DÉVISSER → VIS
DÉVOIEMENT → VOIE
DÉVOILER → 1 VOILE
L + DEVOIR v. tr., d'abord attesté sous l'ancienne forme conjuguée dift « il doit » (842), puis sous la forme deveir (XIe s.), est issu du latin debere, composé de de (→ 2 de) et habere (→ avoir). Debere signifie proprement « avoir (qqch.) en le tenant de qqn », le complément désignant de l'argent ou tout autre objet. Par extension, il s'emploie aussi avec un infinitif complément pour marquer l'obligation de faire une chose (Cf. avoir à..., pour le sens).
❏  Tous les sens du verbe latin se retrouvent en français, l'idée d'« obligation, nécessité » (842), ses affaiblissements au futur (v. 1050) marquant la probabilité, le souhait ou l'intention (1080), ainsi que l'idée d'« être redevable de qqch. à qqn » (av. 1188). Le mot a aussi eu au moyen âge les sens de « réclamer, exiger », « mériter », et s'est employé à l'époque classique dans des locutions aujourd'hui sorties d'usage (devoir à qqn : « lui être redevable moralement », en devoir à : « être inférieur à »).
❏  L'infinitif substantivé DEVOIR n. m. (1275) exprime uniquement la valeur d'« obligation morale ». Il est employé au pluriel avec le sens particulier de « marques de respect, hommages » (1636, Corneille), emploi aujourd'hui senti comme solennel (présenter ses devoirs) ou archaïque. ◆  Parmi plusieurs spécialisations, comme « obligation financière » (sens disparu, Cf. dette), devoir a pris au XVIIIe s. le sens d'« exercice scolaire imposé » (1720, « pensum » dans le dict. de Trévoux, puis « thèmes, versions » dans Acad. 1762) avec des syntagmes assez récents, tel devoirs de vacances. ◆  Il semblerait qu'un emploi métonymique au sens de « code d'obligation », dans la langue juridique, soit à l'origine de la spécialisation en « association d'ouvriers unis par les liens du compagnonnage » depuis le 6 avril 1804, date de la création d'un compagnonnage de charpentiers. On comparera celle-ci avec le latin médiéval deverium « juridiction commune à un groupe d'artisans ou de compagnons ».
■  Le dérivé DEVOIRANT n. m. « ouvrier membre de l'association du Devoir » (1864, Littré), a été déformé en 2 DÉVORANT (1833, Balzac, Histoire des treize) par attraction paronymique ; on peut en trouver la raison dans les banquets qui réunissaient les devoirants ou dans l'âpreté avec laquelle ils défendaient le quasi-monopole de l'emploi pour leurs membres.
Le participe passé de devoir, , DUE est adjectivé (XIVe s.) et substantivé (1668) avec un sens propre et figuré très voisin de dette*. ◆  En français du Québec, par calque de l'anglais due to..., dû à... s'emploie comme préposition pour « à cause de... ». Cet anglicisme tend à se répandre en France, en Belgique, dans les jargons d'entreprise.
■  a produit DÛMENT adv. (1331, deüement), et les antonymes INDU, UE adj. (v. 1360) pour « qui est en désaccord avec la norme, la règle, la coutume » (par exemple dans une heure indue), et en droit « qui n'est pas fondé ». C'est surtout le nom l'INDU n. m. (1867) qui correspond au sens financier de devoir et dette (le paiement de l'indu), avec le sens de « ce qui n'est pas dû, légalement ou normalement ». Le dérivé INDÛMENT adv. (1309) correspond aux principaux emplois de l'adjectif.
Le groupe de devoir s'est en outre enrichi de la série préfixée en re- de REDEVOIR v. tr. (v. 1130), de sens propre et figuré (1723).
■  Ce verbe a entraîné la formation de REDEVANCE n. f. (1239), mot de sens concret pour « somme due par échéances régulières » et « taxe due en contrepartie de l'utilisation d'un service public » (v. 1268). Récemment, ce mot désigne aussi ce qui est dû par le bénéficiaire d'une compagnie pétrolière (v. 1970), servant d'équivalent français à l'anglicisme royalties. ◆  REDEVANCIER, IÈRE n. (1573), désignait la personne devant payer une redevance.
