DJINN n. m., d'abord dgin (1666), djen (1671) puis djinn (1674), est emprunté à l'arabe ǧinn « démons », pluriel collectif de ǧinni.
❏
Le mot désigne, dans le Coran et les légendes musulmanes, un être intelligent, généralement malfaisant, qui peut apparaître sous différentes formes. Il a été popularisé par le célèbre poème de Victor Hugo, les Djinns (1829, Les Orientales, XXVIII).
◆
Le mot est courant en français des pays musulmans (Maghreb, Afrique subsaharienne) au sens de l'arabe, et vaut pour « esprit, démon », aussi chez les animistes.
DO n. m. est emprunté (1768, Rousseau) à l'italien do, attesté depuis 1536 (l'Arétin) et inventé pour remplacer ut*, moins facile à énoncer en solfiant. Le mot n'a donc pas été inventé par G. B. Doni (mort en 1650) d'après la première syllabe de son nom, origine évoquée à tort.
❏
Si do a remplacé ut pour désigner la note, on emploie aussi bien ut que do pour désigner la tonalité ; dans certaines expressions, ut est seul employé.
DOCILE adj. est emprunté (1495) au latin docilis (→ docte) « qui apprend aisément, disposé à s'instruire », par extension « souple, que l'on manie facilement » (voix, cheveux). Le mot est dérivé de docere « instruire ».
❏
L'adjectif s'est progressivement éloigné du sens propre, « disposé à se laisser instruire » (conservé par l'anglais docile) pour signifier « obéissant », dès lors souvent employé absolument. Comme le mot latin, il qualifie des choses concrètes que l'on peut manipuler aisément.
❏
Le seul dérivé est
DOCILEMENT adv. (1642).
■
Le nom correspondant, DOCILITÉ n. f., est emprunté (1282, dosilité) au dérivé latin docilitas « aptitude, facilité à apprendre », « bonté, douceur ». Le mot a suivi le même développement sémantique que l'adjectif.
◈
INDOCILE adj. est emprunté (1509) au latin
indocilis « qu'on ne peut instruire, inculte, ignorant ». Antérieurement, le moyen français a eu isolément
indocible « indocile » (v. 1380), emprunt au bas latin
indocibilis, adjectif verbal signifiant « peu susceptible d'instruction ». Le sens propre, « à qui l'on ne peut rien apprendre », est sorti d'usage.
◆
Le glissement vers le sens moderne de « rebelle, récalcitrant », qualifiant un inanimé concret (1580), abstrait (av. 1660), une personne (1687), a dû être favorisé par l'application du mot aux barbares :
peuple indocile « inassimilable, inéducable » pour traduire le latin
genus indocile de Virgile.
■
L'adverbe INDOCILEMENT (1867) n'a qu'une faible vitalité.
■
INDOCILITÉ n. f., emprunté (1615) au latin indocilitas, s'est aligné sur l'adjectif.
❏ voir
DOCTE, DOCTEUR, DOCTRINE, DOCUMENT.
DOCIMOLOGIE n. f., terme proposé par le psychologue français H. Piéron pour désigner la science et la pratique du contrôle des connaissances que, selon ses dires, il a commencé d'explorer en juin 1922, est composé savamment de docimo- et -logie*. Le premier élément représente le grec dokimê « épreuve, caractère éprouvé », dérivé de dokein « attendre, penser, admettre » et, par un point de vue inverse, « sembler, être admis ». Le verbe grec contient une racine indoeuropéenne que l'on retrouve dans le latin docere « apprendre » (→ docte) et decet « il convient » (→ décent), exprimant la notion d'adaptation, de conformité.
❏
Ce terme de pédagogie s'est d'abord répandu au Québec (v. 1945), puis en France (1960).
DOCK n. m. est probablement emprunté (1671) à l'anglais dock (XIVe s.) « creux dans lequel repose un navire à marée basse », « bassin artificiel pour le chargement et le déchargement des navires » (XVe s.) et « ensemble des bassins, des quais et des entrepôts dans un port » (1703), emprunt au moyen néerlandais docke (néerlandais dok). L'origine du mot est obscure, peut-être scandinave. On a aussi évoqué le latin médiéval doga « canal », le grec dokhê « récipient ». Un emprunt direct du français au moyen néerlandais est moins probable.
