DIS-, élément formant, est emprunté au latin dis-, particule initiale utilisée pour exprimer la séparation, l'écartement, la direction en sens opposé et, par suite, la négation, le contraire (elle s'oppose à con-). Dis- servait aussi simplement à renforcer le sens du verbe simple, correspondant alors au grec dia- (→ dia-), auquel il semble apparenté.
❏
En français, l'élément dis- est vivant surtout devant -k-, -p-, -s-, -t-, dans des emprunts au latin (→ discontinuer, disconvenir, disculper, disjoindre, disparate, disparité, disposer, dissonance, distendre, distordre, etc.), à l'italien, ou dans des réfections d'après l'italien (→ discrédit, disgrâce) ou l'anglais (→ disqualifier). Dis- a eu une certaine productivité en moyen français, mais la plupart des formations ont été refaites par substitution de dé-* à di- (discoloration / décoloration, disgréger / désagréger). Les formations authentiquement françaises sont donc rares : disharmonie, disparaître, disproportion, dissentiment.
❏ voir
DÉ-.
DISCERNER v. tr. est emprunté (XIIIe s.) au latin discernere « séparer », au figuré « distinguer, reconnaître », formé de dis- (→ dé-) et de cernere (→ décerner ; certain, certes).
❏
Discerner a d'abord été employé pour « séparer », en particulier dans discerner le bien du mal (déb. XVIe s.). Ce sens s'est éteint au profit du sens actuel, « distinguer, percevoir », attesté dès 1310.
❏
Le dérivé,
DISCERNEMENT n. m. (1532), s'est lui aussi détourné de son sens premier, « action de séparer, de mettre à part », pour désigner l'opération par laquelle on distingue intellectuellement deux ou plusieurs objets de pensée (1611,
discernement du vray et du faux), et la disposition à juger clairement et sainement les choses, sens demeuré courant. Le verbe a donné deux adjectifs :
DISCERNABLE, attesté dès le
XVIe s. mais rare avant 1729, et
DISCERNANT, ANTE (
XIXe s.), rare.
■
Discernable a produit l'antonyme INDISCERNABLE adj. (1582), proprement « qui ne peut être discerné », et surtout « dont on ne peut rendre compte précisément » (déb. XIXe s.). Le mot, substantivé au masculin comme terme de philosophie (XVIIIe s.), fait référence à la pensée de Leibniz d'après laquelle deux êtres réels ne sont jamais parfaitement semblables.
◆
Son dérivé INDISCERNABILITÉ n. f. est didactique et rare (1737, Voltaire).
❏ voir
DÉCERNER, DISCRIMINER.
DISCIPLE n., d'abord deciple (1130-1140), est un emprunt adapté (semi-savant) au latin discipulus « élève » (par opposition à magister), employé en latin chrétien à propos de chacun des douze apôtres. Discipulus est lui-même à rattacher, comme le pensaient déjà les Anciens, à discere « apprendre » (distingué de docere « faire apprendre » → docte), hypothèse préférable à celle qui rattache discipulus à discipere (mot à peine attesté). La déformation énigmatique présentée par discipulus serait à rapprocher du redoublement du mot grec didaskein « enseigner » (→ didactique) qui en est venu à faire partie intégrante du radical.
❏
Le mot apparaît, dans un contexte religieux, comme la dénomination de celui qui a suivi Jésus et son enseignement (d'abord de Jean Baptiste). Plus largement, il est appliqué à toute personne qui suit les préceptes, l'enseignement de qqn (v. 1175) dans le domaine intellectuel, spirituel ou artistique. Par une nouvelle extension de sens, il se rapporte à la personne qui adhère à la doctrine ou à la manière d'être d'un maître, d'une école (Cf. élève), quelquefois avec une nuance dépréciative impliquant un manque d'originalité.
❏
CONDISCIPLE n. est emprunté (1570) au latin condiscipulus « compagnon d'étude », de cum « avec » (→ co-) et discipulus.
❏ voir
DISCIPLINE.
