ÉRAFLER → 1 RAFLE
ÉRAILLER v. tr. représente une altération (v. 1220, esraaillier) de l'ancien français soi esröeillier « rouler les yeux (en signe de colère) » (1er tiers du XIIIe s.), dérivé de roeiller (v. 1130, roeillier les ueilz). Cet emploi a dû subir l'influence de raillier « aboyer, crier » et « parler en fanfaron » (v. 1200 ; → railler), dans les expressions raillier les ex [yeux] (v. 1260), ieus raillans (déb. XIIIe s.). L'ancien verbe roeiller est issu du latin populaire °roticulare, du latin impérial rotare « rouler », « faire tourner », dérivé de rota qui a donné roue*.
❏  Le verbe est d'abord employé avec le sens de l'ancien français roeillier (v. 1220, esraaillier les ielz), d'où esraaillié, participe passé adjectivé, « furieux » (v. 1223).
■  De ce premier sens disparu, procède à la fin du XVe s. l'emploi spécial du mot en médecine (1493), en parlant d'un œil dont le bord est retourné et qui laisse voir le blanc. ◆  À la fin du XVIIe s., érailler prend le sens (1690) de « relâcher les fils d'un tissu » (Cf. effiler) et par extension, sous l'influence de rayer, la valeur moderne, « écorcher superficiellement » (1690). ◆  Par analogie, le verbe se dit ensuite au figuré pour « rendre rauque » en parlant de la voix (1846, s'érailler), valeur aujourd'hui dominante.
❏  Le participe passé ÉRAILLÉ, ÉE est adjectivé (1893) dans une voix éraillée.
■  ÉRAILLEMENT n. m., d'abord terme de médecine (1561), signifie au XIXe s. d'après le verbe « action d'érailler (un tissu, une surface) » (1864) et se dit en parlant de la voix (1829).
■  ÉRAILLURE n. f. (1690) s'emploie pour une étoffe et se dit (1835) pour « éraflure ».
■  ÉRAILLANT, ANTE adj. (participe présent de érailler), « qui éraille la voix », est d'emploi rare. Céline (1951) l'emploie.
ERBIUM n. m. est une adaptation (1864) du latin scientifique moderne erbia (1843), mot formé à partir du nom propre Ytterby, ville de Suède où fut découvert un oxyde terreux qui fut dénommé ERBINE n. f. (v. 1850).
❏  Erbium désigne en chimie (symbole Er) un métal du groupe des terres rares dont on ne connaît que l'erbine.
ÈRE n. f. est un emprunt savant écrit here (1539) puis ère (1678), au bas latin aera, d'abord « monnaie », d'où « nombre », puis, en chronologie, « point de départ, époque », dérivé du latin classique aes, aeris « cuivre », « bronze » (→ airain), d'où « monnaie ».
❏  Le mot est introduit en français (1539) avec un des sens du bas latin, « point de départ d'une chronologie », aujourd'hui didactique. C'est au XVIIe s. qu'apparaît la valeur moderne d'« espace de temps » et, plus précisément, « suite d'années que l'on compte depuis un point fixe » (1678-1680) : ère chrétienne, musulmane. De là (av. 1834) l'acception d'« époque qui commence avec un nouvel ordre de choses » (ère industrielle). ◆  Le mot désigne en géologie (déb. XXe s.) la division la plus grande des temps géologiques (ère primaire, tertiaire, etc.).
ÉRECTION n. f., réfection étymologique (XVIe s.) de ereccion (1465), est un emprunt savant au latin impérial erectio « action de dresser », dérivé de erectum, supin de erigere « dresser, mettre debout » (→ ériger).
❏  Le mot est d'abord employé (1465), avec une valeur figurée et aujourd'hui vieillie, pour « action d'élever à une certaine condition », « fondation ». ◆  Il est employé au XVIe s. au sens physiologique aujourd'hui courant (1562, A. Paré) pour caractériser l'augmentation de volume et la capacité de se redresser de certains tissus ou organes (verge, clitoris, mamelon du sein) ; érection, en emploi absolu, concerne la verge, d'où les expressions avoir une érection, être, entrer en érection.
■  Au début du XVIIe s., érection est repris avec le sens étymologique d'« action d'élever (un monument) » (1612), aujourd'hui littéraire et assez rare, du fait de la fréquence du sens physiologique.
❏  ÉRECTEUR, TRICE adj. est d'abord un emprunt (1544, n. m.) au bas latin erector « celui qui érige », du supin de erigere, avec le sens de l'étymon, employé au XVIe siècle. Le mot entre ensuite dans le vocabulaire de la physiologie (1701) ; il est alors dérivé du radical de érection et désigne un muscle.
■  ÉRECTILE adj. « susceptible d'érection » est un dérivé savant (1813) du latin classique erectum (supin de erigere) ou du radical de érection ; il s'emploie avec un contexte plus général que érection (poils érectiles, etc.).
