ESPLANADE n. f., attesté au XVe s. (1477-1483), représente une adaptation d'après plan, adjectif, de l'italien spianata « espace libre devant le glacis d'une fortification » (XIVe s.), participe passé substantivé de spianare « aplanir ». Le verbe italien est issu du latin explanare « étendre, étaler », dérivé de planus « plat, uni, égal » (→ plain, plan).
❏  D'abord introduit en français avec la valeur du mot italien, comme terme de fortification et disparu en ce sens, le mot désigne par extension un terrain aménagé devant un édifice, une maison (déb. XVIIe s. ; Cf. place) ou sur une hauteur (1755).
ESPOIR → ESPÉRER
ESPONTON n. m. est un emprunt francisé (1659), d'abord sous la forme sponton (1593), à l'italien spontone « demi-pique » (XIIIe s.), dérivé de puntone « pique », de punta, de même origine que pointe*.
❏  Esponton conserve le sens de l'italien ; l'arme a été utilisée du XVIe s. à la Révolution, notamment sur les vaisseaux pour l'abordage. Par analogie de forme, le mot désigne (1864) la partie inférieure d'un barreau de grille, en forme de fuseau. Il semble archaïque.
ESPRIT n. m. succède en ancien français à la forme latine spiritus, spiritum (fin Xe s.), et s'écrit d'abord espirit, esperit (déb. XIIe s.) ; la forme moderne (XIVe s.) ne se répand qu'à partir du XVIe siècle. Le mot est un emprunt adapté au latin classique spiritus « souffle, air », « respiration », d'où « émanation, odeur », « aspiration », « esprit » en grammaire (équivalence du grec pneuma ; → neume) Comme le grec pneuma, spiritus signifie aussi « souffle divin », « esprit divin », « inspiration », d'où « âme » et « personne » ; en latin chrétien, spiritus prend les valeurs de « mentalité », « intention », « principe de vie morale », « intelligence », « être immatériel » (esprit, ange, démon, fantôme, Sanctus Spiritus « Saint-Esprit ») et, par métonymie, « personne qui a bon ou mauvais esprit ». Spiritus vient du verbe spirare « souffler », « respirer », « exhaler une odeur » et, au figuré, « être inspiré », verbe qui n'a pas de correspondant hors du latin. C'est par l'intermédiaire des textes chrétiens que le mot s'est introduit en français ; il y reprend, à des époques différentes, une partie des sens de spiritus.
❏  Esprit est attesté à la fin du Xe s. avec plusieurs acceptions : « principe de la vie incorporelle de l'homme, âme » et « principe de la vie corporelle », d'où la locution rendre l'esprit « mourir » (1309, rendre son esprit) où reste la métaphore du souffle. De là les sens « être immatériel, incorporel » (spiritum, en parlant du Saint-Esprit ; 1119, esperiz), « âme d'un défunt, revenant » (1458, sous la forme actuelle), cette valeur subsistant en particulier dans l'occultisme (1865, esprit frappeur).
■  Au début du XIIe s., esprit reprend le sens latin de « souffle, vent, air », qui a disparu, et, dans le vocabulaire biblique, celui de « souffle envoyé par Dieu » (l'esprit souffle où il veut) et, plus généralement, de « principe de la vie psychique, conscience ». ◆  C'est aussi au XIIe s. (v. 1155) que esprit désigne le principe de la vie intellectuelle, l'intelligence, opposé à l'objet de la pensée. De cette valeur procèdent des expressions comme ouvrage d'esprit (1877), de l'esprit « œuvre littéraire » (vieillie) et, dans un emploi péjoratif, vue de l'esprit « position qui ne s'appuie pas sur le réel » ; de ce sens viennent aussi dans mon esprit « selon moi », présence d'esprit (1671) « aptitude à faire, à dire ce qui est à propos » et des locutions comme avoir de l'esprit comme quatre (1659), jusqu'au bout des doigts, etc. « être très intelligent » (avoir de l'esprit comme un ange, 1718).
