L
ENSUIVRE (S') v. pron. est issu (v. 1175, ensievre) du latin populaire °insequere, altération du latin classique insequi « venir immédiatement après, suivre », la finale ayant été influencée par suivre. Insequi est un préfixé en in- de sequi- (→ suivre).
❏
Ensuivre, d'abord verbe intransitif, a signifié « suivre, venir après ». Le pronominal (1323,
soi ensuivre) s'est employé dans ce sens, conservé dans la locution familière
et tout ce qui s'ensuit « et tout le reste ».
■
À partir du XIIIe s., s'ensuivre équivaut à « découler, résulter », surtout à la forme impersonnelle (v. 1240, il s'ensuit que) et dans la locution jusqu'à ce que mort s'ensuive.
◆
Comme transitif, ensuivre a eu plusieurs des valeurs de suivre ; il s'est employé pour « imiter », « se conformer à » (v. 1190) et « obéir à (une loi) » (fin XIIIe s.), valeur encore donnée comme juridique au XVIIIe s. (Trévoux, 1771). Avec la valeur de « poursuivre, harceler » (1262), il est encore attesté chez Oudin (1660), mais a disparu à la fin du XVIIe siècle.
❏
ENSUIVANT adv. (XIIIe s., ensivant), tiré du participe présent, signifie « plus tard » et, adjectif, (XVe s.) « suivant » ; les deux s'employaient dans la langue classique.
ENSUQUER v. tr. est un emprunt au provençal, d'un verbe composé sur suc « nuque ».
❏
Le verbe correspond à « assommer », et figurément « abrutir, rendre idiot ». Il est passé en argot français sous la forme du participe passé ENSUQUÉ, ÉE, pour « abruti » (1954 dans le dictionnaire d'Esnault).
L
ENTAMER v. tr. est issu (1120-1150) du bas latin intaminare (IVe s.) « toucher à », proprement « souiller, profaner ». Ce verbe est un préfixé en in- de °taminare « souiller » que l'on retrouve dans le composé classique contaminare (→ contaminer) ; il se rattache à tangere, au supin tactum, « toucher » (→ entier, intact, tactile), à rapprocher peut-être du gotique tekan « toucher ».
❏
Entamer s'emploie d'abord avec le sens de « toucher (qqch. d'intact), en en retirant une partie » et (v. 1155) « couper (une partie du corps) en incisant » (XIIIe s., en parlant d'une écorce, du cuir, etc.). Avec la première valeur, entamer une femme a signifié « la déflorer » (déb. XIVe s.).
◆
Abstraitement, entamer qqn s'est dit pour « atteindre (qqn) dans sa réputation » (v. 1190), d'où « affecter » (XIIIe s. ; encore au XVIIe s.) et, spécialement, « atteindre dans ses droits » (v. 1460).
◆
L'emploi figuré pour « commencer » (entamer un discours) (v. 1245) ou « entreprendre » (entamer un travail), est toujours en usage, mais l'expression entamer le pas « faire les premiers pas » (1530) a disparu.
◆
L'idée d'action sur un adversaire l'emporte dans l'emploi en contexte militaire (v. 1460) pour « porter atteinte à... » (entamer le front) et dans celui de la discussion, où entamer qqn correspond à « diminuer ses convictions, les réduire ».
◆
Au XVIe s. (1580), le verbe prend par extension le sens de « diminuer (un tout) en retranchant une partie » (entamer des provisions, une journée), qui est devenu le plus courant.
❏
Le déverbal
ENTAME n. f. est attesté isolément (v. 1370) pour « blessure » ; repris au
XVIIe s. au sens de « premier morceau de qqch. » (1675), le mot est rare jusqu'au
XIXe s. où il se substitue à
entamure.
■
ENTAMURE n. f. a eu lui aussi le sens de « blessure » (1339) et a désigné, d'après le sens étymologique du verbe, la perte de la virginité (XVe s.).
◆
Puis il signifie « ce qui est entamé » (1669, entameure de pain) ; c'est ensuite un terme technique (1694, entamure de carrière « premières pierres extraites »).
◈
Les composés, surtout employés au figuré et littéraires, sont plus récents :
INENTAMABLE adj. « qui ne peut être entamé » (1785, Sade) et
INENTAMÉ, ÉE adj. (1894) proposé en 1845 par Richard de Radonvilliers.