❏
Le mot désigne un vaste bassin entouré de quais, dans lequel entrent les bateaux pour déposer leur cargaison ou opérer leur chargement ; il est souvent au pluriel. Par extension, il se dit d'une cale de construction pour les navires (1863) et, généralement au pluriel, des magasins en bordure du dock où sont entreposées les marchandises débarquées (1836).
❏
À la fin du XIXe s., DOCKER n. m. (1890) a été emprunté à l'anglais docker, lui-même dérivé de dock. Le mot désigne une personne qui habite près des docks (1762) mais ne se répand qu'au XIXe s. (v. 1850) au sens de « débardeur ».
DOCTE adj. est emprunté (1509) au latin doctus, participe passé passif de docere « faire apprendre », verbe passif qui se rattache, comme discere « apprendre » (→ disciple) et decet « il convient » (→ décent), à une racine indoeuropéenne exprimant la notion d'adaptation, de conformité à ce qui convient, également représentée en grec (→ didactique, docimologie, dogme). Doctus est adjectivé au sens de « qui a appris, qui sait », d'où « instruit, savant, habile », et substantivé au pluriel docti en parlant de savants, de critiques, de poètes.
❏
Le type emprunté docte a supplanté l'ancienne forme populaire duit « expérimenté, habile » (1155), employée jusqu'au XVIIe siècle. Ce dernier est le participe passé de l'ancien verbe duire « instruire » (1160), issu du latin docere. Docte exprime l'idée de « savant, instruit », souvent avec une connotation ironique ou plaisante, tout comme le superlatif DOCTISSIME adj., emprunté (XVIe s.) au latin doctissimus, superlatif de doctus, et sorti d'usage.
◆
Les doctes, substantivé au pluriel (1553) pour désigner les savants, est aujourd'hui ironique.
❏
Le dérivé DOCTEMENT adv. (1547) a pris la même connotation.
❏ voir
DOCILE, DOCTEUR, DOCTRINE, DOCUMENT.
DOCTEUR n. m. est emprunté, sous la forme doctor (v. 1150) adaptée ensuite en docteur (1350), au latin doctor, nom d'agent formé sur le supin de docere « enseigner » (→ docte). Doctor désigne proprement le maître, celui qui enseigne ; dans les textes chrétiens, il a pris les sens de « docteur de la loi, prêtre qui enseigne la religion » et de « médecin ».
❏
Le mot a été introduit en français pour désigner un savant, un érudit, et spécialement en religion (1174-1176) un théologien enseignant les vérités du christianisme. Il est passé dans le vocabulaire des titres universitaires dès le moyen âge (1350). Son application au titulaire d'un diplôme de médecine (fin XVe s.) l'a fait glisser vers le sens aujourd'hui dominant de « médecin » (1775), répandu au XIXe siècle. Il est devenu plus usuel que médecin, notamment en appellatif, parfois abrégé familièrement en DOC (v. 1950) sous l'influence de l'anglo-américain doc (abrégeant doctor). Cependant, l'emploi du mot comme appellatif ou titre devant le nom propre, pour une personne qui a fait des études supérieures (Cf. Herr Doktor en allemand, dottore en italien) peut exister en français, et est fréquent en français du Liban, pour moduler et renforcer l'appellatif monsieur.
◆
En français d'Haïti, docteur feuilles a en revanche sa valeur médicale, et équivaut à « pratiquant non diplômé des médecines douces ».
❏
Son unique dérivé est le féminin
DOCTORESSE, fait sur le radical du latin
doctor (
XVe s.). Le mot a d'abord servi à désigner, d'après le sens ancien de
docteur, une femme savante. Il a ensuite fourni la dénomination de la femme d'un docteur (1773, Diderot) avant de se dire d'une femme médecin (1855). Ce féminin est peu employé en français actuel, peut-être parce que le suffixe
-esse paraît ironique ou péjoratif (il ne s'emploie pas en appellatif et reste rare associé à un nom propre).
◆
Une variante
DOCTRICE, attestée en 1695 dans une traduction de l'italien, est rarement attestée au
XIXe s. (Balzac, Mérimée), puis disparaît. La forme irrégulière
DOCTEURE est employée au Québec par souci de féminisation (comme
professeure, etc.).