DISCIPLINE n. f. est emprunté (1080) au latin disciplina, dérivé de discipulus (→ disciple) qui signifie « action d'apprendre, de s'instruire », et par suite « enseignement, doctrine, méthode », « éducation » et « formation militaire » ; enfin par extension, le mot désigne les principes, les règles de vie.
❏
L'ancien sens de « massacre, carnage, ravage, calamité », propre à l'ancien français, est à comprendre comme une extension de l'idée de « châtiment », sens attesté au XIIe s. (v. 1170), spécialement appliqué à la mortification corporelle d'un clerc (1174) et donnant lieu, par métonymie, au sens concret d'« instrument servant à la flagellation » (av. 1549), d'usage religieux. Cependant, dès la première moitié du XIIe s., le mot est également employé avec les acceptions modernes de « règle de vie, de conduite » (v. 1120) et « éducation, enseignement ». Par métonymie, une discipline désigne une matière enseignée, une branche de la connaissance (1370).
❏
Son dénominatif
DISCIPLINER v. tr. (1174-1176), formé sur le modèle du latin chrétien
disciplinare « enseigner, former », a d'abord le sens de « châtier, mortifier corporellement » qui correspond à l'ancien emploi de
discipline, et, dès la fin du
XIIe s., le sens de « maîtriser ». À partir du
XIVe s. apparaissent deux acceptions nouvelles, « donner le sens de l'ordre, du devoir à (qqn) » et « éduquer ».
◆
On en a tiré
DISCIPLINABLE adj. (fin
XIIIe s.).
◈
Avant l'apparition d'autres dérivés de
discipline, on note les antonymes en
in- : INDISCIPLINÉ, ÉE adj. (v. 1361), formé sur
discipliné ou emprunté au bas latin
indisciplinatus « sans instruction, sans retenue » ; le mot est plus courant que le substantif correspondant. Celui-ci,
INDISCIPLINE n. f., fait par préfixation sur le français (1501) ou emprunté au bas latin
indisciplina « manque d'instruction », est peu attesté avant le
XVIIIe siècle. Quant à
INDISCIPLINABLE adj. (1530), formé sur
disciplinable, il semble vieilli.
◈
Discipline a aussi donné
DISCIPLINAIRE adj., relevé une fois en 1611 et repris depuis 1803.
◆
Il entre, enfin, dans le composé préfixé
AUTODISCIPLINE n. f. (1919).
DISCOBOLE n. m. est emprunté (1555) au latin discobolus, discobolos, calque du grec diskobolos « lanceur de disque », lui-même composé de diskos (→ disque) et d'un dérivé de ballein « jeter » (→ bal).
❏
Le mot a été repris comme terme d'antiquité à propos de l'athlète spécialisé dans le lancer du disque ; par métonymie, il désigne la représentation plastique de celui-ci. Son usage pour l'athlète moderne (1819) est limité par la concurrence de la locution usuelle lanceur de disque.
DISCORD adj. m. est issu (v. 1225) du latin discors, -cordis, de dis- et de cor (→ cœur) « qui est en désaccord (de personnes, de choses) ». L'ancienne forme discort a été refaite en discors (1304), puis discord, d'après le latin.
❏
Le mot a quasiment cessé d'être employé au
XVIe s. et a été repris fin
XVIIIe s. (Volney). Son sens de « qui manque d'unité, d'accord » relève du style littéraire ou, techniquement, musical (1823, Lamartine).
DISCORDE n. f. est emprunté (1155) au latin
discordia « désaccord, désunion » au figuré « agitation », employé comme nom propre pour désigner la déesse personnifiant la désunion (
Eris en grec). Le mot est issu de
discors pour servir d'antonyme à
concordia (→ concorde).
■
Discorde, beaucoup plus vivant que l'adjectif, évoque un manque d'accord, un désaccord (avec une force que n'a pas désaccord). Il entre dans la locution pomme de discorde (1680, La Fontaine), calque du latin malum Discordiae, allusion mythologique à la pomme jetée par la Discorde aux noces de Thétis et de Pélée, et que Pâris remit à Vénus, suscitant la colère de Junon et de Minerve.
