ÉLÉMENT n. m. est un emprunt très ancien (881, Sainte Eulalie) au latin elementum, surtout employé au pluriel pour désigner les principes, les connaissances élémentaires, et notamment les lettres de l'alphabet ; ce mot n'a pas d'origine connue.
❏  Élément s'est employé d'abord au sens de « principe constitutif de l'être, âme », puis en conservant l'idée de « fondement », le mot s'est appliqué (1119) à la substance de l'univers, les quatre éléments (terre, eau, air et feu), d'après le modèle gréco-latin, étant considérés comme les principes constitutifs de tous les corps de l'univers. ◆  Depuis le début du XIIIe s., élément se dit de chacune des choses dont la combinaison forme une autre chose. Cet emploi et celui de « connaissances fondamentales » sont amalgamés dans le sens du pluriel, les éléments « premiers principes sur lesquels on fonde une science, des connaissances » (v. 1200), puis par métonymie, au pluriel (XVIIIe s.) « livre qui expose les premiers principes (d'une science, d'une discipline) ». ◆  Du sens de « substance de l'univers » vient les éléments pour désigner l'ensemble des forces naturelles (1450). Par extension, élément désigne (1588, Montaigne) le milieu naturel dans lequel vit un organisme, puis spécialement (XVIIe s.) l'entourage habituel, d'où la locution être dans son élément « être à l'aise » (dans la situation qui est la plus familière). ◆  Du sens de « partie (d'un tout) » sont issus de nombreux emplois dans des domaines spécialisés : physique (1758), technique, mathématiques, musique, médecine et, au XXe s., psychanalyse, électronique, informatique. ◆  Élément s'emploie également (1860), au singulier et au pluriel, pour désigner une personne appartenant à un groupe (un bon, un mauvais élément), ou au singulier l'ensemble des individus appartenant à un groupe (l'élément masculin), spécialement en termes militaires (XXe s.) au sens de « formation appartenant à un ensemble ». ◆  Du sens ancien de « substance de l'univers », donc de substance considérée comme indécomposable, vient l'emploi d'élément en chimie où le mot désigne la substance théorique entrant dans la composition d'un corps simple, alors que corps simple s'emploie plutôt pour désigner la substance effective qu'on peut isoler par l'analyse. Le passage au concept moderne s'est fait après la constitution de la chimie moderne, en relation avec le renouvellement de l'idée d'atome (milieu XIXe s.).
❏  Le dérivés sont rares : ÉLÉMENTAL, ALE, AUX ou ALS adj. (1562 ; repris en 1928) signifie « qui participe de la nature des éléments, des forces naturelles » ; comme nom masculin pluriel (1891, les élémentals), le mot désigne, dans la tradition occultiste, les Esprits qui habitent les quatre éléments et peuvent exercer une influence sur l'homme.
■  Le verbe ÉLÉMENTER « simplifier de façon à donner les principes, les éléments » (XVIIIe s.) n'est plus en usage.
Élément est à l'origine de composés.
■  RADIOÉLÉMENT n. m., qui apparaît avant 1914 chez Marie Curie, semble avoir été précédé par l'anglais radioelement (1903), il désigne un élément radioactif naturel ou artificiel (→ radioactif).
■  OLIGOÉLÉMENT ou OLIGO-ÉLÉMENT n. m. (1937, Gabriel Bertrand ; de oligo-) désigne un élément chimique présent en très faible quantité dans l'organisme et généralement indispensable au métabolisme.
■  BIOÉLÉMENT n. m. (1961 ; de bio-) « élément chimique entrant dans la constitution de la matière vivante » est un terme de biochimie.
❏ voir ÉLÉMENTAIRE.
ÉLÉMENTAIRE adj. est un emprunt francisé (1380-1390) au latin impérial elementarius « de l'alphabet », puis en bas latin « relatif aux principes, aux rudiments (de la grammaire) » et « relatif aux éléments de l'univers », dérivé de elementum (→ élément).
❏  En français, élémentaire qualifie d'abord, à la fin du XIVe s., ce qui constitue un des quatre éléments de l'univers. En ce sens le mot est sorti de l'usage général ; il est conservé dans l'usage littéraire pour « qui participe des forces primordiales » (le chaos élémentaire). Il a pris en chimie le sens de « qui se rapporte à un élément » (analyse élémentaire ; 1764 « qui se rapporte à un corps simple »). En physique particules élémentaires est usuel pour désigner les particules constitutives des différents atomes.