❏ voir ÉRIGER.
ÉREINTER → REIN
ÉRÉMISTE → R. M. I.
ÉRÉMITIQUE → ERMITE
ÉRÉTHISME n. m. est un emprunt savant (1741) au grec erethismos « irritation », au figuré « provocation » et en médecine « stimulation, excitation », dérivé de erethizein, lui-même de erethein « exciter, irriter », d'origine indoeuropéenne. On trouve les graphies érétisme (1852, Nerval), éréthysme (1925).
❏  Le mot est introduit en français comme terme de médecine pour désigner l'état d'excitabilité accrue d'un organe (éréthisme cardiaque), d'où le sens figuré, littéraire et rare (1777-1783), d'« exaltation violente d'une passion, tension d'esprit excessive » (éréthisme de la pensée).
1 ERG n. m. est un emprunt, d'abord (1849) au pluriel areg puis au singulier erg (1888), à l'arabe ῾irq, au pluriel a῾rāq « dune mouvante ».
❏  Le mot désigne, notamment dans le Sahara, une région couverte de dunes (par opposition à hamada « plateau pierreux »). Le pluriel arabe areg, qui se trouve par exemple chez Fromentin (1857, Un été au Sahara), correspond à celui de touareg ; il est le plus souvent remplacé par la forme francisée basée sur le singulier originel : des ergs.
2 ERG n. m., terme international (1874 ; aussi ergal), a été formé en anglais (1873), à partir du grec ergon « travail, force » (→ énergie), pour désigner l'unité de travail du système C. G. S. (Cf. dyne, joule).
❏  ERGO-, ERGIE, éléments tirés du même mot grec ergon, entrent dans la composition de mots savants, notamment en biochimie, psychologie et sociologie.
■  ERGOMÈTRE n. m. (1898), de -mètre, est le nom donné à un appareil servant à mesurer le travail fourni par les muscles. ◆  Le terme correspondant ERGOMÉTRIE n. f. (attesté v. 1960), de -métrie, est employé en médecine ; en dérive ERGOMÉTRIQUE adj. (v. 1960).
■  ERGOGRAPHE n. m. (attesté en 1903), de -graphe, désigne un appareil servant à mesurer le travail musculaire, inventé par Mosso en 1890. ◆  Il a pour dérivé ERGOGRAPHIQUE adj. (1897, l'Année biologique).
ERGONOMIE n. f. représente une adaptation (v. 1965) de l'anglais ergonomics (1949), composé à partir de ergon et de nomos « loi, règle », sur le modèle de mots comme economics. ◆  Le mot désigne l'étude scientifique des conditions de travail et des relations entre l'homme et la machine ; il est à la mode, ainsi que ses dérivés, notamment en informatique.
■  Ses dérivés sont ERGONOMIQUE adj. (av. 1970) « relatif à l'ergonomie », puis « favorable à de bonnes relations entre l'ordinateur et ses utilisateurs », et ERGONOME (1972) ou ERGONOMISTE n. (1970) « spécialiste de l'ergonomie ».
ERGOL n. m., formé (1973) à partir du grec ergon, d'après propergol, désigne une substance employée pour fournir de l'énergie (Cf. diergol, propergol).
ERGASTULE n. m. est un emprunt du XVIe siècle au latin ergastulum, lui-même pris au radical du grec ergastheriōn, qui a le sens général d'« atelier ». Ce mot d'historien désigne une prison, un cachot souterrain, dans l'Antiquité romaine.
ERGATIF n. m. est composé (1928, Troubetzkoy) sur le radical du grec ergatês « qui travaille, actif », dérivé de ergon « travail » (→ énergie), par suffixation -if.
❏  Il désigne, en linguistique, le cas qui exprime l'agent du procès, dans certaines langues flexionnelles.
ERGOL n. m. est la terminaison du mot propergol, tiré du grec ergon « énergie » et désigne une substance fournissant de l'énergie ; dans le propergol, l'ergol est l'élément d'un mélange.
? ERGOT n. m. est la resuffixation (1676) de ergos, pluriel attesté au XVe s. (v. 1440) qui succède à argoz (v. 1175), usuel jusqu'au XVIe siècle. Son origine est obscure ; il pourrait être issu d'une racine pré-romane °arg- désignant des choses pointues. Selon P. Guiraud, la forme primitive argoz, qui fut, semble-t-il, employée en ancien français au sens d'« éperons » (XIIe s.), suggère un dérivé de harer « exciter (les chiens) après une proie » (→ haro). On a évoqué argoz comme origine possible du mot argot, probablement à tort (→ argot). Par ailleurs, l'ancien français atteste une forme herigote qui désigne à la fois un ergot et un éperon. Le développement de cette famille serait dû à un croisement avec le latin argutus « pointu ».
