ÉTIAGE n. m. est un dérivé irrégulier (1783) de ÉTIER n. m. (1312, estier ; 1400, ester), mot encore usité dans l'ouest de la France, de l'embouchure de la Loire à la Gascogne, et qui désigne un petit canal reliant la mer à un marais salant (Cf. le toponyme Létier, Loire-Atlantique, Morbihan). Étier est issu du latin aestuarium « endroit inondé par la mer à marée montante, lagune » (→ estuaire).
❏  Le niveau de l'eau d'un étier étant variable, son dérivé étiage signifie « niveau qu'atteint une rivière aux plus basses eaux, à partir duquel on mesure ses crues » (1783) ; le mot se dit par extension du niveau minimal atteint par un cours d'eau, au moment de la baisse périodique. ◆  Il s'emploie ensuite au figuré (fin XIXe s.) pour « niveau le plus bas ».
L ÉTINCELLE n. f. apparaît, d'abord sous la forme estencele (fin XIe s.), puis estincele (v. 1200). Le mot représente l'aboutissement du latin populaire °stincilla, issu par métathèse du latin classique scintilla « étincelle », mot d'origine expressive (→ scintiller). La forme estincelle puis étincelle, d'abord localisée en Picardie et dans le nord-est de la France, s'est généralisée.
❏  Du sens propre de « parcelle incandescente » sont issus des emplois métaphoriques, notamment à propos du regard (jeter des étincelles), et figurés (XVe s.) en parlant d'une manifestation vive et brève (d'intelligence, de génie). Des locutions comme c'est l'étincelle qui a mis le feu aux poudres et faire des étincelles « accomplir un exploit » ne sont employées qu'au figuré. La seconde semble issue des milieux sportifs (1926, chez les cyclistes).
❏  Le dérivé ÉTINCELER v. intr. (1155, estenceler « briller ») est aujourd'hui rare au sens propre de « jeter des étincelles » ; le verbe s'emploie pour « briller » (en parlant du soleil, d'un astre) et « produire un vif éclat » (1530), le plus souvent en parlant des yeux. Il est rare au figuré à propos de choses abstraites (1669).
■  Du verbe dérivent ÉTINCELLEMENT n. m. (1119, estencelement) et ÉTINCELANT, ANTE adj. (v. 1265), participe présent, dont le sémantisme est analogue à celui du verbe, s'appliquant par exemple au regard (prunelle estincellante, 1650).
■  Enfin ÉTINCELAGE n. m. (1908), d'abord écrit étincellage, a été formé en chirurgie, pour désigner un procédé de destruction de tissus par un courant électrique puis, en mécanique, un procédé d'abrasion.
ÉTIOLER v. tr. est probablement dérivé (1690, pron.) d'une variante dialectale de éteule* ; sont attestées étieuble en Bourgogne, équiole en Champagne, mais pas étiole.
❏  Cette origine s'expliquerait par la forme de l'éteule décolorée comme par manque d'air et de lumière, ce qui est le premier sens d'étiolé (fin XVIIe s.) en horticulture. ◆  Le verbe, rare à l'actif, en général pronominal, et surtout le participe adjectif ÉTIOLÉ, ÉE s'emploient au figuré au début du XIXe s., en parlant d'une personne, avec le sens de « rendre (qqn) chétif, pâle » (1805), puis d'« affaiblir, atrophier » (1830) en parlant de choses abstraites.
❏  Le dérivé ÉTIOLEMENT n. m., d'abord terme de botanique (1754, ettiolement), se dit au figuré pour « appauvrissement, déclin » (1836) et « fait de s'affaiblir » (1845), en parlant d'une personne.
ÉTIOLOGIE n. f. est un emprunt savant (1550, aitiologie) au grec tardif aitiologia « recherche, exposition des causes », mot composé de aitia « cause » et de -logia (→ logie).
❏  Ce terme didactique s'emploie depuis le XVIe s. en médecine puis en philosophie (1611).
❏  En dérive ÉTIOLOGIQUE adj. (1811).
ÉTIQUE adj. est un emprunt adapté (v. 1256) au bas latin hecticus « habituel », et en médecine « atteint de consomption », lui-même pris au grec hektikos « habituel », « continu », en parlant de la fièvre. Ce mot dérive de hektos « qu'on peut avoir », adjectif verbal de ekhein « avoir », mot d'origine indoeuropéenne.
❏  En médecine ancienne, étique s'appliquait à un malade atteint de consomption (1538, comme nom), usité dans fièvre étique ou hectique, avec la graphie étymologique (1548).
■  Par analogie, le mot, écrit ethique (1465) puis étique (volailles etiques, 1498), signifie « d'une extrême maigreur ». C'est le seul usage courant du mot, qui s'emploie parfois au figuré, dans un contexte abstrait, pour « très pauvre, insuffisant » (1580).