Élémentaire a repris au début du XVIIe s. (1611) le sens latin de « qui relève des principes de base, des rudiments ». L'adjectif s'applique spécialement au domaine de l'enseignement : le livre élémentaire, au XVIIIe s., est celui qui contient les bases (1738) ; on trouve ensuite classe élémentaire, classe de mathématiques élémentaires, abrégé familièrement en math élem. (1890) ; au XIXe s. on disait aussi faire ses élémentaires « être dans la classe de mathématiques élémentaires ». Aujourd'hui en France, le cours élémentaire est une division du cursus situé après le cours préparatoire. ◆  Par analogie on conserve l'idée de « fondement » et élémentaire s'applique à ce qui a un caractère essentiel, qui se rattache aux notions premières (loi élémentaire) ; par glissement, c'est l'idée de « simplicité » qui est retenue le plus couramment aujourd'hui et l'adjectif s'emploie (apr. 1850) pour « très simple, facile », d'où la locution familière c'est élémentaire.
❏  ÉLÉMENTAIREMENT adv., attesté en 1587, est demeuré rare ou didactique.
ÉLÉPHANT n. m. apparaît sous la forme elefant au début du XIIe s. (1121) mais la variante olifant domine en ancien français, jusqu'au XVe siècle. C'est un emprunt au latin elephantus « éléphant », puis « ivoire » et aussi « éléphantiasis » (→ éléphantiasis). Le mot latin vient du grec elephas, elephantos, dont il a repris les différents sens ; on a longtemps pensé que le mot grec était emprunté à l'égyptien, comme le latin ebur, eboris « ivoire » (→ ivoire), qui fut employé concurremment avec elephantus, l'ivoire ayant été connu à Rome avant l'éléphant ; mais l'origine du mot, qui remonte au IIe millénaire avant J.-C., est plutôt à rechercher en Asie mineure, alors centre florissant de l'ivoirerie.
❏  En français, olifant a eu aussi les sens de « ivoire » et de « cor d'ivoire » (par référence au cor de Roland). Mais olifant et éléphant, forme qui l'emporte aux XVe -XVIe s., désignent surtout le grand pachyderme, sous ses deux variétés, africaine et asiatique. Sa taille, ses oreilles et la bizarrerie majeure de la trompe en ont fait un animal symbolique, utilisé allégoriquement et dont le nom mobilise un certain nombre de contenus métaphoriques. ◆  En outre, par extension et allusion à la taille, au corps massif, le nom de ce mammifère est donné (1560) à un phoque à trompe (éléphant de mer ou éléphant marin). ◆  Par comparaison et référence à certaines particularités de l'animal, le mot est employé en parlant des humains, dans de nombreuses locutions : être gros comme un éléphant (d'où par métaphore, 1825, c'est un éléphant) ; un éléphant dans un magasin de porcelaine (1849) « un lourdaud qui intervient dans une affaire délicate » ; (avoir) une mémoire d'éléphant (très fidèle), une peau d'éléphant « rugueuse, insensible ». ◆  Spécialement pantalon à l'éléphant (1889) puis pantalon à pattes d'éléphant (1905, Hector France) désigne un pantalon à bas élargi (abrégé en pattes d'éph). Enfin dans l'argot des marins, éléphant signifie « navigateur débutant ». Une image de l'ivresse empruntée à la langue anglaise est celle où la personne qui a trop bu voit des éléphants roses. ◆  Récemment (v. 1990), le mot s'emploie en politique à propos des personnalités dominantes (et pesantes) d'un parti.
❏  ÉLÉPHANTIN, INE adj., emprunté (1256) au dérivé latin classique elephantinus, signifie « qui ressemble à l'éléphant » et par extension (1837) « digne de l'éléphant ». Il a signifié aussi (1864) « fait d'ivoire » (Cf. chryséléphantin « d'or et d'ivoire » ; → chryso-).
Éléphant a aussi des dérivés : ÉLÉPHANTEAU n. m. (XVIe s.) désigne un jeune éléphant ; ÉLÉPHANTE n. f. (1856) n'est employé que lorsque la prise en considération du sexe est essentielle.
■  ÉLÉPHANTESQUE adj. (1890) se dit d'une taille, d'un poids (d'une personne, d'une chose) comparables à ceux d'un éléphant ; il existe une variante rare ÉLÉPHANTIQUE (XVe s., n. ; 1506-1516, adj.).
ÉLÉPHANTIASIS n. f. (parfois n. m.) est un emprunt savant (1538) au latin elephantiasis, mot grec signifiant « lèpre tuberculeuse », du verbe elephantian, de elephas, elephantos (voir ci-dessus).
■  Le mot désigne une affection (en particulier dans les pays tropicaux) caractérisée par un épaississement du derme, comparable alors à une peau d'éléphant, et une augmentation considérable de volume d'un membre ou d'une partie du corps, causée par un œdème.