◈
L'adjectif correspondant
DOCTORAL, ALE, AUX représente par voie d'emprunt (1380) le dérivé bas latin
doctoralis « relatif au docteur » ; en dehors de ses emplois didactiques, le mot est surtout usuel avec la valeur péjorative de « grave, solennel, pontifiant » (1595, Montaigne) en concurrence, avant le
XVIIIe s., avec le mot apparenté
doctrinaire*.
◆
En est dérivé
DOCTORALEMENT adv. (1603).
◆
POSTDOCTORAL, AUX adj., suit l'exemple du composé anglais
post-doctoral (1939) pour qualifier ce qui concerne la période suivant l'admission au grade de docteur. Il est abrégé en
POSTDOC adj. et n., et se dit aussi des étudiants ayant obtenu le doctorat.
■
DOCTORAT n. m. est emprunté (v. 1562 à Genève, Bonivard) au latin médiéval doctoratus (1311), dérivé de doctor, avec son sens de « diplôme universitaire », qui ne s'est pas spécialisé à l'image de docteur pour les professions de santé (doctorat ès lettres, ès sciences, etc., sont aussi courants que doctorat en médecine).
◆
DOCTORANT, ANTE n., apparu en français de Belgique et de Suisse, diffusé en France, désigne un étudiant, une étudiante en cours de doctorat.
❏ voir
DOCILE, DOCTE, DOCTRINE, DOCUMENT.
DOCTRINE n. f. est emprunté (v. 1165) au latin doctrina, mot désignant l'enseignement, la formation théorique (par opposition à natura « la nature » et usus « la pratique »), l'éducation, et par métonymie la technique, la méthode ; en latin chrétien, il se spécialise en « enseignement religieux ». Le mot appartient au groupe de docere « enseigner » (→ docile, docte, docteur, document).
❏
Le mot a désigné l'enseignement et, par une double métonymie, la chose que l'on apprend à qqn et l'ensemble des connaissances acquises (v. 1175). Ce sens, encore vivant au XVIIe s., a disparu au profit d'« ensemble de notions proposées comme fondement d'une religion, d'un système philosophique » (1190). Il s'applique spécialement à doctrine chrétienne (1680), nom donné à la congrégation chargée de catéchiser le peuple. Depuis 1840, doctrine est employé spécialement en droit à propos de l'ensemble des travaux destinés à exposer le droit (par opposition à loi, législation et à jurisprudence).
❏
Le mot a produit trois dérivés : le dénominatif
DOCTRINER v. tr. (1131) a généralement été supplanté par
ENDOCTRINER v. tr., formé avec le préfixe
en- et un suffixe verbal (1165), « pourvoir (qqn) d'une doctrine, d'un ensemble de croyances », verbe qui a pris une valeur péjorative, comme son dérivé
ENDOCTRINEMENT n. m. (v. 1170).
■
DOCTRINAIRE adj. et n. (XVe-XVIe s.) a d'abord été employé avec le sens réservé depuis à doctrinal. Il a été substantivé (1652) pour désigner les Pères de la doctrine chrétienne ; plus généralement, il est appliqué en politique à un homme strictement attaché à ses opinions, comme nom (av. 1787) et comme adjectif (1836). Sous la Restauration, il concernait en particulier (1816) un homme politique dont les idées semi-libérales et semi-conservatrices relevaient d'un système de doctrines, appelé DOCTRINARISME n. m. (v. 1830).
■
L'autre adjectif, DOCTRINAL, ALE, AUX, emprunté (fin XIIe s.) au dérivé bas latin doctrinalis, est surtout compris comme « qui se rapporte à une doctrine », mais sert également d'adjectif à docteur*, en concurrence avec docte et doctoral.
◆
En sont issus DOCTRINALEMENT adv. (1495), vivant jusqu'à la fin du XVIe s., puis repris (1840), mais didactique et rare, et DOCTRINALISME n. m. (XXe s.) exprimant péjorativement l'idée d'un parti pris doctrinal étroit, en concurrence avec doctrinarisme (ci-dessus).
DOCUMENT n. m. est emprunté (1214) au latin documentum « exemple, modèle, leçon, enseignement, démonstration », et, suivi d'un génitif, « échantillon, modèle de... ». Ce nom est dérivé du verbe docere « faire apprendre, enseigner » (→ docte ; docile, docteur, doctrine).