■  Le mot s'emploie également dès l'ancien français, par extension du sens d'« être immatériel », pour « être imaginaire supposé se manifester sur terre » (v. 1155), en parlant de Dieu, des anges, des démons, d'où le malin esprit (1680), l'esprit malin (1538) « le démon », où malin a le sens latin de « méchant, mauvais » (v. 1170, le mal esperiz). ◆  Par analogie, esprit désigne ensuite (1370) les corps subtils considérés comme les véhicules de la vie, du sentiment (XVIe s., esprits vitaux), sens qui ne demeure qu'avec quelques verbes dans des locutions comme perdre, reprendre ses esprits (1538). ◆  Par métonymie, esprit au sens d'« intelligence » s'emploie (1478) en parlant de personnes (un esprit pénétrant, médiocre), spécialement dans des expressions comme un bon esprit, un petit esprit et un bel esprit (déb. XVIIe s.), d'usage péjoratif depuis la fin du XVIIe s. (dans le même sens, on dit aussi un esprit au XVIIe s.).
Esprit fort équivaut d'abord (1601) à « libre penseur », puis se dit (1690) d'une personne qui revendique un jugement indépendant. ◆  Esprit acquiert au XVIe s. plusieurs autres acceptions, liées aux emplois antérieurs ; le mot signifie (1511) « humeur, caractère », d'où avoir bon (1636), avoir mauvais esprit et, par métonymie, un mauvais esprit.
■  C'est aussi au XVIe s. que l'on trouve le mot (1547) au sens de « vivacité de l'esprit, finesse », notamment dans avoir de l'esprit et dans trait (1671), mot d'esprit ; le proverbe l'esprit court les rues a vieilli, alors que faire de l'esprit (v. 1750) se dit encore couramment ; mais faiseur d'esprit (1787) est archaïque. ◆  Esprit s'est dit aussi (1547) du sens profond d'un texte.
■  C'est l'idée de « principe » que l'on retrouve un peu plus tard dans le sens (1585) de « principe d'action, d'intention » (esprit de contradiction), qui demeure surtout dans des expressions comme dans un esprit de justice, sans esprit de retour, etc., et dans le titre du célèbre ouvrage de Montesquieu, L'Esprit des lois. ◆  De cette valeur procède l'emploi du mot pour désigner (1656, Pascal) un ensemble de valeurs, d'idées, etc., propres à un groupe ; avec ce sens, esprit public « opinion publique » (v. 1790) est sorti d'usage ; restent dans un emploi péjoratif esprit de chapelle, de parti, etc. « mentalité propre à un groupe restreint », et esprit de corps (1767), d'équipe, de famille.
■  Par extension du sens de « fond (d'un texte) », le mot s'est employé (1684) pour « choix de textes d'un auteur (destiné à faire connaître l'essentiel de sa pensée) ».
■  L'idée de « finesse » est en œuvre dans l'emploi d'esprit (1690) pour « aptitude particulière, don » (esprit d'analyse ; esprit de géométrie, opposé à esprit de finesse, chez Pascal). L'expression bon esprit « aptitude à juger sainement » (XVIIe s.) est archaïque ; le bel esprit « la culture » (1668) est surtout employé au XVIIe s. (1608, un bel esprit) et est donné comme péjoratif au XVIIIe siècle ; ces expressions sont encore comprises lorsqu'elles correspondent à « personne qui a un bon esprit, une grande culture ».
Déjà très complexe, le mot a repris au XVIe s. l'une des valeurs de spiritus « émanation », esprit désignant en alchimie le produit d'une distillation (1575). Cette acception disparaît avec l'apparition de la chimie moderne, mais esprit-de-sel (1835) « acide chlorhydrique étendu d'eau » subsiste en emploi régional, ainsi que esprit-de-vin « alcool » (v. 1560) ; dans le même axe sémantique, éther* au sens chimique traduit le latin moderne spiritus oethereus (Frobenius).
Enfin, une reprise à un sens latin correspond en grammaire (1550) au mode d'articulation de l'initiale vocalique en grec ancien (esprit rude [῾], esprit doux [᾿]).
❏ voir ASPIRER, CONSPIRER, RESPIRER, SOUPIRER, SPIRITUEL, TRANSPIRER.