■  En dérive le terme de médecine ÉLÉPHANTIASIQUE adj. (1808) employé aussi comme substantif.
+ ÉLEVER v. tr. est un dérivé (v. 1120) préfixé en -é, de lever*, plus ou moins mêlé à un emprunt au latin elevare, composé de levare. Elevare signifie « soulever », et au figuré « alléger (la douleur) », « affaiblir » ou même « rabaisser ».
❏  Le verbe signifie d'abord « mettre, porter (qqch.) plus haut » ; à partir de ce sens général se développent plusieurs emplois analogiques : élever un mur et en géométrie élever une perpendiculaire, ou figurés : élever qqn au pouvoir, élever le prix d'une marchandise, élever l'esprit de qqn. ◆  Dans le domaine des sons, on dit élever la voix « parler plus fort » et au figuré « parler avec autorité ».
■  Spécialement, élever s'emploie au sens d'« amener (un être vivant) à son plein développement physique, intellectuel ou moral ». La genèse de cette acception est complexe, même si elle est sentie comme une figure par rapport au sens de « mettre plus haut », c'est-à-dire, « faire grandir ». Le sens apparaîtrait en 1270 selon Wartburg, mais l'exemple allégué est ambigu : avant le XVIIe s., élever qqn est plus souvent senti comme une métaphore de « mettre dans une situation supérieure » que comme relevant de l'idée de « faire croître ». En outre élever un enfant signifie à la fois le « nourrir » et le « soigner » (1530) ; la valeur « éduquer » apparaît plus tard (1607), toujours selon Wartburg. Élever des arbres, des animaux semble antérieur (1499), le premier de ces emplois évoquant nettement l'idée de « faire monter ». En outre, l'apparition assez tardive de dérivés, dans la langue classique (élève) et moderne (élevage), rend plus difficile la compréhension des valeurs du verbe en moyen français. Le sens humain semble s'être répandu plus tôt, donnant par exemple les syntagmes bien et mal élevé, usuels à propos des enfants et pour caractériser un comportement résultant de l'éducation. Après le XVIIe s., le verbe est en concurrence avec éduquer, plus qu'avec nourrir et soigner. Lorsque le complément désigne un animal, élever correspond à « entretenir de manière à obtenir un résultat économique », sémantisme développé par le dérivé élevage (ci-dessous).
La double valeur du verbe, qui donne naissance à partir de la langue classique à deux homonymes, permet de répartir les dérivés en deux séries indépendantes.
❏  Du sens physique d'élever, avec ses métaphores, provient ÉLÈVEMENT n. m. « action d'élever, de lever » (v. 1120), qui s'est employé au figuré pour « extase » (fin XIIe s.).
■  Il a été supplanté par ÉLÉVATION n. f. (1290), emprunt au bas latin elevatio « action d'élever », employé d'abord comme terme de liturgie (élévation de l'hostie) puis au sens (1314) d'« action de lever, état de ce qui élève ». ◆  Sorti d'usage pour « hauteur, altitude », le mot s'est conservé en astronomie et au sens de « terrain élevé », surtout dans : une élévation de terrain (Cf. éminence, hauteur). Élévation s'emploie ensuite (1549) au figuré dans élévation de la voix. ◆  Au XVIIe s., le mot se dit au figuré pour « caractère élevé de l'esprit » (1665) et pour « action d'élever, de s'élever à un rang supérieur » (1666), mais est sorti d'usage au sens de « rang auquel qqn est élevé ».
■  ÉLÉVATEUR, TRICE adj. et n., emprunt au bas latin elevator « ce qui élève, soutient », du supin de elevare, s'est employé (1583-1590, eslevateur) au sens de « celui qui pousse à la révolte ». Le mot a été repris au XIXe s. pour désigner un appareil destiné à élever un corps (1801, élévateur dentaire), puis en anatomie (1811) en parlant de certains muscles. Il s'emploie spécialement (1871) par calque de l'anglais des États-Unis elevator (de même origine) pour désigner un silo à grains qui permet le chargement ou le déchargement rapide des céréales. Dans chariot élévateur, il est adjectif.
■  ÉLÉVATOIRE est un dérivé savant de elevare, introduit comme nom masculin (1501) pour désigner un instrument de chirurgie. En tant qu'adjectif, il qualifie aujourd'hui (1860) ce qui sert à élever.
■  De cette série obtenue à partir du latin, se détachent le dérivé français ÉLEVEUR, EUSE n. d'abord esleverre (v. 1120) « personne qui élève, relève », éliminé par l'homonymie (voir plus loin éleveur, au sens moderne), et ÉLEVURE n. f. « relief » (1297), qui a désigné une petite saillie sur la peau (XIVe s.).