❏
DISCORDER v. intr., d'abord
descorder (1120) puis
discorder (
XIIIe s.), est emprunté au latin
discordare « être en désaccord, être différent », dérivé de
discors. Le sens transitif de « mettre le désaccord, diviser » est sorti d'usage après le
XVIe siècle. Le verbe, rare au sens d'« être en désaccord, manquer de coordination » (1200), se maintient en musique pour « être en dissonance » (1223), servant d'antonyme à
accorder*.
◈
Son déverbal
DISCORD n. m., forme refaite du plus ancien
descort (v. 1170) « désaccord, brouille », est considéré comme vieilli dès le
XVIIe s. (1680) mais il se rencontre encore dans un style très littéraire, quelquefois avec une acception musicale synonyme de
discordance.
■
Les deux mots les plus vivants de la famille sont DISCORDANT, ANTE adj. (XIIe s.), réfection de l'ancien descordant, participe présent de descorder / discorder, et DISCORDANCE n. f., réfection de l'ancien descordance (v. 1165). Tous deux expriment l'idée d'un manque d'unité, d'accord, et sont employés spécialement en musique. Au XIXe s., ces deux mots sont passés dans le langage des géologues pour qualifier et désigner (1864) un terrain stratifié ne présentant pas de couches en successions parallèles et régulières.
DISCOUNT n. m. est emprunté (1962, l'Express) à l'anglais discount (1690), lui-même emprunté au français décompte* et employé au sens de « rabais, réduction ».
❏
Ce terme s'est répandu en France dans le commerce à propos des supermarchés de type américain ; il désigne une réduction sur le prix de vente des marchandises, emploi plus fréquent en français du Québec. On rencontre le composé discount-house, pour un magasin qui vend à des prix inférieurs au prix courant, mais l'usage courant préfère un discount (discount-house a rapidement vieilli). Les deux mots sont critiqués par les puristes.
❏
On rencontre quelquefois dans le vocabulaire commercial l'anglicisme DISCOUNTER n. m. (1960) emprunt de l'anglais discounter « boutique ou commerçant qui fait de gros rabais », de to discount, et le verbe surtout oral DISCOUNTER v. tr.
DISCOURIR v. intr., réfection (1559) de descourir (XIIIe-XIVe s.), est l'adaptation d'après courir*, de l'ancien français descorre, discorre « parcourir, marcher çà et là » (fin XIIe s.). Comme on le voit, le mot n'est pas lié originellement au langage : le mot latin auquel il est emprunté, discurrere, de dis- et currere (→ courir) signifie proprement « courir de différents côtés, se répandre » ; ce n'est qu'à basse époque qu'il a pris le sens de « parler ».
❏
Le sens physique de « parcourir » s'est progressivement éteint au profit du composé parcourir*. Le sens de « converser, parler » (XIIIe-XIVe s.) s'est limité à « parler sur un sujet donné » (1559) et fréquemment avec la valeur péjorative de « parler longuement, de façon lassante », déjà connue de la langue classique (1690).
❏
Le dérivé
DISCOUREUR, EUSE n. (av. 1549) a échangé son sens premier de « excellent, brillant causeur » contre la nuance moderne de « phraseur ».
◈
DISCOURS n. m. est l'emprunt (1503), influencé par
cours*, du latin
discursus qui a signifié « action de parcourir en tous sens » avant de prendre, à la fin de la latinité
(Codex Theodosianus), la valeur de « conversation, entretien », par une métaphore portant sur le chemin hasardeux de l'échange verbal. En français, le substantif, parallèlement à
discourir, s'est détaché du sens physique d'« action de parcourir », assumé par
parcours*, pour désigner un entretien, un récit et un exposé suivi (écrit ou oral) spécialisé dans quelques domaines, parmi lesquels la politique. Dans ce contexte, on parle par exemple de
discours programme (1919, dans une trad. de Trotsky).
◆
Au
XVIIe s., conformément à la théorie classique du langage logique, il a pris le sens d'« expression verbale de la pensée » (av. 1613) ; on analyse alors les
parties du discours (1637). À la même époque, il a désigné un raisonnement, un examen attentif et s'est également appliqué à la conversation, sens aujourd'hui disparus.