ENTÉLÉCHIE n. f. est un emprunt (v. 1380, endelechie) au bas latin entelechia « état de parfait accomplissement de l'être », emprunt au grec d'Aristote entelekheia « énergie agissante et efficace » (par opposition à la matière inerte). C'est un dérivé de entelekhês « qui a sa fin en soi », de ekhein « avoir », telos « fin » et en « dans ».
❏
La forme restituée entéléchie (1564) est un terme didactique qui est resté cantonné au domaine de la philosophie antique.
L +
ENTENDRE v. tr. est issu (v. 1050) du latin classique intendere « tendre vers » (au sens physique et moral), d'où « porter son attention vers », « comprendre » et, par extension « ouïr » ; le verbe latin est formé de in- et de tendere (→ tendre).
❏
Le verbe français reprend les différentes valeurs du latin. Il signifie d'abord (v. 1050) « percevoir par le sens de l'ouïe », mais est peu utilisé en ce sens en ancien français — à cause de la fréquence de
ouïr —, où il signifie surtout (1080,
entendre à) « prêter attention à (ce que dit qqn) ». De là
entendre qqn « suivre son enseignement » (v. 1155) et « être occupé à », sens sortis d'usage, comme l'acception « se prêter à (qqch.) ». La locution
ne savoir auquel entendre « ne pas savoir à quoi prêter attention » (fin
XIVe s.) s'est employée jusqu'au
XIXe s. (
ne savoir à qui entendre au
XVIIIe s.).
◆
Le verbe correspond aussi à « avoir l'intention de » depuis le
XIIe s. (v. 1121 ;
XVe s.,
entendre que ; 1532,
entendre et infinitif), d'où
comme je l'entends (1549) et la locution
comment l'entendez-vous ? qui signifiait au
XVIIe s. « quelles sont vos intentions ? » (1668), mais qui se comprend aujourd'hui comme « quel sens donnez-vous à cela ? ».
Dès la
Chanson de Roland (1080) est attesté le sens de « percevoir par l'intelligence », dominant jusqu'au
XVIIe s. ; le verbe entre avec cette valeur dans quelques locutions, employées dans un style recherché à cause du vieillissement de l'acception :
donner (1300), laisser (1680) à entendre « faire comprendre sans exprimer clairement » ;
cela s'entend (1546, aussi
s'entend) « cela va sans dire », littéraire ;
ne pas y entendre mal, malice (1740) « ne pas comprendre ce qu'il y a de mal (dans ce qu'on a dit) » précédé par
entendre malice (1685) ;
entendre à demi-mot (1718) ;
entendre la plaisanterie (1835) « ne pas s'en offenser » et à l'époque classique aussi
entendre raillerie (1654) « savoir railler ».
◆
Cette valeur est maintenue dans l'emploi pronominal
s'entendre (avec qqn) « se concerter », « agir ensemble », avec une nuance défavorable, par exemple dans
s'entendre comme larrons en foire (1650), puis positivement : « sympathiser » (1636), « vivre en bonne intelligence » (1802).
■
S'entendre à a signifié « connaître à fond, être habile dans (une activité) » (XIIIe s.), acception qui se maintient dans quelques emplois (XIIIe s. ; s'entendre bien à) ; mais les locutions (1640) s'entendre à qqch. comme à ramer des choux, comme à faire des coffres « ne pas savoir le faire », sont sorties d'usage.
◆
De entendre à qqch., dans le même sens, ne subsiste que l'emploi négatif il n'y entend rien (1798), et l'on trouve chez Rabelais il n'y entend que le haut allemand « il n'y comprend rien ».
Au sens de « percevoir par le sens de l'ouïe », le verbe concurrence ouïr* à partir du XVIIe s. ; il s'y est substitué aujourd'hui. Avec cette acception, devenue après la période classique la plus usuelle, entendre est entré dans plusieurs locutions : dire qqch. à qui veut l'entendre « à tout le monde » ; en entendre de belles (de bonnes, de dures, de raides) « entendre des choses extraordinaires, incroyables, indécentes ». Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre exprime l'indignation, comme la locution proverbiale il vaut mieux entendre ça que d'être sourd « c'est une chose absurde ».
◆
Entendre « écouter avec attention » s'est spécialisé dans un contexte juridique (1636 ; entendre les témoins) et équivaut (1636) à « écouter en tant qu'auditeur volontaire », d'où la locution à l'entendre « si on l'écoute ».
◆
Le verbe correspond aussi (1668) dans un contexte religieux à « écouter favorablement une prière » (par exemple Dieu l'a entendu) et par ailleurs « apprendre par la rumeur publique », acception disparue : on emploie aujourd'hui en ce sens entendre dire (1671), entendre parler de (1622).
