+ ÉPROUVER v. tr., réfection (XIIIe s., esprouver) de esprover (1080), est dérivé de prouver* par préfixation.
❏  Le verbe a d'abord le sens de « mettre à l'épreuve », vieilli aujourd'hui mais vivant avec le participe passé adjectif (un courage éprouvé). ◆  Depuis le XIIe s. il signifie par extension (1155, esprover) « vérifier, connaître par une expérience personnelle », aussi dans la construction esprover que (v. 1175). En religion, il a une valeur spéciale, « soumettre à la tentation » (XIIIe s.). ◆  Il s'emploie ensuite (1273) pour « ressentir » (éprouver un désir, de la tendresse) et (XIIIe s.) « faire subir des épreuves, des souffrances à (qqn) ». Éprouver qqn, qqch., avec un adjectif, a signifié à l'époque classique « trouver » (av. 1650). Plus tard, il signifie en parlant de choses (1718) « subir un dommage ».
❏  ÉPREUVE n. f., d'abord (v. 1175) esprove, déverbal de éprouver, a dès ses premiers emplois le sens général d'« action d'éprouver (qqch. ou qqn) ». Spécialement le mot équivaut à « souffrance, malheur », d'où l'épreuve « l'adversité », d'emploi littéraire. ◆  Dans le droit féodal, épreuve judiciaire désignait celle à laquelle on soumettait des accusés, en faisant appel à l'intervention de Dieu pour désigner le coupable (Cf. ordalie). ◆  Épreuve désigne aussi (v. 1265) ce qui permet de juger la valeur d'une idée, d'une personne, d'où les locutions à l'épreuve (1587, vertu à l'épreuve), courant dans mettre à l'épreuve, synonyme de éprouver ; à l'épreuve de (fin XVIe s.) signifie « qui peut résister à » ; être à l'épreuve « très solide » a disparu, remplacé par à toute épreuve (fin XVIIe s., à toutes épreuves v. 1640). Faire l'épreuve de qqch. « essayer » a vieilli. ◆  À l'époque classique, épreuve équivalait à « témoignage, preuve » (1670). Épreuve se dit d'une opération par laquelle on juge les qualités d'une chose (par métonymie « sonde », 1314 ; Cf. éprouvette). Le mot s'emploie aujourd'hui dans le vocabulaire technique (épreuve de résistance) et scientifique.
■  Depuis le XVIe s. épreuve se dit par métonymie du résultat d'un essai, spécialement pour désigner, en typographie, un texte imprimé tel qu'il sort de la composition et qui doit être corrigé (fin XVIe s.) puis une gravure (1680), une photographie (1857) ; cette valeur s'étend, au XXe s., au cinéma et à la télévision (épreuve de tournage).
■  À partir du XIXe s., le sens général d'« action d'éprouver (qqn) » se développe ; épreuve désigne ce qui permet de juger qqn, de lui conférer une dignité, de le classer (1835, dans la franc-maçonnerie), d'où le sens spécialisé de « compétition sportive » (1831) et l'emploi dans épreuve d'un examen (fin XIXe s.).
■  Sur épreuve a été formé CONTRE-ÉPREUVE n. f. (1828 ; contre-preve, 1676 ; de contre-).
Le diminutif de la forme ancienne de épreuve ou de éprouver, ÉPROUVETTE n. f. s'est employé (1503, esprouvette) au sens de « sonde (utilisée en chirurgie) ». Le mot désigne ensuite (1688) un récipient utilisé pour éprouver la qualité d'une matière, sens aujourd'hui technique, d'où spécialement (1803) un récipient en forme de tube employé dans les analyses de laboratoire et, par métonymie (1839), un échantillon d'un matériau fabriqué.
En outre, les deux participes ont servi à former des adjectifs, ÉPROUVANT, ANTE « qui fait subir une épreuve pénible » (1831) et ÉPROUVÉ, ÉE, d'une personne qui a subi des épreuves (1787) et d'une chose qui a été mise à l'épreuve. ◆  INÉPROUVÉ, ÉE adj. (1831), de in-* et éprouvé, signifie « qui n'a pas encore été ressenti, mis à l'épreuve ».
ÉPUISER v. tr., sous les formes expuiser (v. 1120), espuchier (v. 1140) et espuiser, epuyser (XVIe s.), est formé par préfixation à partir de puiser* et de ses formes anciennes, au sens de « prendre de l'eau ».
❏  Épuiser s'emploie d'abord aux sens de « vider complètement » (épuiser un bassin) et « puiser (de l'eau) » (v. 1140), d'où par analogie « consommer entièrement » (v. 1175, épuiser ses ressources), « ruiner, appauvrir » (v. 1355 ; épuiser un pays), ainsi que les emplois concrets épuiser un sol (1671), épuiser une mine (1765). ◆  Abstraitement, le verbe signifie à partir du XVIe s. (1515) « réduire à un affaiblissement complet (qqn ; ses forces) » et « user jusqu'au bout » (1552, Du Bellay ; épuiser la patience de qqn), d'où en parlant d'un sujet, « traiter à fond » (1573).