❏  ÉTISIE (déb. XVIIIe s.) ou HECTISIE (fin XVIe s.) n. f., formé savamment à partir du bas latin hecticus, est sorti d'usage au sens de « consomption » et désigne en médecine l'émaciation qui provient d'une maladie chronique ; le mot n'est plus employé au sens figuré (1753) d'« état de dépérissement (d'un pays, etc.) ».
ÉTIQUETTE n. f. est un dérivé (1387, estiquette) d'un verbe d'ancien français, écrit estechier, estichier (déb. XIIIe s.), et estequier ou estiquier (v. 1180) en picard, signifiant « enfoncer, transpercer », « attacher ». Le verbe est issu du francique °stikkjan, variante de °stikkan « percer » (Cf. le néerlandais stikken), qui serait apparenté au latin stilus (→ style), au grec stizein « piquer » (→ stigmate).
❏  Étiquette a d'abord désigné un poteau fiché en terre et servant de but dans certains jeux. Par extension de la valeur de signe ou parce que certains poteaux portaient une inscription, étiquette s'applique (1435) à un petit écriteau indiquant le contenu d'un sac de procès et, aux XVe et XVIe s., à un mémoire contenant la liste des témoins d'un procès. Ce sens juridique est encore relevé en 1802 (aussi étiquet) ; la locution juger sur l'étiquette « juger d'après les apparences » a d'abord été utilisée en droit sous la forme juger un procès sur l'étiquette (1585) et sur l'étiquette du sac (1660) « juger sur l'énoncé de la cause et des plaideurs » ; juger un procès sur l'étiquette « aller vite en besogne » a eu le sens érotique (1640) de « faire l'amour avant toute autre formalité ».
■  Par extension, étiquette désigne (1580) un petit morceau de papier fixé à un objet, pour en indiquer la nature, éventuellement le prix, etc. Cette valeur deviendra dominante en français moderne, avec des extensions figurées (ci-dessous).
À la Cour de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, le mot concernait un formulaire contenant l'emploi du temps du duc et de sa cour. Le mot et la chose passent des Flandres en Autriche, par le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien, et ensuite de Vienne à l'Espagne ; introduit en français dans ce sens en 1607 à propos de la Cour de Vienne, il ne se répand qu'à la fin du XVIIe s. (1691) ; il désigne alors le cérémonial en usage dans une cour et notamment à Versailles, puis auprès d'un chef d'État et, par extension, des formes cérémonieuses entre particuliers (XVIIIe s.), d'où la locution être à cheval sur l'étiquette.
C'est du sens concret, « papier, marque indiquant la nature et le prix d'une marchandise », que dérive un emploi figuré (1870), pour désigner ce qui marque et classe, dans la manière de penser, d'agir (une étiquette politique) ; de là les expressions vieillies servir d'étiquette « camoufler » (fin XIXe s.), mettre sous l'étiquette de « couvrir » (déb. XXe s.).
■  En argot, employé au pluriel, étiquettes s'est dit pour « oreilles » (1906) par référence aux oreilles d'un ballot.
■  Le mot, au XXe s., entre dans la locution figurée la valse des étiquettes « la hausse des prix » et, comme terme technique, dans étiquette de corps « étiquette principale sur le corps d'une bouteille » (1973).
❏  Le dérivé ÉTIQUETER v. tr. s'emploie au propre (1549), à propos des sacs d'un procès puis des étiquettes commerciales ; au figuré (XXe s. ; attesté 1932), il signifie « caractériser par un nom ». ◆  En dérivent le nom d'action ÉTIQUETAGE n. m. (1850) et ÉTIQUETEUR, EUSE n. (attesté 1869, mais antérieur : v. 1844 au figuré).
ÉTIRER v. tr., d'abord estirer (1250), est dérivé de tirer* avec le préfixe é- (es- jusqu'au XVIIIe s.).
❏  Le verbe a exprimé l'action d'amener qqn vers soi en tirant, puis s'est fixé dans son sens moderne d'« allonger par traction » (1588, Montaigne), développant des acceptions spéciales dans le travail du cuir (1723) et en filature (1864). ◆  La forme pronominale s'étirer (1808) s'emploie pour une personne ou un animal qui étend ses membres après le sommeil ; elle se dit aussi d'une chose qui se déroule et, sur un plan temporel abstrait, qui se prolonge excessivement dans le temps.
❏  Le déverbal ÉTIRE n. f. (1437, estire), mot technique, a désigné une machine à hisser, avant de se spécialiser (1606) à propos d'un couteau de corroyeur.
■  ÉTIREMENT n. m.,d'abord estirement (1611), sert de nom d'action au sens transitif et au sens pronominal (1879) du verbe.
■  Il coexiste avec ÉTIRAGE n. m. (1812), plus technique, employé spécialement en parlant d'un métal, d'une étoffe (1836), et en filature (1864).
