E

EARL GREY n. m. est emprunté au XXe siècle à un mot anglais, nom d'un diplomate, le comte (earl) Grey, en l'honneur de qui ce mélange a probablement été créé.
❏  L'expression désigne un thé noir aromatisé à la bergamote.
L + EAU n. f. représente l'aboutissement sous la forme egua (Xe s., Alexis) puis ewe (1080, Roland) du latin aqua « eau (comme élément) » opposé à unda « eau en mouvement » (→ onde). Aqua a son correspondant exact en germanique (gotique, ahwa) et en celtique dans des noms de lieux. L'évolution phonétique explique les différentes formes ; dans aqua le groupe qu [kw], après sonorisation à la fin du IVe s., s'affaiblit peu à peu jusqu'à devenir [w] ; le a initial se diphtongue en [a] qui se réduit ensuite à è [ɛ] ; la forme ewe connaît ensuite deux traitements : dans l'Ouest, le w passe à v, d'où eve, aive ; ailleurs le w se vocalise et l'on aboutit à eaue puis eau. Voir aussi le schéma.
❏  Eau désigne d'abord le liquide naturel, incolore, inodore et transparent ; de ce sens viennent de très nombreux emplois particuliers : « pluie » (XIIIe s.) et eau de pluie ; eau de (la) mer, etc. L'expression eau vive (XVIe s.) désigne une eau non souillée qui s'écoule rapidement ; opposée à eau morte, d'origine biblique, cette expression a ajouté au sens d'« eau courante » les connotations positives liées à l'idée de « vie » ; de même vive eau « grande marée » s'oppose à morte-eau (1484) « marée faible ». ◆  Les eaux (seulement au pluriel) se dit des masses d'eau qui séjournent (la faune des eaux) ou des eaux qui se déplacent ; d'eau entre dans de nombreux syntagmes pour désigner une eau courante (eau « courant d'eau », XIIe s. ; eau courante, 1080 ; cours d'eau, chute d'eau) ou non (pièce d'eau). ◆  Le fil de l'eau (XIIe s.) désigne le courant.
■  Par ailleurs, au pluriel depuis le XVIIe s. (1694 ; 1611, l'eau), les eaux désigne le liquide amniotique qui entoure le fœtus.
Parmi les valeurs spéciales acquises par les eaux, au pluriel, dans le contexte des utilisations et aménagements des eaux par l'homme, on peut signaler celle des « eaux jaillissantes », attestée au XVIIe s. (1690, Furetière), d'où grandes eaux (in Bescherelle, 1845), grandes eaux signifiant au XVIIe s. « inondation » (Sévigné) et « source d'eau minérale à vertu curative ou thérapeutique ». ◆  De ce dernier sens vient par métonymie la valeur de « lieu où l'on va se traiter par l'eau » (1622), activité dénommée prendre les eaux, d'où aussi le syntagme ville d'eau, en concurrence avec station thermale. ◆  Une autre métonymie concerne les eaux dans la nature, objet de surveillance et d'exploitation économique. ◆  Eaux et forêts (XVe s.) désigne à la fois la juridiction des bois, de la chasse et de la pêche et (1835) les forêts, rivières, lacs et étangs concernés. Cette désignation a été abandonnée par l'administration française en 1979. ◆  L'eau comme milieu de vie animale (mammifères, oiseaux) est évoquée dans poule d'eau (1530), rat d'eau (1907) et des expressions analogues. ◆  Dans un tout autre contexte, eau s'applique au liquide ayant servi à nettoyer, à laver et devant être évacué ; les syntagmes les plus courants sont eau de vaisselle (1878), au figuré « mauvais bouillon » (1901), eaux résiduaires (1877), eaux usées (XXe s.). ◆  Dans le contexte des récipients et de l'étanchéité, on peut signaler pot à eau et des expressions comme tenir l'eau « ne pas fuir » (1674) ou voie d'eau (1678) « ouverture dans la carène d'un bateau ».