Le composé SURÉLEVER v. tr. s'emploie au sens concret (v. 1120, sureslever, puis 1483 au pronominal) et dans un contexte abstrait (1870) ; son dérivé SURÉLÉVATION n. f. (1846) est aussi usité au figuré (1859) ; on emploie également SURÉLÈVEMENT n. m. (1904) au sens propre. ◆  SURÉLEVÉ, ÉE adj., d'abord attesté au figuré (déb. XVIIe s.), se dit d'un édifice qui a été relevé ou augmenté de hauteur (1845).
Quant à élever au sens d'« amener (un être vivant) à son plein développement », il se subdivise en deux valeurs réalisées par des dérivés relativement récents.
■  Le déverbal 1 ÉLÈVE n. f. (1615) s'applique d'abord à l'action d'« élever », de faire pousser des plantes, puis (1770) d'élever des animaux. Il sera éliminé par un autre dérivé du verbe, élevage.
■  ÉLEVEUR, EUSE n., qui existait au sens courant de « personne qui met plus haut » (Cf. ci-dessus) a été reformé (1611) pour désigner une personne qui élève des animaux ou des plantes. Au XIXe s., le mot est entré en dépendance sémantique d'élevage. Il a perdu tout rapport avec l'éducation et avec le fait d'élever un enfant, rapport que manifeste ÉLEVEUSE n. f. « nourrice » (1883). Ce féminin a pris (déb. XXe s.) la valeur technique de « couveuse ». ◆  Quant à éleveur, comme élever et élevage, il s'applique à la personne qui surveille le vieillissement des vins (négociant éleveur, viticulteur éleveur, XXe s.).
■  ÉLEVAGE n. m. est un dérivé tardif (1836) qui désigne l'action d'élever un animal ; il a rapidement remplacé 1 élève nom féminin et a pris la valeur large d'« ensemble des techniques qui permettent d'élever les animaux domestiques et utiles, notamment le bétail ». Le mot a une grande importance conceptuelle, dans la mesure où il correspond à un stade de l'évolution anthropologique, succédant à la chasse, à la pêche, à la cueillette ; son attestation tardive correspond au vieillissement de paturage, de même que culture s'est substitué à labourage.
Enfin élever avec pour complément un nom humain a produit un dérivé isolé mais très usuel, 2 ÉLÈVE n., qui s'explique par le besoin à l'époque classique (1653) de fournir un équivalent français de l'italien allievo, mot de la Renaissance (fin XVe s.) désignant celui qui est « élevé » par un maître.
■  Élève désigne d'abord une personne instruite dans un art par un maître (Cf. disciple), puis (1690) un enfant qui reçoit l'enseignement d'un établissement scolaire. Dans cet emploi, il est en concurrence partielle avec écolier et avec étudiant. ◆  Par analogie, ou par une nouvelle dérivation d'élever, le mot s'est employé (1801) en parlant d'un animal et d'une plante.
ELFE n. m. apparaît une première fois sous la forme elve en 1561 dans la traduction d'un ouvrage du suédois Olaus le Grand publié en 1555 (une deuxième fois en 1595), puis en 1605 sous la forme actuelle. C'est un emprunt par l'intermédiaire d'une forme latinisée, à l'ancien suédois älf, de l'ancien scandinave alfr, auquel correspond l'anglo-saxon aelf, d'où l'anglais elf. C'est par ce dernier que le mot a été réintroduit en France au début du XVIIe siècle.
❏  Elfe, qui semble inusité entre 1605 et 1822 (alors écrit elf), est le nom donné dans les mythologies scandinaves à un génie qui symbolise les forces de l'air, du feu ; aujourd'hui, le rattachement aux mythes scandinaves n'est plus essentiel et le mot s'emploie dans divers contextes (souvent par influence de l'anglais).
ÉLIDER v. tr. est un emprunt savant (1548) au latin elidere « pousser dehors, expulser », « écraser », puis au figuré « supprimer des lettres dans la composition d'un mot ». C'est un composé de ex- et de laedere « frapper, blesser », « faire injure à », mot sans étymologie connue.
❏  Élider, terme didactique, signifie en prosodie « supprimer dans la prononciation et le compte des syllabes la voyelle finale de (un mot) devant la voyelle initiale du mot suivant » et, en grammaire, « remplacer dans la prononciation et l'écriture la voyelle supprimée par une apostrophe ».
❏  ÉLISION n. f. est emprunté (1548) au latin elisio, terme de grammaire, de elisum, supin de elidere ; c'est le substantif du verbe élider.
❏ voir COLLISION, LÈSE, LÉSER.
ÉLIGIBLE adj. représente un emprunt (1444 ; Cf. eslisible, 1371, Oresme) au bas latin eligibilis « digne d'être choisi », de eligere (→ élire).
