ENNEMI, IE n. et adj. est l'adaptation (1080, enemi) de l'ancienne forme inimi (v. 880), du latin classique inimicus, d'abord « ennemi privé ». C'est le contraire de amicus (→ ami), distinct de hostis « ennemi public » auquel se rattache hostile*. Inimicus signifie ensuite généralement « ennemi » et, en latin chrétien, désigne le démon. L'adjectif est formé de in- négatif et de amicus, de amare (→ aimer) ; il a été repris dans les langues romanes : italien nemico, espagnol enemigo, catalan enemic, etc.
❏  Dans ses premiers emplois, ennemi désigne comme en latin classique une personne qui cherche à nuire à qqn, un « ennemi privé », d'où ennemi de « hostile à » (v. 1400 ; fin XIIe s., ennemi a). Le mot prend ensuite au pluriel le sens (1080) de « ceux contre lesquels on est en guerre », plus tard collectivement l'ennemi « les ennemis » (1549). Dans ce sens, il s'emploie comme adjectif (1564, pays ennemi). ◆  Au moyen âge, l'Ennemi désignait comme inimicus en latin chrétien le diable (v. 980), ensuite nommé l'ennemi du genre humain (1607). Ce sens a produit un emploi adjectif (après 1450) pour « diabolique ». Le nom désigne parfois la mort, le temps, qui détruisent l'homme ; c'est la valeur du mot dans une locution familière comme c'est toujours ça (ou autant) de pris sur l'ennemi. ◆  Les premières acceptions se maintiennent mais parallèlement la valeur du mot s'affaiblit dans d'autres emplois ; c'est l'idée de contrariété qui est alors retenue : ainsi ennemi se dit de ce qui nuit (1538, ennemi à) et (1538) d'une chose jugée contraire au bien de qqn, puis de ce qui est incompatible avec qqch. (1690 ; 1752, couleurs ennemies). ◆  Par métaphore, le féminin s'emploie à l'époque classique dans une belle ennemie, à propos d'une femme qu'on aime mais qui ne répond pas à cet amour. ◆  Ensuite, avec une valeur forte, on relève ennemi de l'État « séditieux » (1694) et, au XXe s., ennemi public (attesté en 1901, Zola) « personne hostile à la société et qui, de ce fait, représente un danger pour la communauté », ennemi public numéro 1, locution traduite de l'américain, équivaut à « le plus dangereux des malfaiteurs ».
L ENNUYER v. impers. et tr. est issu (1080) du bas latin inodiare « être odieux », formé à partir de la locution du latin classique in odio esse « être un objet de haine », où odio est l'ablatif de odium « haine » (→ odieux).
❏  Le verbe, d'abord attesté au participe passé ennuyez au sens de « recru de fatigue », a eu comme en latin, le sens fort de « causer des tourments, être insupportable » (v. 1135 en emploi impersonnel), sens dominant jusqu'à l'époque classique, avec s'ennuyer « se faire des soucis » (apr. 1530). ◆  La valeur moderne affaiblie, « être importun », apparaît dès le XIIe s. (v. 1135) mais ne l'emporte qu'après le XVIIe s., d'où il m'ennuie de (XVe s.) et, s'ennuyer de qqch. « trouver qqch. importun » (1538), disparu à l'époque classique. S'ennuyer signifie (v. 1175) « éprouver du dégoût pour (qqch., qqn) » et, dans un sens affaibli, « se lasser ».
❏  Le déverbal ENNUI n. m. a eu une évolution sémantique parallèle à celle du verbe ; il s'est dit (v. 1120) jusqu'à l'époque classique pour « tristesse profonde, dégoût », d'où ennui de vivre (v. 1330, ennui de vie), et (v. 1130-1140) « tourment, grande contrariété ». C'est encore le sens dominant dans les tragédies de Racine. ◆  Par affaiblissement, ennui désigne aussi depuis l'ancien français une impression de lassitude provoquée par une occupation sans intérêt, par l'inaction (XIIIe s.) et à partir du XVIIe s. le manque de goût aux choses, une mélancolie vague (1658).