Le mot entre dans de nombreux syntagmes où est indiqué le mode d'utilisation de l'eau ou encore ses caractéristiques utiles. Dans le contexte de la boisson, on relève eau de boisson, didactique, et, plus courant, eau potable. Buveur d'eau a eu des valeurs figurées plutôt péjoratives, ne pas gagner l'eau qu'on boit a signifié « être fort paresseux » (XVIIe s.). Une locution restée courante est mettre de l'eau dans son vin « couper le vin d'eau » (Cf. baptiser), au figuré « réduire ses exigences », l'idée de « modération » dominant dans les emplois antérieurs, sortis d'usage : « compromettre le succès de qqch. » (1531), « modérer ses passions » (1636), « calmer sa colère » (1656). Faire de l'argent comme de l'eau, « gagner beaucoup et facilement » s'emploie en français du Québec. ◆  L'eau est souvent associée au pain comme symbole de nourriture et boisson de base (être au pain sec et à l'eau ; vivre d'amour et d'eau fraîche...). ◆  Toujours dans le contexte de la boisson, eau minérale, syntagme ancien (→ minéral), s'est répandu au XIXe et surtout au XXe s., avec le discrédit de l'eau du robinet « eau courante distribuée par les villes », souvent désinfectée, chlorée, javellisée ; l'eau minérale est mise en bouteilles sous forme gazeuse ou non, et les syntagmes eau gazeuse et eau plate s'opposent. Bouteille d'eau (minérale) donne par métonymie une eau. Parmi les locutions familières sur ce contexte, compte là-dessus et bois de l'eau fraîche vaut pour un refus amusé. Ne pas avoir inventé l'eau chaude, tiède, n'est connu qu'après 1970.
Des syntagmes déterminés correspondent aussi à des liquides contenant une autre substance, solution, distillats, etc., comme l'eau régale (1680). Ainsi eau rose (XVe s.), puis eau de rose (XVIe s.) succédant à eve rose, ieaue rose, d'où au figuré (personne) à l'eau de rose (1759) « molle, sans énergie », employé aujourd'hui (v. 1900) en parlant d'une œuvre. Autre extrait distillé, l'eau d'orange (1636), ou de fleur d'orange (1680), aujourd'hui de fleur d'oranger (1846). L'eau de senteur (1636) a précédé le produit devenu en français le type même de distillat odorant, l'eau de Cologne (1765), inventée en 1709 (Grimm) et ainsi dénommée en français (Köllner wasser, 1803, vient du français). Au Québec, eau d'érable désigne la sève de l'érable à sucre.
Parmi les produits thérapeutiques, il faut signaler l'eau de goudron (1743) traduisant l'anglais tar water, liquide considéré au XVIIIe s. comme un remède (Cf. l'œuvre du philosophe Berkeley qui lui est consacrée). Eau de Javel (1830 ; → Javel) et anciennement eau de chlore correspondent à des liquides nettoyants. L'eau de chaux (1694) avait un usage thérapeutique, comme eau ferrée (1611). Eau de Seltz (1755) est à l'origine le nom d'une eau minérale, l'eau de Selse ou de Selters (localité allemande). ◆  Eau entre aussi dans des usages symboliques, liés à l'idée de purification : eau baptismale, eau bénite, dans la liturgie catholique, d'où la locution plaisante eau bénite de cave « vin » (XVIe s.), encore en usage au milieu du XVIIe s., et la locution ancienne eau bénite de cour « fausse promesse » (1656), l'eau bénite à l'église étant aussi abondamment utilisée que les promesses à la cour (Cf. benoît pour la même évolution).
De très nombreux syntagmes correspondent à des usages de l'eau liés à l'économie humaine : moulin à eau (à l'eau, 1530), château d'eau « grand réservoir d'eau ». Le syntagme eau courante correspond à l'état technique de la distribution d'eau à usage individuel, dans la seconde moitié du XIXe siècle, signe du « confort moderne » avec le gaz et l'électricité. De là compteur à eau et par métonymie relever l'eau « les compteurs à eau ». ◆  Peinture à l'eau (opposé à à l'huile) désigne l'aquarelle.
Eau, toujours avec le sens de liquide naturel, est un élément d'expressions figurées : battre l'eau avec un bâton (ou dans un mortier) « travailler inutilement », en usage au XVIe (Calvin) et au XVIIe s., a été remplacé par (donner) un coup d'épée dans l'eau « un acte inutile » (1718) ; troubler l'eau (v. 1560) signifiait « causer de la division » ; pêcher en eau trouble « tirer avantage d'une situation troublée » (1606) est emprunté à une locution grecque qui se retrouve dans plusieurs langues ; être heureux comme un poisson dans l'eau (1640). Clair comme de l'eau de roche signifie « limpide, peu coloré », puis « évident » (en parlant de choses abstraites), mais eau de roche « eau de source », où roche conserve le sens ancien de « caverne, cave », ne s'emploie plus seul aujourd'hui.