■  La forme pronominale s'épuiser (v. 1587) s'est d'abord employée à propos d'une source, et, par extension, de la terre, de ses ressources, puis aussi des exemplaires d'un livre, d'une édition (1845). ◆  Depuis le XVIIe s., l'accent étant mis sur la notion d'affaiblissement des forces, s'épuiser s'applique à une chose qui s'affaiblit peu à peu (1640) et à une personne qui se fatigue, perd ses moyens intellectuels et physiques (1650, Corneille).
■  Le participe passé ÉPUISÉ, ÉE adj. correspond aux valeurs du pronominal.
❏  Les dérivés sont assez nombreux.
■  ÉPUISEMENT n. m. (XIIIe s., espuchement ; 1585, espuisement) signifie d'abord « action de puiser, de vider » ; il désigne au XVIIe s. (1679) une grande faiblesse (physique ou morale) et (1690) l'état de ce qui épuisé.
■  ÉPUISABLE adj. (1352, expuisable, attestation isolée, puis 1579, espuisable) est rare, contrairement à son antonyme INÉPUISABLE adj. (v. 1460), usité couramment au propre (2e moitié du XVIe s.) et au figuré (1766-1777, « bavard », Rousseau Cf. intarissable). ◆  Ce dernier a pour dérivés INÉPUISABLEMENT adv. (1691) et INÉPUISABILITÉ n. f. (1940, Sartre), didactique et rare.
■  ÉPUISANT, ANTE adj. (1776) est d'emploi courant au sens de « qui fatigue beaucoup » (c'est un intensif de fatigant), rare en parlant de ce qui rend stérile un sol (v. 1830).
ÉPUISETTE n. f. a désigné (1709) un filet pour prendre les oiseaux, auparavant appelé puisette (→ puits) ; le mot se dit ensuite d'un petit filet de pêche (1827) et d'une pelle creuse pour vider l'eau d'une barque (1852) ; du second sens d'épuisette vient un autre verbe épuiser (XXe s.) par dérivation régressive, « tirer (un poisson) de l'eau avec une épuisette ».
ÉQUANIMITÉ n. f. est un emprunt (1572, Amyot) au latin aequanimitas « sentiments bienveillants, égalité d'âme », composé de aequus (→ égal, équi- et aussi équateur, équation, équitable) et de animus ou anima (→ âme).
❏  Le mot, qui conserve le sens du latin, est inusité à l'époque classique, puis est repris au XIXe s. (1819, Boiste, « impartialité ») mais reste d'emploi littéraire.
❏  ÉQUANIME adj. (fin XVIe s., aequanime), emprunté au dérivé bas latin aequanimus, signifie « d'humeur égale » ; il est tombé en désuétude.
L ÉQUARRIR v. tr. est une variante de la fin du XIIe s., attestée par le dérivé esquarrie « carré » puis à l'actif (mil. XIIIe s.) de l'ancien français escarrer « disloquer » (1288), issu du latin populaire °exquadrare « rendre carré » (→ équerre). Ce dernier est un préfixé du latin classique quadrare « rendre carré », « équarrir », dérivé de quadrus, lui-même de quattuor (→ quatre).
❏  Le verbe signifie d'abord (milieu XIIIe s.) « tailler (en carré), mettre en pièces », d'où son emploi dans divers domaines techniques pour « rendre carré » (1538, esquarrir, pour la taille des pierres) ; en particulier il se dit (1755) pour « percer (un métal) avec l'équarrissoir ». ◆  Équarrir a pris le sens spécial (1780, écrit écarir) de « couper en quartiers (un animal mort) ». ◆  Au sens figuré de « dégrossir (qqn, qqch.) » (1870), le verbe est sorti d'usage.
❏  En dérivent des termes techniques : ÉQUARRISSAGE n. m. (1364) ou, moins courant, ÉQUARRISSEMENT n. m. (1328).
■  ÉQUARRISSEUR n. m. (mil. XVIe s.) « tailleur de pierres » ; comme équarrissage, ce dérivé a pris le sens postérieur du verbe et concerne l'abattage et le dépeçage des animaux, surtout des chevaux.
■  Un dernier dérivé, désignant un instrument, est ÉQUARRISSOIR n. m. (1671).
ÉQUATEUR n. m. est un emprunt (v. 1380) au latin médiéval aequator (XIIIe s.), du latin aequare « rendre égal », dérivé de aequus « égal » (→ égal, équi-). En latin, l'équateur se nomme circulus aequinoctialis (→ équinoxe), calque du grec isêmerinos kuklos « cercle (kuklos) des jours (hemera) égaux » (isos).
