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L'adjectif signifie d'abord « qui peut recevoir ou communiquer le “fluide”, appelé plus tard
électricité » (l'anglais connaît ce sens dès 1646 :
electrick et
electricall), puis « relatif à l'électricité » (cet emploi apparaît aussi en anglais, chez Newton en 1675). C'est au
XVIIIe s. et surtout à partir du début du
XIXe s. qu'on observe les syntagmes devenus usuels : l'anglais a ainsi
electrical machine (1746),
electric fire (1747, Franklin),
electric pile (1803, invention de Volta v. 1800) ; toutes ces associations ainsi que bien d'autres sont passées dans diverses langues, dont le français.
Courant* électrique est attesté en 1806.
Lumière électrique (1864) procède aussi de l'anglais
electric light (1843 ; déjà de rares attestations au
XVIIIe s.).
Éclairage électrique se trouve dans un rapport de E. Becquerel, dès 1856 ;
lampe électrique apparaît entre 1850 et 1880 (Du Moncel,
l'Éclairage électrique) bien que l'invention soit de 1845 (Draper) avec des développements rapides.
Les syntagmes formés avec cet adjectif se sont multipliés. Ainsi on trouve bougie électrique avant 1880 (id., l'Éclairage électrique), brûleur électrique (1879, Jamin) et, à la fin du siècle, suspension, lustre, applique électrique et aussi traction, tramway, locomotive électrique (Almanach Hachette 1894), voiture électrique (id., 1896), installation électrique (d'une maison, dite maison électrique, ibid.). Ampoule électrique apparaît à la même époque (1898, P. Adam).
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ÉLECTRICITÉ n. f. n'est attesté en français qu'en 1720 dans la traduction de Newton par Costes, l'anglais connaissant le mot
electricity depuis 1646 (sir Thomas Browne). Il s'agit donc d'un anglicisme, le latin moderne
electricitas, dérivé de
electricus, étant postérieur. La première valeur de ces mots est « propriété attractive de l'ambre (du verre, etc.) » ; le sens moderne « caractère commun aux phénomènes qualifiés
électriques » apparaît au
XVIIe s. quand Newton distingue les phénomènes d'attraction par
gravité, magnétisme et
électricité. On emploie ensuite
électricité positive (1752),
négative, d'après Franklin,
électricité résineuse, vitrée (1833). Le concept est souvent identifié à la notion de « fluide » (1755, Franklin).
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D'autre part, le même mot désigne (1734, en anglais) la partie de la physique qui étudie les phénomènes électriques (incluant ou non, selon les théories, le magnétisme). L'emploi spécialisé usuel « lumière électrique »
(allumer, éteindre l'électricité) et la valeur métonymique « appareillage électrique » semblent assez récents (v. 1930 ?).
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Du radical d'
électrique viennent de très nombreux mots.
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ÉLECTRICIEN, IENNE n. désigne d'abord (1752) le physicien spécialiste du domaine ; là encore, l'anglais electrician est antérieur (1751, Franklin).
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La valeur moderne dépend des applications industrielles et domestiques du domaine ; elle apparaît dans la seconde moitié du XIXe s. (1861) et concerne un ouvrier, un technicien capable de monter, de réparer des installations électriques. Le féminin électricienne semble récent.
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Le verbe transitif ÉLECTRISER apparaît d'abord au participe passé (1731, tube électrisé) et en emploi absolu (1749) ; il signifie « communiquer à un corps des propriétés électriques » ; le complément peut désigner une personne (mil. XVIIIe s.), d'où le sens figuré (1763) « produire une impression exaltante sur (qqn) », plus courant que les valeurs correspondantes d'électrique et électricité.
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Le verbe a des dérivés : ÉLECTRISATION n. f. (1738), ÉLECTRISABLE adj. (1746), ÉLECTRISEUR, EUSE n., employé (1749) à propos d'un médecin, les deux premiers étant souvent pris au figuré.
