des dictionnaires des XIXe et XXe siècles.
1 DÉPOSER v. tr. est emprunté (v. 1120), avec francisation d'après poser*, au latin deponere « mettre à terre », « mettre en dépôt », au figuré « laisser, abandonner, quitter » d'où, sous la décadence, « destituer, révoquer (qqn) ». Ce verbe est composé de de et de ponere (→ poser).
❏  En français, c'est le sens figuré de « faire déchoir (qqn) » qui est premier ; déposer est ensuite employé, par un développement propre au français, comme verbe de parole (1393, déposer que) dans un contexte juridique. C'est seulement à partir du XVIe s. (1534) qu'il est attesté avec le sens concret de « mettre, entreposer quelque part » dont procèdent des emplois juridiques. Avec une valeur différente, le verbe a pris une acception financière (déposer son argent à la banque), en relation avec dépôt. L'expression déposer son bilan (1798), qui correspond à une des opérations de la faillite, est aussi usuelle que dépôt de bilan. ◆  Par influence de dépôt, il est employé à propos d'un liquide qui laisse des matières solides en suspension au fond d'un contenant (1798, Académie) comme pronominal et intransitif.
❏  Le participe présent DÉPOSANT, ANTE est substantivé aux deux genres (1392) pour désigner la personne qui fait une déposition en justice, et une personne qui fait un dépôt (1636), notamment un dépôt bancaire.
■  Par ailleurs, le préfixé REDÉPOSER v. tr. (1901) est relativement courant.
DÉPOSITION n. f. est emprunté avec son acception juridique (1192) au dérivé bas latin depositio « action de déposer », « fait de témoigner en justice » et « destitution ». Le mot français, outre son sens d'emprunt, a développé d'autres valeurs en relation avec celles de déposer : il désigne ainsi la destitution d'une personne (1467) et, dans un contexte religieux ou en histoire de l'art, la descente de croix du Christ (1836, Montalembert). Furetière signale son emploi classique, dans le langage religieux, pour l'enterrement d'un défunt.
■  DÉPOSITAIRE n. a été emprunté (1414) au latin juridique depositarius « personne à qui l'on confie un dépôt », formé sur le supin de deponere. Introduit en droit, le mot a pris, par extension, son sens courant de « personne qui vend les marchandises que lui a confiées un déposant » (par opposition à déposant). Il est employé dans un style soutenu avec l'acception figurée de « personne investie d'une mission de confiance, à qui l'on confie un secret ».
DÉPÔT n. m., d'abord despot (1323), est emprunté au latin juridique depositum « consignation », formé sur le supin (depositum) de deponere. Le mot est lui aussi un emprunt juridique, entrant dans de nombreuses expressions dont les plus anciennes traduisent souvent des expressions latines (avoir en dépôt, av. 1325, traduisant in depositum habere) et dont les plus récentes sont dépôt légal et dépôt de bilan (fin XVIIIe s.). Dès le XIVe s., il fournit un nom d'action au verbe déposer, désignant généralement l'action de déposer un objet, et spécialement, de le mettre dans un lieu sûr. Par métonymie, le mot se dit de l'objet déposé (1370) et du lieu public où l'on dépose les choses (1690), ce dernier sens lui valant divers emplois déterminés (armée, transports). ◆  Dépôt s'emploie aussi pour « lieu d'enfermement provisoire » (1814).
■  Depuis la fin du XVIIe s., il désigne concrètement un amas qui se dépose au fond d'un espace creux, spécialement en géologie, en physique, en médecine (av. 1696), la spécialisation à propos des particules en suspension qui tombent au fond d'un liquide suscitant une valeur spéciale pour déposer.
DÉPOSITOIRE n. m., doit être dérivé du radical latin de deponere, car l'anglais depository a le sens général de « dépôt », alors que le mot français, attesté en 1559, a pris à partir de 1828 la valeur particulière de « chambre funéraire où est déposé le corps mis en bière avant inhumation ou crémation ».
2 DÉPOSER → POSER
DÉPOTOIR → POT
L DÉPOUILLER v. tr., d'abord despoillier (v. 1135), est hérité du latin despoliare, composé de de- et spoliare (→ spolier). Le composé, « piller, spolier », a dû prendre à l'époque impériale le sens de « priver de ses vêtements », car celui-ci se retrouve dans la plupart de ses représentants romans.