❏  Équateur, d'abord terme d'astronomie, se dit du grand cercle de la sphère céleste (équateur céleste). Le mot désigne aussi le grand cercle de la sphère terrestre, d'où par métonymie l'ensemble des régions traversées par la ligne imaginaire de l'équateur. ◆  Par analogie, s'agissant de corps sphériques, équateur s'emploie comme terme de physique (1864), de mathématiques (1870), en embryologie (1897), à propos de l'œuf, puis en biologie, d'une cellule.
❏  ÉQUATORIAL, ALE, AUX adj. et n. m. est un dérivé savant (2e moitié du XVIIIe s., adj., 1778 chez Buffon) du latin aequator. Le mot s'applique à ce qui est relatif à l'équateur et s'emploie par analogie comme équateur dans divers domaines. ◆  Lunette équatoriale (1784), « mesurant l'ascension droite et la déclinaison d'un astre », fournit l'origine de ÉQUATORIAL n. m. (1858) qui désigne en astronomie un appareil analogue au théodolite.
❏ voir ÉQUANIMITÉ, ÉQUATION, ÉQUI-, ÉQUITABLE.
ÉQUATION n. f. est un emprunt ancien (v. 1250, equaciun), inusité avant le XVIIe s., au latin classique aequatio « égalisation » et, en latin médiéval, « compte, calcul » (XIe s.), de aequare « rendre égal », lui-même de aequus « égal » (→ égal, équi-).
❏  Équation s'emploie comme terme de mathématiques (1637, Descartes) pour désigner une relation conditionnelle existant entre deux quantités et dépendant d'une ou plusieurs variables. Par analogie, le mot se dit pour une formule d'égalité en chimie (XIXe s.), en astronomie. ◆  Équation personnelle désigne en psychologie (1864) le temps, variable selon les individus, qui sépare l'observation de l'enregistrement d'un phénomène, d'où la façon propre à chaque individu d'observer un fait ; l'expression est entrée récemment dans le jargon à la mode.
❏  ÉQUATIONNEL, ELLE adj. (1897) « qui concerne une équation », très didactique, semble plus courant en biologie qu'en mathématiques.
PÉRÉQUATION n. f. est un emprunt (1422) au latin juridique peraequatio « répartition égale » (de per-) qui a désigné la répartition équitable de l'impôt, de même que COÉQUATION n. f. (XVIe s.), emprunt au latin coequatio, mot disparu ; péréquation est devenu (1611) un terme didactique (droit administratif, économie). Au début du XIXe s., il passe en mathématiques pour « équation parfaite ». ◆  Au XXe s., il se spécialise en économie, dans péréquation des prix (1920) et péréquation douanière (1930).
■  Son dérivé PÉRÉQUER v. tr. « procéder à une péréquation » apparaît avec une loi (29 sept. 1948) instituant un rapport constant entre pensions et traitements d'activité. La variante péréquater est mal formée.
■  INÉQUATION n. f. (1804), formé en français de 1 in- et de équation, désigne en mathématiques une inégalité conditionnelle entre deux quantités.
❏ voir ADÉQUAT ; ÉQUANIMITÉ, ÉQUATEUR, ÉQUI-.
L ÉQUERRE n. f. est l'adaptation (XIIIe s.) de esquire (1170) puis esquierre (v. 1275), aboutissement du latin populaire °exquadra, déverbal de °exquadrare au sens de « dessiner des angles droits, des carrés » (→ équarrir).
❏  D'abord employé (1170) avec le sens de « carré », le mot désigne, à partir du XIIIe s., un instrument destiné à tracer ou à vérifier des angles droits ; cet emploi, resté courant, a fourni des locutions adverbiales et adjectivées désignant abstraitement le rapport angulaire : à l'équerre « à angle droit » (v. 1393, a esquierre), d'équerre (1740), de même sens, puis (1835) en équerre. Depuis le XVIIe s., fausse équerre désigne (1640) une équerre à branches mobiles permettant de mesurer des angles quelconques. ◆  Par analogie de forme, le mot désigne (1690) une pièce en forme de T ou de L, utilisée pour consolider des assemblages, puis des instruments à fonction analogue (1870, équerre d'arpenteur).
❏  Du nom dérive le terme technique ÉQUERRER v. tr. (1786), d'où ÉQUERRAGE n. m. (1786).
ÉQUESTRE adj. est emprunté (1355) au latin impérial equester « de cheval », « de cavalier », du latin classique equus « cheval », lequel se rattache à une racine indoeuropéenne °ekwo- « cheval », que l'on retrouve dans le grec hippos (→ hipp-, hippo-).
