? DROSSER v. tr., terme de marine (1777, 1634 selon Bloch et Wartburg), est d'origine incertaine : il s'agit probablement d'un emprunt au néerlandais drossen « détourner un navire de sa route ». Cette hypothèse est préférable à celle qui y voit un dérivé de drosse* n. f., ce dernier n'étant attesté pour « cordage » qu'en 1680, une comparaison entre le mouvement du cordage utilisé pour la manœuvre des voiles et le changement de cap pouvant lier le substantif au verbe. Si, malgré la difficulté chronologique, cette hypothèse se vérifiait, le néerlandais serait emprunté au français.
❏  Le verbe a conservé le sens de l'étymon.
❏  DROSSAGE n. m. « action de drosser » s'applique à un bateau et, par analogie, à un avion.
G DRU, DRUE adj. et adv. est issu (1080) d'un gaulois °druto « fort, vigoureux », postulé par le gallois drud « hardi », attesté dans les parlers de l'Italie septentionale.
❏  Le sens propre de dru, appliqué à l'herbe dès les premiers emplois, n'est donc pas « qui a des pousses nombreuses et serrées », mais simplement « vigoureux ». Ceci explique que jusqu'au XVIe s. l'adjectif ait également eu les sens de « vert, vif, gaillard » (v. 1175), « fort, dodu, bien nourri », « plein » et même « populeux », et qu'il ait servi à qualifier l'ami, l'amant fidèle, le favori (comme l'ancien provençal drut « amant, ami »). Jusqu'à l'époque classique, il s'est appliqué à une personne décidée, pleine d'entrain. ◆  Il est employé adverbialement (v. 1275) au sens de « vigoureusement », « vivement, beaucoup et vite ».
❏  Son dérivé DRÛMENT ou DRUEMENT adv. (1200) « largement, avec opulence » est vieilli ou d'usage très littéraire.
DRUGSTORE n. m. est emprunté (1925, drug-store) à l'anglo-américain drugstore (1810), de l'anglais drug « médicament » et « drogue », lui-même emprunté au français drogue*, et de store « magasin ». Ce dernier est emprunté, avec aphérèse, à l'ancien français estor « équipage, approvisionnement », déverbal d'estorer, représentant du latin instaurare (→ instaurer).
❏  Le mot a été introduit à propos d'une réalité nord-américaine, souvent traduit par pharmacie, terme inexact en français d'Europe (mais non au Québec) puisque le drugstore nord-américain propose des produits d'hygiène, d'alimentation, des cigarettes, des journaux, de même que la droguerie française vend aussi des clous et des balais. ◆  Par extension, drugstore a servi à désigner une réalité française très différente de son modèle américain : créé sous le signe du luxe par une agence de publicité, en 1958 sur les Champs-Élysées à Paris, le drugstore français regroupe la vente de produits de luxe, un restaurant, un bar, parfois un cinéma.
❏  Les quelques dérivés DRUGSTORIEN, IENNE adj., DRUGSTORISTE n. se rapportent uniquement au dernier sens.
DRUIDE n. m. est emprunté (1213) au latin druida « prêtre gaulois », mot d'origine gauloise (l'irlandais a drui « sorcier »). Il est parfois rattaché, d'après un passage de Pline, au grec drus « chêne » (→ dryade) en raison des pratiques religieuses de ces prêtres. Plus vraisemblablement, il est issu du celtique °druvids « très savant », de dru-, préfixe intensif, et de °suvids « sage ».
❏  Le mot désigne un membre de la caste sacerdotale des Celtes de Gaule, de Grande-Bretagne et d'Irlande anciennes.
❏  Le féminin DRUIDESSE n. f., fait sur druide, est attesté depuis 1727 (Dom Martin, Religion des Gaulois).
■  C'est dans le même ouvrage qu'est relevée la première attestation de DRUIDISME n. m. peut-être d'après l'anglais druidism (1715).
■  DRUIDIQUE adj. est attesté peu après (1773 selon Bloch et Wartburg ; 1812, Boiste). La période à laquelle sont apparus ces dérivés correspond à l'engouement pour la mythologie celtique en France.
DRUM, surtout au pluriel, les drums, prononcé dreum, est un anglicisme lié au jazz, pour désigner la batterie*. En français québécois, on emploie le singulier (jouer du drum). Le mot anglais, depuis le XVe s., signifie « tambour » ; il est probablement emprunté au moyen néerlandais tromme, d'une famille de mots germaniques répandue de l'Allemagne à la Norvège (seul l'anglais a sonorisé le t en d). L'emploi en jazz est originaire du sud des États-Unis.