❏  Le mot dans ses premières attestations conserve le sens latin de « dénuder, priver de ses vêtements ». Par extension, en gardant l'idée fondamentale d'« ôter ce qui couvre », il est passé à d'autres types de compléments (peau d'un serpent qui mue, 1265 ; végétal, papillon qui sort de sa chrysalide). L'idée étymologique de « piller » est réactivée avec une idée de violence dans le sens d'« enlever à (qqn) ce qu'il a pour se l'approprier » (v. 1225) ; les deux sens se croisent dans un emploi populaire récent pour « obliger qqn sous la menace à se défaire d'un vêtement ; voler ». Un emploi figuré pour « enlever » (v. 1580) s'est dégagé, et, au siècle suivant, pour « analyser, examiner minutieusement en vue d'un certain usage » (1690). ◆  Ce verbe a été repris techniquement pour « ôter la peau d'un animal mis à mort » (1611), évolution qu'il doit en partie à un rattachement spontané à peau (→ dépiauter) ; il est alors quasi synonyme de dépecer.
❏  Son dérivé le plus ancien est le déverbal DÉPOUILLE n. f., d'abord despueille (av. 1150) puis despuille (1170). Le mot est d'abord employé au pluriel pour désigner le butin, ce dont on a dépouillé l'ennemi et, par extension, tout ce dont on s'empare aux dépens d'autrui. Le sens particulier de « vêtement dont on s'est dévêtu » (1170) a disparu. Celui de « récolte », d'abord attesté dans un document juridique (1283), est archaïque. ◆  À partir du XVIe s., dépouille désigne spécialement un cadavre (1550), peut-être en relation avec le sens technique (vénerie, art culinaire) de « peau enlevée à un animal » (1573). ◆  L'expression système des dépouilles est un calque de l'anglo-américain spoil system, pratique américaine consistant à se partager les principaux postes administratifs à la suite d'une victoire électorale. ◆  Enfin, comme déverbal récent de dépouiller, le nom s'applique (v. 1970-75) au vol de vêtements par la menace.
■  DÉPOUILLEMENT n. m. (fin XIIe s., despoillement) a désigné l'« action de se dépouiller (de ses vêtements) ». De nos jours, il correspond à l'action de retrancher, d'abandonner, spécialement dans une optique de renoncement spirituel depuis saint François de Sales (1628), mais aussi, concrètement, à l'action d'ôter la peau d'un animal. Il s'applique aussi (1723), d'après la valeur correspondante du verbe, à l'examen (d'un document, d'un inventaire, et spécialement d'un scrutin).
■  Au XXe s., il a été doublé, pour ses sens techniques à propos d'un animal, de l'écorce, par DÉPOUILLAGE n. m. (1921).
■  Le nom d'agent DÉPOUILLEUR, EUSE, attesté depuis le XIVe s. dans l'ancien syntagme despoulleur des gens « voleur », est rare ou spécialisé.
DÉPRAVER v. tr. est emprunté (1213) au latin depravare « tordre, contourner, rendre difforme », au figuré « gâter, corrompre ». Ce mot est composé de de et de l'adjectif pravus « tors, de travers » (surtout des parties du corps), au figuré « perverti, mauvais » opposé à rectus « droit ». L'étymologie de pravus est difficile à préciser, mais il est tentant de le rapprocher du sens de per- dans perire (→ périr), perperus « de travers » (du grec perperos « léger, frivole »), qui est ancien. Le suffixe serait le même que dans curvus (→ courbe) et torvus (→ torve). La difficulté réside dans la forme pra-, sans correspondant dans les langues congénères.
❏  Le sens physique de « tordre » est propre à l'ancien français. Seul le sens figuré de « rendre mauvais, corrompre » (1213) s'est répandu, surtout réalisé dans un contexte moral (1580, Montaigne) avec un complément désignant une valeur intellectuelle ou esthétique (XVIe s.), un comportement sexuel.
❏  Le participe passé DÉPRAVÉ, ÉE semble plus courant, adjectivé au sens de « corrompu moralement » et, surtout, dans l'usage moderne, d'« anormal, pervers (d'un goût, d'un penchant) ».
■  Le participe présent DÉPRAVANT, ANTE est lui aussi adjectivé (av. 1836 chez A. Carrel selon Littré), mais il est rare.
Le français a emprunté DÉPRAVATION n. f. (1532) au latin classique depravatio de sens propre et figuré, et DÉPRAVATEUR, TRICE adj. et n. (1551) au bas latin depravator « corrupteur ». Au XVIe s., les deux mots ont été spécialement employés à propos de l'écriture (chez Calvin) et de l'orthographe ; ils n'ont plus qu'une valeur morale.