❏  D'abord employé dans batailles équestres (1355), l'adjectif prend à la fin du XVIIe s. son premier sens usuel : « qui représente une personne à cheval » (1690 ; figure, statue équestre). Depuis le XVIe siècle, il est employé dans le syntagme ordre équestre (1575), terme d'histoire qui concerne les chevaliers de l'ancienne Rome (Cf. le latin ordo equestris « de chevalier ») ; ordre équestre désigne par analogie, dans certains pays, un ordre de noblesse.
■  Au XIXe s. apparaît le second sens, devenu usuel (1870), de « relatif à l'équitation » (exercices équestres, sports équestres).
❏  Le terme didactique ÉQUIN, ÉQUINE adj. est un emprunt (1609) au latin equinus « qui concerne le cheval », dérivé de equus ; équin, « relatif au cheval », se dit par analogie en médecine (1857, pied équin) d'une variété de pied bot, d'où un équin nom masculin.
ÉQUIDÉS n. m. pl. (1834) tiré du radical de equus, avec le suffixe -idé, désigne en zoologie la famille des mammifères ongulés dont le cheval est le principal représentant.
❏ voir ÉQUITATION.
ÉQUI- est un premier élément tiré du latin aequi- qui servait à former de nombreux composés (souvent calques de mots grecs commençant par iso-), lui-même de l'adjectif aequus « uni, plan, horizontal », « égal » d'où « impartial », et qui s'oppose à iniquus « inégal » et « injuste » (→ inique). L'origine de aequus n'est pas connue.
❏  Équi-, qui a pour valeur « égal, également », entre dans la composition de nombreux mots savants existant déjà, pour la plupart, en latin.
❏  ÉQUILATÈRE adj., de latus, lateris « côté » (XIIIe s.), a désigné une figure à côtés égaux, sens passé à équilatéral. Le mot s'est spécialisé (1755) dans hyperbole équilatère.
■  ÉQUILATÉRAL, ALE, AUX adj. (1520) est emprunté au latin aequilateralis, de aequus et latus, -eris « côté » (→ latéral) en géométrie. Il s'est dit aussi par métaphore (1872) au sens de « complètement égal » : ça m'est équilatéral.
■  ÉQUIANGLE adj. (1556), emprunt au latin aequiangulus (de aequus et angulus ; → angle), est un terme de géométrie.
ÉQUI- forme en français des termes didactiques, le second élément étant en principe d'origine latine.
■  ÉQUIMULTIPLE adj. (→ multiple) ; ÉQUIMOLÉCULAIRE adj. (1895 ; de moléculaire), terme de chimie ; ÉQUIPOSSIBLE adj. (1941, M. Boll ; de possible) ; ÉQUIPOTENT adj. m. (1960, Bourbaki) du latin potens, -entis « puissant », terme de mathématiques, d'où ÉQUIPOTENCE n. f. (1960) ; ÉQUIATOMIQUE adj. (1973), formé sur atomique, sont tous des termes scientifiques.
❏ voir ÉQUIDISTANT, ÉQUILIBRE, ÉQUINOXE, ÉQUIPOLLENT, ÉQUITÉ, ÉQUIVALENT, ÉQUIVOQUE ; ÉQUANIMITÉ, ÉQUATEUR, ÉQUATION.
ÉQUIDISTANT, ANTE adj. est un emprunt (1360, Oresme) au bas latin aequidistans « parallèle », composé de aequi- (→ équi-) et de distans, participe présent de distare « être éloigné » (→ distance), préfixé de stare (→ ester).
❏  C'est un terme de géométrie, d'emploi didactique, qui signifie « qui est à distance égale ou constante de points déterminés ». L'adjectif est cependant d'usage plus courant que son dérivé.
❏  ÉQUIDISTANCE n. f. (XIVe s.) est employé spécialement en topographie (1890) au sens de « distance verticale séparant deux niveaux de terrain ».
ÉQUILIBRE n. m. est un emprunt savant (1611), d'abord sous la forme equalibre (1544, M. Scève), au latin impérial aequilibrium « exactitude des balances » et « équilibre », composé de aequus « égal » (→ égal, équi-) et de libra « balance » (→ livre n. f.).
❏  Équilibre est introduit avec le sens général d'« égalité, équivalence ». C'est de cette valeur que procèdent les différentes acceptions : le mot s'emploie depuis le début du XVIIe s. (1611) pour « égalité de poids », puis comme terme scientifique (1663, Pascal) pour désigner le fait, pour plusieurs forces agissant simultanément sur un système matériel, de ne pas modifier son état de repos ou de mouvement, d'où par métonymie l'état d'un tel système (par ex. dans équilibre stable [1811], instable [1837]). ◆  Par extension, le mot signifie couramment « attitude stable », avec la locution adverbiale en équilibre. De là, tour, exercice d'équilibre (1762) et, en physiologie, sens de l'équilibre. ◆  Équilibre est aussi usité (1674) dans le domaine des arts au sens d'« agencement harmonieux de la composition ». ◆  Depuis le début du XVIIIe s., le mot désigne un rapport considéré comme bon entre des choses opposées ; de là équilibre politique (1748), équilibre mental (av. 1778) équilibre économique, etc. ◆  La valeur scientifique est reprise en chimie (1860) et en physique (1910, équilibre radioactif).