ENNUYEUX, EUSE adj., réfection (fin XIIe s.) d'après ennuyer (et suffixe -eux) d'anciennes formes (v. 1121, annuus ; v. 1155, ennuose), est issu du bas latin inodiosus « très désagréable », formé de in- intensif et du dérivé classique odiosus « désagréable » (→ odieux).
■  L'adjectif se dit (v. 1121) de ce qui est contrariant, importun, puis (v. 1155) de ce qui procure de l'ennui, lasse l'intérêt.
■  Il a fourni ENNUYEUSEMENT adv., réfection (1273) de anuieusement (v. 1200).
ENNUYANT, ANTE adj. s'emploie en français du Canada pour « qui dégage de l'ennui » et correspond d'assez près à assommant en français de France. Quant à ennuyeux, il peut s'employer au Québec pour « qui s'ennuie ».
ÉNONCER v. tr. est un emprunt du moyen français (1377, enoncier, Oresme), repris deux siècles et demi plus tard (1611), au latin enuntiare « faire connaître au dehors », d'où « exprimer » dans le vocabulaire de la rhétorique. Ce verbe est formé de ex- intensif et de nuntiare « faire savoir », dérivé de nuntius « messager, envoyé », terme de la langue officielle et religieuse (→ nonce).
❏  Énoncer conserve le sens étymologique et correspond à « exprimer en termes nets (ce qu'on a à dire, ce qu'on pense) », d'où énoncer un problème (1890). S'énoncer « s'exprimer » (1659) est tombé en désuétude (on le trouve encore chez Colette en 1900, Claudine à l'école), mais l'emploi pronominal à sens passif pour « être énoncé » (1674) reste courant.
❏  ÉNONCÉ n. m. (1675) « action d'énoncer » et aussi « ensemble de formules exprimant qqch. », spécialisé dans l'énoncé d'un problème (1870), a pris (mil. XXe s.) un sens technique en linguistique, où il désigne un segment de discours produit par un locuteur, et s'oppose à énonciation.
■  Le dérivé ÉNONÇABLE adj. (1701 Leibniz) est didactique.
ÉNONCIATION n. f. est un emprunt (fin XIIIe s.) au latin classique enuntiatio (du supin de enuntiare) « proposition, énoncé » dont il garde le sens ; en linguistique, il se dit (1906) de l'acte de production individuelle d'un énoncé.
■  ÉNONCIATIF, IVE adj., emprunt au dérivé latin impérial enuntiativus « qui énonce » (1386 ; repris en 1542) est un terme didactique ; il signifie « qui sert à énoncer » et s'emploie en grammaire (1754).
■  ÉNONCIATEUR, TRICE n. (1840) et adj. (1843) est emprunté au dérivé bas latin enuntiator « celui qui énonce » avec le même sens.
■  Le dérivé du verbe ÉNONCEUR, EUSE n. (XXe s.) est rare.
❏ voir ANNONCER.
ÉNORME adj. est un emprunt (1340) au latin impérial enormis « irrégulier » et « qui sort des proportions, démesuré », de ex- et norma « règle » (→ norme).
❏  Énorme conserve d'abord le sens du latin « en dehors de la norme ». Perdant cette valeur étymologique, il s'emploie ensuite (1547) au sens courant de « dont les dimensions sont considérables ». Énorme qualifiant une personne, un phénomène humain, équivaut à « remarquable par des caractères extrêmes ». Dans cet emploi, Flaubert utilise la graphie fantaisiste hénaurme (1856), reprise ensuite par quelques auteurs.
❏  Le dérivé ÉNORMÉMENT adv. (v. 1370), « d'une manière énorme », sert de superlatif à beaucoup. Il est usuel.
