DERB n. m., pluriel DROUB, emprunt à l'arabe du Maghreb, se dit aussi en français d'Afrique du Nord pour « quartier populaire dans une ville ».
DERBOUKA → DARABOUK, DARBOUKA
DERBY n. m. est un emprunt (1829) à l'anglais Derby, nom de la grande course de chevaux annuelle d'Epsom, du nom du douzième comte de Derby qui l'organisa en 1780.
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Le mot a pénétré en français dans le Journal des haras, à l'époque (1820-1830) d'une première vague d'emprunts de termes de sport (mot qui s'applique alors aux courses de chevaux) à l'anglais. Par extension, derby se dit d'une course semblable se tenant en France à Chantilly (1870). Le sens de « rencontre sportive entre deux villes voisines (surtout au football) » (1927) vient d'une extension de sens du mot anglais derby (1914). L'acception métonymique en cordonnerie, « chaussure basse », est elle-même reprise de l'anglais (1901).
DÉRÉLICTION n. f. est emprunté (v. 1525) au latin derelictio « abandon » (Cicéron), dérivé du supin derelictum de derelinquere « abandonner complètement, délaisser ». Ce verbe est un composé intensif en de- de relinquere « abandonner, laisser en arrière » (→ relique).
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Le mot français, introduit au sens général d'« abandon », est surtout employé, dans un langage religieux ou littéraire, pour désigner un état de solitude morale, un « abandon de Dieu » (1606, saint François de Sales).
DÉRISION n. f. est emprunté (1262) au latin impérial derisio « moquerie, raillerie », formé sur derisum, supin de deridere « se moquer, bafouer ». Ce verbe, qui est à l'origine de l'ancien français derire « se moquer », est formé de de- et de ridere (→ rire).
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Le mot est passé en français avec le même sens, notamment dans les locutions par dérision (1262), ou encore tourner en dérision (1657, Bossuet). Par métonymie, il s'applique à un objet insignifiant, méprisable (1806).
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L'adjectif correspondant, DÉRISOIRE, est emprunté (v. 1327) au dérivé bas latin derisorius « illusoire ». Il qualifie proprement ce qui est dit ou fait par dérision ; sens aujourd'hui senti comme archaïque. La valeur extensive, « trop insignifiant pour être pris en considération » (1791 chez Robespierre), est demeurée vivante.
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En est issu DÉRISOIREMENT adv. (1460).
1 DÉRIVER v. tr. est emprunté (1190) au latin derivare, de de- et rivus « ruisseau » (→ ru). Derivare signifie proprement « détourner un cours d'eau de son lit », d'où au figuré « détourner à son profit » et spécialement en grammaire « former un mot à partir d'un autre ».
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Dériver est d'abord employé avec le sens figuré de « prendre son origine dans, provenir de », spécialement en grammaire, par réemprunt, « provenir d'un autre mot » (1223). Dès 1200, il est attesté au sens concret de « détourner (un cours d'eau) de son lit naturel », sens ayant inspiré quelques emplois métaphoriques, tels « détourner (la suspicion sur qqn) » (1559), et « détourner (qqn) de la voie choisie ».
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Le participe passé
DÉRIVÉ, ÉE est substantivé au masculin (fin
XVIIIe s.) en linguistique, pour désigner un mot obtenu par adjonction d'un élément (souvent un suffixe) à une base, le féminin
DÉRIVÉE l'étant en mathématiques (1870) par ellipse de
fonction dérivée.
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Le radical de dériver a servi à former le terme de mathématiques 1 DÉRIVABLE adj. (1904) pour qualifier un type de fonction et le nom correspondant DÉRIVABILITÉ n. f.
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1 DÉRIVATION n. f. est emprunté (1314) au dérivé latin
derivatio « action de détourner les eaux », spécialement employé en grammaire à l'époque impériale. Le mot est d'abord relevé en médecine puis en grammaire (1559) avant de réaliser le sens propre d'« opération consistant à dévier les eaux » (1690) par exemple dans
canal de dérivation.
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DÉRIVATIF, IVE adj. et n. m. a été emprunté (XVe s.) par les grammairiens au bas latin derivativus « qui dérive ; dérivé ». Sorti d'usage dans son emploi grammatical (XVe s.) et médical (1503), sous la concurrence du participe substantivé dérivé, il est surtout employé comme nom avec le sens figuré de « ce qui permet de détourner l'esprit de ses préoccupations » (1810).