❏  Le dérivé (dénominal) ÉQUILIBRER v. tr. apparaît en 1529 au participe passé adjectivé, au sens concret de « peser également », « compenser » ; il est repris au XVIIIe s. (1744) et n'est courant qu'à partir du XIXe siècle. S'équilibrer (1803) a pris le sens abstrait d'« équivaloir », puis équilibrer celui de « mettre en équilibre », au propre et au figuré (av. 1865 en économie).
■  Du verbe dérivent ÉQUILIBREUR, EUSE adj. et n. m. « qui maintient en équilibre » (1902, n. m. ; 1801, comme synonyme de équilibriste, sens disparu), ÉQUILIBRATION n. f. (1845), terme didactique comme ÉQUILIBRATEUR, TRICE adj. (1968, de même sens que équilibreur adjectif).
■  ÉQUILIBRAGE n. m. (1841) est devenu assez courant en automobile (équilibrage des roues).
■  ÉQUILIBRANT, ANTE adj. (1878) s'est spécialisé au sens figuré de « qui procure un équilibre psychologique, mental » (XXe s.).
ÉQUILIBRISTE n. (1764 ; Cf. l'anglais equilibrist, 1760), autre dérivé du nom, désigne une personne dont le métier est de faire des tours d'équilibre (Cf. acrobate) et s'emploie au figuré (déb. XXe s.).
Le préfixé DÉSÉQUILIBRER v. tr. (1860) de dés- (→ 1 dé-) signifie « faire cesser l'équilibre de (qqch.) » et, au propre et au figuré, « de qqn ». Le sens de « faire perdre son équilibre psychique à (qqn) » est très courant, notamment au participe passé DÉSÉQUILIBRÉ, ÉE adjectivé et substantivé. ◆  Du verbe dérivent DÉSÉQUILIBRATION n. f. (1898), DÉSÉQUILIBRANT, ANTE adj. (XXe s.), spécialisé au sens psychologique.
■  DÉSÉQUILIBRAGE n. m. (1895, Guérin) correspond à équilibrage.
■  DÉSÉQUILIBREMENT n. m. (1886), littéraire et vieilli, était utilisé en particulier par les Goncourt.
■  DÉSÉQUILIBRE n. m. (1883) est un dérivé du verbe ou construit à partir de équilibre. Il s'emploie couramment au sens concret et psychologique, alors en relation avec déséquilibré et déséquilibrant.
■  RÉÉQUILIBRER v. tr. (1946), d'abord attesté au pronominal (1942), a donné RÉÉQUILIBRAGE n. m. (1954).
■  RÉÉQUILIBRE n. m. (1936) est peut-être directement formé sur équilibre.
ÉQUINOXE n. m. est un emprunt, d'abord sous la forme equinoction (du XIIe au XIVe s.), puis equinocte (1210), au latin classique aequinoctium, composé de aequus « égal » (→ égal, équi-) et de nox, noctis « nuit* ».
❏  La forme actuelle (attestée 1690) est francisée ; le mot désigne la période de l'année où, le soleil passant par l'équateur, le jour a une durée égale à celle de la nuit, d'un cercle polaire à l'autre, d'où, spécialement, en astronomie (ligne des équinoxes) l'intersection des deux plans de l'écliptique et de l'équateur.
❏  ÉQUINOXIAL, IALE, IAUX adj. est emprunté au dérivé latin classique aequinoctialis « équinoxial ». D'abord variante de équinoction et équinoxe, équinoxial (v. 1290) est un nom masculin. La forme est reprise comme adjectif au XIVe s. (1379) et signifie alors « qui a rapport à l'équinoxe » ; l'adjectif s'emploie par extension en botanique (fleurs équinoxiales).
G + ÉQUIPER v. tr. est issu au XIIe s. (1160, esquiper), d'abord sous la forme eschiper (v. 1120), de l'anglo-saxon scipian « naviguer » (1122, « embarquer ») au moins pour les premiers emplois (selon le F. e. w.) ; une autre hypothèse donne pour étymon unique l'ancien nordique skipa « arranger, équiper » et peut-être « naviguer » (sens non attesté), mot issu de skip « bateau » (Cf. l'allemand Schiff et l'anglais moderne ship).