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Un autre verbe, ÉLECTRIFIER (1914 à propos des chemins de fer ; probablement déjà v. 1900 ; Cf. le dérivé électrification), apparaît dans le domaine technique, alors que l'anglais to electrify (1747, Franklin) signifiait « charger d'électricité » ; le sens moderne « équiper avec l'énergie électrique » est relevé vers 1900 dans le domaine des usines, du chemin de fer ; c'est la valeur que prend le dérivé ÉLECTRIFICATION n. f. en 1907, le mot signifiant précédemment (1873) « électrisation ». On sait l'usage qu'en fit (en russe) Lénine (les soviets et l'électrification), soulignant la valeur symbolique de ce domaine.
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Électrique a directement produit l'adverbe
ÉLECTRIQUEMENT (1832), d'abord au figuré et en physique, puis (fin
XIXe s.) en technique.
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L'élément
ÉLECTRO- sert à former depuis le milieu du
XVIIIe s. des composés qui ont la même structure sémantique qu'un substantif avec l'épithète
électrique, au sens moderne de « relatif à l'électricité », sens bien établi au milieu du
XVIIIe siècle.
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Les premiers composés de ce type sont ÉLECTROMÈTRE n. m. (1746, puis 1749, d'Arcy ; inventé en 1748 par Le Roy et d'Arcy) et ÉLECTROSCOPE n. m. (1753, Nollet) « instrument permettant de mesurer une charge électrique et d'en apprécier la nature », en dépendance des notions d'électricité positive et négative (d'abord résineuse et vitrée) ; les dérivés ÉLECTROSCOPIE n. f. et ÉLECTROSCOPIQUE adj. sont attestés postérieurement (1843 et 1846).
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On voit encore apparaître au XVIIIe s. ÉLECTROMAGNÉTISME n. m. et ÉLECTROMAGNÉTIQUE adj. (1781) désignant ou qualifiant à la fois un objet d'étude et la science qui le traite.
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ÉLECTROFAIBLE adj. (1985) qualifie la théorie physique unifiée qui rend compte des interactions électromagnétiques et des interactions dites faibles.
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ÉLECTROPHORE n. m. vient (1783) du latin scientifique electrophorus créé par Volta vers 1776.
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Le début du XIXe s. voit l'apparition de composés concernant la théorie, comme ÉLECTRONÉGATIF, IVE adj. (1813, anglais electronegative ; Henry, 1810) et ÉLECTROPOSITIF, IVE adj. (1834), ÉLECTROSTATIQUE adj. (av. 1827, Ampère) et ÉLECTRODYNAMIQUE adj. (1823, Ampère), ÉLECTROCHIMIE n. f. (1826, Becquerel) précédé par ÉLECTROCHIMIQUE adj. (1813, Avogadro).
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ÉLECTROMOTEUR, TRICE adj. apparaît dès 1801 (Volta) au sens de « qui développe de l'électricité » par un moyen mécanique (Volta avait construit l'appareil ainsi qualifié en 1799), l'adjectif prendra plus tard des valeurs plus précises, en théorie (force électromotrice, d'où CONTRE-ÉLECTROMOTRICE adj. (1841) ; Cf. anglais electromotive force, 1833) et en technique.
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ÉLECTROGÈNE adj. apparaît avec le sens général « qui produit de l'électricité » (1834) ; il s'est spécialisé en technique dans groupe électrogène (1894).
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ÉLECTRODE n. f. (1836) est emprunté au mot anglais
electrode forgé par Faraday (1834) avec l'élément final d'
anode et de
cathode, du grec
hodos « chemin »
(→ méthode) ; l'application physiologique et médicale date de la fin du siècle (1890) ; voir ci-dessous.
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Le même Faraday crée (1834) le verbe
to electrolyse, et le substantif
electrolysis, passés en français, d'où
ÉLECTROLYSE n. f. (1856) qui succède à
électrolysation (1837), et
ÉLECTROLYSER v. tr. (1838). Comme
ÉLECTROLYTE n. m. (1838 ; en anglais 1834, Faraday) et
ÉLECTROLYTIQUE adj. (1836), ces mots viennent du grec
lutos, adjectif verbal de
luein « décomposer, dissoudre ».