3 DÉRIVER v. intr., sous les formes deriver (1529), driver (1601) par réemprunt, puis dériver (1616-1620), est emprunté, avec attraction de 1 dériver, à l'anglais to drive « être poussé par le vent, le courant, un agent naturel » (XIIIe s.), lui-même emprunté par le gascon driuar dès 1406. Le verbe anglais, également transitif pour « pousser devant soi, conduire », appartient à une racine germanique °drib̸an ; il a des correspondants dans le vieux frison drīva, l'ancien saxon drib̸an (néerlandais drijven), l'ancien haut allemand trīban (allemand treiben). Il est curieux de noter les emprunts mutuels entre l'anglais et le français au XVIe s. : l'anglais a emprunté au français le sens transitif de to drive « détourner de son cours », lui-même altération de to derive, emprunt au français 1 dériver.
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Le mot exprime le fait, pour un navire, de s'écarter de sa direction en déviant, sens qui s'est acclimaté par rapprochement de 2 dériver « quitter la rive » (XIIIe s.), lui-même de rive et conçu comme l'antonyme d'arriver*. Par extension, il est employé dans différents contextes, également au sens figuré de « se laisser aller, s'abandonner à un mouvement spontané et passif », sens renforcé par l'emploi correspondant de dérive.
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Le déverbal
DÉRIVE n. f. est d'abord attesté sous la forme anglicisante
drive dans la locution
à la drive (1628), et comme terme de marine (1671). Cet emprunt est ensuite senti comme français, de même que le verbe, et rattaché implicitement à
rive. Au
XXe s., il se dit aussi d'un avion (
XXe s.) et, au figuré, recouvre un mouvement incontrôlé et passif, emploi à la mode dans les milieux intellectuels (v. 1970).
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Il est entré dans le syntagme
dérive des continents (
XXe s.) pour traduire l'allemand
drift, employé par le météorologiste allemand Alfred Wegener (entre 1912 et 1930, date de sa mort).
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Par métonymie, le mot désigne (1860) un aileron vertical sous la coque d'un voilier, destiné à l'empêcher de dériver
(Cf. ci-dessous dériveur).
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2 DÉRIVATION n. f. a été formé comme terme de marine (1690) pour désigner l'action de dériver sous la poussée du vent, d'un élément. Appliqué par extension au fait de s'écarter de sa trajectoire, il s'emploie spécialement en balistique (1870).
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En électricité, il se dit de la communication entre deux points d'un circuit au moyen d'un second conducteur (1837 dans fil, point de dérivation).
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DÉRIVEUR n. m., employé seulement en marine, désigne une voile qui sert en cas de mauvais temps (1864) ainsi qu'un voilier à fond plat muni d'une dérive (1896), sens popularisé (milieu XXe s.) par la plaisance. Il se dit aussi d'un bateau utilisé pour la pêche à la dérive (1914). Ce dernier sens est plutôt réservé à l'anglicisme DRIFTER n. m. (recensé dans Quillet, 1946).
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Le sens figuré de « personne qui est à la dérive » s'est peu répandu.
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On rencontre des emplois du participe présent adjectivé DÉRIVANT, ANTE pour qualifier un filet de pêche à la dérive et de 2 DÉRIVABLE adj. en balistique.
DERME n. m. est emprunté (1611) au grec derma « peau », mot usité pendant toute l'histoire du grec, peut-être dès le mycénien. Il a dû se dire d'abord de la peau dépouillée d'un animal, de boucliers faits en peau, de peaux préparées pour faire des sacs, etc., et s'emploie, dès Homère, à propos de la peau humaine en général ; il désigne ensuite, par analogie, la peau des fruits. Derma est l'un des nombreux noms verbaux exprimant la notion de peau, dépouille, cuir, dérivés de derein « écorcher, dépouiller ». Ce verbe a des correspondants dans plusieurs langues indoeuropéennes, le gotique dis-, ga-tairan « déchirer, détruire » (Cf. allemand [ver]-zehren), le lituanien derù « dépouiller », le vieux slave derǫ, le sanskrit dár-ti. Derma lui-même pourrait être rapproché d'un autre mot sanskrit dar-mán- « destructeur ».
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Le mot, introduit en anatomie, est resté un mot savant pour désigner la couche profonde de la peau (épiderme étant plus courant).
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En sont dérivés les adjectifs
DERMIQUE (1837), aussi en composition dans quelques termes savants
(intradermique, mélanodermique) et
DERMOÏDE, d'usage didactique en anatomie (1801) et en pathologie (1861).
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-DERME, sous la forme d'un second élément, représente le grec
derma dans un certain nombre de composés savants, principalement dans les domaines de l'anthropologie, de la technique, de l'anatomie
(→ épiderme), de la zoologie
(→ pachyderme) et de l'embryologie.