❏  DRUMMER n. est emprunté au dérivé anglais (XVIe s.) qui signifiait « jouer du tambour » et est passé dans le vocabulaire du jazz. Il s'emploie en français concurremment à batteur.
DRUPE n. f. est emprunté en botanique (1796) au latin impérial drupa « olive qui commence à brunir ». Ce mot est apparenté au grec drupêpa, accusatif de drupeps, doublet de drupepês « qui mûrit sur l'arbre », en parlant d'olives noires ; le grec possède lui-même une forme druppa, peut-être reprise au latin (Athénée a dit formellement que druppas, accusatif pluriel, était un terme « romain »).
❏  Ce terme didactique désigne un fruit charnu, indéhiscent, renfermant un seul noyau (cerise, abricot, etc.).
DRYADE n. f. est emprunté (v. 1278, driade) au latin dryas, -adis (généralement au pluriel dryades) « divinité féminine protectrice des arbres et des forêts ». ◆  Le mot latin est lui-même emprunté au grec druas, -ados, dérivé de drus « arbre », en particulier : « chêne », la vie de ces nymphes étant liée à celle d'un chêne. Drus repose sur un thème °dru-, nom de l'arbre qui répond, avec un autre vocalisme, à doru (→ doryphore) ; hors du grec, on évoque l'indo-iranien dāru-, le vieux slave drĕvo « arbre », le gotique triu « arbre » qui correspondraient à une famille indoeuropéenne. Le même thème s'observe avec le sens de « ferme, solide, sûr », car on part généralement du nom du bois pour en tirer la notion de « solidité ».
❏  Dryade, emprunté en mythologie, a fait l'objet d'un second emprunt, en botanique (1786), au latin botanique dryadae pl. (1735, Linné) puis dryas (1740), de même origine. Il désigne un petit arbrisseau à fleurs blanches, de la famille des Rosacées.
❏  HAMADRYADE n. f., synonyme de dryade dans son acception mythologique, est emprunté (XVe s.) au grec hamadruas (pluriel hamadruades), de hama « ensemble, en compagnie de », mot de formation obscure, et druas, littéralement « dryade qui fait corps avec un chêne ».
DU → DE
→ DEVOIR
DUALITÉ n. f. est emprunté (1377, Oresme) au bas latin dualitas, -atis (déb. VIe s.) « caractère de ce qui est double », du latin dualis « de deux » (→ 2 duel).
❏  Le mot, dont on n'observe une seconde attestation qu'en 1585, est rare avant le XIXe s. où il est repris (1838). Il a des emplois spéciaux (XXe s.) en mathématiques où il a suscité la création de l'adjectif DUAL, ALE, AUX, « lié par une relation de correspondance réciproque », francisation de dualis, et en linguistique.
❏  DUALISME n. m. est emprunté (1697, Bayle) au latin moderne dualismus, dérivé savant du latin dualis. C'est un terme de philosophie désignant un système de croyance ou de pensée qui pose la coexistence de deux principes premiers opposés. Par extension, il se dit du caractère de ce qui comporte deux éléments opposés et complémentaires ; quelquefois, par affaiblissement, il interfère avec dualité*.
■  DUALISTE, l'adjectif correspondant (1702 ou 1838, le T. L. F. ne retenant pas la première date, mais attesté fin XVIIe s. en philosophie comme nom masculin) a produit un adjectif DUALISTIQUE (1838), employé spécifiquement en philosophie et dans l'histoire des sciences, en parlant de la théorie chimique de Lavoisier pour qui tout composé était binaire.
DUBITATIF, IVE adj. est emprunté (1314 ; XIIIe s. selon Bloch et Wartburg) au bas latin dubitativus « douteux » et « qui exprime le doute » (en grammaire), de dubitatum, supin de dubitare (→ douter).
❏  Dubitatif, à la fois d'usage didactique et courant, conserve le sens du latin ; sa spécialisation en grammaire (1732) a néanmoins vieilli.
❏  Le mot a produit DUBITATIVEMENT adv. (1769).
■  DUBITATION n. f., emprunté (1223) au dérivé latin dubitatio, fait sur le supin de dubitare, désigne la figure de rhétorique consistant à feindre une hésitation.
■  Quant à DUBITABLE adj. (fin XIXe s.), emprunt tardif au latin dubitabilis « douteux », « qui doute », autre dérivé du supin de dubitare, il ne s'est pas imposé, à la différence de son antonyme indubitable*.