❏
Le participe passé
ENTENDU, UE adj. (
XIIIe s.) a des emplois liés au sens de « comprendre ».
Entendu à est aujourd'hui sorti d'usage ou régional au sens de « habile à » (
XIIIe s.), usité jusqu'au
XIXe s. et ne subsistant que dans
un air, un sourire entendu ; de même
faire l'entendu (1549) « faire l'important, le capable » a vieilli ;
homme entendu « avisé » (
XVe s.),
faire de l'entendu « se prétendre savant » (1625) étaient en usage au
XVIIe siècle.
Entendu équivaut encore à « dont le sens est compris » dans un usage littéraire, et par extension à « convenu, décidé » (1808,
c'est entendu), emploi très vivant. De là l'emploi elliptique de
Entendu ! « d'accord » (1870,
entendu et compris). L'adjectif entre avec ce sens dans la locution adverbiale
bien entendu (1671) « assurément », avec l'équivalent familier
comme de bien entendu.
◆
Employé avec un adverbe
(bien, mal) entendu a signifié (mil.
XVIIe s.) « conçu », et par extension « arrangé, composé » ; cette valeur subsiste dans un contexte abstrait (1681) au sens de « mis en œuvre, compris »
(intérêt bien [mal] entendu).
■
À partir de entendu ont été formés deux composés. MALENTENDU n. m., attesté en 1558 (1507 comme adjectif « malintentionné »), est formé avec mal, adverbe, et entendu au sens de « compris » ; le mot désigne une divergence d'interprétation entre des personnes qui croyaient s'être bien entendues sur le sens de certains faits ou propos, seul sens retenu par Richelet (1680) et Furetière (1690) bien que malentendu désigne alors aussi (1600) le désaccord impliqué par cette divergence ; le mot s'emploie en particulier (1894) dans un contexte sentimental.
■
INENTENDU, UE adj. (fin XVIIIe s.) est d'emploi rare (Cf. inouï).
◈
Le dérivé
ENTENDEMENT n. m., du radical d'
entendre « comprendre », a d'abord eu le sens de « intelligence » (déb.
XIIe s.), en concurrence en ancien français avec un autre dérivé de
entendre, entendance n. f. (v. 1120). Ce sens est toujours en usage dans
cela passe, dépasse l'entendement ; mais
perdre l'entendement « devenir fou » et
homme, femme d'entendement « intelligent(e) » (v. 1450) sont tombés en désuétude.
◆
Le mot a eu d'autres valeurs : « signification d'un mot » (1119), et « aptitude à comprendre (la musique, etc.) » (
XIIe s.), sens qualifié de « précieux » au
XIXe siècle.
◆
Il désigne en philosophie (1637, Descartes) la faculté de comprendre.
◆
Régionalement le mot a le sens d'« accord, entente » (
XVe s.), d'après
s'entendre « se mettre d'accord » (Canada, Berry) et de « volonté », d'après
entendre « avoir l'intention » (Normandie).
◈
ENTENTE n. f. est issu (1121) du latin populaire
°intendita, participe passé féminin substantivé, pour
intenta, de
intendere.
■
Entente a d'abord eu les sens de « préoccupation, attention » et « projet, intention », encore attestés au XVIIe siècle. Le mot signifie ensuite (v. 1170) « intelligence, compréhension », valeur aujourd'hui vieillie, et par extension (fin XIIIe s.) « interprétation, sens », emploi qui ne subsiste que dans la locution à double entente (1636). Le sens d'« action de comprendre un mot » (1538) a disparu.
■
Au XIXe s. (1831, Balzac), entente prend le sens de « fait de s'entendre, de s'accorder » et se dit de la situation qui en résulte, d'où spécialement en politique « accord ou collaboration entre États », réalisé dans Entente cordiale. En histoire, à propos d'accords internationaux, on parle de la Triple Entente à propos de l'alliance entre Russie, France et Grande-Bretagne en 1907, et de la Petite-Entente pour le pacte d'assistance mutuelle entre Serbie, Croatie et Slovénie (1920-1921).
■
Le mot a été parfois employé au sens, attesté en 1896 (Goncourt), d'« action de percevoir par l'ouïe ». Le préfixé MÉSENTENTE n. f., attesté au XVIe s. (mesantante) et formé avec mes-*, signifiait « malentendu », et se dit aujourd'hui (1848) dans un style soutenu pour « défaut d'entente ».