❏
En français, le seul sens du mot jusqu'au XVIIe s. a été « ce qui sert à instruire, enseignement, leçon ». Le sens moderne, « écrit servant de preuve ou de renseignement », paraît être issu de l'emploi du mot comme terme juridique dans titres et documents (1690). Document, avec ce sens, n'a atteint son autonomie qu'au XIXe s., appuyé par ses dérivés. Il est abrégé familièrement en doc (1977) ou docu (1977).
❏
Le premier dérivé attesté est le dénominatif
DOCUMENTER v. tr. (1755) avec le sens ancien correspondant à
document, « instruire, enseigner » ; c'est dans la seconde moitié du
XIXe s. que le mot a pris ses acceptions modernes de « fournir des documents à (qqn, un organisme) » (1878) et « appuyer (une thèse) par des documents » (1876).
■
Ce verbe a produit DOCUMENTATION n. f. (1870) « action de réunir des documents » et, par métonymie, « ensemble de documents », valeur devenue très usuelle. Documentation, dans les années 1930, est devenu le mot-centre d'une activité de recherche et de traitement des documents, organisée à cette époque ; il désigne lui-même cette activité liée à la bibliothéconomie, à l'archivistique, à la statistique, à l'analyse des données, aujourd'hui informatisée, ainsi que les organismes qui la pratiquent (la Documentation française).
■
Les autres mots de la famille datent de la fin du XIXe et du XXe siècle. DOCUMENTAIRE adj., dérivé de document, est devenu spécialement un terme de commerce (av. 1877) dans les expressions crédit, traite documentaire. Il est entré dans le domaine du cinéma dans scène documentaire (1906), puis film documentaire, substantivé en DOCUMENTAIRE n. m. (1915), pour désigner un film sans fiction, généralement de moyen ou de court métrage, abrégé familièrement en docu (1967) ou docucu (de cucul « ridicule »), ces films n'ayant pas dans le grand public une très haute réputation.
◆
Documentaire a produit les dérivés didactiques DOCUMENTARISTE n. (v. 1935) « auteur de documentaires » et DOCUMENTARISME n. m. (1949). Deux mots-valises, DOCUDRAME n. m. (1979), pour « téléfilm dont le scénario comprend des documents d'archives », et DOCUFICTION n. f. (1980) « téléfilm reconstituant avec des éléments fictifs un événement réel », n'ont pas pénétré l'usage spontané des téléspectateurs.
■
Enfin, document, dans le contexte défini à cette époque par documentation (ci-dessus) et documentaire (dans analyse documentaire), a servi à former DOCUMENTALISTE n. (v. 1932) qui a concurrencé et supplanté, pour désigner la personne qui exerce la profession dite documentation, les termes documentiste (recommandé en 1939 par l'Office de la langue française), documentateur et documenteur (Paul Otlet, Jean Gérard). Le terme a été adopté en français, en anglais (documentalist, 1939) et en allemand par le congrès de la Documentation universelle de 1937.
◈
Le composé préfixé, formé du verbe
porter, PORTE-DOCUMENTS n. m. (1954) désigne une serviette plate, sans soufflet. Il est devenu usuel avec la disparition du sens ancien de
portefeuille*.
DODÉCA- est l'élément formant tiré du grec dôdeka ou duodeka « douze », formé de duo « deux », correspondant au latin duo (→ deux, douze), et de deka (→ déca-, dix).
❏
L'élément entre dans la composition de termes didactiques, indiquant la multiplication par douze de ce qui est désigné par le second élément.
❏
Les premiers composés datent du
XVIe s. :
DODÉCASYLLABE n. m. (1555)
[Cf. syllable], DODÉCAÈDRE n. m. (1557). L'élément est devenu plus productif dans la seconde moitié du
XVIIIe s. :
DODÉCAGONAL, ALE, AUX adj. (1787),
DODÉCAGYNE adj. (1798), ancien terme de botanique,
DODÉCANDRE adj. (1798).
■
Au XXe s., cet élément a servi à former la série DODÉCAPHONIQUE adj. (1947), DODÉCAPHONISME n. m. (1948) et DODÉCAPHONISTE n. et adj. (v. 1950) en musique, par référence à la série (d'où musique sérielle) de douze sons organisant la musique post-tonale et l'atonalité.