❏  Le mot est d'abord attesté au XIIe s. (argoz) avec le sens d'« apophyse cornée située à l'arrière des pattes de certains oiseaux, notamment le coq ». La locution figurée monter, se dresser sur ses ergots succède à dancer sur les ergos (v. 1440) et signifie « être combatif et orgueilleux » (XVIIe s.) ; dans la langue classique, elle n'avait pas la valeur ironique qu'elle a prise en français moderne. ◆  Par analogie de forme, ergot est employé en arboriculture (1651, argot), en agriculture (1676) pour désigner une excroissance parasitaire qui atteint certaines céréales (ergot de blé, de seigle ; Cf. ci-dessous ergoté, divers dérivés). Il s'emploie aussi en technique (1870).
❏  Les dérivés de ergot sont, pour la plupart, issus des emplois analogiques du mot en arboriculture et en agriculture.
■  ERGOTÉ, ÉE adj., didactique, signifie « pourvu d'ergots », en parlant d'un oiseau (1549), et qualifie une céréale atteinte d'ergot (1755), le seigle ergoté ayant des effets physiologiques hallucinatoires.
■  2 ERGOTER v. tr. (1803, Boiste) est un terme d'arboriculture.
■  ERGOTISME n. m. (1818), terme de médecine, se dit de l'ensemble des accidents provoqués par la consommation du seigle ergoté.
■  ERGOTINE n. f. (1836), terme de chimie et de pharmacie, désigne l'extrait de l'ergot de seigle employé autrefois pour soigner les hémorragies, d'où ERGOTININE n. f. (1890).
À partir de ergot (de seigle) ont été composés les termes scientifiques ERGOSTÉRINE n. f. (1889) de (chole)stérine, ERGOSTÉROL n. m. (1933) de stérol, d'après ergostérine, et ERGOTAMINE n. f., emprunt à l'allemand (la substance a été découverte en 1918 en Suisse). [1952, Sciences et Avenir].
1 ERGOTER v. intr. est dérivé (1534), d'abord sous la forme hargoter (v. 1220), par suffixation en -oter, de ergo nom masculin (v. 1220) « argument », emprunt savant au latin ergo, particule invariable signifiant « donc, en conséquence ».
❏  Ergo, en français, a été répandu par la scolastique et les discussions dialectiques ; il n'apparaît plus aujourd'hui que par archaïsme plaisant, avec le sens étymologique d'« en conclusion ». ◆  Ergoter est en revanche usuel ; il signifie « contester, contredire avec des arguments captieux » (Cf. chicaner).
❏  Du verbe dérivent ERGOTEUR, EUSE n. et adj. (1410, hargoteur ; 1585 pour la forme moderne), ERGOTERIE n. f. (1599) aujourd'hui vieilli et remplacé par ERGOTAGE n. m. (av. 1630 ; repris en 1864), un autre dérivé nominal, ERGOTEMENT n. m. (1851-1862, Sainte-Beuve) demeurant rare.
2 ERGOTER → ERGOT
-ERIE est un suffixe formateur de substantifs féminins ; le suffixe -ie a été ajouté à des noms de personnes en -ier (chevalier / chevalerie) : de là le suffixe -erie. Dès le XIIe s., il est en concurrence avec -ie, qu'il élimine au XVIe siècle.
ÉRIGER v. tr. est un emprunt savant (1466) au latin erigere « dresser, mettre debout », « construire », de ex- et regere « diriger, mener » (→ régir), rattaché à une racine indoeuropéenne °reg- « diriger en ligne droite » qu'on retrouve dans roi, droit, droite.
❏  Le mot est emprunté avec le sens de « établir, fonder » (ériger une société), aujourd'hui archaïque. Le verbe signifie ensuite (1530) « placer (un monument) en station verticale » et, par figure (1555), ériger (qqn, qqch.) en « faire passer (qqn, qqch.) à (une condition plus élevée) ». Dans ces emplois, le substantif correspondant, de même origine, est érection*. ◆  S'ériger en s'emploie (1643) pour « s'attribuer le rôle de » (s'ériger en censeur). ◆  Ériger, comme érection, s'emploie spécialement (1679) pour « construire avec solennité » (ériger un temple). À la différence de érection, dont le sens physiologique a limité les autres emplois, ériger et s'ériger sont assez vivants dans ces usages.
❏ voir ÉRECTION.
ÉRISTIQUE adj. et n. est un emprunt savant (1765) à l'adjectif grec eristikos « qui aime la controverse », d'où le nom féminin (teknê) eristikê « art de la controverse » et le substantif eristikos « celui qui s'y adonne ». Eristikos vient de eris « querelle, rivalité », mot sans étymologie connue.
❏  Éristique, terme d'histoire de la philosophie, conserve les valeurs du grec ; il s'emploie aussi comme nom féminin (1864).