L'eau en tant que boisson inspire, outre noyer son vin d'eau (1694) et mettre de l'eau dans son vin, se noyer dans un verre d'eau (1787), avec les variantes dans un bol (une goutte) d'eau « se perdre dans des difficultés infimes » ; on dit aussi (1718) se noyer dans un plat d'eau,plat désigne une surface d'eau peu profonde. ◆  Si eau bouillie se dit de l'eau après ébullition, en français de Provence l'expression désigne un bouillon à l'ail (on dit aussi, d'après le provençal, aigue boulide).
Eau désignant une masse de liquide dans la nature (rivière, lac, mer, etc.) s'emploie spécialement pour désigner le niveau auquel monte cette masse d'eau (hautes, basses eaux). Eau plate (1525) a signifié « eau peu profonde ». Dans cette acception, le mot entre aussi dans des locutions. Nager entre deux eaux « manœuvrer entre deux partis » (nager entre deux yawes, v. 1370), comme nager dans les eaux de qqn (1874), fait appel à l'ancien sens de nager « naviguer », avec l'idée d'une habile manœuvre. D'une manière générale, la phraséologie exploite les valeurs liées à divers contextes, tant réalistes (rapport de l'homme aux masses d'eau : nage, danger de noyade, navigation, etc.) que symboliques (écoulement irréversible, profondeur, calme ou agitation...) ; ces valeurs sont liées aux sémantismes de mots comme cours d'eau, fleuve, rivière, lac, mer, océan... ◆  Eau marine (1562), locution vieillie, signifie au figuré « couleur verte de la mer » (Cf. aigue-marine). En particulier, le thème de la navigation suscite une opposition entre la mer d'une part, les rivières et les lacs de l'autre, sous la forme eau de mer, eau douce, marin d'eau douce acquérant (déb. XIXe s.) une connotation péjorative ou dérisoire peut-être suscitée par médecin d'eau douce (v. 1550) « médecin médiocre qui utilise des remèdes inefficaces ». Il n'est pire eau que l'eau qui dort est probablement antérieur à la formulation il n'y a point d'eau plus dangereuse que celle qui dort, attestée en 1531. C'est le feu et l'eau (1685) qualifie deux choses opposées. Porter de l'eau à la mer (1531, en la mer) ou à la rivière (1690) « ajouter une chose là où il n'y en a que trop », a vieilli, ainsi que une goutte d'eau dans la mer (1690) « un apport inutile ». Gens delà l'eau « crédules, naïfs » (1580) est sorti d'usage ; l'expression désignait les étrangers frais débarqués, et l'eau est ici la frontière naturelle par excellence.
Il coulera (passera) de l'eau sous le pont ou sous les ponts est attesté au début du XVIIe s. et représente l'irréversibilité du temps (aussi laisser passer l'eau sous les ponts, 1718). Laisser courir l'eau « laisser les choses évoluer sans s'en soucier » (1685) est sorti d'usage aujourd'hui (on dit laisser courir). Se jeter à l'eau « se décider brusquement » s'oppose à tâter l'eau « hésiter » ; tomber à l'eau (on a dit dans l'eau) « échouer » se dit en parlant d'une entreprise, comme être à l'eau. Cependant, être dans les mêmes eaux se dit de choses qui ont la même valeur. Enfin, remonter, revenir sur l'eau correspond à « être à nouveau dans une bonne situation » (Cf. faire surface) ; revenir sur l'eau s'est employé (XIXe s.) au sens d'« être de nouveau évoqué ».