❏  Le mot reprend d'abord le sens du latin, puis se dit (1611) d'une personne qui peut être élue et s'applique spécialement, à partir de la Révolution, à un député potentiel (aussi, n. : les éligibles).
❏  En dérive ÉLIGIBILITÉ n. f. (1721, Trévoux) d'abord mot de droit canon ; le latin médiéval eligibilitas (v. 1344) correspond à un autre sens : « caractère de ce que l'on peut désirer ».
■  Le composé INÉLIGIBLE adj. (de in- privatif ; d'après le latin médiéval ineligibilis) est relevé avant 1723 et prend son sens politique moderne pendant la Révolution. ◆  Le dérivé didactique INÉLIGIBILITÉ n. f., attesté isolément en 1519, a été repris en 1791, dans le contexte politique nouvellement créé ; on a dit aussi (1789) non-éligibilité.
ÉLIMER → LIME
ÉLIMINER v. tr., attesté une première fois en 1495, a été repris par les mathématiciens au XVIIIe siècle. C'est un emprunt au latin eliminare « faire sortir, mettre dehors », de ex- et limen, liminis « seuil » (→ liminaire).
❏  Éliminer s'emploie d'abord au sens d'« écarter (qqn) » ; c'est l'idée de « faire disparaître » qu'on retrouve dans les emplois ultérieurs. Repris au XVIIIe s. (1726), le verbe est alors considéré comme un néologisme inutile (Dictionnaire de Trévoux, Encyclopédie) ; il est remis en honneur en algèbre (1777) un peu après élimination au sens de « faire disparaître (une ou plusieurs inconnues) d'un groupe d'équations, de manière à obtenir une équation à une seule inconnue ». ◆  Le verbe passe ensuite dans la langue courante, et signifie « écarter (qqn) du nombre des personnes sélectionnées dans un concours », spécialement (1861) dans une compétition sportive (en particulier au passif et au participe passé). ◆  Éliminer est aussi employé en physiologie (1864), avec un sens proche du latin eliminare, pour « faire disparaître en faisant sortir (les toxines, les déchets de l'organisme) » et, spécialement, « transpirer ». ◆  L'idée initiale de « disparition » appliquée aux choses et aux personnes s'accompagne ensuite par extension de celle de « suppression de l'existence » et le verbe équivaut ainsi à « tuer » (éliminer un adversaire).
❏  ÉLIMINATION n. f., d'abord attesté (1765) comme terme d'algèbre, se répand au XIXe s. en parlant de l'action d'écarter (qqn, qqch.) (1842, Sainte-Beuve) et, spécialement, d'éliminer (dans un concours, une compétition), plus récemment de supprimer l'existence (aussi employé par euphémisme). En physiologie, le mot est attesté en 1844.
■  ÉLIMINATOIRE adj. et n. f., d'abord terme de physiologie (1836, adj.) s'emploie aujourd'hui (dep. 1875, Journal Officiel) pour ce qui sert à écarter un candidat dans le domaine de l'enseignement (note éliminatoire), puis dans le domaine du sport (1886). D'où une éliminatoire, nom féminin, par ellipse d'épreuve éliminatoire et les éliminatoires (1905) « épreuves qui visent à sélectionner les meilleurs candidats ».
■  ÉLIMINATEUR, TRICE adj. et n., tiré du radical d'élimination, (1856, Lachâtre) « qui élimine, sert à éliminer » est employé en particulier en physiologie. ÉLIMINABLE adj., dérivé du verbe (1964), se dit de ce qui peut être éliminé.
G ÉLINGUE n. f., réfection (1322, eslingue) de eslinge (fin du XIIe s.), est en général considéré comme issu du francique °slinga « fronde », restitué par l'ancien haut allemand slinga, le moyen haut allemand slinge, encore au XVIIe s. (Cf. allemand Schlinge et anglais sling).
❏  Le mot, d'abord employé avec le sens de « fronde », aurait évolué, par analogie de forme, vers le sens maritime (1322) de « cordage dont on entoure les fardeaux pour les soulever ». Cette évolution paraît douteuse à P. Guiraud, qui préfère évoquer un gallo-roman hypothétique °exlinica, de ex-, linum (→ ligne) et suffixe.
❏  ÉLINGUER v. tr., autrefois « lancer avec une fronde » (v.1310), signifie en marine (1771) « entourer (un fardeau) d'une élingue pour le soulever ».
❏ voir RALINGUE.
L ÉLIRE v. tr. est issu (1080, eslire) du latin populaire °exlegere, réfection d'après legere du latin classique eligere « choisir », formé de ex- et legere « cueillir, choisir, rassembler » d'où « lire » (→ lire).