◈
ENTENDEUR n. m., dérivé du verbe, a signifié « celui qui écoute attentivement » (v. 1125,
entendere) et « celui qui comprend » (av. 1248). Reste la locution
à bon entendeur, salut ! (1658, Scarron) « que celui qui comprend bien en fasse son profit », en général formule de menace.
■
ENTENDANT, ANTE n., du participe présent de entendre « comprendre », s'est employé (XIIe s.) pour « intelligent ».
◆
Lié à entendre « ouïr », le nom désigne une personne qui jouit de ses capacités auditives, surtout attesté dans le composé préfixé MALENTENDANT, ANTE adj. et n. (v. 1960).
◈
MÉSENTENDRE v. tr., (v. 1138) de
més-*, « comprendre autrement qu'il ne faut », est d'usage littéraire.
■
SOUS-ENTENDRE v. tr. (1303 « surveiller sous une autorité », emploi isolé ; repris 1643 dans Saint-Amand), de sous* et entendre « comprendre », signifie « faire comprendre (qqch.) sans le dire », d'où « supposer comme condition ». Le verbe s'emploie ensuite (1706) en grammaire pour « ne pas exprimer (ce qui peut être suppléé par le sens) ».
◆
Le participe passé, adjectivé en 1657, puis substantivé SOUS-ENTENDU n. m. (1606 en grammaire ; v. 1720 dans l'usage général) équivaut à « allusion » (souvent l'allusion est plus ou moins grivoise).
■
RÉENTENDRE v. tr., de ré-* et entendre « ouïr », n'est attesté qu'en 1869.
L
ENTER v. tr. est issu (fin XIe s., Raschi) du latin populaire °imputare « greffer », dérivé du bas latin impotus « greffe » (forme attestée pour imputos), lui-même emprunté au grec emphuton « greffe » de phuton (→ -phyte). Le mot a dû pénétrer en France par les colonies grecques de la Méditerranée ; en Provence il a été remplacé ensuite par insertar, du latin populaire °insertare, dérivé du latin classique inserere « implanter, greffer » (insertion* a signifié « greffe », XVe s.). Avec le développement du greffage en France, enter est repris dans le Midi ; l'extension de °imputare explique l'allemand impfen.
❏
Enter, concurrencé depuis le XVIe s. par greffer, s'emploie aussi au figuré (1er quart XIIIe s.), dans un usage littéraire. Par analogie, il signifie techniquement (1676) « assembler deux pièces de bois bout à bout ».
❏
Le déverbal
ENTE n. f., terme technique, désigne (v. 1140) un arbre greffé (d'où
prune* d'ente « pruneau »*) et équivaut à « greffe » (1174-1176).
■
Le dérivé ENTURE n. f. a désigné l'action de greffer (fin XIVe s.) et s'est spécialisé en arboriculture : « fente où l'on place une greffe ». Du verbe, il tient divers emplois techniques, en menuiserie (1723) et par analogie en joaillerie (1878).
ENTER-, ENTÉRO-, -ENTÈRE, éléments tirés du grec entera « entrailles, intestins » (de en « dans »), servent à former des mots savants (médecine, biologie).
❏
Le plus usuel est
ENTÉRITE n. f. (1801), adaptation du latin moderne
enteritis (1795) « inflammation de la muqueuse intestinale ».
■
Les dérivés sont ENTÉRIQUE adj. (1855) et ENTÉRITIQUE adj. (1863), termes médicaux.
◆
Le composé GASTRO-ENTÉRITE n. f. (1820 ; de gastro-) est relativement courant.
❏ voir
DYSENTERIE.
ENTÉRINER v. tr. est dérivé (v. 1250) de l'ancien français enterin, adjectif, « complet, entier » (XIIe s.), lui-même dérivé de entier*.
❏
Le premier sens du verbe est « accomplir complètement ». En droit, entériner prend le sens (1274) de « rendre définitif (un acte) en l'approuvant juridiquement ».
◆
Par extension, le verbe signifie dans l'usage courant « admettre, rendre durable » (av. 1695).
❏
Le dérivé ENTÉRINEMENT n. m., d'emploi rare, est attesté en 1316 (enterignement).
L
ENTERVER v. tr. est un mot d'argot ancien, auparavant d'usage oral plus général (v. 1165), venu du latin interrogare → interroger.
❏
Attesté en langue populaire dès le XVe s. (1450 dans un Mistère), le verbe était passé du sens de « demander, interroger » à celui de « comprendre », courant en argot au XIXe siècle. Il a disparu vers la fin de ce siècle, avec des emplois archaïsants ensuite. La forme enterver a été remplacée par entraver.