◆
Au début du
XXe s., la linguistique moderne propose une définition élargie des discours comme résultat d'un procès d'énonciation par lequel le sujet parlant actualise la
langue en
parole, au sens saussurien de ces termes. Dans les sciences humaines, le discours, avec la prééminence du modèle linguistique, devient un objet de science et de critique (sociologie, psychanalyse). On a forgé le terme de
MÉTADISCOURS n. m. au moyen de l'élément
méta-*, et d'après
métalangue (→ langue).
◈
DISCURSIF, IVE adj., réfection de
discoursif (1551,
mouvement discoursif), est dérivé du radical du latin
discursum. Il qualifie une personne, une activité intellectuelle ou spirituelle qui s'abandonne au gré de l'inspiration, à l'agitation. Rattaché au sens moderne de
discours (1576,
jugement discursif), il est emprunté au latin scolastique
discursivus (1290), de
discursus.
■
C'est en ce sens, en logique et en linguistique, qu'on en a tiré DISCURSIVEMENT adv. (1870) et DISCURSIVITÉ n. f. (1966, Foucault, Les Mots et les Choses).
1 DISCRET, ÈTE adj. est emprunté (v. 1165) au latin discretus, participe passé adjectivé de discernere (→ discerner) « divisé, séparé, interrompu », puis, à basse époque, « apte à juger, prudent, juste ».
❏
Le sens psychologique repris au latin, « sage, prudent » est sorti d'usage avant le
XVIe s. mais, l'accent demeurant sur l'idée de « prudence », l'adjectif a développé ses sens modernes « qui sait garder les secrets » (déb.
XIVe s.), « retenu » (fin
XVe-déb.
XVIe s.).
■
Un nouvel adjectif 2 DISCRET, ÈTE s'est constitué avec l'emprunt (déb. XIVe s.) du latin classique discretus « différent », puis « discontinu, séparé », en mathématiques (1484). La même idée de « discontinu » est réalisée en médecine (1834) où le mot qualifie une lésion aux éléments séparés, puis en linguistique (déb. XXe s.) et dans d'autres domaines.
❏
Les deux adjectifs ont produit des dérivés : le premier a donné
DISCRÈTEMENT adv. (v. 1160), « avec sagesse, discernement », puis « avec réserve », et le terme de religion
DISCRÉTOIRE n. m. (1620) [formé d'après des noms en
-oire comme
consistoire] ; le second a donné récemment les termes de mathématiques
DISCRÉTISER v. tr. (v. 1980),
DISCRÉTISATION n. f. (v. 1980).
◈
Le nom correspondant,
DISCRÉTION n. f., a été emprunté (v. 1165) au dérivé bas latin
discretio « division, séparation », d'où « action de discerner, raison, prudence ». Parallèlement à l'adjectif, ce nom a exprimé d'abord une notion de prudence, de discernement qui s'est maintenue dans la locution
à la discrétion de (1435) « à la libre appréciation de », réduction de la forme antérieure
s'en mettre en la discreption de... (1391). Cette notion se maintient aussi dans la locution adverbiale courante
à discrétion (1536) « comme on le veut, autant qu'on le veut ».
◆
Les sens modernes du nom ne sont attestés qu'à partir du
XVIIe s., plus tard pour l'adjectif : le mot désigne la retenue, la sagesse (1667) ainsi que la qualité d'une personne qui sait garder un secret (1674).
■
Son dérivé DISCRÉTIONNAIRE adj. (attesté 1807 mais antérieur) est un terme de droit appliqué à ce qui est laissé à la libre décision de qqn.
◆
DISCRÉTIONNAIREMENT adv., est attesté lors d'une séance de la Convention nationale (1794).
◆
DISCRÉTIONNEL, ELLE adj. (1823), formé par changement de suffixe, est rare.
◈
Une série d'antonymes préfixés en
in- a été empruntée au latin.
INDISCRET, ÈTE adj. et n. est emprunté avec le sens ancien d'« inopportun, intempestif » (1380), au latin
indiscretus « incapable de discerner », de
in- à valeur privative et
discretus. Le mot a pris ses valeurs modernes vers la fin du
XVe s., se disant d'une personne qui manque de réserve (1488) et, activement, qui révèle ce qui devrait rester caché (1534).