-ESQUE, élément suffixal joint à un nom pour signifier « à la façon de » (chevalier / chevaleresque), est tiré du suffixe italien -esco, issu du latin -iscus, lui-même d'origine germanique (-isk). À partir du XVIe s., de nombreux emprunts à l'italien (ex. arabesque, de arabesco, 1546) et à l'espagnol (mauresque, moresque, de moresco, XVIe s.) ont été introduits en français. Le suffixe -esque est toujours vivant pour former des adjectifs dérivés de noms propres (ubuesque, de Ubu, XXe s.).
ESQUICHER v. est un emprunt (1789) au provençal moderne esquicha « presser, comprimer », de l'ancien provençal esquissar « déchirer » (XIIe s.), « presser » (XVIe s.). Ces verbes procèdent d'une racine onomatopéique skits à laquelle a été aussi rattaché esquisse*.
❏  D'abord attesté intransitivement comme terme de jeu, le verbe a eu le sens de « jouer, à certains jeux de cartes, sa carte la plus faible pour éviter de faire la levée », d'où le figuré « éviter de se prononcer, de prendre position dans un débat » ; ces emplois sont sortis d'usage.
■  Esquicher (tr.) se dit (fin XIXe s.), encore dans le sud-est de la France (Provence, etc.), pour « comprimer, presser, serrer, tasser ».
ESQUIF n. m. est emprunté (1497) à l'italien schifo « petite embarcation » repéré au XVe s. (av. 1470), le diminutif schifetto étant attesté dès le XIVe siècle. Le mot est issu du longobard °skif, lui-même du germanique °skip « bateau » (→ équiper), restitué par l'ancien haut allemand skif (Cf. l'allemand Schiff et l'anglais ship).
❏  Esquif, « petite embarcation légère », est aujourd'hui d'emploi littéraire.
❏ voir SKIFF, SKIPPER.
ESQUILLE n. f. est un emprunt adapté (1478) au latin schidia, le plus souvent au pluriel schidiae « copeaux », lui-même du grec skhiza « éclat de bois », dérivé de skhizein « fendre » (→ schizo-) qui se rattache à une racine indoeuropéenne °skid-, °skeid- « fendre » (variante expressive °skheid-), représentée dans plusieurs langues indoeuropéennes, notamment dans le latin scindere (→ scinder).
❏  Esquille, introduit au XVe s. comme terme de médecine pour désigner un éclat d'os, se dit par analogie en parlant du bois, de la pierre (1561 ; Cf. éclisse).
❏  En dérive ESQUILLEUX, EUSE adj. (1478), terme de médecine et didactique (bois esquilleux).
ESQUIMAU, AUDE ou ESKIMO adj. et n. est un emprunt (1632 Champlain, Esquimaux ; 1691, eskimau) au nom donné à des habitants des terres arctiques de l'Amérique par les Indiens, ces populations s'appelant elles-mêmes Inuit.
❏  Écrit eskimo, il désigne (1838, n. m.) l'ensemble des langues parlées par les Inuits (dont le nom autochtone est inuktituk) formant avec les langues Aleut (des îles Aléoutiennes) la famille eskimoaleut.
Esquimau n. m., par référence au froid, se dit (1922 ; marque déposée) d'un bâton de chocolat glacé. Certaines histoires du cinéma assignent cet emploi au succès du film de Robert Flaherty, dont le titre français est Nanouk l'Esquimau (Nanook of the North, 1922). En français de Belgique, on emploie frisko (marque déposée). ◆  Le mot a désigné aussi (v. 1930) un vêtement chaud pour enfant, évoquant le costume des Esquimaux.
❏  Le mot a un dérivé, ESQUIMAUTAGE n. m. (1932), qui désigne une acrobatie nautique effectuée sur un kayak.
ESQUINTER v. tr. représente un emprunt (1800) au provençal moderne esquinta « déchirer » et « fatiguer » qui continue l'ancien provençal esquintar issu d'un latin populaire °exquintare, proprement « mettre, couper en cinq », comme écarteler correspond à « mettre en quatre ». °Exquintare est composé de ex- et de quintus « cinquième », de quinque (→ cinq).