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ÉLECTRODÉPOSITION n. f. (1950) désigne la technique qui permet de déposer une couche de métal par électrolyse.
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Au milieu du siècle, la terminologie témoigne du développement des théories électriques dans les sciences, avec
ÉLECTROBIOLOGIE n. f. (1845),
ÉLECTROPHYSIOLOGIE n. f. (1852 ;
Cf. électromusculaire, 1842) et leurs applications, notamment techniques, industrielles, mais aussi médicales.
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C'est le cas pour
ÉLECTROTYPIE n. f. (1842), où apparaît pour la première fois l'élément
-typie, ÉLECTROMÉTALLURGIE n. f. (1843), qui semble emprunté à l'anglais
electro-metallurgy (1840) ; plus tard
ÉLECTROTECHNIQUE adj. (1882).
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L'
ÉLECTRO-AIMANT est désigné à la même époque (1832).
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En médecine, on emploie
ÉLECTROTHÉRAPIE n. f. (1857).
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Parmi les effets de l'électricité, certains sont dangereux pour l'organisme ; ces propriétés utilisées par la justice américaine dans une intention aussi « humanitaire » que la guillotine, ont fourni
to electrocute, d'
electro- et
execute « exécuter » (1889) et
electrocution, d'
execution (1890), d'où en français
ÉLECTROCUTER v. tr. (1891) et
ÉLECTROCUTION n. f. (1890), rapidement étendus aux effets physiologiques dangereux de l'électricité, hors du contexte pénal américain de la
chaise électrique (electric chair), la première électrocution pénale ayant eu lieu en 1889.
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La productivité d'
électro- reste intense au
XXe s. : noms et adjectifs de sciences et de domaines ;
ÉLECTROLUMINESCENCE n. f. (attesté 1930) est probablement emprunté à l'anglais (1900), langue où le mot est formé sur
electrical luminescence (1896) ;
ÉLECTRO-OPTIQUE n. f. (1881 ;
adj. v. 1930 ;
Cf. anglais electro-optic, 1879),
ÉLECTRO-ACOUSTIQUE adj. (1904), mot appliqué spécialement après 1940 à l'enregistrement des sons, domaine où
ÉLECTROPHONE n. m., mot créé (1890) pour désigner un récepteur téléphonique, s'applique à un appareil de reproduction de sons enregistrés (1929) avant d'être vieilli par l'apparition d'autres désignations (
chaîne haute fidélité, etc.).
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ÉLECTROSIDÉRURGIE n. f. (1907) est une autre formation technique.
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Un domaine particulier des applications de l'électricité est la médecine : après électrothérapie (ci-dessus) et ÉLECTROTHERMIE n. f. (1870 ; le mot passera en physique au XXe s.), on trouve ÉLECTROCARDIOGRAMME n. m. (1916 ; d'abord écrit avec un tiret, -cardiogramme, 1903), emprunté à l'allemand Elektrocardiogramm créé par W. Einthoven en 1894, qui a pour dérivés ÉLECTROCARDIOGRAPHIE n. f. (1912) ; ÉLECTROCARDIOGRAPHIQUE adj. (1919) ; ÉLECTROCARDIOGRAPHE n. m. (1930). On relève aussi ÉLECTROMYOGRAMME n. m. (Cf. anglais electromyogram, 1917), ÉLECTROCOAGULATION n. f. (1922), ÉLECTRO-ENCÉPHALOGRAMME n. m. (1929 ; créé en allemand par H. Berger la même année), ou encore ÉLECTROENCÉPHALOGRAPHIE n. f. (1929). L'ensemble des diagnostics médicaux par l'électricité a été nommé (1890) ÉLECTRODIAGNOSTIC n. m. ÉLECTROCHOC n. m. (1938, électro-choc) est devenu courant, pour une méthode de traitement psychiatrique consistant à provoquer un choc électrique dans la boîte crânienne, et, au figuré, pour un choc, une secousse psychique violente. ÉLECTRORADIOLOGIE n. f. (1945), ÉLECTRONARCOSE n. f. (anglais electronarcosis, 1949) sont plus techniques.