Par analogie, eau s'emploie surtout dans des expressions, depuis le XIIe s. (1185, eaue ; 1490, eau), en parlant d'une sécrétion liquide du corps humain : le mot peut correspondre à sueur : être (tout) en eau (1531), suer sang et eau (1588) ; à « larmes » (XIIIe s.) d'où fondre en eau (1685, d'abord se fondre en eau, 1636 Corneille, Le Cid) ; à « urine » (1560) : faire, lâcher de l'eau, du XVIe au XIXe s., et faire de l'eau claire « échouer » (1690). Dans il n'y a que de l'eau claire (1752) la fonction excrémentielle représente par métonymie l'activité humaine. Eau s'emploie aussi pour « sérosité » et pour « salive » (avoir l'eau à la bouche « saliver à l'avance » ; et mettre, faire venir l'eau à la bouche). Le mot désigne aussi (1546, Rabelais) le suc des fruits et des plantes. ◆  Au figuré, par allusion à la transparence du liquide pur, il signifiait « transparence et brillant des pierres précieuses » (1611), d'où de la plus belle eau.
En comparaison, eau peut qualifier une couleur claire, transparente, dans la couleur d'eau donnée au fer poli (1653), syntagme sorti d'usage, et dans l'expression moderne vert d'eau « vert clair » (1798).
Revenant à la substance, dont la nature chimique (H2O) est établie avec la chimie moderne (fin XVIIIe s.), eau donne lieu aux syntagmes eau chimiquement pure ou eau distillée, distinguée du corps naturel contenant diverses substances et notamment des sels minéraux (eau minérale, Cf. ci-dessus, est plus ancien et d'usage courant, non technique). Toujours en chimie, eau lourde (1938) désigne un composé analogue à l'eau mais formé avec de l'hydrogène lourd, deutérium (D2O) ou tritium.
❏  Eau donne enfin lieu à de véritables composés :
EAU-DE-VIE n. f. représente un calque (XIVe s. selon Wartburg) du latin des alchimistes aqua vitae (v. 1320) ; les alchimistes, distillant le vin et ayant abouti à l'alcool, avaient cru trouver l'élixir de longue vie qu'ils recherchaient ; on trouve avec le même sens (1307 ; usuel au XVIe s.) eau ardente (auquel correspond l'espagnol aguardiente) ; brandevin (1640), emprunté au néerlandais brandewijn (Cf. allemand Brandwein) lors de la guerre des Flandres, ne s'est pas imposé. Eau-de-vie désigne aujourd'hui un produit alcoolique provenant de la distillation du jus fermenté des fruits ou des substances alimentaires. On trouve aussi eau cordiale (XVIe s., Paré), eau céleste (v. 1600, Olivier de Serres) « eau-de-vie à la cannelle ».
EAU-FORTE n. f. est composé (1543 ; aussi eau fort au XVIe s.) de eau et de fort, adj., et désigne l'acide nitrique étendu d'eau, utilisé par les graveurs pour attaquer le cuivre ; par métonymie, eau-forte se dit (1808) du procédé utilisant l'eau-forte et de la gravure ainsi obtenue.
■  D'où le dérivé EAU-FORTIER n. m. (1867).
EAUX-MÈRES n. f. pl. (1872 ; 1795 au singulier ; de mère) désigne le résidu d'une solution. Eau mère (1755) a signifié « eau saline sursaturée » et EAUX-VANNES n. f. pl. (1906 ; 1868 au singulier ; de vanne), la partie liquide d'un bassin de vidange, l'eau d'égout.
❏ voir AQUA-, AQUI.
⇒ tableau : Les noms de l'eau
ÉBAHIR v. tr. apparaît (v. 1120) sous la forme esbahir (intr.). Le verbe a été formé par préfixation en es- (é-), à partir de l'ancien français baer « être ouvert », ancienne forme de bayer (→ bayer) ; la conjugaison en -ir s'explique par l'influence de l'ancien français baïf, adj., « étonné, ébahi » (→ baliveau).
❏  Ébahir « frapper d'un grand étonnement » s'emploie surtout au passif (être ébahi de, par qqch.) et, plus couramment, comme participe passé adjectif, notamment avec les sens familiers d'« abasourdi » (XIIe s.), « éberlué » d'où un ébahi, n., peu usité. ◆  En emploi pronominal (v. 1170), le verbe apparaît en construction prépositionnelle, s'ébahir de qqch. puis s'ébahir de, devant, sur qqch.
❏  Du radical de l'imparfait du verbe dérive ÉBAHISSEMENT n. m. (v. 1200), « stupeur, saisissement », « étonnement extrême », qui s'est employé jusqu'au XIXe s. dans l'expression tenir, mettre (qqn) en ébahissement.