❏  D'abord mot de l'argot des voleurs, puis familier, le verbe signifie « démolir, abîmer (qqn, qqch.) » (1800) et a pris le sens de « fatiguer à l'extrême » (1861, pron. s'esquinter). S'esquinter le tempérament est dans le dictionnaire de Delvau (1866). ◆  Par figure, esquinter se dit (fin XIXe s.) pour « critiquer violemment », comme éreinter.
❏  Du verbe dérivent ESQUINTANT, ANTE adj. tiré du participe présent (1842, in T. L. F.), « très fatigant », et ESQUINTEMENT n. m. qui s'est d'abord dit pour « effraction » en argot (1836, Vidocq) puis, familièrement, pour « grande fatigue » (1891, Verlaine) et « détérioration ».
ESQUIRE n. m. est un emprunt (1669) à l'anglais esquire « page, chevalier » (1419), lui-même emprunté à l'ancien français esquier (→ écuyer).
❏  En Grande-Bretagne et parfois aux États-Unis, c'est un terme honorifique appliqué aux personnes non titrées d'un certain rang social. Le mot, généralement abrégé en esq., suit le nom de famille sur l'enveloppe des lettres.
ESQUISSE n. f., francisation (1642) de esquiche (1567), est un emprunt à l'italien schizzo « ébauche, dessin provisoire » (XVe s.), d'abord « tache que fait un liquide qui gicle » (XIVe s.), de schizzare « jaillir, gicler ». L'origine de ce verbe est obscure ; on a proposé le gotique °slîtjan « fendre, faire éclater » (→ éclisse), mais des raisons phonétiques s'y opposent ; schizzare pourrait être onomatopéique ou se rattacher au latin populaire °schediare, de schedium « poème fait sur le champ », emprunt au grec skhedios « du moment même, fait à la hâte ».
❏  Esquisse désigne la première forme d'un dessin et, par analogie, d'une statue, puis (1752) le plan sommaire d'une œuvre littéraire et (XVIIIe s.) une étude donnant une vue générale d'un sujet ; le mot s'emploie aussi au figuré (XIXe s.), comme ébauche.
❏  Le dérivé ESQUISSER v. tr. (1651 ; d'abord esquicher, 1567) a eu la même évolution sémantique que le nom ; il s'emploie au sens de « faire en esquisse », par analogie (1752) pour « fixer les grands traits d'une œuvre », puis au figuré (XIXe s.).
ESQUIVER v. tr. a été emprunté (v. 1600, A. Hardy) à l'italien schivare « éviter, fuir » (fin XIVe s.), dérivé de schivo « dédaigneux », ou à l'espagnol esquivar « éviter, éluder » (1250, au participe passé), de esquivo qui signifie aussi « dédaigneux ». L'espagnol est issu d'un germanique °skiuh « farouche » et « insolent » (Cf. allemand scheu, anglais shy), qui avait abouti en ancien français à eschif, echif « rétif, de mauvaise volonté » ; l'italien est probablement un emprunt à un verbe de l'ancien français que continue esquiver. Cet ancien verbe, eschuir « éviter, fuir » (1080), eschever au XVIe s., est issu du francique °skiuhjan « craindre » (ancien haut allemand sciuhen « craindre » et « éviter », allemand scheuen « avoir peur »), de °skiuh « crainte ».
❏  Esquiver signifie, d'abord dans esquiver de (v. 1600), « faire échapper à », puis comme intransitif (1613) « s'échapper, se retirer ». Dans ce sens, on emploie s'esquiver en français moderne. Par extension, le verbe signifie « éviter adroitement », au propre et au figuré (XVIIe s.). Il s'emploie spécialement en sports, comme terme d'escrime (1859), de boxe (1907), de hockey (1931).
❏  Le déverbal ESQUIVE n. f. a d'abord été un terme technique (1765) désignant la terre recouvrant les pains de sucre, pour leur donner une forme. ◆  Il a été repris au propre en sports (1859, escrime ; 1899, boxe ; 1930, basket) et au figuré pour « action d'éviter » ; vente à l'esquive (1932) a été éliminé par vente à la sauvette.
