DIAPRER v. tr., d'abord écrit dyasprer (1274), est dérivé de l'ancien français diaspre n. m. « drap de soie à ramages, fleurs ou arabesques » (1160), emprunté au latin médiéval diasprum (XIe s.). Ce dernier, employé avec le même sens et pour désigner une sorte de pierre (XIVe s.), est une forme altérée du latin classique jaspis (→ jaspe), le j- initial latin étant souvent écrit di- dans les textes latins du moyen âge (italien diaspro, espagnol diaspero). Une autre étymologie proposée est le grec dia (→ dia) et áspros « blanc ».
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Le mot, « parer de couleurs variées », est d'usage littéraire, surtout avec son sens figuré d'« orner, embellir brillamment ».
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Le participe passé adjectivé
DIAPRÉ, ÉE est plus courant, dans les deux acceptions correspondantes.
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DIAPRURE n. f. (1360, diapreure) est encore vivant dans le style littéraire.
DIARRHÉE n. f., réfection savante (1568) de la forme altérée diarrie (1372), est emprunté au bas latin diarrhaea « flux du ventre ». Ce mot est emprunté au grec diarroia, lui-même dérivé, par l'intermédiaire d'une forme °diarrhoos, du verbe diarrein « couler de côté et d'autre », « se répandre », « couler à travers, suinter », de dia- (→ dia-) et rhein « s'écouler » (→ -rrhée), mot appartenant à une importante famille indoeuropéenne.
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Le mot, signifiant « flux du ventre », est d'usage médical et courant (alors concurrencé par colique). Il est parfois employé au figuré et péjorativement en parlant d'un écoulement abondant (diarrhée verbale).
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DIARRHÉIQUE adj., emprunt au dérivé grec diarroikos « atteint de diarrhée », est attesté une première fois chez Paré (1568, flux diarrhéïque), et a été repris à partir de 1835 (on rencontre la forme isolée DIARROÏQUE en 1827).
DIASPORA n. f. est un emprunt récent (1908) au grec diaspora « dispersion », employé dans les Septante à propos de la situation des communautés juives installées hors de Palestine et de ces communautés elles-mêmes. Le mot est dérivé de diaspeirein « disséminer », de dia- (→ dia-) et speirein « semer » (→ spore).
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Le mot a trait à la situation des Juifs exilés à travers le monde à la suite des persécutions de l'Antiquité et, par métonymie, désigne l'ensemble de ces communautés. Par extension (1949), il concerne l'état de dispersion d'une ethnie avec le même emploi métonymique (la diaspora arménienne).
DIASTASE n. f., emprunt savant (1752) au grec diastasis « séparation », de diistanai « établir de côté et d'autre » d'où « séparer », de dia (→ dia-) et histanai « placer debout, placer dans une balance » et « se tenir debout ». Ce verbe, forme à redoublement issue de °sista- « mettre debout », appartient à la même famille indoeuropéenne que le latin « stare » (→ état). Comme lui, il a produit de nombreux préfixés verbaux.
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Le sens d'emprunt, « luxation, écartement permanent de deux surfaces articulaires », a été abandonné pour luxation ou pour le réemprunt récent diastasis (v. 1950). Les chimistes ont repris le terme (1833) pour désigner la substance découverte par Payen et Persoz en 1833 dans les tissus vivants, d'après sa capacité à provoquer la dégradation des sucres et composés albuminiques. Le mot est en général remplacé par enzyme*.
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Le dérivé DIASTASIQUE adj. (1859 ; également diastatique, 1897) a été remplacé par enzymatique.
❏ voir
ASE.
DIASTOLE n. f. est emprunté (v. 1370) au grec diastolê, de diastellein « séparer », de dia- (→ dia-) et stellein « préparer, envoyer » (→ apôtre, épître, systole).
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D'abord employé pour « diérèse », le mot a été repris en physiologie (1541), désignant la dilatation du cœur qui alterne avec la systole*.
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Le dérivé DIASTOLIQUE adj. (1546, Rabelais) s'emploie dans souffle, bruit diastolique.