ÉNORMITÉ n. f. est un emprunt au dérivé latin impérial enormitas « irrégularité », « grandeur ou grosseur démesurée », qui a pris en latin médiéval le sens de « perversité, outrage » par l'idée de dépassement des règles (v. 950).
■  Le mot, en emploi isolé (v. 1223, ennormite) a désigné un crime énorme. ◆  Repris au XIVe s., énormité signifie (v. 1330) « caractère de ce qui est énorme » ; l'expression un peu postérieure (2e moitié XIVe s.) énormité de grandeur, est sortie d'usage. ◆  La première valeur se retrouve dans l'emploi du mot au sens d'« action, propos jugé énorme » (av. 1850 ; commettre une énormité). Il s'est spécialisé au sens de « parole incongrue ou absurde ».
+ ENQUÉRIR v. tr. est une réfection (1335, tr.), d'après quérir, de l'ancien français enquerre « demander » (v. 1050), issu d'un latin populaire °inquaerere, du latin classique inquirere « rechercher, interroger » d'où « faire une enquête ». Ce verbe est formé de in- et quaerere « chercher », « demander » ; le mot a des correspondants romans : italien inchiedere, ancien provençal et catalan enquerre (→ quérir). ◆  ENQUERRE a subsisté jusqu'au XIXe s. comme verbe et nom masculin ; reste aujourd'hui, en héraldique, l'expression armes à enquerre (1690), proprement « à vérifier », qui se dit quand des armes présentent une anomalie qui demande explication.
❏  Enquérir est sorti d'usage comme verbe transitif au sens d'« interroger (qqn) sur qqch. », vivant jusqu'à l'époque classique ; on dit encore, dans la langue juridique, un témoin enquis. S'enquérir de, à la forme pronominale, (1474) signifie couramment « chercher à savoir, en interrogeant ».
❏  ENQUÊTE n. f. est issu (v. 1170, enqueste) du latin populaire °inquaesita, participe passé substantivé au féminin de °inquaerere ; le latin médiéval connaît le terme juridique inquesta (1275), l'italien inchiesta et l'ancien provençal enquesta.
■  Enquête a d'abord le sens général de « recherche pour savoir (qqch.) » et s'est employé pour « question » (1226) ; il désigne spécialement en droit, dès le XIIIe s. (1237), une investigation par ordre de justice, d'où enquête de sang « enquête criminelle » (1320), syntagme disparu, et plus largement une recherche méthodique, qui repose sur des questions, des témoignages. Par métonymie il équivalait à l'époque classique à « témoignages » (1549, au pluriel). Dans la seconde moitié du XIXe s., il se dit (1870) en particulier de l'étude d'une question (sociale, économique, etc.) par le rassemblement des témoignages des intéressés.
Le dérivé ENQUÊTER s'est employé (1200, enquester) à la forme transitive jusqu'au XVIe s. avec le sens de « questionner, interroger ». L'emploi pronominal s'enquêter (de) « s'informer » (1538) a également disparu : le français moderne utilise s'enquérir (ci-dessus). Au sens de « faire une enquête », le verbe est relevé au XIVe s. (1371, intr., inquester).
■  ENQUÊTEUR, EUSE n. et adj. (v. 1282, enquesteor), d'abord terme juridique (n. m.) a désigné un commissaire qui surveille l'administration. L'adjectif s'est appliqué à l'époque classique à qqn qui s'informe de tout (1552). ◆  Le nom a pris son sens moderne d'après enquête et enquêter depuis la fin du XIXe siècle. ◆  Dans les professions de la publicité, on tend à utiliser un autre féminin ENQUÊTRICE.
Le composé CONTRE-ENQUÊTE n. f., de contre*, est attesté en 1649.
ENQUIQUINER v. tr. est probablement une formation expressive (1830) à partir de quiqui, kiki, terme familier pour « cou, gorge » (kique, 1876), avec préfixation par en-.