■  De redevoir vient aussi REDEVABLE adj., « débiteur » (1200), surtout vivant au sens figuré (fin XIIe s.) dans la construction être redevable (à qqn) de qqch. « bénéficier d'un avantage grâce à (qqn) ».
DÉVOLU, UE adj. et n. m. est emprunté (XIVe s.) au latin devolutus, participe passé de devolvere, de de et volvere (→ volute) proprement « rouler de haut en bas », d'où « entraîner en roulant, précipiter », et, au figuré, « entraîner » ; il a pris à basse époque le sens de « échoir », en droit.
❏  Le mot est introduit dans la terminologie juridique comme adjectif, « conféré par droit », et comme nom (1549). Le dévolu n. m. a désigné l'attribution d'un bénéfice religieux vacant par absence des qualités ou des titres du possesseur ; le mot a une grande importance dans le contexte des revendications des biens de l'Église. Par extension, il est passé dans l'usage courant, qualifiant ce qui est attribué, réservé (1559), et s'employant dans la locution jeter un, son dévolu sur... « arrêter son choix sur » (1698), extension du sens juridique technique « faire signifier un dévolu » (av. 1654).
❏  Les autres mots du même groupe d'un usage strictement juridique, sont DÉVOLUTIF, IVE adj. (XVIe s.), DÉVOLUTAIRE n. m. (1564), qui a désigné celui qui obtenait un bénéfice vacant par le dévolu, et DÉVOLUTION n. f., emprunté comme terme de droit canon (1385) au latin médiéval devolutio « droit dévolu » (1343), également spécialisé en droit canon, mot formé sur le supin de devolvere.
2 DÉVORANT → DEVOIR
DÉVORER v. tr., d'abord devurer (v. 1121), est emprunté au latin devorare « avaler, engloutir », au figuré « absorber » et « avaler sans goûter ». Ce verbe est le composé intensif en de de vorare « manger avidement, engloutir » (→ vorace), au figuré « se livrer avec passion à... ».
❏  Le mot a été repris avec son sens propre (d'abord en parlant d'un animal) ; en ancien français, il a eu également les sens de « mettre en pièces, lacérer » et, au figuré, « maudire ». Employé par extension pour « anéantir, engloutir » (av. 1150), il a reçu à l'époque classique les valeurs figurées psychologiques d'« absorber » (1662) et « tourmenter ». On parle de dévorer un auteur, un livre, pour « lire avidement », depuis le XVIe siècle.
❏  Le participe présent 1 DÉVORANT, ANTE (1685), adjectivé dès le XIVe s. avec son sens concret (v. 1340), s'est appliqué plus tard, par métonymie, à la faim, à l'appétit (v. 1765) et, depuis la fin du XVIIe s., s'emploie avec les sens figurés de « qui détruit » et « qui inquiète ».
Dévorer a produit DÉVORABLE adj. (v. 1250), employé avec le sens actif de « dévoreur » avant de prendre son sens actuel (1822), et DÉVOREUR, EUSE adj. et n., d'abord dévoureur (1280), de sens propre et figuré (1690 chez Mme de Sévigné).
■  Ce dernier mot subit la concurrence de DÉVORATEUR, TRICE adj. et n., emprunté sous la forme devorator (déb. XIVe s.) au dérivé bas latin devorator « celui qui dévore ».
■  Le nom d'action correspondant au verbe est généralement DÉVORATION n. f. emprunté (1393) au bas latin devoratio, mais on rencontre également DÉVOREMENT n. m., tiré du verbe français.
La préposition entre* a servi à former S'ENTREDÉVORER (v. 1460), pronominal de sens réciproque.
DÉVOT, DÉVOTE adj. et n. est emprunté (fin XIIe s.) au latin devotus, participe passé de devovere « vouer, consacrer, dédier », de de et vovere (→ vouer, à vœu). Devotus, « dévoué, consacré », a pris spécialement en latin ecclésiastique le sens de « dévoué à Dieu, religieux ».
❏  La spécialisation religieuse, introduite avec le mot, a supplanté progressivement le sens général de « dévoué », en usage jusqu'au XVIe s. avec des nuances particulières comme « intime », « servant, amoureux », dans le langage galant. Au XVIe s., les traducteurs des textes antiques ont employé spécialement le féminin dévote pour rendre l'idée de prêtresse (d'Apollon, Diane, etc.). Une valeur péjorative s'est attachée au mot à partir du XVIIe s., surtout depuis le Tartuffe (1664) de Molière, en relation avec celle de faux dévot (1664, cité par Furetière).