ÉBARBER → BARBE
ÉBATTRE (S') v. pron., dérivé préfixé de battre*, est d'abord attesté (v. 1130, esbattre) en emploi intransitif, au sens de « se distraire ». Le verbe s'emploie ensuite (XIIe s., pronom.) au sens de « se donner du mouvement pour se divertir », puis de « prendre des ébats amoureux (avec qqn) », sens où il a vieilli. Il se dit, par extension dans un domaine abstrait, pour « se divertir ».
❏  Le déverbal ÉBAT n. m. apparaît (1280) au sens d'« amusement » ; il s'utilise ensuite (XVe s.), généralement au pluriel, au sens de « jeux d'un être qui s'ébat » (prendre ses ébats) et, spécialement, dans ébats amoureux « activités érotiques », plus courant que le verbe ; rare au singulier, c'est un terme de chasse signifiant « promenade des chiens ».
■  ÉBATTEMENT n. m. (XIIIe s.) du radical de ébattre, archaïque ou d'emploi très littéraire, équivaut à ébat ; il s'est employé au figuré pour « émoi, agitation » (1851-1862, Sainte-Beuve).
ÉBAUBIR v. tr. est issu (v. 1223), par changement de préfixe, de l'ancien français abaubir (fin XIIe s.) « étonner » et proprement « rendre bègue », formé à partir de l'ancien adjectif baup (v. 1180), baube (1245), du latin balbus « bègue » (comme l'italien balbo, l'ancien provençal balp). Balbus, terme expressif, a des correspondants dans d'autres langues indoeuropéennes, comme le sanskrit barbaraḥ (→ balbutier).
❏  Ébaubir s'emploie familièrement comme verbe transitif avec le sens de « rendre (qqn) ébaubi ; surprendre », en emploi pronominal (réfléchi) « s'étonner vivement (de qqch.) » (XVIe s.). Le verbe, d'abord familier, est aujourd'hui d'usage littéraire.
❏  Le participe passé de l'ancien français abaudir et le verbe ébaubir sont à l'origine de l'adjectif ÉBAUBI, IE (XIIIe s., esbaubi) qui semble être sorti d'usage et avoir été repris au XVIIe s. (par Molière, Mme de Sévigné). Ce mot conserve l'idée de « bègue » contenue dans le latin balbus. Ébaubi « frappé de surprise au point de bégayer » et spécialement « frappé d'une stupeur admirative » était d'emploi familier dans la langue classique ; il est aujourd'hui régional ou littéraire.
■  ÉBAUBISSEMENT n. m. (XIIIe s., es-) est rare.
ÉBAUCHER v. tr. est un dérivé préfixé de l'ancien français balc, bauch « poutre » (→ bau) et s'est croisé avec l'ancien esboschier « tailler la vigne » (attesté XIVe s.), du francique °bosk « bois » (→ bois).
❏  Le verbe apparaît d'abord en Picardie, sous la forme esboquier (1369) et signifie « émonder, ébrancher » et, plus généralement, « dégrossir », la matière qu'on traite étant le bois des poutres. La forme se modifie (esbochier) et ce sens s'étend dès le XIVe s. (1380, « donner la première forme à [un ouvrage] »). La graphie actuelle date du XVIe s. (esbaucher, 1549). Par extension, le verbe a le sens de « commencer (un geste, un mouvement, etc.) sans l'exécuter jusqu'au bout » (fin XVe s.), « commencer à faire apparaître ».
❏  ÉBAUCHAGE n. m., terme technique (1508-1509, esbauchage), désigne l'acte d'ébaucher.
■  ÉBAUCHE n. f. (1619, esbauche) a suivi la même évolution sémantique que le verbe ; en dérive ÉBAUCHON n. m. (1932), terme technique.
■  ÉBAUCHOIR n. m. (1676, esbauchoir) désignant un outil et ÉBAUCHEUR, EUSE n., nom d'agent (1795), sont des termes techniques.
ÉBAUDIR v. tr., d'abord (1080) s'esbaldir, v. pron. puis v. tr. (v. 1130), est dérivé par préfixation de l'ancien adjectif français bald, balt, baud (1080) « joyeux » (→ baudet), en usage jusqu'au XVIe siècle.
❏  Esbaudir, ébaudir « mettre en allégresse », déjà archaïque dans la langue classique, n'est plus en usage si ce n'est à la forme pronominale (aussi s'esbaudir) comme archaïsme littéraire, avec le sens de « s'égayer, se réjouir ».