DÉPRÉCATION n. f. est emprunté (av. 1150) au latin deprecatio « action de détourner par des prières », de de- et precari « prier, supplier » (→ prier).
❏  Le mot désigne une prière instante pour obtenir le pardon et détourner le châtiment. Sa paronymie avec imprécation*, beaucoup plus courant, fait qu'il n'est guère compris.
❏  L'adjectif correspondant revêt la double forme de DÉPRÉCATIF, IVE (1370), emprunté au dérivé bas latin deprecativus « propre à fléchir par la prière », « qui sert à prier », et de DÉPRÉCATOIRE (1458), emprunté au latin chrétien deprecatorius « suppliant ».
DÉPRÉCIER, v. tr., attesté tardivement (1762, Académie mais au moins antérieur à 1705 ; Cf. dépréciateur) est emprunté au bas latin depretiare « diminuer la valeur d'une chose » (Cf. dépriser à priser), de de- (→ de-) et pretium (→ prix). La graphie présente un -c- par analogie avec apprécier*.
❏  Le mot est rare ou d'usage économique au sens propre ; il est surtout usuel avec le sens figuré de « porter un jugement défavorable sur (qqn, qqch.) ». L'emploi pronominal (1864, Littré) correspond à l'un et l'autre sens.
❏  Déprécier a servi à former DÉPRÉCIATION n. f. (1771), DÉPRÉCIATEUR, TRICE adj. (1705) et DÉPRÉCIATIF, IVE adj. (1830), ce dernier vieilli dans son acception économique et employé spécialement comme synonyme de péjoratif en linguistique.
DÉPRÉDATION n. f. est emprunté (1308) au bas latin depraedatio « pillage, dépouillement », dérivé de depraedari « piller, dépouiller ». Ce verbe, que l'ancien français a emprunté sous la forme dépréder v. tr. (XIVe s.), est formé de de et de praedare « piller », dérivé de praeda « butin » (→ proie).
❏  Le mot désigne un acte de pillage accompagné de dégâts causés au bien d'autrui. Par extension, il s'applique à un acte malhonnête commis dans l'administration de la fortune d'autrui. Depuis le XVIIIe s., il se dit également d'une exploitation qui ne se soucie pas d'assurer le remplacement de ce qui est détruit.
❏  Le français a aussi emprunté DÉPRÉDATIF, IVE adj. (1270) au bas latin °depraedativus ou au thème du participe passé de depraedari, et DÉPRÉDATEUR, TRICE adj. et n. (XVe s. ; XIVe s. selon le Dictionnaire général) au dérivé bas latin depraedator « celui qui ravage, qui pille ». Cette série est d'usage didactique.
DÉPRIMER v. tr. est emprunté (1314) au latin deprimere « presser de haut en bas », de de- et premere (→ presser), d'où « abaisser, enfoncer » et au figuré « rabaisser ».
❏  Le mot a été introduit en anatomie avec le sens physique d'« enfoncer, affaisser ». Il est plus courant avec le sens figuré d'« abattre, affaiblir » (1380), avec lequel il a supplanté l'ancien type populaire depriendre (1170) « abaisser, humilier ». La valeur actuelle du verbe est psychophysiologique.
❏  Cette valeur est partagée par ses participes adjectivés DÉPRIMANT, ANTE (1787 au féminin), devenu usuel au XXe s. pour qualifier ce qui cause un abattement moral et DÉPRIMÉ, ÉE. Ce dernier, attesté en psychologie après dépression (ci-dessous) pour qualifier une personne en état d'abattement et d'asthénie (1883), est substantivé pour désigner la personne en état de dépression (1897), celle-ci étant définie de manière plus précise au XXe s.
■  Le déverbal récent DÉPRIME n. f. (1973) est l'équivalent familier de dépression, pour un état d'abattement momentané, en général sans gravité, à la différence de la dépression véritable au sens psychiatrique.