❏  Dévot a produit DÉVOTEMENT adv. (v. 1138) dont la valeur générale, « avec dévouement », s'est effacée pour celle d'« avec piété ».
■  Le nom correspondant, DÉVOTION n. f. est emprunté (1130-1140) au latin devotio « dévouement, attachement », spécialisé en bas latin ecclésiastique au sens de « zèle religieux », et formé sur le supin (devotum) de devovere. Le mot est passé en français avec son sens religieux, développant par extension celui de « fidélité, dévouement », « ardeur », resté vivant dans l'expression être à la dévotion de qqn « à sa complète disposition », avec une idée d'admiration. ◆  Dévotion a servi à former l'adjectif didactique DÉVOTIONNEL, ELLE (1956).
■  Un autre adjectif, DÉVOTIEUX, EUSE, dérivé (devocieux, v. 1327) du radical de dévotion, a vieilli au sens de « pieux », mais continue de se dire (souvent ironiquement) d'une pratique, d'un sentiment empreint d'une ferveur intense. ◆  Son dérivé DÉVOTIEUSEMENT adv. (XIVe-XVe s.) a suivi le même développement.
Au cours du XVe s. sont apparus les préfixés en in-.
■  INDÉVOT adj. (et n. 1694) est emprunté (1420) au latin ecclésiastique indevotus « irréligieux » (de in- et devotus) qui était employé à basse époque avec le sens de « qui contrevient à la loi ». ◆  Il a produit INDÉVOTEMENT adv. (1470), relevé antérieurement sous une variante indeuwetement (1392).
■  INDÉVOTION n. f. est emprunté (1479) au latin ecclésiastique indevotio « irréligion », par spécialisation de son sens bas latin de « manque de respect, mépris », de in- et devotio. Les trois composés sont archaïques.
DÉVOUER → VŒU
DÉVOYÉ, DÉVOYER → VOIE
DEXTRE adj. et n. f. est emprunté (v. 1370) au latin dextra, féminin de dexter « droit » par opposition à sinister « gauche » (→ sinistre, Cf. italien sinistro). Dans la langue augurale où il s'est appliqué à un présage arrivant du côté droit, dexter a pris le sens caractérisant de « favorable » : en effet, selon une croyance très répandue, la droite était associée à un sort heureux et le côté gauche à un sort malheureux (Cf. le développement sémantique de sinistre). Dexter a aussi pris le sens d'« adroit, habile », l'accent étant cette fois mis sur le fait de savoir se servir de la main droite (Cf. le développement de gauche et l'association droit-adroit). Dexter s'analyse comme la combinaison d'une racine indoeuropéenne °deks- « droit, normal » (grec dexios, sanskrit dákṣiṇaḥ, lituanien dẽšinas, irlandais dess), et de l'élément -ter indiquant le côté (→ antre, détériorer, extérieur, intérieur, sinistre).
❏  L'emprunt savant a évincé la forme populaire ancienne destre adj. et n. f. (1080). À son tour, il a subi la concurrence très forte de droit adj., de adroit adj. et du nom droite.
❏  Le groupe de dextre reste représenté en français moderne par le dérivé DEXTREMENT adv. (1534) encore employé plaisamment au sens d'« habilement », ainsi que par l'adjectif didactique ambidextre*.
■  Les termes DEXTRAL, ALE, AUX adj. (1886), DEXTROSITÉ n. f. (1870, Verne) remplacé par DEXTRALITÉ n. f. (1959), lui-même emprunté à l'anglais dextrality (attesté dep. 1646), sont didactiques.
En outre, la langue du blason possède ADEXTRÉ, ÉE adj. « accompagné à droite (pour l'écuyer) » dérivé de l'ancien verbe adestrer (1080), adextrer « conduire en donnant la main droite » (→ destrier).
■  Un adjectif ADEXTRE (v. 1250) « habile, adroit », fait sur dextre avec le préfixe a-, se rencontre encore chez quelques auteurs archaïsants.