❏  Du verbe dérive ÉBAUDISSEMENT n. m. (v. 1200, esbaudissement ; 1762, forme moderne), « fait de s'ébaudir », qui ne subsiste également que comme archaïsme littéraire.
ÉBÈNE n. f., d'abord sous la forme ebaine (peu apr. 1250) puis ébène au m. (1542), est un emprunt au latin impérial ebenus f. « ébénier, bois de l'ébénier » (d'où en français, v. 1130, ebenus « bois de l'ébénier ») ; le mot latin vient lui-même du grec ebenos, emprunté à l'égyptien hbnj qui est peut-être d'origine nubienne.
❏  Ébène désigne d'abord, comme en latin, le bois de l'ébénier caractérisé par sa couleur noire et sa dureté puis, par extension, le bois d'autres arbres exotiques aux qualités comparables (dans ébène verte, jaune ; fausse ébène, etc.). Ébène du Sénégal, du Mozambique se dit du bois très sombre d'une variété de palissandre. ◆  Par analogie de couleur avec le bois, noir comme de l'ébène est employé en parlant notamment du teint, des cheveux (1794, cheveux d'ébène ; on trouve en hebeine « noir », en 1559). ◆  Au XVIIIe s., dans la langue des négriers, bois d'ébène (attesté en 1833 mais antérieur) était le nom donné aux esclaves noirs, assimilés à une marchandise.
❏  À partir d'ébène ont été formés quelques dérivés. ÉBÉNISTE n. (1676) désigne une personne spécialisée dans le travail des bois de qualité, à l'origine l'ébène (1680), puis les autres bois précieux (1690), à caractère plus décoratif qu'utilitaire, par opposition à menuisier, et avec une spécialisation dans la fabrication des meubles. Par extension, le mot se dit (1885) d'un artisan ou commerçant qui vend des meubles de luxe. ◆  En dérive ÉBÉNISTERIE n. f. (1732) « branche spécialisée de la menuiserie » et, par métonymie (1798), « meubles fabriqués par les ébénistes ».
■  ÉBÉNIER n. m., nom de l'arbre qui fournit l'ébène (1690), a désigné le cytise, arbrisseau appelé ensuite faux ébénier (1771). Certains ébéniers produisent un fruit comestible, le kaki. Ce sont les espèces du sud de l'Inde et de Ceylan, d'Afrique et de Madagascar dont le bois, noir et non veiné, est apprécié.
■  ÉBÉNACÉES n. f. pl. (1804, suffixe -acé[es]) désigne en botanique une famille de plantes tropicales dont l'ébénier est le type. L'adjectif ébénacé, ée (1846, Bescherelle), « qui ressemble à l'ébène, à la couleur de l'ébène », est sorti d'usage.
❏ voir ÉBONITE.
ÉBERLUER → BERLUE
ÉBLOUIR v. tr. est issu sous les formes s'esbleuir (v. 1165) et esbloer, du bas latin °exblaudire, lui-même d'un verbe francique dérivé du radical °blaup « faible » (Cf. ancien haut allemand blôdi « faible », au physique et au moral ; allemand blöde « faible » [des yeux] ; et aussi l'ancien provençal emblauzit « ébahi »).
❏  Éblouir, introduit comme v. pron. au sens concret d'« être ébloui » qui a disparu, signifie ensuite (1181-1190, esbloir) « troubler (la vue) par un éclat insoutenable ». Au figuré, le verbe prend le sens (1552, Ronsard) de « frapper d'admiration » la vue ou l'esprit (Cf. briller, étinceler), d'où vient le sens (1559) de « séduire en trompant », aujourd'hui vieilli, comme celui de « duper par un éclat trompeur », courant au XVIIe s. ; puis l'idée d'« éclat » l'emporte sur celle de « tromperie ». Éblouir s'emploie péjorativement, par extension du premier sens figuré, au sens de « frapper vivement (l'esprit) » (1690).
❏  ÉBLOUISSANT, ANTE adj., participe présent du verbe (1470, esblouyssant), signifie « qui éblouit » (en parlant d'une lumière) et aussi au figuré : « qui impressionne » (par sa beauté) [1663], « qui trompe en séduisant » (XVIIe s.), sorti d'usage, puis « d'une beauté merveilleuse ».