DÉPRESSION n. f. est emprunté (1314) au latin impérial depressio « abaissement », formé sur le radical du supin de deprimere. Introduit par les chirurgiens, le mot (qui semble rare avant le XIXe s.) réalise d'abord le sens concret de « creux dans une surface », repris ultérieurement en géologie (1864). Divers développements figurés ont donné naissance à une acception psychologique (1867, chez Baudelaire) devenue courante en relation avec déprimé, avec influence de l'anglais depression. La dépression est devenue au XXe s. une des préoccupations majeures en spychiatrie, notamment quand il s'agit de dépression sévère* (encore par influence de l'anglais severe). En météorologie (1877), le mot, désignant une zone de basse pression*, s'oppose normalement à anticyclone (voir cyclone). ◆  Par emprunt à l'anglais, le mot a pris le sens économique de « crise caractérisée par le fléchissement de la consommation, la chute des cours » (mil. XXe s.), euphémisme pour crise.
❏  Le radical de dépression a servi à former DÉPRESSIF, IVE adj. (v. 1460), d'abord « qui anéantit » (chez Chastellain, en relation avec dépression « oppression »). Rare avant le milieu du XIXe s., il a pris son sens psychologique usuel « qui affaiblit » (1856) et le sens didactique médical de « relatif, propre à une dépression ».
■  On a aussi formé sur le radical du latin depressus « abaissé », le nom d'agent DÉPRESSEUR n. m. relevé en 1491 dans l'expression depresseur des orgueilleux, c'est-à-dire « oppresseur ». Ce mot, rare avant la seconde moitié du XIXe s., a été repris en physiologie dans le syntagme nerf-dépresseur (1879), entrant en composition dans IMMUNODÉPRESSEUR adj. et n. (1967), formé avec l'élément immuno-, et désigne une substance qui diminue la réponse immunitaire (→ immunité) de l'organisme aux antigènes exogènes (lorsqu'elle la supprime, on parle d'immunosuppresseur). Son adjectif est IMMUNODÉPRESSIF, IVE adj. (action, substance immunodépressive), d'où le nom un immunodépressif. ◆  IMMUNODÉPRESSION n. f. (1971) concerne la diminution, l'inhibition des réactions immunitaires. ◆  Suppresseur sert également à désigner, en psychopathologie, une substance qui déprime, s'opposant à ANTIDÉPRESSEUR n. m. (v. 1957). Cette valeur physiologique de l'adjectif et des composés est un emprunt sémantique à l'anglais to depress, depression.
DE PROFUNDIS n. m. est l'emprunt (fin XIIe-déb. XIIIe s.) du latin ecclésiastique de profundis (clamavi ad te Domine), proprement « des profondeurs (je crie vers toi Seigneur) ». Il s'agit des premiers mots du psaume 129 en usage dans l'office des défunts.
❏  Le mot désigne par métonymie le psaume 129 et, par extension, une expression verbale de deuil, de tristesse à la mort de qqn.
DÉPUCELER → PUCELLE
DEPUIS prép. et adv. est composé (XIIe s.) de de* et puis*.
❏  Le mot, employé comme préposition, marque le point de départ dans le temps, à propos d'une période en cours, écoulée ou à venir. Il s'est employé jusqu'à l'époque classique pour indiquer un moment passé (et non la durée) avant de céder cet emploi à la locution il y a. Par analogie, il marque aussi le point de départ dans l'espace (v. 1360), seul ou en relation avec jusque qui marque l'aboutissement. Il indique également le point de départ d'une série par rapport à un rang, un ordre (v. 1360), notamment par rapport à un ordre de valeurs et à un ordre de prix.
■  Employé adverbialement (v. 1131), il réalise uniquement une valeur temporelle : « à partir de ce moment-là jusqu'à maintenant » (depuis hier, longtemps, depuis son enfance...), le moyen français et la langue classique faisant usage de du depuis (v. 1410) pour « depuis ce temps-là ». ◆  Depuis que, locution conjonctive à valeur temporelle (fin XIIe s.), signifie « à partir de » ; ce sens a évincé ceux de « après que » (1389) et, avec une nuance logique, « dès lors que » (1373). ◆  En français régional, en Suisse, on construit depuis avec un complément du type depuis tout petit (depuis son enfance).
■  En français d'Afrique et de Madagascar, depuis, employé seul, peut signifier « depuis longtemps » (je suis malade depuis).
DÉPURER v. tr. est emprunté (1226) au bas latin depurare « rendre pur », de de- et purare « purifier », de purus (→ pur). On trouve également à basse époque l'homonyme depurare « nettoyer par la suppuration », formé avec l'élément -purare présent dans suppurare (→ suppurer), de pus, puris (→ pus). La proximité sémantique a occasionné des confusions.
❏  Le mot a d'abord été employé pour « s'égoutter » (XIIIe-XVIe s.), avant de signifier « rendre pur (un corps) ». Il est pratiquement sorti de l'usage sous la concurrence des verbes plus usuels purifier* et épurer*.