❏  Équiper a eu jusqu'au XVe s. le sens de « venir au rivage, aborder », en parlant d'un bateau (v. 1120) puis de « prendre la mer » (1160, esquiper). Dès le XIIe s., le verbe a pris le sens resté moderne de « pourvoir (un navire) de ce qui est nécessaire pour la navigation » (1155, eschiper). De cet emploi vient (1555) la valeur extensive de « pourvoir de choses nécessaires à une activité », d'où (1606) équiper qqch., en vue d'une destination particulière (équiper un local, une région) et s'équiper (1671). Équiper a signifié en particulier « pourvoir de vêtements ».
❏  ÉQUIPAGE n. m., réfection (XVIe s.) de ecupage (v. 1455), désigne d'abord l'ensemble des personnes qui assurent la manœuvre et le service sur un navire. Le mot s'emploie à partir du XVIe s., d'après un sens extensif du verbe, pour désigner l'ensemble du matériel nécessaire pour certaines activités, chasse, guerre, etc. (1549), sens qui demeure dans le vocabulaire militaire, notamment dans train des équipages (ou les équipages) et dans le vocabulaire de la vénerie. ◆  Par extension (1580), le mot s'est dit de ce qui est nécessaire pour voyager, s'entretenir honorablement (valets, chevaux, etc.) ; cet emploi reste dans en équipage ; en viennent plusieurs acceptions disparues : « habit, toilette », d'abord féminin dans ce sens (1594), puis masculin (1611) ; le mot signifie aussi « ensemble des voitures, chevaux, etc. et du personnel qui s'en occupe » (1690) et « la voiture elle-même » (fin XVIIe s.). Il se dit au figuré pour « état, situation » (1636, être en mauvais équipage). Équipage, terme technique, désigne (1690) l'ensemble des objets nécessaires à certains travaux. ◆  Au XXe s., par analogie, le mot se dit (v. 1930) du personnel d'un avion (chef d'équipage, dans le vocabulaire militaire), d'un engin blindé.
■  ÉQUIPE n. f. s'emploie d'abord au sens d'« équipage » (d'un bateau). Malgré une attestation isolée (equippe, 1456), ce sens semble récent (1867, Zola) et il est sorti d'usage au XXe siècle. Au sens de « groupe de bateaux », « chargement de ces bateaux » (1688), il a aussi disparu. ◆  Le mot a désigné en moyen français un groupe de personnes pratiquant un même sport (1469, au jeu de la quintaine) ; apparemment disparu, il est repris en 1890 à propos de sports, du type des jeux de ballon ; de là sport d'équipe (attesté 1938). Équipe prend au XIXe s. (1864) le sens de « groupe de personnes unies dans une tâche commune », d'où homme d'équipe, travailler en équipe. Par extension, le mot se dit (1901) d'un groupe de personnes qui se distraient ensemble (Cf. bande et ci-dessous équipée, qui a pu susciter cette valeur).
■  Le dérivé ÉQUIPIER, IÈRE n. a d'abord signifié (1844, d'un canotier) « homme d'équipe », acception rare, le mot désignant surtout aujourd'hui (1892) un membre d'une équipe sportive, d'où COÉQUIPIER, IÈRE n. (1898).
ÉQUIPÉE n. f. s'est d'abord dit (av. 1483, esquippee) pour « expédition militaire », où l'on part « équipé », sens disparu auquel s'est substitué (1611, equippée) celui d'« action entreprise à la légère » (Cf. aventure).
ÉQUIPEMENT n. m. a le sens général d'« action d'équiper », et par métonymie « ce qui sert à équiper » ; le mot s'emploie d'abord en marine (1671 ; Cf. armement) puis dans le domaine militaire (1779). ◆  Équipement désigne ensuite ce qui sert à équiper (qqn, un animal) en vue d'une activité déterminée (1804), puis par extension s'utilise en parlant de choses (1893 ; plan d'équipement, équipements collectifs) ; en dérive ÉQUIPEMENTIER n. m. (1978), rare.
■  ÉQUIPEUR n. m. (1803), « homme qui équipe un fusil », est un terme technique.
■  ÉQUIPET n. m. (1829) un terme de marine.
À partir de équiper ont été formés plusieurs verbes préfixés.
■  DÉSÉQUIPER v. tr. a d'abord signifié « désarmer (un navire) » (1669) ; il s'emploie en français moderne (1873) pour « enlever l'équipement de (qqn) ».
■  RÉÉQUIPER v. tr., « équiper de nouveau » (v. 1936), a pour dérivé RÉÉQUIPEMENT n. m. (1936).
■  SURÉQUIPER v. tr., « équiper au-delà des besoins », est un terme d'économie attesté au milieu du XXe s. (SURÉQUIPÉ, ÉE adj., en 1931), dont dérive SURÉQUIPEMENT n. m. (mil. XXe s.), contraire de SOUS-ÉQUIPEMENT n. m. (v. 1960) auquel correspond SOUS-ÉQUIPÉ, ÉE adj. (1959).