DIATRIBE n. f. est emprunté (1558) au bas latin diatriba « entretien, discussion » et, par métonymie, « école, académie, secte ». Ce mot est emprunté au grec diatribê, proprement « usure par le frottement », développé d'après la double idée d'usure et d'usage en « passe-temps » et en « étude, travail sérieux ». Ce mot est dérivé du verbe diatribein, de dia- (→ dia-) et tribein « frotter, user », qui se dit des vêtements que l'on use, d'un chemin fréquenté, du temps que l'on passe, etc. En partant de la forme ancienne du radical trib-, on a proposé un rapprochement avec le groupe latin de detrimentum (→ détriment).
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Le mot, d'abord attesté dans un contexte de sens incertain « discussion d'école », a désigné une dissertation critique sur un ouvrage, un point de doctrine (1638) avant de correspondre à une critique violente, injurieuse (1764, Voltaire).
DICHOTOMIE n. f. est emprunté (1750) au grec dikhotomia « division en deux parties égales », composé de dikho-, élément correspondant à l'adverbe dikha « en deux », lui-même dérivé de dis « deux fois » qui correspond au latin bis (→ bis), et de -tomia « division, section » (→ -tomie).
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Le mot s'emploie concrètement en astronomie à propos de la phase de la lune où seule la moitié du disque est visible, puis aussi en botanique à propos d'une ramification par bifurcation (1803). Ces valeurs ayant disparu, le mot a été repris abstraitement en parlant d'une méthode de division et de subdivision binaire (1887), recouvrant spécialement en logique la division d'un concept en deux autres concepts contraires. Il est usuel dans l'usage soutenu.
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Le dérivé
DICHOTOMIQUE adj. (1832), dont on a tiré un adverbe rare,
DICHOTOMIQUEMENT (1928-1929), a les mêmes emplois.
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DICHOTOMISER v. tr. (1837) constitue l'équivalent rare de diviser en deux.
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DICHOTOME adj. est l'emprunt (1753) du bas latin dichotomos, calqué du grec dikhotomos « coupé en deux », spécialement employé à propos de la lune dont le disque n'est qu'à moitié visible. Repris dans cette acception en astronomie, le mot est rapidement passé en botanique (1789) pour qualifier une tige, une racine qui se subdivise par bifurcation.
DICTATEUR, TRICE n. est emprunté, sous la forme dictator (1213), puis dictateur (av. 1380), au latin dictator qui désignait le magistrat unique investi de tous les pouvoirs dans certaines circonstances graves, sous la République. Ce mot est formé sur dictum, supin de dictare (→ dicter).
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Le mot a été repris comme terme d'histoire romaine. Par extension, il a désigné toute personne exerçant une autorité absolue (1599, ironiquement ; puis au XVIIIe s., av. 1755). Ce sens figuré tend aujourd'hui à être senti comme une extension du sens politique moderne de « personne qui, s'étant emparée du pouvoir, l'exerce sans contrôle », apparu pendant la Révolution (1790, Marat). Le féminin est rare (att. 1927).
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Le radical du nom a servi à former l'adjectif
DICTATORIAL, ALE, AUX, lui aussi apparu à la fin du
XVIIIe s. (1790, Mirabeau ; 1777 selon Bloch et Wartburg) sur le modèle
sénateur / sénatorial.
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Celui-ci a produit
DICTATORIALEMENT adv. (1869, Gambetta).
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DICTATURE n. f. est emprunté comme terme d'antiquités romaines (1286-1290) au latin classique dictatura, de dictator. Parallèlement à dictateur, le mot a développé un sens figuré (av. 1654) et, pendant la Révolution, son sens politique usuel (1789).
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L'expression marxiste dictature du prolétariat (principe abandonné par les partis communistes) avait suscité dictateur du prolétariat (att. en 1917).
DICTER v. tr. est emprunté (av. 1483) au latin dictare, fréquentatif de dicere (→ dire), proprement, « dire en répétant » d'où « faire écrire », « ordonner, prescrire » et « avoir l'habitude de dire ».
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L'emprunt a remplacé le type populaire hérité ditier (1174-1176) « rédiger, composer (une lettre) » et « prescrire, ordonner » (1200). Introduit au sens de « rédiger » (au participe passé lettre dictée), il a reçu ceux de « prononcer à voix haute » (1606), spécialement pour « lire à voix haute pour qu'on écrive, note » (dicter qqch. à qqn).