■  ÉBLOUISSEMENT n. m. est d'abord attesté (milieu XVe s., esblouissement) au sens figuré d'« état de l'esprit ébloui » ; le nom s'emploie à partir du XVIe s. pour désigner un trouble de la vue provoqué par une cause interne ou externe, souvent accompagné de vertiges (1539) d'où avoir un éblouissement, et l'état de la vue frappée par une lumière trop vive (av. 1549).
ÉBONITE n. f. est un emprunt (1862) à l'anglais ebonite (1861), dérivé de ebony « ébène » (→ ébène).
❏  Le mot désigne une matière plastique obtenue par la vulcanisation du caoutchouc, comparée à l'ébène par sa couleur et sa consistance.
❏  En dérive le terme technique ÉBONITAGE n. m. (1973) « recouvrement (d'un matériau, d'un objet) par une couche d'ébonite ».
ÉBORGNER → BORGNE
ÉBOUEUR → BOUE
ÉBOULER v. tr. et intr. apparaît sous les formes esboëler (tr.) « éventrer, arracher les entrailles » (1130), esboueler (1283), s'esbouler (pron., 1559). C'est un dérivé par préfixation en es- (é-) de l'ancien français boel, boiel (→ boyau, écrabouiller), mais la forme moderne est sentie comme venant de boule.
❏  Du sens ancien d'« éventrer », attesté au début du XIIe s., est issu celui de « faire tomber (une construction) par affaissement ou désagrégation » (1283, v. tr.), aujourd'hui très peu usité.
■  Ébouler, v. intr. (1653), est plus usuel ; mais seul s'ébouler, v. pron. (1559), s'emploie couramment avec le sens de « tomber en s'affaissant » ; un sens figuré « s'effondrer » apparaît au XXe siècle. Les emplois modernes sont sémantiquement influencés par boule et ses dérivés.
❏  Le dérivé ÉBOULEMENT n. m. (1547), suffixe -ment, s'emploie au propre et au figuré et se dit par métonymie (1796) d'un amas de matériaux éboulés.
■  Le mot est synonyme, dans cette acception, d'ÉBOULIS n. m. (1680) formé avec le suffixe -is, qui signifie aussi « chute de pierres qui s'éboulent » et désigne, en géographie, des débris rocheux formant un talus incliné.
■  ÉBOULEUX, EUSE adj. (1795), suffixe -eux, « qui s'éboule facilement », est un terme technique (géologie) ou régional.
ÉBOURGEONNER → BOURGEON
ÉBOURIFFÉ, ÉE adj., attesté en 1671 (Mme de Sévigné), se rattache probablement au bas latin burra « bourre* », comme le provençal esbourrifa, esbourrifla, esburifia « ébouriffé, dérangé, éparpillé » (Cf. aussi esbourrassa, esbourrisat « échevelé, houspillé, battu »). Le point de départ de cette série est peut-être le provençal esbourrassa « traîner par les cheveux, houspiller », altéré en esbourrifla d'après rifla « râcler, se froncer ».
❏  L'adjectif signifie « dont les cheveux sont en désordre », d'où l'emploi figuré (1762) pour « agité, troublé », en parlant de personnes.
❏  Le dérivé ÉBOURIFFER v. tr. est attesté au sens figuré de « surprendre, au point de choquer » en 1778, le sens propre de « relever (en désordre) les cheveux » n'étant repéré qu'en 1842 ; en dérive l'adjectif ÉBOURIFFANT, ANTE, d'emploi familier, seulement au sens figuré (1837 dans Balzac) de « surprenant », puis de « remarquable, extraordinaire », aujourd'hui légèrement vieilli.
■  ÉBOURIFFURE n. f. (1863 au figuré ; 1869 au sens propre) se dit de l'état d'une chevelure ébouriffée.
■  ÉBOURIFFAGE n. m. (XIXe s., Goncourt), au sens d'« état de ce qui est ébouriffé », a aussi pour équivalents ÉBOURIFFADE n. f. (mil. XIXe s., Barbey d'Aurevilly) et ÉBOURIFFEMENT n. m. (1886, Goncourt).
■  ÉBOURIFFOIR n. m. (1898), terme technique, désigne un pinceau à usage des peintres en bâtiment.
ÉBOURRER → BOURRE
ÉBOUTER → BOUT