DODELINER v. est l'allongement expressif (1532, Rabelais) du verbe dodiner (apr. 1350) « balancer », formé sur un radical onomatopéique dod- exprimant le balancement, parfois le gonflement (→ dodo, dodu, dondon), avec le suffixe -iner. Dodiner signifiait « balancer », « bercer, choyer » (1489) et a continué, en dehors d'emplois littéraires plus ou moins archaïques (Verlaine, Chateaubriand), à avoir un usage technique, en horlogerie, à propos du mouvement d'un balancier.
❏
Le verbe, de nos jours surtout intransitif, employé avec la préposition de et le nom d'une partie du corps, exprime l'idée de « balancer doucement ».
❏
DODELINEMENT n. m. (1552) est peu usuel. Le groupe de
dodiner est plus important que celui de son concurrent.
■
Le déverbal DODINE n. f. (1377) s'est spécialisé en cuisine pour une sauce au blanc demandant à être constamment tournée. Par métonymie, il désigne une préparation de canard.
◆
En français d'Haïti, d'après le créole qui a conservé la valeur ancienne de dodiner, dodine désigne un fauteuil à bascule (Cf. berçante, au Québec).
■
DODINAGE n. m. (1775) est encore employé en agriculture à propos du mouvement longitudinal d'un blutoir, et DODINEMENT n. m. (1923) en horlogerie, à propos du mouvement du balancier.
DODO interj. et n. m., mot du langage enfantin, est formé (av. 1465) sur le radical onomatopéique dod- exprimant le balancement (→ dodeliner) ou le gonflement (→ dodu, dondon), ici le balancement pour bercer un enfant. Il y a sans doute eu influence de l'initiale dormir*, à l'impératif dans les berceuses (dors, dors... ; Cf. dodo, l'enfant do [dors]...).
❏
Le mot est attesté pour la première fois chez Charles d'Orléans dans faire dodo « dormir », toujours en usage. Il est employé (surtout en interjection) comme invitation à dormir (1611) et quelquefois par métonymie pour désigner le lit (1725) (se mettre au dodo), le sommeil (un gros dodo). Il est entré dans la locution contestataire métro, boulot, dodo (répandue en 1968) dénonçant les contraintes de la vie urbaine des travailleurs. Cette locution est issue par sélection de la suite rimée métro boulot bistro mégots dodo zéro, dans un poème de Pierre Béarn, Synthèse, paru en 1951 dans le recueil Couleurs d'usine.
?
DODU, UE adj., apparu vers 1470 (sens obscur), est bien attesté à la fin du XVIe s. (1596). D'origine incertaine, il est probablement issu du radical onomatopéique dod- exprimant le balancement et la rondeur, la corpulence (→ dondon). On évoque aussi le passage par la notion de « bercer » (→ dodo), d'où celle de « dorloter, choyer », et enfin « engraisser ». Cependant, l'absence de verbe correspondant rend cette explication précaire, sauf si l'on comprend comme verbale la première attestation de la forme : et Miquelette me dodue (v. 1470). Les contextes de dodu, usuels pour qualifier la chair d'un volatile, semblent pourtant l'autoriser, si les applications au corps humain ne sont pas antérieures.
❏
Le mot qualifie ce qui est gras et bien en chair (en parlant d'un animal, d'une personne). Par extension, il est employé à propos d'une chose rebondie ou présentant une certaine consistance.
DOGE n. m., d'abord dogé (1552), forme rendant la prononciation italienne, puis doge (1626), est emprunté au vénitien doge, désignant le magistrat suprême de la République de Venise (XIIIe s.), puis celle de Gênes (1339). Le mot est le correspondant dialectal de l'italien duce « chef » (→ duce à duc), du latin dux, ducis qui a donné le français duc*.
❏
Le mot est un terme d'histoire vénitienne.
❏
Le féminin DOGARESSE n. f. est emprunté (1691) au féminin vénitien dogaressa (av. 1389), lui-même emprunté au bas latin ducatrix, attesté au sens de « conductrice » chez Apulée et correspondant à l'italien duca.