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Le participe passé féminin
DICTÉE n. f., substantivé au
XVIIe s., est commenté par Richelet comme « terme d'écolier, de philosophie et d'autres qui écrivent les écrits d'un maître » (1680). Il est entré dans la locution
sous la dictée (1752) de sens propre et figuré. Diffusé par l'enseignement obligatoire,
dictée est aujourd'hui lié à l'enseignement de l'orthographe, voire aux exercices de difficultés orthographiques dont les Français sont si friands (la célèbre
dictée de Mérimée et ses suites).
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Le préfixé
AUTODICTÉE n. f. (av. 1978) reste très spécialisé.
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Les autres dérivés, DICTABLE adj. et DICTEUR n. m. (1899), sont peu usités.
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Dicter a servi à former le composé DICTAPHONE n. m. (v. 1930) avec l'élément -phone*, nom de marque déposée qui s'est répandu vers 1940 avec l'appareil qu'il désigne.
DICTION n. f. est emprunté (1176-1184) au latin dictio « action de dire », employé par métonymie, sous l'Empire, aux sens de « propos » et « mode d'expression ». Dictio est dérivé du supin (dictum) de dicere (→ dire).
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Diction a d'abord désigné la manière de dire quant au choix des vocables et à l'agencement des mots dans l'expression. L'usage moderne, en déplaçant l'accent sur la qualité de l'articulation, de la prononciation orale des mots (1549, Du Bellay), l'a partiellement substitué à déclamation au théâtre.
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DICTIONNAIRE n. m. est emprunté (1501) au latin médiéval
dictionarium (v. 1220,
dictionarius), dérivé du radical de
dictio au moyen du suffixe
-arium. Le mot, partiellement synonyme de
vocabulaire (latin
vocabularium), a d'abord été appliqué à un ouvrage bilingue ou multilingue, à côté de
thesaurus, puis
thrésor, réservé aux dictionnaires unilingues ou quasi unilingues, comme le
Thresor de la langue françoyse de Nicot (1606). En France, le premier grand dictionnaire est celui de Robert Estienne, français-latin (1538). Par métaphore, le mot est employé à propos d'une personne aux connaissances étendues (1762).
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Il est familièrement abrégé en DICO n. m. (1885, dans l'argot des lycéens de Brest) avec le suffixe argotique -o.
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On en a tiré DICTIONNARISTE n. (1694) pour désigner un auteur de dictionnaires, à côté de lexicographe (on le trouve chez Nodier) ; certains auteurs le font revivre pour désigner l'auteur de dictionnaires à côté du spécialiste qui les analyse.
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De même, l'adjectif DICTIONNAIRIQUE (B. Quemada, v. 1965) se distingue de lexicographique.
DICTON n. m. est emprunté (1477, Bloch et Wartburg) au latin dictum « mot, sentence », neutre substantivé de dictus, participe passé de dicere (→ dire) avec francisation de la finale.
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Le mot a été synonyme de « sentence » dans un contexte juridique. Il se dit seulement, de nos jours, d'une sentence populaire, passée en proverbe dans une région donnée (1501). Les sens de « mot notable tenant lieu d'emblème ou de devise (dans des tableaux, des inscriptions) » et « raillerie, mot plaisant » relèvent d'un usage classique.
DIDACTIQUE adj. et n. est emprunté (1554) au grec tardif didaktikos « propre à instruire », « relatif à l'enseignement », de didaktos, adjectif verbal de didaskein « enseigner, faire savoir ». On pose pour ce verbe un ancien thème °dns- qui fournit un rapprochement avec dênea « plans, desseins (bons ou mauvais) », hypothèse plus vraisemblable, selon Chantraine, qu'un thème, indoeuropéen lui aussi, °dok- qui permettrait d'évoquer le latin docere (→ docteur).
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Le mot a gardé les valeurs du grec ; par ellipse de genre didactique (1554), il est substantivé au masculin, puis au féminin, pour désigner le genre rhétorique destiné à instruire, puis l'ensemble des techniques d'enseignement (→ pédagogie). Il s'est spécialisé en psychanalyse pour l'analyse imposée au futur analyste (l'analyse didactique d'où la didactique).