Enfin, l'élément dextro- entre dans la composition de quelques termes savants tels DEXTRINE n. f. (1833), DEXTROSE n. f. (1878), DEXTROGYRE adj. (1865), opposé à lévogyre.
DEXTÉRITÉ n. f. est l'adaptation (1504) du latin dexteritas « adresse, habileté », « qualité d'être propice, favorable », dérivé de dexter (→ dextre). Le mot, relativement courant, sert de nom de qualité à dextre avec son sens figuré.
DEXTRORSUM adj. invar. et adv. est emprunté (1828) à un composé latin de dexter et signifie « qui va de gauche à droite, dans le sens des aiguilles d'une montre ». Il s'oppose à senestrorsum.
❏ voir aussi DESTRIER.
DEY n. m. est emprunté (1616) au turc dāi « oncle maternel », mot que les Ottomans semblent avoir utilisé comme titre honorifique décerné aux marins qui se sont illustrés en combattant en Méditerranée. Par la suite, ce titre a désigné un officier de la milice des Janissaires de Tunis et d'Alger. En 1590, une révolte de la milice amena l'un deux à la tête de la province de Tunis, gouvernement qui se maintint jusqu'en 1659. La fonction existait encore au XXe s., mais son titulaire ne tenait plus qu'une place réduite dans la hiérarchie ; depuis 1705, les beys gouvernaient la Tunisie.
❏  Le mot désigne le chef de la « régence » d'Alger jusqu'en 1830, et, au XVIIe s., les souverains de Tunisie (ci-dessus).
DHEA, épelé, est le signe (1959) de déhydroépiandrostérone, hormone stéroïde sécrétée par les surrénales, précurseur des hormones sexuelles. Taux de DHEA sanguin.
DI-, élément tiré du grec di-, signifiant « deux fois », de même sens que le bi- ou bis- latin. Comme préfixe, a servi à former de nombreux mots de chimie, tels DIACIDE n. m. (attesté 1948), DIALCOOL n. m., DIAMINE n. m. (1877) et DIAMIDE n. m. (1898), DIERGOL n. m. (1968), DIPHÉNOL n. m. (1905), DIPHÉNYL-, élément, DISACCHARIDE n. m. En botanique, DIAKÈNE n. m. (1845), DILOBÉ, ÉE adj. (1864) ; en biologie, DIZYGOTE adj. (mil. XXe s.). Voir les radicaux.
D'autres mots en di- sont empruntés à des composés grecs, latins, et parfois à l'anglais, où le préfixe est très actif (diode). D'autres mots en di- viennent de l'élément dis-*.
❏ voir COTYLÉDON, DIÈDRE, DIPLOÏDE, OXYDE, PÔLE.
DIA interj., depuis 1561 dans la série interjective houoih, hau dia, est vraisemblablement de nature onomatopéique, et s'oppose à hue*, cri du charretier lorsqu'il veut faire aller son cheval à droite.
❏  Le mot représente le cri du charretier lorsqu'il veut diriger son cheval à gauche. Il est entré en combinaison avec hue dans quelques locutions familières de sens figuré : dès 1585, l'expression qui te mèneront à dy ay et hori ho, puis n'entendre ni à hue ni à dia (XVIIe s.) « n'entendre pas raison ». L'usage moderne emploie tirer à hue et à dia, locution plus récente (1835, Académie) pour « agir de manière contradictoire ».
DIA-, préfixe signifiant « à travers », est emprunté au grec dia-, qui entre dans des mots courants dont plusieurs ont été empruntés (→ voir à l'ordre alphabétique diable, diadème, diagnostique, diagonal, diagramme, dialecte, dialectique, dialogue, dialyse, diamètre, diaphane, diaphragme, diarrhée, diaspora, diastase, diatribe). Le sens originel de dia- est « en divisant », d'où « en traversant ». L'élément est apparenté à un morphème indoeuropéen °dis-, °dwis- que l'on retrouve dans le latin dis. Dia- pourrait être issu d'un °dis-a, peut-être par analogie avec meta- et para- (Pokorny, Chantraine).
Par rapport au latin trans-, dia- est d'une productivité limitée dans quelques domaines scientifiques. Le plus usuel est diapositive*.
DIACHRONIE n. f. est une création de F. de Saussure (attesté en 1908 dans les cahiers de ses étudiants), formée de dia- et de -chronie d'après synchronie*.