❏  Le mot est d'abord employé avec le sens étymologique de « choisir », ceci jusqu'au XVIIe s., où il est jugé vieilli dans l'usage général par le Père Bouhours. Il réapparaît au XXe s. dans la langue littéraire. Ce sens étymologique s'est pourtant conservé dans le vocabulaire religieux (v. 1200, au participe passé elis), le sujet désignant Dieu, parallèlement à l'emploi spécial d'élection : vase d'élection, etc., et en droit (par exemple élire domicile).
■  Dès le XIIe s. apparaît le sens de « nommer (qqn) à une fonction, à une dignité, par voie de suffrage » (v. 1207, eslire), cependant peu employé avant le XVIe siècle. Ce sens s'applique d'abord aux contextes politiques de l'Ancien Régime et aux réalités historiques de l'élection des souverains par quelques princes (→ électeur, électif, élection) avant de s'appliquer, comme élection, électeur et ses dérivés, aux réalités nouvelles du suffrage populaire, après 1789-1790.
❏  ÉLU, UE adj. et n. apparaît sous la forme esleü (1176, Chrétien de Troyes) qui s'est substituée à l'ancienne forme du participe passé eslit (→ élite) et s'est imposée surtout à partir du XVIe siècle. Au sens étymologique de « choisi », le mot est réservé aujourd'hui à un emploi littéraire ou ironique, par exemple comme nom : l'heureux élu, l'élu de son cœur, en parlant d'une personne choisie par le sentiment. Il demeure vivant comme le verbe élire et comme élection dans le vocabulaire religieux : le peuple élu désigne le peuple juif ; on relève aussi les élus de Dieu et par analogie la race élue.
■  Élu se dit couramment d'une personne qui a reçu un mandat, un titre, par voie de suffrage (1690, adj. ; XIXe s. un, une élu(e), n.). Élu est alors mis en rapport avec électeur.
À partir du verbe a été dérivé ÉLISANT, ANTE adj. et n. (1373 ; du participe présent d'élire), aujourd'hui sorti d'usage ; comme adjectif, il équivalait à électeur ; comme nom, en termes de religion, le mot désignait un membre du clergé qui avait le droit de vote pour l'élection des évêques ; une élisante désignait une religieuse du Calvaire qui a le droit de vote au chapitre général.
■  Le composé RÉÉLIRE v. tr. (v. 1175, reslire « choisir ») est attesté au sens moderne d'« élire de nouveau » une première fois en 1570, puis est repris en 1789, en même temps que les autres mots de la famille (Cf. réélection à élection).
❏ voir ÉLECTEUR, ÉLECTIF, ÉLECTION, ÉLIGIBLE, ÉLITE.
ÉLITE n. f. est attesté une première fois (1176, Chrétien de Troyes) dans l'expression a vostre eslite « à votre choix », puis à la fin du XIVe s. comme substantif. Le mot résulte de la substantivation du féminin de eslit (du XIIe au XVIe s.), ancien participe passé d'élire (→ élire).
❏  Élite se dit (fin XIVe s. ; C. de Pisan) de ce qu'il y a de meilleur ; il ne s'emploie plus en français moderne en parlant de choses, mais seulement à propos de personnes considérées comme les meilleures dans un groupe, une communauté ; le mot, déjà en français classique (XVIIe s.) est qualifié, (élite d'une nation, l'élite ouvrière, intellectuelle), ou non (l'élite). À l'époque classique, élite n'avait pas la valeur abstraite évaluative qu'il a en français actuel. D'élite, locution adjective, d'abord dans troupe d'élite (1641 au figuré), emplois étendus au XIXe siècle (attesté 1844), signifie « distingué, éminent, supérieur » (tireur d'élite ; sujet d'élite). Les élites (1928) désigne les personnes qui occupent le premier rang, dans tous les domaines. ◆  Régionalement (Suisse), élite dans le vocabulaire militaire désigne la troupe constituée des hommes âgés de vingt à trente-deux ans.
❏  À partir d'élite ont été formés ÉLITAIRE adj. (milieu XXe s.) « qui appartient à une élite » et ÉLITISME n. m. (v. 1967), d'abord d'emploi didactique ou littéraire, d'où ÉLITISTE adj. et n. (v. 1968), les deux mots étant devenus usuels pour évoquer la tendance à maintenir et développer les hiérarchies socio-intellectuelles.