❏  Enquiquiner signifie aujourd'hui « importuner, agacer » ; il est attesté au XIXe s. au sens d'« insulter » (1858). La métaphore initiale pourrait être « gaver, remplir la gorge », c'est-à-dire « soûler ». Le verbe et ses dérivés, à cause de la démotivation, sont sentis comme des euphémismes pour emmerder et ses dérivés.
❏  En dérivent ENQUIQUINANT, ANTE adj. (1844, enkikinant, Flaubert), ENQUIQUINEMENT n. m. (1883) et ENQUIQUINEUR, EUSE n. (1940), assez courants dans l'usage familier.
ENRAGER → RAGE
1 ENRAYER → RAI
ENREGISTRER → REGISTRE
ENROBER v. tr. est formé (v. 1220) de robe* « vêtement », par préfixation avec en-.
❏  Dans son premier emploi le verbe signifiait « vêtir d'une robe, d'un long vêtement » ; il a disparu dans ce sens. ◆  Par analogie de fonction, il a été repris au XIXe s. (1858) pour « entourer (un produit) d'une couche protectrice », dans divers domaines, comme la cuisine, pour « recouvrir de pâte à frire », la fabrication des cigares, pour « recouvrir de la feuille de tabac appelée robe » (1890) ; Cf. rober à robe. ◆  Le verbe signifie au figuré (fin XIXe s.) « envelopper (ses propos) de manière à masquer ou à adoucir ».
❏  ENROBAGE n. m. (1867) s'emploie surtout en pharmacie et en cuisine (1874), ainsi que dans la fabrication des cigares (1907).
■  ENROBEMENT n. m. (1888) a les valeurs plus générales d'« action d'enrober », au concret et à l'abstrait.
■  Les participes sont adjectivés : ENROBÉ, ÉE adj. a pris la valeur figurée d'euphémisme pour « bien enveloppé de graisse » (des personnes) ; ENROBANT, ANTE adj. correspond à enrobage, et est substantivé pour « substance servant à enrober un produit » (attesté 1973).
■  ENROBEUSE n. f. (XXe s.) désigne la machine utilisée en confiserie pour recouvrir une substance de chocolat, de caramel. Cf. robeuse, dans une autre technique.
❏ voir DÉROBER.
ENRÔLER → RÔLE
ENROUER v. tr. est formé (av. 1150) par préfixation de l'ancien français ro ou roi « rauque, enroué », issu du latin raucus (d'où rauque* par emprunt ; Cf. ancien provençal enraucar).
❏  Enrouer signifie « rendre (la voix) moins nette qu'à l'ordinaire » (av. 1150), il est devenu usuel au pronominal s'enrouer (1538) et au participe passé, qui peut être adjectivé et plus rarement substantivé.
❏  En dérivent ENROUEMENT n. m. (XVe s.) et le préfixé DÉSENROUER v. tr., attesté en 1580.
L ENSEIGNE n. f. et n. m. est issu (1080), d'abord sous la forme archaïque ensenna (v. 980) du latin classique insignia « décoration », « parure », pluriel du mot neutre insigne, pris comme nom féminin à basse époque. Ce mot dérive de l'adjectif insignis « distingué par une marque particulière », « remarquable, singulier », de la famille de signum « marque distinctive », « signal » et « enseigne distinguant les divisions d'une armée » (→ signe). Insignia et insignis ont été ensuite empruntés sous la forme insigne*, et signum, qui a abouti à seing*, a été repris sous la forme signe*. Avec des sens proches de ceux du français enseigne, l'étymon latin a fourni l'italien insegna, l'ancien provençal ensenha et l'ancien espagnol enseña.