ÉQUIPOLLENT, ENTE adj. est un mot emprunté (v. 1223) au bas latin aequipollens « équivalent », composé de aequus « égal » (→ équi-) et du participe présent de pollere « être fort » ; cet équivalent noble du verbe courant posse (→ pouvoir) a été rapproché de l'irlandais oll « grand ».
❏  L'adjectif a eu le sens d'« équivalent », d'où l'emploi en logique moderne : (propositions) équipollentes « qui ont la même signification », et en mathématiques (1877).
❏  Le dérivé ÉQUIPOLLER v. tr. (1310) s'est dit pour « être équivalent à, égaler » ; le verbe est sorti d'usage ou est d'emploi très didactique.
ÉQUIPOLLENCE n. f. est emprunté (1275-1280) au dérivé du bas latin aequipollentia « équivalence ». Le mot est passé en français avec la valeur de l'étymon, aujourd'hui sortie d'usage. Il s'emploie maintenant en logique et en mathématiques (attesté 1877).
ÉQUITATION n. f. est un emprunt savant (1503) au latin impérial equitatio « équitation », de equitare « aller à cheval », dérivé de equus « cheval » (→ équestre).
❏  Le mot désigne l'art de monter à cheval, la technique du cavalier, puis le sport qui consiste à monter à cheval. Il est usuel en français contemporain et correspond à la substantivation de faire du cheval.
ÉQUITÉ n. f. est un emprunt savant (1262) au latin aequitas « égalité », « équilibre moral », « esprit de justice », dérivé de aequus « égal », d'où « impartial » (→ égal, équi-).
❏  Le mot, en français comme en latin, désigne la juste appréciation de ce qui est dû à chacun, selon un principe de justice naturelle, parfois divine, d'où les expressions équité divine, suprême. Le mot est parfois employé en opposition à droit positif, à loi. Ces emplois sont archaïques ou historiques. ◆  Par métonymie, équité se dit (1921, Valéry) du caractère de ce qui est conforme à ce principe (équité d'une loi, d'un jugement), le concept trouvant, après 1950, une importance nouvelle en politique, transférant l'idée d'« égalité » au domaine collectif, social, et lui ajoutant un principe de justice et de morale lié à celui des « droits de l'homme ».
❏  ÉQUITABLE adj., dérivé (v. 1512) par suffixation en -able, se dit d'une personne qui a de l'équité, d'un acte, d'une attitude, etc. (1580) conformes à l'équité (partage, jugement équitable). L'adjectif semble moins littéraire que le nom. ◆  Équitable s'applique spécialement, en mathématiques, au domaine des probabilités (jeu équitable). ◆  Avec des noms abstraits, équitable, « conforme à l'équité », a trouvé (années 1980) un nouveau champ d'application, celui des échanges, du commerce équitable, censé respecter les droits de l'homme et l'environnement, dans les échanges entre les consommateurs et commerçants des pays industrialisés et les producteurs des pays « du Sud ». Par jeu de mots entre équitable et éthique, on a créé le mot-valise ÉTHIQUABLE adj., qui est paradoxalement limité à un usage commercial.
■  Le dérivé ÉQUITABLEMENT adv. (déb. XVIe s.) est d'usage soutenu.
■  ÉQUITABILITÉ n. f. (1951) « caractère équitable d'un jeu » est un terme didactique.
■  INÉQUITABLE adj., formé d'après inégalitaire (1579), s'est répandu v. 1990 en politique.
ÉQUIVALENT, ENTE adj. et n. m. est un emprunt savant (1370-1372, adj.) au bas latin aequivalens, participe présent de aequivalere « avoir une valeur égale », de aequus (→ égal, équi-) et valere (voir ci-dessous, à équivaloir ; → valeur, valoir).
❏  L'adjectif conserve la valeur de l'étymon ; il signifie, en parlant de choses quantifiables, « dont la qualité a la même valeur » (Cf. égal), d'où des emplois spéciaux en géométrie, algèbre, cartographie.
■  Le substantif, d'abord attesté avec le sens spécial d'« impôt (qui tient lieu d'un autre) » (1382), est repris au XVIe s. avec un sens général : « ce qui a la même valeur » (1531, R. Estienne). Au XIXe s., ce substantif acquiert des emplois particuliers : en chimie (1858), emploi aujourd'hui sorti d'usage (Cf. valence), et en physique (1852, Joule : équivalent mécanique de la chaleur). Il désigne spécialement (1864) dans le domaine de la langue, un mot, une expression que l'on peut substituer à un autre mot ou à une autre expression, sans changer l'effet produit par l'énoncé (Cf. synonyme).
❏  ÉQUIVALEMMENT adv., dérivé de l'adjectif (1377, equivalement, Oresme), est rare.