L ESSAI n. m. est issu (v. 1140) du bas latin exagium « pesage, poids », « essai », dérivé de exigere « expulser » puis « mesurer, régler » (→ exiger), composé de ex- et de agere « conduire » (→ agir).
❏  Essai a le sens général de « tentative, épreuve » (v. 1140). Il désigne spécialement (1168-1191) l'action d'affronter qqch. pour la première fois (d'où coup d'essai) et en particulier (1176) l'opération par laquelle on s'assure des qualités, des propriétés d'une chose. De cette acception vient : à l'essai (XIIe s.) « à l'épreuve » puis « aux fins d'essai » (v. 1530, Marot), d'où prendre qqn à l'essai, vente à l'essai et, au figuré, mettre qqch. à l'essai « éprouver » ou encore d'essai, à l'essai « qui sert à faire un essai ». ◆  Essai désigne ensuite (1379) le fait d'essayer le goût, les effets d'un aliment, aujourd'hui à propos des vins, au sens de « dégustation », d'où l'emploi métonymique pour « coupe pour goûter les boissons » (1553). C'est aussi par métonymie que le mot s'est dit (mil. XVIIe s.) pour « échantillon », spécialement en parlant d'une nourriture (au XVIIe s., manger, boire l'essai) et au figuré pour « avant-goût ». ◆  Depuis le milieu du XVIe s., le mot est attesté pour désigner les premières productions d'une personne qui débute dans un genre ; spécialement essai désigne (1580, Montaigne) un ouvrage littéraire en prose, qui traite d'un sujet sans viser à l'exhaustivité. ◆  Essai est employé à partir du XIXe s. dans divers domaines aux sens d'« expérience », « tentative » et, en sports, pour chacune des tentatives d'un athlète, dont on retient la meilleure. Au rugby (1892), par traduction de l'anglais try, il désigne le droit de tenter de marquer un but, ainsi qu'au basket (1931 ; essai au panier). ◆  D'essai s'emploie dans plusieurs syntagmes, comme vol d'essai (1907), en aviation, cinéma d'essai (v. 1950), où l'on projette des films de qualité qui ne sont plus (ou pas) distribués dans les circuits commerciaux, ballon d'essai (→ ballon) et galop d'essai, terme de courses. ◆  Les essais, au pluriel, désignent (1957) l'épreuve préalable d'une course automobile, au cours de laquelle les voitures sont testées.
❏  ESSAYER v. tr., d'abord attesté au participe passé (1080, essaiet) au sens d'« expérimenté, éprouvé », est issu d'un latin populaire °exagiare « peser » (de exagium) ou dérive de essai.
■  Il signifie « mettre à l'essai », « faire l'essai de », dans les différents emplois de essai, en particulier « faire l'essai de ses capacités » notamment dans s'essayer (1155). ◆  La construction essayer et infinitif (v. 1135, asaiier a) est sortie d'usage comme essayer de [qqch.] (1690). ◆  Essayer a pris le sens particulier (1690) de « mettre (un vêtement, etc.) pour voir s'il va ».
■  Le principal dérivé du verbe est ESSAYEUR, EUSE n., qui s'est d'abord dit (v. 1250, essaieres) d'un homme peu sincère, sens disparu. ◆  Le mot désigne ensuite (1611, n. m.) un fonctionnaire préposé aux essais de l'or et de l'argent, dans un hôtel des monnaies, emploi lui aussi sorti d'usage. ◆  Il prend au XIXe s. le sens courant de « personne qui procède aux essayages de vêtements » (1857, n. f.), puis au XXe s. celui de « personne chargée d'effectuer les essais d'un matériel », en particulier (v. 1969) dans le domaine automobile.
■  Le nom d'action ESSAYAGE n. m. (1828) concerne surtout les vêtements.
ESSAYISTE n., attesté isolément (1821) sous la forme essaieste, puis écrit essayiste en 1845 (Th. Gautier), est un emprunt à l'anglais essayist « auteur d'essais littéraires » (1609), dérivé de essay « essai littéraire » (1597), lui-même emprunté au français.