DUC n. m. est emprunté (1080) au latin dux, ducis, dérivé de ducere « mener » (→ conduire), et qui signifie « conducteur, guide » (quelquefois « berger marchant à la tête du troupeau »), d'où « chef, général ». À basse époque, le mot s'est dit du gouverneur d'une province de l'Empire puis, chez les Mérovingiens (667), du délégué du roi pour les affaires militaires et la justice dans une circonscription formée de plusieurs comtés.
❏  Duc, lorsqu'il réfère au haut moyen âge, désigne le chef d'une armée, d'une tribu ; puis (1210) celui qui a le gouvernement, la seigneurie d'un territoire nommé duché et relevant directement du roi ou de l'empereur. Après l'abandon des institutions féodales, le mot désigne dans la hiérarchie nobiliaire celui qui porte le titre le plus élevé après celui de prince. Le sens de « doge » (XVIe s.) a été abandonné au profit de l'italianisme doge* introduit à la même époque.
■  Ce nom a été donné à un oiseau nocturne (1165), probablement à cause de ses aigrettes comparées à une couronne ducale. Cet emploi est surtout vivant dans le syntagme grand duc (aussi petit, moyen duc).
■  Au XIXe s., le mot a servi à désigner une luxueuse voiture à cheval (1877, Littré).
❏  Duc a produit DUCAL, ALE, AUX adj., d'abord duchal (v. 1270, Arveiller), qui a quelquefois servi aussi d'adjectif à doge*.
■  Le féminin DUCHESSE n. f. (1320) est la réfection du plus ancien duchoise (1160-1174), peut-être formé d'après le latin médiéval ducatissa (également ducissa 1190, duxissa 1320). Plus que duc, le mot a reçu une valeur figurée pour « femme affectant de grands airs » (1870) et quelques sens concrets en ameublement (1742), en habillement ; il s'applique aussi à une variété de poire (1864) en apposition poire duchesse.
■  Duc et duchesse entrent dans les composés GRAND-DUC n. m. (1694) et GRANDE-DUCHESSE n. f. (1843), ARCHIDUC n. m. (1486) et ARCHIDUCHESSE n. f. (1504), dans la hiérarchie nobiliaire.
DUCHÉ n. m., attesté en 1210 au féminin (la duchiet), est un dérivé de duc, désignant la seigneurie à laquelle est attaché le titre ducal. Le féminin a été condamné par Vaugelas. À l'expression duc et pair correspond duché-pairie n. m. ◆  À grand-duc et grande-duchesse correspond GRAND-DUCHÉ n. m. (sans doute ancien, repris 1909).
❏ voir DUCAT, DUCE.
DUCASSE → DÉDICACE
DUCAT n. m., d'abord écrit duca (XIVe s.), puis ducat (1395), est emprunté à l'italien ducato (av. 1347), précédé par le latin médiéval ducatus (1181), proprement « monnaie ducale, frappée à l'effigie d'un duc », de duca, correspondant au français duc*. Le mot italien se rapporte d'abord, selon certains, à une monnaie créée par le gouverneur italien Longinus, devenu duc de Ravenne après s'être révolté contre l'empereur Justin. Puis, il concerne une monnaie d'argent du XIIe s. avant de dénommer la monnaie émise par le doge ou duc (→ doge) de Venise au XIIIe siècle.
❏  Le mot désigne une monnaie adoptée par plusieurs pays européens avec une valeur variable, aujourd'hui disparue. Il est adjectivé (1864), remplaçant le complément de détermination de ducat (1690, or de ducat).
DUCE n. m. est l'emprunt (1922) de l'italien duce « guide, chef » (fin XIIIe s.), spécialement « dictateur » (1801), issu du latin dux, ducis, mot ayant donné le nom de duc, en italien (→ doge, ducat) et en français (→ duc). La désignation de duce a été donnée à Mussolini dès le temps de la « marche sur Rome » (1922) ; elle se rattache à un type de meneur d'hommes qui, du condottiere de la Renaissance, proprement « conducteur » (→ condottiere) à Garibaldi, avait une forte résonance dans la psychologie politique des Italiens. Après 1925, le terme sort de l'usage des seuls militants fascistes pour être utilisé dans les manifestations publiques ; il n'entre que plus tard dans la titulature officielle où il continue à se référer à la direction du parti : « chef du gouvernement et duce du fascisme » ; dans l'usage général, il s'étend à l'ensemble de la nation et de l'État. Ce titre sera repris par les autres dictateurs du XXe s., traduit Führer en Allemagne (Hitler), caudillo en Espagne (Franco), conducator en Roumanie (Ceauşescu).