❏  Enseigne a d'abord le sens en usage jusqu'au XIXe s. de « marque, indice servant à faire reconnaître qqch. », en particulier « signalement (de qqn) » (1549). ◆  Il s'est employé pour « preuve » (XIIe s.) jusqu'au XVIIIe s. ; d'où la locution conjonctive à telle(s) enseigne(s) que « la preuve en est que » (XVe s.), la locution adverbiale archaïque à bonne enseigne, à bonnes enseignes (1382) « à bon titre, avec des garanties », courantes jusqu'au XVIIe s., à toutes enseignes que (XIIIe s.) aux enseignes que (XVe s.) pour « à preuve que », et à fausses enseignes (1538) « par tromperie ».
■  Enseigne désigne dès le XIe s. (1080) un symbole de commandement servant de signe de ralliement. De là, en ancien et moyen français, l'usage du mot comme cri de ralliement (XIIe s.) et ensuite le sens de « drapeau » (fin XVe s.) devenu littéraire. ◆  Le mot se dit par extension (2e moitié du XVe s.) d'un tableau portant une inscription, un emblème, etc., apposé sur un établissement commercial pour le signaler au public ; ce sens aujourd'hui courant se retrouve dans la locution proverbiale à bon vin il ne faut point d'enseigne « un bon produit n'a pas besoin de publicité » (1548), dans être logé à la même enseigne que qqn (1787) « subir les mêmes inconvénients (que qqn d'autre) » et dans les locutions archaïques loger, coucher à l'enseigne de la lune, de l'étoile (XVIe s.), de la belle étoile (1690) « coucher dehors » (Cf. étoile). ◆  C'est cette valeur du mot qui, avec la mutation du commerce dans les dernières décennies du XXe s., a donné à enseigne le sens de « raison sociale et marque d'une entreprise de la grande distribution ».
■  À partir du XVIe s., enseigne n. m. désigne (1573) un officier porte-drapeau (jusqu'au XIXe s.) ; puis enseigne (de vaisseau) se dit (1691) d'un officier de la marine de guerre, emploi toujours vivant.
Le composé PORTE-ENSEIGNE n. m. (écrit porteenseigne en 1531) est l'équivalent ancien de porte-drapeau (→ drap).
❏ voir ENSEIGNER, INSIGNE.
L ENSEIGNER v. tr. est issu (1050) du latin populaire °insignare, altération du latin insignire « indiquer, désigner », dérivé de l'adjectif insignis, de signum (→ enseigne, signe).
❏  Enseigner a d'abord, comme le latin insignire, correspondu à « faire connaître par un signe » (1050), valeur qui ne survit que régionalement, remplacée par renseigner. ◆  Par extension, le verbe s'est employé (1165-1170) pour « instruire (qqn) », encore au XIXe s. ; il prend ensuite les valeurs d'« apprendre à qqn » (v. 1200) d'où, au XVIIe s., enseigner que (1690) et de « transmettre des connaissances à (un élève) » (XVIIe s.). En emploi absolu enseigner signifie (fin XVIIIe s.) « être enseignant ».
❏  Le dérivé usuel ENSEIGNEMENT n. m. a d'abord signifié « précepte, leçon » (1170) et s'est dit ensuite (1413) pour « leçon d'un maître ». Lié à enseigner « indiquer », enseignement a eu d'autres acceptions, par exemple : « avis, conseil » (XIIe s.) jusqu'au XVIe s., « pièce authentique » (1336), « ordre reçu » (1413), « renseignement » (XVIe s.).
■  Le mot désigne à partir du XVIIIe s. (1771, enseignement public) l'action, l'art de transmettre des connaissances, et cette transmission elle-même. Les syntagmes enseignement primaire, enseignement secondaire, enseignement technique (1833), etc. relèvent de cet emploi. ◆  Employé seul (1864, l'enseignement), le mot désigne l'ensemble des enseignants, leur carrière.