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Le mot grec a aussi fourni l'élément préfixal
DERMA-, DERMO- et
DERMATO-, productif dans la composition de noms et d'adjectifs savants, notamment en médecine.
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Les plus courants sont les noms de spécialité DERMATOLOGIE n. f. (1832), d'où DERMATOLOGUE n. (1838) ou, plus rarement, DERMATOLOGISTE n. (1845), souvent abrégés en DERMATO n. (att. 1965), ainsi que l'adjectif DERMATOLOGIQUE (1845) qui a évincé le plus ancien dermologique (1832).
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On peut également citer les noms de maladie DERMATITE n. f. (1823) ou DERMITE (1838) terme vieilli, à la différence de DERMATOSE n. f. (1832), ce dernier créé par le médecin français J.-L. Alibert (1766-1837) dans son Traité complet des maladies de la peau. DERMATOPHYTOSE n. f., de phyto- et -ose, désigne les dermatoses causées par des champignons parasites, dits DERMATOPHYTES. Le mot est attesté en 1971, alors que DERMATOMYCOSE n. f. l'était depuis 1928.
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RADIODERMITE n. f. (1907) désigne une lésion de la peau, du derme, causée par des radiations ionisantes.
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Toujours en pathologie, DERMOGRAPHISME n. m. (1928) est probablement un emprunt à l'anglais dermographism (1896), le mot ayant eu pour précédent dermographie n. f. (1764).
DERNIER, IÈRE adj. et n. est la forme contractée (1559) de l'ancien et moyen français derrenier (1210-1220), dérivé par analogie avec premier* de l'ancien français derrain (av. 1150). Ce mot, encore employé au début du XVIe s., signifiait « qui vient après tous les autres » ; il a été substantivé au sens de « reste », en particulier à propos du dernier moment, jour de la mort, et s'employait dans les locutions à la derraine « à qui aura la dernière », au derrain « à la fin, finalement ». Derrain est issu d'un latin tardif °deretranus, dérivé en -anus de deretro « derrière » (→ derrière), également passé dans l'ancien provençal darreiran, derairan, et dans l'italien deretano. Dernier l'a emporté dans les parlers gallo-romans, derrain ayant survécu longtemps dans le Nord-Est et l'extrême Ouest ; un autre type, derrier (pour °dererier), attesté en ancien français et en ancien provençal, est encore connu au sud d'une ligne allant de la Loire au sud de la Wallonie.
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Le mot est employé par référence à l'espace pour qualifier ce qui se situe après d'autres éléments, dans l'ancienne locution
au derrenier que remplace
en dernier (lieu). Dès le
XIIIe s.,
derrenier est employé avec l'idée de « rang », désignant l'élément qui vient après les autres dans une énumération (1225-1230), prenant par exagération le sens d'« extrême » (1559) et, péjorativement, de « pire » (1568), réalisé dans l'expression
le dernier des derniers (1768). En français de Belgique,
c'est le dernier de tout, « c'est le comble ».
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Avant la fin du
XIIIe s., l'adjectif est aussi employé en référence au temps (v. 1278) avec le sens d'« après lequel il n'y en aura plus d'autre ». Il entre avec cette valeur dans des syntagmes comme
dernières paroles (déb.
XIVe s.,
darrenieres paroles),
dernière volonté (1461,
derreniere voulenté chez Villon).
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Depuis le
XVe s., il s'applique en particulier à ce qui est le plus proche du moment présent, dans
ces derniers ans (1560-1561), puis dans le composé
DERNIER-NÉ, DERNIÈRE-NÉE n. (1691) ou dans
petit dernier qui succède à
dernier employé seul (1615).
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Dernier a, dans quelques emplois, un abrègement d'abord argotique, DER, substantivé (1855, le der), puis au féminin (1920) dans la der des ders, « la guerre supposée être la dernière » (le der [des ders] se dit aussi du dernier verre). L'abrègement der en emploi adjectif pour « dernier » est, selon Esnault, plus ancien (1835). L'un des emplois les plus courants de der est l'expression dix de der « les dix points de la dernière levée, après belote et rebelote », aux cartes.
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Dernier fournit aussi le second terme de
AVANT-DERNIER, ÈRE adj. et n. (1740), équivalent usuel de
pénultième.
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Il a produit l'adverbe DERNIÈREMENT (1294), vieilli avec le sens d'« en dernier lieu », et réservé dans l'usage au sens temporel de « ces derniers temps ».