◆
L'adjectif a produit l'adverbe correspondant
INDISCRÈTEMENT (1370) qui a pris son sens moderne au
XVIe siècle.
■
INDISCRÉTION n. f. est emprunté (v. 1200) au sens ancien de « manque de sagesse » au dérivé bas latin indiscretio « manque de discernement, de sagesse ». Comme l'adjectif, il a développé ses sens modernes au XVIe siècle.
DISCRIMINER v. tr. est un emprunt tardif (1876) au latin discriminare « séparer, diviser » et « distinguer », dérivé de discrimen « ce qui sépare », d'où « ligne de partage, de démarcation », au figuré « différence, distinction » et sur un plan temporel « moment où il s'agit de prendre une décision ». Discrimen est dérivé du supin (discretum) de discernere (→ discerner).
❏
Ce sont les mathématiciens qui ont introduit le mot en français, d'abord sous la forme du participe présent discriminant, peut-être d'après l'anglais discriminant, attesté dès 1852. Le verbe signifie « faire la distinction entre » ; il revêt, dans l'usage commun, la même valeur négative que discrimination.
❏
Le nom correspondant,
DISCRIMINATION n. f., est emprunté (1870) au dérivé latin
discriminatio « séparation », terme de grammaire et de rhétorique, probablement sous l'influence de l'anglais
discrimination, attesté dès 1646. Didactique ou littéraire au sens neutre d'« action de distinguer », il est plus courant quand il désigne le fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal
(discrimination raciale).
◆
Le préfixé antonyme
NON-DISCRIMINATION n. f. est attesté en 1955.
■
Son radical a servi à former les adjectifs DISCRIMINATIF, IVE (av. 1945), sur le modèle de l'anglais discriminative (1638), et DISCRIMINATOIRE (v. 1950), ce dernier répandu avec une valeur péjorative comme discrimination.
DISCULPER v. tr. est la réfection (1674, 1615 d'après Bloch et Wartburg) du moyen français discoulper (1535), employé jusque vers le milieu du XVIIe s. et dérivé de colpe, coulpe* avec le préfixe dé(s)-* (latin dis-) et la désinence verbale -er. Le passage au type moderne s'est fait par conformation étymologique au latin classique culpa et au latin médiéval disculpare (XIe s.), qui avait donné une forme populaire descouper (1167, soi descouper), éliminée notamment pour son homonymie avec le préfixé de couper. Contrairement à ce que suggère le dictionnaire de Trévoux (1732), la réfection savante semble avoir eu lieu avant que Mazarin ait pu l'introduire par emprunt à l'italien discolpare (Dante).
❏
Le verbe est employé transitivement et à la forme pronominale ; d'abord d'usage juridique puis également courant, il exprime l'idée d'« innocenter ».
❏
Il a produit DISCULPATION n. f. (1798), nom d'action qui a été précédé par le déverbal disculpe (XVIe s.).
DISCUTER v. est emprunté (1318) au latin discutere proprement « faire tomber en secouant, fracasser, détacher » puis « lézarder, dissiper » et au figuré « écarter, rendre vain », « fouiller, débrouiller » ; le sens d'« examiner », pris dans la langue ecclésiastique, a servi à traduire le grec exetazein « examiner, inspecter ». Discutere est dérivé de dis- et de quatere « secouer » (→ casser).
❏
Le mot, passé en français avec la valeur figurée d'« examiner le pour et le contre d'une chose », s'est employé pour « contester » (discuter si..., Calvin), puis « manifester une opinion différente, contester » (Sieyès, 1789) avec une nuance polémique. Par extension, il est employé intransitivement au sens neutre de « parler avec d'autres en échangeant des idées » (1819).
❏
Le verbe a produit quelques dérivés rares, comme
DISCUTEUR, EUSE n. et adj. (av. 1490) et familiers comme
DISCUTAILLER v. intr. (1881) et ses dérivés
DISCUTAILLEUR, EUSE adj. (v. 1850),
DISCUTAILLERIE n. f. (déb.