❏  Son radical a servi à former DÉPURATION n. f. (v. 1278) puis, à la fin du XVIIIe s., DÉPURATIF, IVE adj. et n. m. (1792), utilisé en pharmacie, et DÉPURATEUR n. m. (1793).
DÉPUTER v. tr. est emprunté (v. 1265) au bas latin deputare « évaluer, estimer », et aussi « imputer à, assigner à » sous la décadence. Il s'agit là d'un développement figuré du latin classique deputare « tailler, élaguer (les arbres) », l'un des nombreux composés de putare (voir l'origine à putatif*), avec par exemple amputer, compter, imputer, réputer, supputer, putatif, qui, à partir de son sens général de « nettoyer, purifier », avait développé les mêmes acceptions techniques et figurées.
❏  Le mot a pénétré en français avec le sens d'« assigner », en usage jusqu'au XVIe siècle. L'usage moderne a seulement retenu l'idée de « déléguer » (1328), et en particulier d'« élire (qqn) pour représenter dans une assemblée délibérante », sens relevé depuis Montesquieu (1748, Esprit des lois) et dû à l'influence de député.
❏  DÉPUTÉ n. m., d'abord orthographié depputé (XIVe s.), est emprunté au bas latin deputatus, participe passé de deputare, substantivé au sens de « délégué ». Dès ses premiers emplois, le mot désigne celui qui est chargé d'une mission. L'apparition du système parlementaire (d'abord en Angleterre) lui donne au XVIIIe s. son acception usuelle de « personne élue pour participer aux délibérations d'une assemblée » (1748, Montesquieu). ◆  Le féminin DÉPUTÉE, peu usité, a servi à désigner la femme d'un député ; son usage en parlant d'une élue tend à se renforcer, faisant l'objet d'une décision officielle au Québec. Le rôle que député (et députer) recouvre dans les institutions françaises remonte à la Révolution.
■  Il en va de même pour CO-DÉPUTÉ, ÉE n. (1790) et pour DÉPUTATION n. f., formé (1433) sur le radical de députer d'après le bas latin deputatio « délégation de la capacité d'agir » (fin VIe-déb. VIIe s.), dès le Ve s. « assignation ». ◆  Le mot a désigné collectivement un groupe de personnes envoyées en mission (1433), avant, semble-t-il, d'être employé au sens actif d'« envoi de personnes en mission » (av. 1650) et de désigner la fonction de délégué à une assemblée. ◆  Déjà utilisé en droit constitutionnel, le mot a reçu sous la Révolution (1789, Le Moniteur) l'acception déjà réalisée par député et députer.
DÉRACINER → RACINE
DÉRAILLER → RAIL
DÉRAISON et dérivés → RAISON
DÉRANGER → RANG
DÉRAPER v. intr. est emprunté (1687) au provençal derapa, derraba « arracher, déraciner », forme moderne de l'ancien provençal derrabar (1390), darrabar (1402) composé de rapar « saisir, enlever » d'origine germanique (anglais to rap, allemand raffen → râper) d'où est aussi issu l'italien arrappare « arracher ».
❏  Introduit en marine, le mot se dit d'abord de l'ancre qui quitte prise, puis du navire qui arrache sa dernière ancre mouillée (1859). Il est quelquefois employé par métaphore (1870), et continue de s'employer au Canada avec les sens de « s'enfuir » et, transitivement, de « déchirer ». ◆  L'idée de « quitter en cessant d'adhérer », transposée à d'autres véhicules que les navires, a donné le sens moderne, « glisser involontairement par suite d'un défaut d'adhérence au sol » (1886), diffusé par l'automobile, et spécialisé en ski (1949) et en aéronautique. Le sens figuré et familier qui en procède, « quitter le comportement prévu, échapper à un contrôle », est récent (v. 1965).
❏  DÉRAPAGE n. m. (1832), s'est lui aussi employé d'abord en marine, avant de se dire d'un véhicule terrestre (1894), notamment d'une automobile, puis de se spécialiser dans les domaines de l'aéronautique (1922) et du ski (1939). Il est employé au figuré à propos d'un écart psychologique (1926) ou de comportement.
■  ANTIDÉRAPANT, ANTE adj. formé (1894) de anti-* et du participe présent adjectivé dérapant, qualifie et désigne (un antidérapant) ce qui empêche de déraper, en particulier un type de semelle.