■  Le mot s'est diffusé en linguistique avec la pensée de Saussure (surtout après 1945) pour « évolution des phénomènes linguistiques dans le temps » ; puis il s'est étendu à l'ensemble des sciences, pour « évolution temporelle » (opposée à un état théorique instantané)
■  DIACHRONIQUE adj. (1907-1908 Saussure) a subi la même évolution, ainsi que le dérivé DIACHRONIQUEMENT adv., attesté en 1958 chez Lévi-Strauss.
DIABÈTE n. m. est emprunté (1520) au bas latin diabetes lui-même emprunté au grec diabêtês. Ce mot signifie proprement « qui traverse » et a plusieurs sens techniques (compas, fil à plomb, siphon), avant de désigner tardivement le diabète. Il est dérivé de diabainein « passer à travers », de dia (→ dia-) et bainein « marcher », qui contient la racine indoeuropéenne °gwen-, représentée dans le latin venire (→ venir).
❏  La maladie a tiré son nom des abondantes émissions d'urine qui la caractérisent. Un sens général correspond à ce symptôme, avec des causes diverses, perturbations d'origine endocrinienne, et surtout insuffisance de la sécrétion d'insuline. Dans ce cas, on parle de diabète sucré et absolument de diabète, avec hyperglycémie : diabète léger, n'exigeant qu'un traitement médicamenteux et un régime alimentaire ; diabète insulinodépendant, exigeant des injections d'insuline.
❏  Sur diabète a été fait DIABÉTIQUE adj. et n. (1577), rare avant le XVIIIe siècle.
■  Le XXe s. a formé les composés didactiques DIABÉTOGÈNE adj. (1938), DIABÉTOLOGUE n. et DIABÉTOLOGIE n. f. (1963, dans les dictionnaires) ainsi que DIABÉTOMÈTRE n. m. (XXe s.).
+ DIABLE n. m. est un emprunt très ancien (881) au latin chrétien diabolus « démon », lui-même pris au grec ecclésiastique diabolos de même sens. Le mot existait déjà en grec classique comme adjectif signifiant « qui désunit, qui inspire la haine ou l'envie », substantivé au sens de « calomniateur, homme médisant » ; il est dérivé du verbe diaballein « jeter entre, insérer », employé ensuite péjorativement, d'où au figuré « désunir, séparer », « accuser, calomnier » et « tromper ». Diaballein est composé de dia (→ dia-) « à travers » et de ballein « jeter », « mettre » (→ bal).
❏  Le mot est passé en français sous la forme diaule refaite en diable (fin Xe s.), avec le sens de « démon » ; plus familier que démon, il possède un registre plus riche et varié. Il a dès le XIe s. (1080) des emplois figurés, dont la valeur négative a parfois été atténuée (voir le Bon Petit Diable de la comtesse de Ségur) ou neutralisée, voire retournée au moyen d'un adjectif (pauvre diable, 1611). ◆  Dès l'ancien français, il fournit une interjection (v. 1150, porquoi deable ?) et entre dans la formation de nombreuses locutions métaphoriques telles avoir le diable au corps (v. 1250), qui évoque la possession et a pris une valeur érotique, tirer le diable par la queue (1694), et de locutions fonctionnelles comme au diable « dans un lieu inaccessible », en diable (1665), du diable, intensifs, ou à la diable (1735 à propos d'une coiffure). Une phraséologie est propre au français du Canada, avec (être) en diable « furieux, en rage », mener le diable « faire du tapage, être turbulent » (on dit en France, faire le diable, le diable à quatre). Le caractère intensif est clair dans ce n'est pas le diable « c'est sans grande valeur, sans intérêt », ou encore (faire qqch.) que le diable « énormément ». ◆  Si l'ancien emploi adjectif (1220-1225), encore vivant à l'époque classique (La Fontaine), a disparu, sauf au sens de « turbulent » (d'un enfant), le mot remplit encore une fonction adjective dans la locution diable de suivi d'un nom (déb. XIIIe s.).