■  ENSEIGNANT, ANTE adj. et n., « qui enseigne » (1762), vient du participe présent du verbe et s'emploie spécialement dans l'Église enseignante (1771) « le pape et les évêques », puis dans le corps enseignant (1806) « ensemble des professeurs et des instituteurs ». ◆  D'où la substantivation : un, une enseignant(e) (v. 1865) qui s'est substituée à ENSEIGNEUR, EUSE n. (XIIIe s.), devenu rare. Correspondant au premier sens du verbe, enseigneur équivalait aussi à index « le doigt qui désigne » (1580).
■  À enseignant s'oppose aujourd'hui ENSEIGNÉ, ÉE n. (1967) qui a une valeur plus générale que élève, écolier ou étudiant (Cf. apprenant). Enseigné, adjectif, est attesté dès le XIIe s. pour qualifier un enfant que l'on a éduqué (1555, malenseigné, n. m. « malappris »), mais la reprise du mot au XXe s. est indépendante de cet usage ancien.
■  Un autre dérivé, ENSEIGNABLE adj. a signifié (v. 1265) « docile à l'enseignement ». L'adjectif est rare pour qualifier une chose susceptible d'être enseignée (1838).
L 1 ENSEMBLE adv. est issu (1050) du latin impérial insimul « à la fois, en même temps », renforcement du latin classique simul, ou du latin populaire °insemul (Cf. l'italien insieme, l'ancien espagnol ensiemo), réfection d'après semul, forme archaïque de simul. Cet adverbe représente l'ancienne forme neutre de similis (→ sembler, simuler).
❏  Ensemble s'emploie pour « l'un avec l'autre et en même temps » (Cf. simultanément). ◆  Au sens de « à la fois », l'adverbe devient archaïque à la fin du XVIIIe s. et est remplacé par tout ensemble (1552), qui a lui-même vieilli. ◆  En français de Belgique et du Luxembourg, de Suisse, et dans plusieurs pays d'Afrique, on emploie ensemble avec (qqn) pour « avec (qqn), en agissant ensemble ».
❏  2 ENSEMBLE n. m., substantivation de l'adverbe, est d'abord attesté dans un tout-ensemble (1664) désignant, dans le domaine des arts, l'unité d'une œuvre, tenant à la bonne proportion des éléments. Ce sens s'exprime ensuite par un ensemble. De là une locution aujourd'hui archaïque, être d'ensemble « être harmonieux ». ◆  Par extension (1694), le nom désigne la totalité des éléments d'un tout, d'où d'ensemble « général » (1809, Lamarck), dans l'ensemble, locution adverbiale (1834, Balzac), dans son ensemble « dans sa totalité » (1842, Hugo). Depuis le XVIIIe s., ensemble se dit de l'unité tenant au synchronisme des mouvements, à la collaboration des divers éléments, d'abord en parlant d'un corps de troupe (1755). Ensemble désigne ensuite (1803) des personnes, des choses réunies dans un tout (un ensemble de faits, un ensemble vocal).
■  En mathématiques (1890), c'est la traduction de l'allemand Menge (1883) au sens de « collection d'éléments (dont le critère d'appartenance à la collection est sans ambiguïté) susceptibles de posséder certaines propriétés », emploi qui donne lieu à de nombreux syntagmes : théorie des ensembles, ensemble fini, ensemble dénombrable, etc., tous attestés dans la première moitié du XXe siècle.
De cette valeur terminologique vient le dérivé ENSEMBLISTE adj. (milieu XXe s.) surtout dans mathématiques ensemblistes et le composé SOUS-ENSEMBLE n. m. (mil. XXe s.).
■  Ensemble a pris au XXe s. plusieurs sens particuliers, parmi lesquels : « groupe d'habitations » (1907-1908, Barrès), d'où GRAND ENSEMBLE n. m. (v. 1954) et aussi grand ensemble scolaire (1968).
■  Deux autres valeurs spéciales de ensemble sont « pièces d'habillement assorties destinées à être portées ensemble » (1924) et « groupe de meubles d'un même style » (1922).