XXe s.).
■
Le dérivé courant, DISCUTABLE adj. (1791), « qu'on peut mettre en doute, en discussion » puis « de valeur, de qualité... incertaine » (Cf. douteux), a entraîné la formation, pendant la période révolutionnaire, de INDISCUTÉ, ÉE adj. (1794).
◆
Ce dernier est moins fréquent que INDISCUTABLE adj. apparu au sens logique de « qui s'impose par son évidence » (1832), avant de prendre la valeur objective de « certain, évident », et « vrai, authentique » (1879).
◆
De là INDISCUTABLEMENT adv. (1876) pour « à l'évidence ».
◈
Le nom d'action correspondant à
discuter est bien antérieur : il s'agit de
DISCUSSION n. f., emprunté (v. 1200) au latin
discussio « secousse », ayant suivi le même type d'évolution que le verbe latin. Le mot, qui signifie « examen attentif, contradictoire », a reçu une spécialisation juridique (1549) à propos de la recherche des biens d'un débiteur. Parallèlement à
discuter, ce substantif a développé au cours du
XVIIIe s. ses autres valeurs : « contestation » (1752), « échange d'arguments, de vues » (1792, dans un contexte scientifique).
■
On rencontre quelquefois DISCUSSIF, IVE adj. (1549), formé sur le radical du supin latin discussum, en médecine au sens de « qui dissipe, résoud un engorgement », puis au sens moderne de « relatif à la discussion » (1877).
■
Le composé à valeur itérative REDISCUTER v. tr. est attesté en 1875.
DISERT, ERTE adj. est emprunté (attesté 1321 mais antérieur) au latin disertus, terme de la langue écrite qui signifie d'abord « clair, intelligible », et s'est appliqué à une personne qui a une belle élocution et une grande facilité de parole (chez Cicéron). Le mot, inséparable de disertim, diserte adv. « clairement, explicitement », est rattaché par les Latins à disserere « enchaîner des raisonnements, des idées à la file », « raisonner » (→ disserter), mais la voyelle brève de disertus fait problème. C'est pourquoi il faut peut-être envisager une formation en dis- et artus « habileté, technique » (→ art), avec le sens originel de « disposé ou qui dispose avec habileté » ou « qui divise bien ». Le -r- de artus a pu empêcher la sonorisation de l'-s-.
❏
Le mot qualifie, dans un style littéraire, une personne qui s'exprime facilement, avec élégance.
❏
Il a produit l'adverbe DISERTEMENT (v. 1282), d'usage rare.
?
DISETTE n. f., d'abord sous les formes disiete, disete (v. 1200) et disgete (1250), est d'origine incertaine. On a évoqué l'hypothèse d'une formation sur dire*, d'après les expressions formées à partir de à dire « manquant » (v. 1050), comme trouver à dire « regretter l'absence de » ; mais la forme d'ancien français disgete reste alors inexpliquée. On a aussi évoqué un emprunt, à l'époque des croisades, au grec byzantin disektos « bissextile » : celui-ci serait la transcription (avec substitution du préfixe di- « double » au latin bi-) du latin bissextus, et serait substantivé au féminin avec le sens d'« année mauvaise ». Cette hypothèse permettrait en outre d'expliquer la présence du terme en ancien génois (dexeta). D'autres hypothèses laissent trop de difficultés phonétiques ou sémantiques inexpliquées, telles celles d'une formation à partir du latin desecta n. f., substantivation du participe passé de desecare « séparer en coupant », ou disjecta, substantivation du participe passé féminin de disjicere « jeter çà et là », « disperser », d'où « détruire » de dis- et jacere (→ jeter), ou encore decepta n. f. du participe passé de decipere « surprendre, tromper » (→ décevoir). L'hypothèse d'une origine bretonne est encore moins probable.
❏
Le mot désigne un manque de ce qui est nécessaire à la vie, spécialement un manque de vivres.
❏
Il a produit l'adjectif DISETTEUX, EUSE « qui manque du nécessaire » (1213), aujourd'hui sorti d'usage.