■  À partir du XVIe s. il sert à désigner des animaux à l'aspect noir ou hideux (1552, diable de mer) et des objets, par des analogies assez obscures : « levier », « calèche » (1750) et « petit chariot à deux roues ». Ce dernier sens est très vivant ; il s'est étendu (2008) à un engin électrique de locomotion, où le passager avance debout sur une plate-forme (que l'on a proposé d'appeler gyropède). ◆  Par la métaphore du feu (de l'enfer), diable se dit en Vendée, dans les Charentes, pour un poêlon arrondi.
❏  Le féminin DIABLESSE n. f., d'abord diablaise (1245), correspond à diable au propre et au figuré : appliqué autrefois à une femme méchante et rusée, il semble désormais évoquer une femme très active, espiègle, malicieuse (XXe s.).
■  L'idée de « petit diable » est rendue à la fois par DIABLETEAU ou DIABLOTEAU n. m. (1474) et, surtout, DIABLOTIN n. m. (av. 1544), dérivés par suffixation du moyen français diablot (1350, dyavlos), diminutif de diable. Diablotin, souvent appliqué, sans péjoration, à une personne, à un enfant, a donné son nom à diverses choses au caractère piquant ou surprenant : par ex. la confiserie appelée plus tard papillote (1825, Brillat-Savarin) et une sorte d'entremets (1751).
DIABLERIE n. f. (1230) qui a évincé dïablie (XIIe s.), désigne d'abord toute action inspirée par le diable (une diablerie), puis l'ensemble des attributs du diable (la diablerie). Il se dit spécialement, en littérature, d'une pièce faisant intervenir le diable et, dans les Passions, d'un intermède comique où les diables se livraient à une agitation effrénée (1534, Rabelais).
Diable a aussi servi à former DIABLEMENT adv. (XVe s., deablement), avec une valeur d'intensif.
■  Par déformation, il a donné DIANTRE n. m. (1524) qui a disparu au sens de « diable » et s'est maintenu plus longtemps dans son emploi interjectif (1534, Rabelais, que diantre !). ◆  Son dérivé DIANTREMENT adv. (fin XVIIe s.), a été utilisé comme intensif dans un style familier au XVIIIe siècle.
■  Le dérivé le plus récent est DIABOLO n. m. (1906), nom d'un jeu à la mode au début du siècle, formé sur l'expression jeu du diable (1835) avec -o, peut-être sous l'influence de l'italien diavolo. La spécialisation du mot comme nom d'une boisson (av. 1920) mobilise une image moins évidente, peut-être liée au pétillement et à la couleur verte du diabolo menthe.
Le dérivé verbal ENDIABLER, d'abord au participe passé endiablé, ée (1460-1470) au sens de « possédé du diable », signifie « faire entrer le diable en (qqn), dans (une maison) » (1579), puis intransitivement « enrager, être furieux » (1752).
■  Le participe passé adjectivé ENDIABLÉ, ÉE, plus courant, assume les sens correspondants de « méchant, mauvais » (XVe s.), « acharné, empressé » (1655) et, par affaiblissement, de « vif, impétueux » (1843) en particulier à propos du rythme d'une musique.
DIABOLIQUE adj. est emprunté (v. 1180) au bas latin ecclésiastique diabolicus « du diable », lui-même emprunté au grec diabolikos « calomniateur » et spécialement « démoniaque », de diabolos (voir ci-dessus diable). Diabolique signifie d'abord « inspiré par le diable » ; il qualifie ce qui se rapporte au diable et, par extension, ce qui l'évoque. Substantivé, il caractérise une personne ayant la perversité du diable, notamment depuis Barbey d'Aurevilly et son recueil de nouvelles Les Diaboliques, paru en 1874. ◆  Toutes les valeurs du mot sont assumées par son dérivé DIABOLIQUEMENT adv. (fin XIVe s.).
■  Son autre dérivé DIABOLISME n. m. (1886) est réservé au caractère diabolique (de qqn, qqch.) et au culte du diable.
■  DIABOLICISME n. m. (1823, Stendhal), mot rare, semble emprunté à l'anglais diabolicism, qui existe depuis le XVIIe siècle.
■  DIABOLISER v. tr. « transformer en diable » (XVIe s. au p. p.) a été repris récemment pour « présenter sous un jour négatif, diabolique ».
DIACHRONIE, DIACHRONIQUE → DIA-
DIACOUSTIQUE → ACOUSTIQUE