ÉLIXIR n. m. est un mot emprunté (1269-1278) aussi sous la forme eslissir (XIIIe s.) à l'arabe ᾿ăl-᾿ĭksīr qui signifiait « pierre philosophale » (déb. Xe s.) chez les alchimistes arabes et « médicament », par l'intermédiaire du latin médiéval elixir (1144), exir (fin XIIe s.), elexis ou elexir (v. 1254). Le mot arabe (où al est l'article) est lui-même emprunté au grec tardif xêrion « médicament de poudre sèche », neutre substantivé de xêros « sec », dont l'origine n'est pas connue.
❏  Élixir, d'abord attesté en français comme terme d'alchimie, au sens de « pierre philosophale », a désigné la substance la plus pure extraite de certains corps. Le sens moderne de « préparation pharmaceutique composé d'un sirop ou de glycérine dissous dans de l'alcool » est attesté en 1676 (écrit elixyr), puis 1685. ◆  Par extension, le mot se dit d'une liqueur digestive (notamment à base de plantes macérées dans de l'alcool) [1690], et d'une drogue censée posséder des vertus magiques (élixir de longue vie, élixir d'amour). Cette acception semble s'être diffusée à l'époque romantique.
L ELLE pron. pers. f., sous la forme ele au IXe s. (v. 881), représente l'aboutissement du démonstratif latin illa « celle-là », féminin de ille, qui pourrait se rattacher à une base indoeuropéenne °Voyelle + l, indiquant l'objet éloigné (Cf. alius « autre », olim « autrefois », ultra « au-delà »).
❏  Elle, employé comme sujet, a suivi le développement du masculin il* ; comme complément, au singulier, il s'est substitué (apr. 1250) à l'ancien pronom lei, li (issu du latin populaire °illaei). Le pronom, employé absolument avec une majuscule, désigne la femme aimée, l'éternel féminin (Cf. Elle et Lui, roman de G. Sand).
■  Pour elle-même (au pl., elles-mêmes), forme renforcée : → même.
ELLÉBORE n. m. est un emprunt savant (v. 1215-1245, elebore) au latin elleborus ou helleborus, lui-même du grec helleboros, mot d'origine obscure, peut-être tiré de hellos « cerf » et bora « nourriture », mais la valeur de « nourriture de cerf » n'est pas corroborée.
❏  Ellébore (hellébore dans le vocabulaire de la botanique) désigne une plante médicinale ayant des propriétés purgatives et vermifuges et que l'on croyait, déjà chez les Grecs, propre à guérir la folie. Cette réputation explique la locution figurée avoir besoin (de quelques grains) d'ellébore « être fou », en usage à l'époque classique (La Fontaine, Molière, etc.).
1 ELLIPSE n. f. est un emprunt (1573) au latin impérial ellipsis, lui-même emprunté au grec elleipsis, proprement « manque », « omission d'un mot », dérivé de elleipein. Ce verbe est composé de en « dans » et de leipein « laisser, négliger » (→ éclipse) à rattacher à une racine indoeuropéenne °leikw - « laisser ».
❏  Déjà terme de grammaire en grec, ellipse désigne la figure de rhétorique consistant en l'omission d'un ou de plusieurs mots dans un énoncé dont le sens reste clair. Par extension, le mot s'applique à l'art de sous-entendre, dans un discours, un raisonnement. Par analogie, ellipse s'emploie à propos d'autres formes d'expression à contenu narratif (par exemple le cinéma).
❏  1 ELLIPTIQUE adj., emprunté (1655) au grec tardif elleiptikos, dérivé de elleipsis, recouvre les mêmes emplois que le substantif.
■  En dérivent ELLIPTIQUEMENT adv. (1737) et le terme didactique 1 ELLIPTICITÉ n. f. (1864).
2 ELLIPSE n. f. est un emprunt (1625) au latin scientifique ellipsis (Cf. anglais ellipsis, 1570), créé par Kepler à partir du grec elleipsis (Apollonius de Perga, Coniques) au sens métaphorique de « manque » (→ 1 ellipse), l'ellipse étant un cercle imparfait.
❏  Le mot désigne en géométrie, puis dans l'usage courant, une courbe plane fermée déterminée par l'intersection d'un cône droit et d'un plan qui n'est pas perpendiculaire à son axe (s'il est perpendiculaire, c'est un cercle). Les orbites planétaires étant elliptiques, le mot est essentiel en astronomie du système solaire.
❏  À partir d'ellipse ont été formés des termes didactiques : ELLIPSOÏDE n. m. (1705) et adj. (1845), d'où ELLIPSOÏDAL, ALE, AUX adj. (1845) et ELLIPSOÏDIQUE adj. (1964).
■  ELLIPSOGRAPHE n. m. (1817 ; de -graphe) désigne un instrument permettant d'effectuer le tracé continu d'une ellipse dont on connaît les axes (aussi compas elliptique).