❏ voir
2 ENTRAVER.
ENTHOUSIASME n. m. est un emprunt savant de la Renaissance (1546) au grec enthousiasmos « transport divin », « possession divine », formé sur le verbe enthousiazein « être inspiré par la divinité ». C'est un dérivé de l'adjectif enthous, forme contractée de entheos « animé d'un transport divin », composé de en « dans » et theos « dieu » (→ athée, théologie).
❏
Au
XVIe s., le mot est employé avec la valeur de l'étymon, au sens de « délire sacré qui saisit l'interprète de la divinité »
(l'enthousiasme de la Pythie) ; à la même époque,
enthousiasme est attesté avec le sens étendu de « transport, exaltation du poète sous l'effet de l'inspiration » (1546, Rabelais), d'où vient un emploi littéraire du mot en parlant de la force qui pousse l'homme à créer.
■
Au XVIIe s., par une seconde extension de sens (1664, Molière), enthousiasme prend la valeur moderne d'« exaltation poussant à agir avec joie » (élan, mouvement d'enthousiasme), d'où le sens d'« admiration passionnée » (1689, Mme de Sévigné). Le mot est employé depuis le XVIIe s. en parlant d'une émotion collective suscitant une excitation joyeuse (débordement d'enthousiasme). Enthousiasme a perdu, dans la langue courante, sa force originelle.
❏
Le dérivé
ENTHOUSIASMER v. tr., d'abord dans un contexte religieux (
XVIe s.), est attesté avec son sens actuel « remplir d'enthousiasme », en 1652.
◆
Du participe présent du verbe dérive
ENTHOUSIASMANT, ANTE adj. (1845).
■
ENTHOUSIASTE n. a été emprunté (1544) au grec tardif enthousiastês (IIe s. après J.-C.), formé sur le radical de enthousiasmos. Le mot a suivi la même évolution sémantique que enthousiasme ; il a désigné spécialement un membre de sectes anglaises et il est surtout employé comme adjectif (attesté 1786).
◆
Le dérivé ENTHOUSIASTEMENT adv. (fin XIXe s.) est rare.
ENTHYMÈME n. m., réfection (1690) d'après le latin de emptimeme (XVe s.), est un emprunt savant au latin classique enthymema, repris au grec enthumêma « ce qu'on a dans l'esprit », devenu terme de rhétorique et désignant un syllogisme fondé sur le probable ; c'est un dérivé de enthumeisthai « réfléchir, déduire », composé de en « dans » et thumos « esprit, cœur ».
❏
Le mot a conservé le sens de son étymon et désigne, en logique, une forme abrégée du syllogisme dans laquelle on sous-entend l'une des deux prémisses ou la conclusion (Cf. « je pense, donc je suis »).
?
ENTICHÉ, ÉE adj., considéré en français moderne comme le participe passé du verbe enticher (surtout s'enticher de), apparaît d'abord (XIIe s.) comme une forme adjective, au sens de « pourvu (d'une qualité, d'un défaut) ». Cette forme semble produite de en- et teche, variante de tache*, au sens ancien de « qualité, bonne ou mauvaise ». Ce serait donc un doublet d'entaché. Mais cette forme se serait plus ou moins confondue avec l'ancien verbe enticier, entichier « inciter à » (v. 1165) qui proviendrait d'un élément onomatopéique kiss-, encore attesté régionalement (kissi, kîchî dans l'est de la France, atticher, akisser « exciter » en Normandie, etc.) et repris dans l'onomatopée moderne kss, kiss, employée pour exciter un chien. Cependant, le rapport des sémantismes n'est pas clair et on peut évoquer pour entiché, comme le fait P. Guiraud, une évolution d'entechié, enteché de « couvert d'une marque (teche, tache) » à « couvert », c'est-à-dire « coiffé » embéguiné, béguin, coqueluche.
❏
Mais cet effet de sens paraît relativement récent. En effet,
entiché s'est employé (1539) avec la valeur étymologique concrète de « marqué par des taches », « qui commence à se gâter », en parlant d'un fruit, sens sorti d'usage, comme la valeur figurée d'
être entiché de « gâté par, corrompu par (un vice, de mauvaises opinions) » (1539).
■
Le sens moderne « prévenu en faveur de (qqn ou qqch.) » n'apparaît qu'au XVIIIe s., et le verbe pronominal S'ENTICHER de qqn, de qqch. « se prendre d'un goût extrême et irraisonné pour » n'est attesté qu'en 1845.