DOGME n. m. est emprunté (1570) au latin dogma « doctrine, thèse », spécialement en latin chrétien « croyance orthodoxe, croyance catholique », lui-même emprunté au grec dogma « ce qui paraît bon » (avec une idée de convenance, de conformité, d'adaptation), d'où « opinion » et en particulier « doctrine philosophique », « décision, décret, arrêt ». Dogma est dérivé de dokein « sembler, paraître » et spécialement « paraître bon », et, avec un changement de point de vue, « croire bon, juger, penser, décider ». Le mot contient la racine indoeuropéenne que l'on retrouve dans le latin docere « apprendre » (→ docte) et decet « il convient » (→ décent), et qui exprime la notion d'adaptation, de conformité, de convenance.
❏
Dogme désigne un point de doctrine établi ou regardé comme une vérité et, employé absolument, l'ensemble des dogmes (de la religion catholique) : le dogme. D'usage didactique (religion, philosophie), il est employé par extension avec une valeur péjorative pour « opinion imposée comme une vérité indiscutable ».
❏
DOGMATISER v. a été emprunté dès le moyen âge (1293) au latin ecclésiastique
dogmatizare, dérivé de
dogma.
◆
Il s'est intégré à partir du
XVIe s. à la série formée par
dogmatique, dogme, et a pour dérivé
DOGMATISEUR n. m. (1586), péjoratif pour une personne qui prétend établir des dogmes, aujourd'hui vieilli.
■
DOGMATIQUE adj. et n. est emprunté (1537) au latin dogmaticus, transcription du dérivé grec tardif dogmatikos. Introduit par la langue didactique, cet adjectif qualifie ce qui est relatif aux dogmes, spécialement (av. 1662) dans le domaine religieux et philosophique ; dès le XVIIe s., il prend la valeur péjorative de « qui affirme avec autorité » (av. 1654) et s'emploie, substantivé, à propos du style dogmatique en rhétorique (1694) et des philosophes qui s'en tiennent à des dogmes (1662). La dogmatique a désigné l'ensemble des doctrines d'un système de pensée (1833).
◆
Dès le XVIe s., il a produit DOGMATIQUEMENT adv. (1539).
■
La langue religieuse a emprunté les termes de doctrine DOGMATISME n. m. (1588) et DOGMATISTE n. m. (1558) au latin chrétien dogmatismus et dogmatistes (ce dernier transcrivant le grec dogmatistês).
DOGON adj. et n. invariable en genre est le nom, autochtone, d'une des ethnies africaines les plus connues et nommées en français. Le mot s'applique au peuple vivant au Mali, dans la bande du Niger, autour des falaises de Bandiagara. Les Dogons sont connus pour leur art raffiné, leurs coutumes et légendes, et leur conception de la parole humaine. Ils ont été étudiés et décrits notamment par Marcel Griaule. Le dogon n. m. se dit de leur langue du groupe « nigéro-congolais ».
DOGUE n. m. est emprunté (1392) à l'anglais dog, d'abord docga (Xe s.) puis dogge « chien », mot qui semble avoir désigné à l'origine une race particulière de chiens d'Angleterre, le terme générique ancien étant hund, hound, aujourd'hui spécialisé, et dont l'origine est inconnue.
❏
Dogue apparaît sous sa forme francisée actuelle chez Eustache Deschamps dans l'expression injurieuse
franche (French) dogue « chien de Français », prêtée à un Anglais ; on le retrouve dans ce contexte en 1406 dans un document de Rouen. La valeur actuelle apparaît sous la forme
dougue (1480-1481) à propos d'une race de chien de chasse et de garde, d'où le sens figuré de « personne hargneuse et irascible » (1536), aujourd'hui vieilli sauf dans la locution
être d'une humeur de dogue (1806).
■
Par analogie, dogue d'armure a servi (1678) à désigner, en marine, le trou dans le bordé de pavois, qui présentait souvent à son orifice extérieur le masque d'un chien aboyant.
❏
Dogue a produit deux dérivés aujourd'hui archaïques : DOGUIN n. m. (1694), d'abord dogguin (1611) « jeune dogue », et DOGUER v. intr. ou pron. (1680), employé à propos des animaux qui se battent en se donnant des coups de tête.
❏ voir
BOULEDOGUE.