2 ELLIPTIQUE adj., emprunté au latin scientifique ellipticus, transcription du grec tardif elleiptikos « qui omet », de elleipsis, qualifie en géométrie ce qui a la forme d'une ellipse.
■  En dérive (1755) le terme de géométrie 2 ELLIPTICITÉ n. f.
ÉLOCUTION n. f. est un emprunt (1399-1402, elocucion) au latin elocutio « action, manière de parler », de elocutum, supin de eloqui (→ éloquent), composé de ex- et loqui « parler », dont l'origine n'est pas connue.
❏  Élocution désigne la manière de choisir ou d'arranger les mots pour exprimer sa pensée, spécialement la partie de la rhétorique qui traite du choix et de l'arrangement des mots puis, à partir du XIXe s., la manière d'articuler les sons en parlant (av. 1850).
❏  ÉLOCUTOIRE adj., dérivé savant d'élocution (1893), est demeuré rare.
❏ voir COLLOQUE, ÉLOQUENT, INTERLOQUER, LOCUTEUR, LOCUTION, LOQUACE, VENTRILOQUE (à VENTRE).
ÉLOGE n. m. est un emprunt savant assez tardif (fin XVIe -déb. XVIIe s., elogue ; 1605, eloge) au latin classique elogium « épitaphe », « courte formule », « clause d'un testament », lui-même emprunté au grec elegeion « distique élégiaque » (→ élégie), avec attraction de logos et de eloqui ; elogium, par rapprochement avec le grec eulogia « belles paroles, beau langage », d'où « éloge », a gardé ce dernier sens en bas latin, parfois sous la forme eulogium, d'où en français classique euloge (1611).
❏  Éloge désigne d'abord un discours qui célèbre qqn ou qqch. (éloge funèbre, éloge académique). ◆  Il s'emploie ensuite dans un sens plus général (1656, rapporter avec éloge, Pascal) pour « jugement favorable exprimé au sujet de qqn (plus rarement de qqch.) », d'où les locutions faire l'éloge de qqn, ne pas tarir d'éloges « être très élogieux » (la métaphore assimile les paroles agréables à un flot).
■  En grec ecclésiastique, eulogia avait pris le sens de « bénédiction », à l'origine du latin chrétien eulogia « bénédiction » et « (chose, pain) bénit(e) » ; le français, par emprunt, a utilisé EULOGIE n. f. (1584) pour désigner dans la liturgie catholique le pain offert par les fidèles au début de la messe.
❏  Les dérivés français d'éloge sont, en littérature, l'éloge ayant été un genre en honneur au XVIIIe s., ÉLOGISTE n. m. (1740) et dans l'usage courant, ÉLOGIEUX, EUSE adj. (1836) qui se dit des paroles, des personnes, d'où l'adverbe ÉLOGIEUSEMENT (1876).
ÉLOIGNER v. tr. est un dérivé ancien (v. 1050, soi esluiner) par préfixation en e-, de loin (→ loin).
❏  Il s'emploie d'abord avec le sens de « mettre loin ou plus loin », « faire aller à une certaine distance », puis (fin XIIe s.) au figuré, avec celui d'« écarter, détourner (qqn) ». Par analogie, éloigner est ensuite utilisé avec une valeur temporelle (1267) pour « reculer dans le temps, différer » et « séparer par un intervalle de temps ». ◆  De la valeur spatiale du verbe vient par analogie le sens de « tenir (qqn) à l'écart (d'un projet, de la vie publique, etc.) » et le sens étendu de « faire paraître lointain » (av. 1870).
❏  S'ÉLOIGNER v. pron., recouvre les mêmes emplois que le verbe transitif, ainsi que ÉLOIGNÉ, ÉE p. p. adj. (déb. XIIIe s.) qui se dit spécialement de ce qui se situe loin de l'origine d'une filiation (des parents éloignés), d'un enchaînement logique (causes, conséquences éloignées) et, par extension, de ce qui n'est rattaché que par des liens indirects, imprécis (ressemblance éloignée). L'idée de distance conduit enfin à celle de divergence (1580, être éloigné de [faire qqch.]).
Le dérivé ÉLOIGNEMENT n. m. (sous la forme esluinement, 1155) recouvre les mêmes emplois que le verbe. Le mot s'est d'abord dit en parlant d'une distance spatiale, d'où les locutions dans l'éloignement « dans le lointain », avec (un certain) éloignement « avec recul », et par analogie d'une distance temporelle (1650). ◆  L'emploi figuré « fait de se tenir à l'écart » est attesté beaucoup plus tardivement (1585) que l'emploi correspondant du verbe ; le mot désigne alors l'antipathie que l'on éprouve à l'égard de qqn ou de qqch. (1681) ; il est littéraire.
❏ voir LOIN.