❏
Didactique a produit
DIDACTIQUEMENT adv. (1754),
DIDACTISME n. m. (1823) d'abord « genre didactique », puis (Baudelaire, v. 1860) « style, manière didactique » (souvent péjorativement), et
DIDACTICIEN, IENNE n. (1870).
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Sur logiciel, on a formé (1979) le mot-valise DIDACTICIEL n. m. « logiciel à fonction didactique, pédagogique » d'emploi courant et recommandé par l'Office de la langue française au Québec.
❏ voir
AUTODIDACTE.
DIÈDRE adj. et n. m. est formé (1783) avec les éléments tirés du grec di- « deux » et -èdre, grec haedra « plan, base ».
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Ce mot de géométrie qualifie et désigne l'angle formé par deux demi-plans (les faces du dièdre) ayant une arête commune.
DIÉGÈSE n. f. est un emprunt didactique (1955) au grec diêgêsis « récit », d'abord à propos de cinéma.
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Le mot désigne l'univers spatio-temporel d'un récit, d'une fiction, notamment en cinéma.
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Le dérivé DIÉGÉTIQUE adj. s'applique à cet espace-temps de la fiction (durée diégétique et durée réelle).
DIÉRÈSE n. f. a été emprunté (1529), en même temps que son antonyme synérèse*, au latin des grammairiens diaeresis, lui-même calqué du grec diairesis « séparation, division », spécialisé en phonétique et en prosodie. Ce mot est dérivé de diairein « séparer », composé de dia (→ dia-) et de hairein « prendre, saisir, choisir » (→ hérétique).
❏
Le mot a été repris en prosodie pour désigner la prononciation en deux syllabes des deux voyelles successives d'un même mot.
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Au XIXe s., selon une évolution à rapprocher de celle de dialyse, il s'est spécialisé en biologie et en médecine à propos de l'opération visant à séparer des parties dont le rapprochement ou la continuité sont nuisibles.
❏ voir
APHÉRÈSE.
DIÈSE n. m. est emprunté (1556) au latin diesis « quart de ton (en musique ancienne) » et, à basse époque, « demi-ton (dans le système de Pythagore) ». Lui-même est emprunté au grec diesis « action de séparer » et en musique « intervalle, demi-ton », dérivé de diienai « laisser passer ». Ce verbe est formé sur hienai « lancer », verbe contenant la racine indoeuropéenne °ye- « jeter » (qui par le latin se retrouve dans jeter*).
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Dièse, d'abord de genre féminin, est probablement devenu masculin sous l'influence de bémol et bécarre. On le trouve également sous la forme latinisante diesis (1704) et avec la graphie dièze, relativement fréquente chez les auteurs des XIXe et XXe s. (Céline, Goncourt, Flaubert, Gide, Mauriac, Proust). Il désigne un signe musical indiquant qu'il faut hausser d'un demi-ton une note ou l'ensemble des notes d'un morceau, et, par métonymie, une note haussée d'un demi-ton. En référence au système musical grec, il exprime le plus petit intervalle.
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Avec l'idée d'« ornement musical », l'expression faire des dièses s'emploie en français des Antilles pour « faire des manières, des mines ».
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Il a servi à former DIÉSÉ, ÉE adj. (v. 1710, notes diésées) et DIÉSER v. tr. « marquer une note d'un dièse ».
DIESEL n. m. est tiré (1913) du nom de l'ingénieur allemand R. Diesel (1858-1913), inventeur d'un moteur thermique caractérisé par un allumage par compression et une alimentation par injection.
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Le mot désigne le type de moteur à explosion inventé par Diesel, et, par métonymie, un véhicule muni de ce moteur (1943) ; on appelle diesel-électrique n. m. (attesté 1961) une locomotive électrique alimentée par ce type de moteur.
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Le dérivé
DIÉSÉLISER v. tr. a été créé (v. 1950) pour former une équivalence à
électrifier. Il a pour dérivé
DIÉSÉLISATION n. f. (1957).
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De diesel vient aussi DIÉSÉLISTE n. m. (1966) « mécanicien spécialiste des diesels ».
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BIODIÉSEL n. m. est emprunté à l'anglais
biodiesel, de
bio-, pour un biocarburant que l'on pourrait appeler
biogazole (recommandation officielle).