❏
Le dérivé ENTICHEMENT n. m. (1851-1862, Sainte-Beuve) « goût extrême, irraisonné » est rare, tout comme l'emploi transitif du verbe.
L
ENTIER, IÈRE adj. est issu (v. 1130) par évolution phonétique du latin classique integer « non touché, non entamé » et au sens moral « sain, raisonnable », « irréprochable ». Cet adjectif, qui a donné par emprunt intègre*, est composé de in- privatif et du verbe tangere « toucher », concret et abstrait (→ entamer, intact, tactile), à rapprocher peut-être du gotique tekan « toucher », ce qui supposerait un racine indoeuropéenne commune. La forme entier au lieu de entir, phonétiquement attendue et attestée en ancien picard (XIIe s.), est due à un changement de finale, par analogie avec des adjectifs tels que premier.
❏
Le mot est employé dans ses principaux sens dès le XIIe s. ; il se dit d'abord (v. 1130, jorz entier) de ce qui est considéré dans sa totalité, dans toute son étendue, de ce qui a toutes ses parties (le corps entier). Il signifie (v. 1135) « auquel il ne manque rien », d'où les emplois particuliers comme cheval entier « qui n'est pas châtré » (1580) ; substantivé au XIXe s. (1864, un entier). L'emploi en mathématiques de nombre entier procède de la même acception ; le mot est alors substantivé : un entier.
◆
Depuis la fin du XIIe s., l'adjectif est employé (1172, amors antiere) avec le sens de « qui n'a subi aucune altération » et « pur, vrai », d'où la locution à part entière, surtout dans un contexte abstrait. L'adjectif est sorti d'usage en parlant de personnes : un homme entier « en bonne santé » (XIIe s.), une pucelle entière « intacte » (v. 1435), ou d'actions (action entière « pure »). À la même époque (1174-1176), entier se dit aussi en parlant d'une personne avec le sens moral de « fidèle, loyal ».
◆
Au XVIe s., l'adjectif est substantivé dans la locution en son entier (1538) qui reprend la notion de totalité, d'intégralité, d'où la locution adverbiale en entier « entièrement, complètement », toujours en usage. Depuis le début du XVIIe s., entier (adjectif) se dit, dans le domaine humain, pour « qui n'admet pas de compromis » (1606).
❏
Le dérivé
ENTIÈREMENT adv. (1155) se dit couramment pour « d'une manière entière », « sans restriction ».
■
ENTIÈRETÉ n. f. (1536), sorti de l'usage au XVIIe et repris au XXe s., signifie « intégralité, totalité » ; parfois critiqué en France, il est plus courant en français de Belgique, avec une nuance de sens par rapport à intégralité.
❏ voir
ENTÉRINER.
ENTITÉ n. f. est un emprunt savant (av. 1502) au latin médiéval entitas, -atis (1233), dérivé du latin de la scolastique ens, entis (participe présent de esse ; → être) qui est attesté en latin classique, notamment pour traduire le grec philosophique to on « ce qui est ».
❏
Entité est introduit en philosophie avec le sens de l'étymon ; par extension, il se dit, avec une connotation péjorative, d'un concept abstrait que l'on considère à tort comme un être réel (1840), puis d'un objet concret considéré comme un être doué d'une unité matérielle et d'individualité (déb. XXe s.).
ENTOMO-, premier élément de mots savants, est tiré du grec entomon « insecte », neutre substantivé de entemnein « tailler dans, entailler », composé de en- et temnein « couper » qui se rattache à une racine indoeuropéenne °tem- « couper » (Cf. tomo-). À noter que insecte reproduit le même sémantisme.
❏
Entomo- sert surtout à former des termes de zoologie, notamment
ENTOMOLOGIE n. f. (1745) « partie de la zoologie qui traite des insectes » et, par métonymie, « ouvrage de référence portant sur les insectes ». Le mot semble à peu près contemporain de
zoologie.
◆
En dérivent
ENTOMOLOGIQUE adj. (1789) « relatif à l'entomologie » et
ENTOMOLOGISTE n. (1783) plus courant que
ENTOMOLOGUE « spécialiste de l'entomologie ».
■
ENTOMOPHAGE adj. (1800) se dit, en zoologie, de certains animaux qui se nourrissent d'insectes et s'applique à un insecte dont la larve vit en parasite à l'intérieur du corps d'autres insectes.
2 ENTONNER, ENTONNOIR → TONNE