DÉROBER v. tr., écrit desrober jusqu'au XVIe s., est dérivé (1160-1170) au moyen du préfixe dé- de l'ancien verbe rober « piller (un pays, une ville) » (1130), « dépouiller », emprunté par l'anglais dans le verbe to rob (XIIIe s). Le verbe français est emprunté au germanique occidental de même sens °raubân (gotique bi-raubôn, allemand rauben) [→ robe, rubato].
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Le mot signifie « dépouiller, piller », jusqu'au XVIIe s. avec un nom de personne pour complément puis seulement avec un nom d'objet (1360-1370). La plupart des extensions de sens datent des XVIe et XVIIe s. : par exemple, « prendre par surprise avec adresse » (1549), spécialement dans un contexte galant (dérober un baiser, 1669). La forme pronominale se dérober est employée comme terme de manège à propos d'un cheval qui se retire sous son cavalier (1534, Rabelais) ; par extension, elle se rapporte aux genoux qui fléchissent (1677, Racine), au sol qui semble manquer sous les pas. Avec un nom de personne pour sujet, se dérober signifie « s'échapper à, se soustraire à qqch. » (1538). L'usage de la construction transitive avec le sens symétrique d'« éloigner, séparer (qqn de qqn) » (1636, Corneille) est propre à l'usage classique. Enfin, l'idée de « soustraire au regard » (1549) est surtout réalisée dans le participe passé adjectivé dérobé, ée.
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L'expression dérober sa marche, issue de la terminologie militaire (1712), est bientôt passée dans l'usage familier au sens d'« aller d'un côté après avoir fait croire que l'on allait ailleurs » (1718), également au figuré (1740).
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En argot, le verbe peut correspondre à « filer, s'esquiver » (1938) et « ne pas tenir ses engagements », sens identique au se dérober de l'usage conventionnel.
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DÉROBEMENT n. m. (1190) « action de piller, larcin » est sorti de l'usage courant pour se spécialiser techniquement en taille de la pierre (1642). Comme
dérobade, il assume la valeur figurée correspondant au verbe.
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Le participe passé DÉROBÉ, ÉE a été adjectivé, appliqué autrefois à un enfant adultérin (1549). De nos jours, il qualifie surtout un espace dissimulé aux regards, un passage, un escalier caché (1603). Il s'emploie, substantivé au féminin dans la locution adverbiale à la dérobée (1549).
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Cette dernière est synonyme de à la dérobade, formée à la même époque avec DÉROBADE n. f. (1549), dérivé de dérober. Il s'agit d'une attestation isolée, le mot étant repris au XIXe s. (1863), spécialement en équitation (1880), puis au figuré (1905) pour le fait de se dérober, le refus d'agir, de prendre parti. Le roman de Jeanne Cordelier, La Dérobade (1976), lui donne le sens pris par dérober dans l'argot de la prostitution, « refuser de se soumettre au proxénète, échapper au milieu ».
DÉROGER v. tr. ind., d'abord desroguer (1370) jusqu'au XVIe s., est emprunté au latin derogare, composé de de (→ 2 de) et de rogare « demander » (→ rogation). Derogare est employé juridiquement pour « abroger une ou plusieurs lois, manquer aux prescriptions d'une loi » ; par suite, il a pris le sens figuré d'« ôter, retrancher » et s'est employé à la forme pronominale pour « s'abaisser à » (Cicéron).
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Le mot a été introduit (chez Oresme) avec son sens juridique et a pris le sens figuré de « manquer à, porter atteinte à » (fin XVe-déb. XVIe s.), par rapport à l'honneur ou l'autorité. Employé absolument, il correspond à « porter atteinte à la noblesse » (1535) en particulier par l'exercice d'une activité jugée incompatible avec celle-ci.
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L'ancien français a emprunté deux autres mots au latin :
DÉROGATION n. f., d'abord
derogacion (
XIIe-
XIIIe s.), représente le latin juridique
derogatio « action de contrevenir aux prescriptions d'une loi ».
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DÉROGATOIRE adj. est aussi un emprunt (1341), au bas latin juridique derogatorius, pour servir d'adjectif à dérogation.
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Un peu plus tard on a formé, sur le participe présent de déroger, DÉROGEANCE n. f. (1460), qui n'a pas réussi à concurrencer dérogation et s'est spécialisé pour « action de déroger à la noblesse » (1666). Le débat sur la dérogeance correspond aux tentatives pour faire entrer la noblesse dans le circuit économique, comme l'ordonnance de 1629 qui lui ouvre le commerce maritime.
2 DÉROUTER, DÉROUTE → 2 ROUTIER