L
DOIGT n. m. est issu (1080) par évolution phonétique du latin populaire °ditus, forme contractée du latin classique digitus « doigt de la main, du pied (de l'homme et de certains animaux) » et « mesure de longueur égale à la largeur d'un doigt », employé dans de nombreuses expressions figurées et proverbiales (notamment, à époque chrétienne, l'expression biblique digitus Dei « le doigt de Dieu »). Digitus s'est dit également des branches secondaires des arbres et a désigné plus tard une plante (aussi nommée caput canis « tête de chien »). Le mot doit être une forme populaire sur laquelle il est difficile de faire des hypothèses (il n'y a pas de nom indoeuropéen commun du doigt) : on propose en général d'y voir le dérivé d'une forme °deig- alternant avec °deik- et d'en rapprocher le groupe de dicere (→ dire), le doigt étant ce par quoi on montre, on désigne (→ index).
❏
En français, le mot est d'abord attesté sous la forme
deie, pluriel de genre indéterminé issu du pluriel neutre du latin populaire
°dita, à valeur collective. Il a eu ensuite la forme
dei (v. 1120), devenue
doi (
XIIIe s.), prenant sa forme actuelle avec un
g non prononcé au
XVIe s., par réfection étymologique sur le latin.
■
Comme le mot latin, doit, doigt désigne le doigt de l'homme, celui de certains animaux, l'orteil (1174-1180), aussi sous la forme usuelle doigt de pied, et la mesure de longueur équivalant à la largeur d'un doigt (1080). Il entre dans de nombreuses expressions, tels montrer du doigt (demustrer al dei, v. 1120), être à deux doigts de « tout près » (1552), compter sur ses doigts (av. 1570), savoir sur le bout des doigts « très bien » (1665) et, plus récent, au doigt et à l'œil « par une surveillance étroite » (1819). Les doigts dans le nez (1912) correspond à « très facilement, sans effort ». L'expression doigt d'honneur, formé d'après bras d'honneur, désigne un geste de dérision obscène.
◆
Doigt se dit aussi (dep. 1605) de la partie d'un gant qui protège un doigt.
◆
Au figuré, on dit en français d'Afrique un doigt de banane pour « une banane, par rapport au régime ».
❏
Au moyen âge, il a produit un nom d'objet concret,
DOIGTIER n. m. (1392,
doitiers) qui s'est d'abord dit d'un cylindre sur lequel on enfile des bagues pour les ranger, puis d'un fourreau de protection qui recouvre le doigt (après 1450).
■
Ultérieurement, doigt a donné le dénominatif DOIGTER v. tr. (1752 ; 1726 selon Bloch et Wartburg), employé en musique pour « exécuter (un morceau) en plaçant bien les doigts », et pour « indiquer sur (une partition) le doigt dont on se sert » (1864).
■
Le participe passé de ce verbe, DOIGTÉ, a été substantivé (1798), reprenant à l'ancien infinitif substantivé, le doigter (1755), l'acception technique de « choix et jeu des doigts dans l'exécution d'un morceau », en musique. Il signifie par figure « adresse manuelle » (1870), puis aussi « tact, habileté dans le comportement » (1907).
❏ voir
DATTE, DÉ et -DACTYLE, DACTYLO-, DIGITAL.
DOJO n., emprunt (1971) à un mot japonais formé de do « art, technique » et jo.
❏
Le mot, connu des seuls spécialistes, désigne la salle où l'on enseigne et pratique les arts martiaux d'origine japonaise.
DOL n. m. est emprunté (1248) au latin dolus « ruse, tromperie », mot qui a pu être objectif à l'origine, mais que la langue commune emploie toujours avec une nuance de blâme. Dolus est à rattacher au grec dolos et pourrait lui être emprunté, ayant pu pénétrer à Rome par un intermédiaire du sud de la péninsule italique, de même que machina (→ machine) ou poena (→ peine). Dolus et dolos ont souvent été rapprochés, sans certitude, de mots germaniques comme le vieil islandais tal « compte, discours » et tāl « ruse, tromperie ».
❏
Repris en droit, le mot est un quasi-synonyme de fraude en droit civil et concerne, en droit pénal, l'intention de commettre un acte interdit. Son extension au sens de « ruse, tromperie » est sortie d'usage au XVIIe s. et ne se rencontre que chez quelques écrivains (Balzac, Huysmans).
❏
La langue juridique a formé DOLOSIF, IVE adj. sur le latin dolosus « rusé, fourbe, trompeur », et en a tiré DOLOSIVEMENT adv. (1626).