❏  En français, duce ne se réfère qu'au titre de Mussolini, chef de l'Italie fasciste (1922-1945).
DUCTILE adj. est emprunté (1282) au latin impérial ductilis « que l'on peut conduire », d'où « malléable, plastique », du radical du supin (ductum) de ducere « conduire » (→ conduire).
❏  Ductile, doublet savant de l'ancien français doille, douille (→ douillet), qualifie concrètement, en style didactique, une matière qui peut être étirée sans se rompre ; plus rarement, il est employé au figuré à propos d'un être malléable, influençable (1542), d'une chose changeante.
❏  Son dérivé DUCTILITÉ n. f. (1671), quelquefois concurrencé par ductibilité, désigne la propriété d'un corps, et, par métaphore, d'un style, d'un être ductile.
DUÈGNE n. f. est emprunté au XVIIe s. (av. 1646, Dueña ; 1632 écrit douegna) à l'espagnol dueña « dame » (1063), spécialement « dame de compagnie » (1140), issu du latin domina « maîtresse de maison », qui a donné dame*.
❏  Le mot a pénétré en français sous sa forme espagnole (avec majuscule), francisée en Doëgne (1643) puis en duègne (1655, Scarron). Il désigne une femme d'âge mûr chargée de veiller sur la conduite d'une jeune personne en Espagne ou en référence à la tradition espagnole. Par extension, d'après la réputation attachée aux duègnes (appelées par Scarron : « animaux rigides et fascheux, aussi redoutéz pour le moins que des belles-mères »), il est employé, dans un style littéraire, à propos d'une vieille femme acariâtre et gênante. Cette connotation a disparu.
1 DUEL n. m., d'abord duelle (1556), puis duel (av. 1573), est emprunté au latin duellum, forme ancienne de bellum « guerre, combat » (→ belliqueux), employée comme archaïsme par certains écrivains classiques. Le mot a développé en bas latin le sens de « combat singulier » pour dénommer une coutume introduite par les Germains, probablement d'après duo (→ deux), par étymologie populaire.
❏  Duel a pris en français sa spécialisation moderne au cours du XVIe s., et son histoire correspond à l'évolution de cette coutume, avec divers syntagmes (duel à mort, au premier sang ; se battre en duel, etc.). En histoire, le mot s'applique aux institutions de combat singulier antérieures au XVIe s., notamment aux règlements judiciaires censés représenter le jugement de Dieu et dont la réparation d'une offense par les armes, sens précis de duel, est issue. Le mot a aussi des valeurs figurées.
❏  DUELLISTE n. est emprunté (1623) à l'italien duellista « celui qui se bat en combat singulier » (XVe s.), dérivé de duello « duel ». On trouvait chez Brantôme, auteur des Duels célèbres et d'un Discours sur les duels, duelliant, adaptation de l'italien duellante, participe présent de duellare « se battre en duel ». Toujours chez Brantôme, on relève des attestations (apr. 1578) de duelliste adj. et n. « relatif au duel » et « spécialiste en duel », formé sur duel avec le suffixe -iste.
2 DUEL n. m. est emprunté (1570 ; 1539 selon G. L. L. F.) au latin impérial dualis « de deux » (→ dualisme), substantivé en grammaire pour le nombre employé dans certaines langues, dont le grec, pour indiquer que deux personnes, deux choses sont en cause.
❏  Le mot a été introduit par les hellénistes de la Renaissance.
❏  Le latin dualis a été emprunté ultérieurement, donnant DUEL, ELLE adj. (1827) en grammaire et parfois, dans le style didactique, au sens plus général de « qui repose sur un principe de dualité » (→ dual).
DUFFEL (ou DUFFLE)-COAT n. m. est emprunté (1952) à l'anglais duffel coat, plus couramment duffle coat (1919), nom d'un caban des marins anglais. C'est un composé de coat « manteau », emprunté au français cotte* (→ aussi redingote) et duffel « drap moletonné », de Duffel, ville des Flandres près d'Anvers (XVIIe s.). Très tôt, duffel a été assimilé au modèle courant des mots anglais en -le (type bottle « bouteille ») et a pris la forme duffle qui semble s'être imposée.
❏  Le mot est attesté en 1952 dans une publicité, mais le vêtement était connu des jeunes immédiatement après la guerre (v. 1945) ; sa vogue a reculé, pour être reprise périodiquement depuis.