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D'autres domaines de la vie quotidienne sont investis par l'électricité :
ÉLECTROMÉNAGER, ÈRE adj. (1934) est devenu courant à propos des appareils ménagers à moteurs électriques ; il s'emploie aussi comme nom masculin (1965) et a produit
ÉLECTROMÉNAGISTE n. (1958).
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La production d'électricité par la fission nucléaire a engendré l'
adj. et n. m. ÉLECTRONUCLÉAIRE (1962).
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L'une des formations tirées du grec
êlektron a connu une fortune particulière ; c'est
ÉLECTRON n. m. emprunté au grec (1808) pour désigner une hypothétique matière électrique, alors qu'on cherchait la cause des phénomènes groupés sous le nom d'
électricité. En 1891, le physicien anglais G. J. Stoney reprenait cette forme, probablement d'après
electric et
-on de
cation, anion (→ ion) pour désigner une charge électrique élémentaire, concept provisoire (1894 en français). C'est Larmor vers 1902 qui donne à ce mot anglais sa valeur moderne de « particule électrique élémentaire ». On a parlé ensuite d'
électron positif (v. 1932 ; anglais
positive et
negative electron, 1902), mais la terminologie actuelle préfère parler de
positon, réservant à
électron la valeur de particule légère négative.
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On parle au figuré (dep. les années 1980) d'
électron libre, syntagme emprunté à la physique, pour « personne qui agit de manière indépendante de toute institution », notamment dans une activité professionnelle.
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La théorie des particules électriques légères (opposées aux nucléons du noyau de l'atome : neutrons et protons) est nommée en 1902 electronic theory par J. A. Fleming, d'où par emprunt ÉLECTRONIQUE adj. (1903).
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Ce n'est que plus tard que ÉLECTRONIQUE n. f. (attesté 1922 en français, Cf. anglais electronics, 1910) désigne l'étude des phénomènes mettant en jeu des électrons à l'état libre.
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L'importance du domaine suscite un nouveau sens pour l'adjectif qui signifie alors « relatif aux techniques utilisant les électrons libres » avec des syntagmes presque aussi nombreux que pour électrique : instrument (electronic Musical Instrument, 1930 en anglais), microscope, tube, calculateur électronique puis jeu, monnaie électronique ; par extension, électronique prend la valeur de « qui se fait par l'électronique » (musique, annuaire électronique). Le mot est devenu un des symboles de la technoscience contemporaine, notamment après 1945, lorsque la technique électronique put s'appliquer au transfert d'information (→ informatique).
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Il est donc normal qu'il ait produit des dérivés comme ÉLECTRONIQUEMENT adv. (1936), ÉLECTRONICIEN, IENNE n. (1955, Larousse mensuel), ÉLECTRONISATION n. f. (1964) « équipement par l'électronique » et des syntagmes à l'image de l'anglais electronic brain (1945), computer (1946), cerveau électronique, calculateur électronique, etc.
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RADIOÉLECTRIQUE adj. (1913) qualifie les phénomènes relatifs à la production et à l'utilisation des oscillations électriques de haute fréquence, les ondes électromagnétiques de longueur supérieure aux radiations visibles (ondes hertziennes*) qu'elles produisent, les techniques qui les utilisent
(→ radio- : radiodiffusion, etc.).
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RADIOÉLECTRICITÉ n. f. (1920) désigne les phénomènes radioélectriques et leur étude physique.
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RADIOÉLECTRICIEN, IENNE n. (1932) dénomme le ou la spécialiste de radioélectricité (physicien ou technicien).