■  ESSAYISME n. m. (1855, Nerval) est emprunté à l'anglais essayism (1821) ou dérive du radical de essayiste. Le mot est beaucoup plus rare qu'essayiste.
L ESSAIM n. m. est issu (v. 1175, essain) du latin examen « vol d'abeilles quittant une ruche pour aller s'établir ailleurs » et « troupe (d'hommes, d'animaux) » (→ examen), dérivé de exigere au sens concret d'« emmener hors de, expulser », composé de ex- et de agere « conduire » (→ essai, exiger).
❏  Essaim garde le sens du latin et, par extension, s'emploie en parlant de guêpes et d'autres insectes sociaux (1864) ; dans l'est de la France, essaim a été concurrencé par jeton (XIIIe s.), et essaimer par jeter selon la même métaphore. ◆  Au figuré (v. 1265), le mot désigne un groupe nombreux qui se déplace, puis une grande quantité de choses, abstraites ou concrètes.
❏  Le dérivé ESSAIMER v., dès les premiers emplois (1266, essamer ; forme moderne au XVIIe s.), s'utilise au propre et au figuré.
■  Le nom d'action dérivé, ESSAIMAGE n. m. s'emploie aussi au propre (1823) et au figuré (1927).
L ESSANGER v. tr. est la résultante (v. 1250) du latin populaire exsaniare, composé en ex- de sanies → sanie.
❏  Le verbe, encore vivant régionalement, correspond à l'opération de décrassage de linge très sale, avant lessive.
L ESSART n. m. est issu (1120) du bas latin exsartum « défrichement » (attesté sous la forme exartum), participe passé d'un verbe non attesté °exsarire « défricher », préfixé en ex-, du latin classique sarire « sarcler » ; ce verbe a été concurrencé par le dérivé latin tardif sarculare (→ sarcler).
❏  Essart désigne une terre déboisée pour être défrichée. Le mot est vieilli ou technique, mais on le trouve dans de nombreux noms de lieux. On a dit aussi essartis n. m. (XVIIe s.) et essart a été repris au XXe s. au sens de « trou dans lequel logent les crustacés ».
❏  Le dérivé ESSARTER v. tr. (1172) est un terme d'agriculture, comme le nom d'action ESSARTAGE (1783).
■  ESSARTEMENT n. m. (1611), autre dérivé du verbe, a vieilli.
ESSE n. f. vient (v. 1200) du nom de la lettre S, d'abord pour désigner un ornement en forme de S, puis divers objets techniques.
❏  Au sens de « cheville de fer placée au bout d'un essieu pour maintenir la roue », le mot est sans doute une altération (1388) de l'ancien français heuce, euce, employé jusqu'au début du XVIIe s. et d'origine inconnue.
■  Esse n. m. ou f., aussi écrit S (XVIe s.), se dit d'une forme sinueuse, d'un virage (Cf. zig-zag).
1 -ESSE élément suffixal servant à former des féminins, vient du latin ecclésiastique -issa, emprunté au grec pour former des noms de dignités, comme abbatissa « abbesse ». ◆  La forme -ERESSE vient de l'adjonction du suffixe -esse à des emprunts au latin terminés par -ator (peccator a abouti en ancien français au cas régime pêcheur et au cas sujet, disparu, pecher, d'où pécheresse). -esse est concurrencé à partir du XVIe s. par -euse, féminin de -eur. Aujourd'hui -esse est peu utilisé pour créer des féminins ; des mots comme ministresse, poétesse ne s'imposent pas dans l'usage courant ou, comme doctoresse, sont concurrencés par le masculin.
2 -ESSE, suffixe servant à former des substantifs à partir d'adjectifs pour désigner des qualités abstraites, remonte au latin -itia. Ce dernier a abouti phonétiquement à -eise, -oise, que l'on trouve dans quelques mots en ancien français ; la forme -esse, anciennement -ece, vient d'une forme supposée °-icia. Productif en ancien français, -esse est souvent remplacé à partir du XVIe s. par -té (bellesse / beauté, fermesse / fermeté) ; les formations en -esse sont ensuite rares (par exemple robustesse, 1863).