ÉQUIVALENCE n. f. a été emprunté (v. 1300) au latin médiéval aequivalentia « qualité, valeur égale » (1185), composé de aequus et du bas latin valentia « vigueur », ou dérivé de aequivalere. Il conserve la même valeur en français et s'emploie spécialement, comme équivalent, dans le vocabulaire des mathématiques, de la logique (principe d'équivalence). ◆  Il désigne en particulier (1864) l'assimilation d'un titre, d'un diplôme à un autre (accorder une équivalence à qqn).
ÉQUIVALOIR v. tr. ind. est un emprunt savant (1453-1461), traité d'après valoir, au bas latin aequivalere « égaler, valoir autant », composé de aequus et de valere « être vigoureux », « avoir de la valeur », « avoir une signification (mots), une valeur (monnaie) », avec l'influence de valoir*. Le verbe, rare à l'infinitif, conserve le sens de l'étymon ; il s'emploie dans la construction équivaloir à pour « être de même valeur quantitative » et « avoir la même valeur que » (Cf. signifier, revenir [à]).
ÉQUIVOQUE adj. et n. f. est emprunté (v. 1223) au bas latin aequivocus « à double sens », composé de aequus « égal » (→ égal, équi-) et de -vocus, dérivé de vox, vocis « voix* », « paroles, mots ».
❏  L'adjectif est employé en versification (v. 1223) dans rimes équivoques « jeu de mots reposant sur l'homophonie », en usage au moyen âge et à la Renaissance, aujourd'hui d'emploi didactique ; on dit aussi rime équivoquée, ou homonyme. ◆  Équivoque apparaît comme substantif au milieu du XIIIe s., d'abord au masculin, puis au féminin (le genre reste hésitant jusqu'au XVIIe s.), avec le sens de « mauvais jeu de mots » (Cf. calembour). ◆  À la fin du XIVe s., l'adjectif qualifie par extension des choses diverses qui reçoivent par hasard le même nom ; cette valeur logique a disparu : elle correspond aux notions d'homonymie et de polysémie. ◆  Au XVIIe s., apparaît pour le nom le sens étendu de « caractère de ce qui prête à des interprétations diverses » (1648, Pascal) ; cette valeur s'impose aussi pour l'adjectif (1656, Pascal) ; elle a disparu, remplacée par d'autres mots (ambigu, par exemple). ◆  De là, le sens péjoratif et courant (XVIIe s.) de « qui n'inspire pas confiance » (personne équivoque, d'où regards équivoques) et une équivoque (XVIIe s.) « incertitude, manque de clarté qui laisse hésitant ».
❏  Le dérivé ÉQUIVOQUER v. intr. est tombé en désuétude au sens d'« employer (un mot) pour un autre » (1520, transitif) ; il est encore usité mais littérairement pour « ne pas s'exprimer clairement (pour tromper) ».
■  Il a pour dérivé ÉQUIVOQUEMENT adv. (1897, Bloy), rare.
L ÉRABLE n. m. est issu (v. 1236, arable) du latin médiéval acerabulus (attesté dans des gloses des VIIe -VIIIe s.), composé du latin impérial acer, aceris « érable » (d'où l'italien acero, l'espagnol arce) et d'une finale -abulus correspondant peut-être à un gaulois °abulus ou °abulos restitué d'après la partie finale du gallois (cri)afol « sorbier des oiseaux ». Wartburg, dans le F. e. w., fait l'hypothèse d'un étymon unique : le gaulois °acar, correspondant probable du gaulois °abulus, aurait été remplacé par acer lors de la romanisation. Selon une autre hypothèse, acerabulus serait le résultat d'une dissimilation de acer abor (pour arbor).
❏  Érable est le nom donné à un grand arbre des régions tempérées ; l'érable du Canada ou érable à sucre (1793) donne un sucre comestible d'où (1765) sucre d'érable, sirop d'érable (1703 écrit syrop), syntagmes très usuels en français du Canada, où, par ailleurs, le mot a été employé au féminin.
❏  Le dérivé ÉRABLIÈRE n. f. (1804) désigne une plantation d'érables et spécialement, au Québec, une plantation d'érables à sucre, ainsi que son bâtiment principal.
ÉRADICATION n. f. est un emprunt savant (XIIIe s.) au latin chrétien eradicatio « déracinement, destruction, extermination », de eradicatum, supin de eradicare « déraciner », composé de ex- et de radix, -icis (→ racine).
❏  D'abord attesté avec l'un des sens latins, « extermination », le mot est repris (v. 1370) comme terme de médecine avec la valeur moderne, « action d'arracher, d'extirper ». Il se dit au figuré avec le sens de « suppression totale » (d'une maladie endémique, par exemple).
❏  ÉRADIQUER v. tr., d'emploi didactique, a été dérivé (mil. XXe s.) du substantif sur le modèle des verbes en -iquer.