■  De ce dernier sens vient le dérivé ENSEMBLIER n. m. (1920).
L ENSEVELIR v. tr. est probablement formé (v. 1120) du préfixe en- et de l'ancien verbe sevelir ou sepelir (v. 1120) « mettre un mort dans un tombeau », issu du latin sepelire « enterrer, faire disparaître », au supin sepultum (→ sépulture). Ensevelir pourrait aussi être issu du latin chrétien insepelire composé de in- et sepelire. Le latin et l'indo-iranien ont des termes juridiques et religieux communs et l'on a rapproché, malgré la différence de sens, sepelire du védique saparyáti « il honore ».
❏  Le verbe français conserve le sens du latin, aujourd'hui concurrencé par enterrer ; par extension, il signifie (1130-1140) « envelopper (qqn) dans un linceul ». Au XIIIe s., ensevelir prend par analogie (v. 1265) le sens de « faire disparaître sous un amoncellement », d'où s'ensevelir sous les décombres d'une ville « la défendre jusqu'à la mort » (1662), emploi disparu et l'emploi pronominal pour « disparaître volontairement » (1662). Ces sens sont archaïques, à la différence du figuré (v. 1220) « enfouir en cachant » (ensevelir un secret), d'où (v. 1640) s'ensevelir dans le travail, la solitude, etc.
❏  Le dérivé ENSEVELISSEMENT n. m. s'emploie au propre (1130-1140) et au figuré (av. 1896).
■  Le nom d'agent ENSEVELISSEUR, EUSE n. et adj. (fin XIVe s.) est plus rare.
L ENSIMER v. tr. est l'altération graphique (1723) de ensaïmer, d'abord attesté au participe passé (ensaïmez « engraissé ») dans la première moitié du XIIe s. (v. 1120), puis sous la forme active ensaymer (1300). Ce verbe dérive de l'ancien français saim « graisse », issu du latin populaire °sagimen, altération du latin classique sagina « engraissement » (→ saindoux).
❏  Le verbe est resté d'usage technique et signifie « graisser (les fibres d'un textile) pour faciliter le cardage et la filature ».
❏  Les dérivés ENSIMAGE n. m. (1669) et ENSIMEUSE n. f. (1930) sont aussi d'usage spécialisé.
ENSORCELER → SORCIER
L ENSOUPLE n. f. est la réfection (mil. XVIe s.) avec influence de souple, de formes anciennes en b- : ensobles (fin XIe s.), essouble (XIIIe s.). Les formes sont issues du latin médiéval insubulum (VIe -VIIe s.) formé de in- et du latin impérial subula « alène ». Subula a des correspondants dans d'autres langues indoeuropéennes, par exemple le vieux slave šilo et l'ancien haut allemand siula ; le mot provient d'une forme °sū- dhl-ā dont le premier élément est rattaché à une racine °sū-, °syū-, comme le verbe suere (→ coudre).
❏  Ensouple, terme de tissage, désigne comme en latin le cylindre d'un métier à tisser sur lequel on monte les fils de chaîne et, par extension, le cylindre sur lequel s'enroule l'étoffe au fur et à mesure qu'elle est tissée. La forme ensuble, réfection étymologique (XIVe s.), encore utilisée au XIXe s., est sortie d'usage.
❏  Le seul dérivé est ENSOUPLEAU n. m. (1606), terme technique.
ENSUITE adv. est formé (1532) de suite* avec le préfixe en- ; on trouve encore en suite au XVIIe siècle.
❏  L'adverbe signifie « plus tard, par la suite » (1532) et « derrière, en suivant » (1890) ; au figuré il s'emploie pour « en second lieu ». ◆  La locution prépositive ensuite de, bannie du « beau langage » par Vaugelas (1647), marquait une succession dans l'espace (1636) ou dans le temps (1652) ; elle a pris aussi une valeur abstraite « en conséquence de » (XVIIe s.).