■  ÉTIREUR, EUSE adj. et n. (1812) désigne le cylindre qui traite le fer quand il est devenu malléable par le recuit, et l'ouvrier qui fait l'étirage de l'or et de l'argent (1845). Il est également employé adjectivement (1845). ◆  Le féminin ÉTIREUSE désigne une machine servant à étirer (1890).
■  ÉTIRABLE adj. (1863) est peu employé.
G ÉTOFFER v. tr. est issu (v. 1190, estoffer) du francique °stopfôn « mettre, fourrer, enfoncer dans » (Cf. l'ancien haut allemand stopfôn de même sens), issu d'un ancien °stoppôn (Cf. le néerlandais stoppen) ; l'italien stoffa, l'espagnol et l'ancien provençal estofa sont empruntés au français.
❏  Étoffer, écrit sans s depuis le XIVe s. (1352), est d'abord attesté au sens de « rembourrer (un meuble, un collier) », puis (v. 1223) « fournir ce qui est nécessaire ; équiper ». Il s'est employé spécialement (1352) pour « garnir de ce qui est nécessaire pour donner de l'ampleur », d'où le sens de « confectionner en employant toute l'étoffe » par influence du dérivé étoffe, dont le verbe paraît alors provenir. ◆  De ce sens vient par extension l'emploi moderne (XVIe s.) pour « faire plus abondant, plus riche », en parlant d'un ouvrage, d'une sculpture, etc. et, en termes de cuisine, pour « farcir » (XIXe s.). Par figure, le verbe signifie « donner plus de matière à (qqch.) » (étoffer un personnage). Le pronominal s'étoffer est attesté en 1882.
❏  ÉTOFFÉ, ÉE, participe passé adjectivé, a qualifié (1356) ce qui était orné ou équipé de qqch. ; il signifie (1680) « rendu plus abondant, plus riche » et au XVIIIe s. s'applique à une voix forte et riche. Il a eu le sens (1755) de « qui a des formes amples », en parlant d'un animal, d'une personne. L'adjectif s'emploie aussi au figuré (un raisonnement étoffé).
Le déverbal ÉTOFFE n. f. a désigné (1241, estophe) toutes sortes de matières servant à rembourrer, garnir, orner... ◆  Par figure, le mot désigne (fin XIVe s., estoffe) la matière qui constitue qqch. ou qqn, notamment dans les locutions être d'une autre étoffe, de (la) même étoffe « avoir des qualités différentes, semblables », avoir l'étoffe de « avoir les qualités nécessaires » (il y a en lui l'étoffe de, 1718), avoir (de) l'étoffe « avoir des qualités » (XVIIIe s.) et manquer d'étoffe ; l'expression personnage de basse étoffe « de condition sociale inférieure » est sortie d'usage (1515). ◆  Par extension, étoffe équivaut à « matière, sujet » (1624, l'étoffe d'un livre). ◆  Le mot n'a pris qu'à la fin du XVIe s. (1599) son sens, aujourd'hui le plus courant, « tissu dont on fait les habits, des garnitures d'ameublement ». ◆  Du premier sens viennent d'autres spécialisations techniques pour nommer divers alliages (1723) et, au pluriel (1823), le matériel servant à l'impression.
Le nom d'action ÉTOFFEMENT n. m. (déb. XVe s., estoffement « action d'orner » ; 1856, « action d'étoffer »), dérivé suffixé d'étoffer, s'emploie au propre et au figuré ; dérivé du verbe, il y est sémantiquement rattaché, à la différence d'étoffe.
L ÉTOILE n. f., d'abord sous la forme esteile (1080), puis estoille (1380), est issu du latin populaire °stela, comme l'ancien provençal estela, du latin classique stella (→ stellaire). Ce dernier désigne l'étoile, puis est employé par analogie pour « étoile de mer », « ver luisant », « pupille de l'œil », etc. Stella, qui a donné l'italien stella, l'espagnol estrella, se rattache à la racine indoeuropéenne °stel-, que l'on trouve aussi sous la forme °ster- (grec astêr, latin aster [→ astre]).
❏  Étoile désigne d'abord (1080) tout astre visible sous la forme d'un point brillant, la nuit, ce sens incluant les planètes (1119), les comètes, les astéroïdes (voir ci-dessous la naissance du sens scientifique moderne). Ainsi l'étoile des Rois mages pourrait concerner une comète (selon d'autres, une véritable étoile). Le mot est utilisé ensuite par analogie pour désigner (1380) un objet disposé en rayons, rappelant la forme sous laquelle on a l'habitude (comme pour stella en latin) de représenter les étoiles, d'où la locution en étoile « dans une disposition rayonnante » ; ce sens a été repris et exploité en français moderne (ci-dessous). En astrologie, étoile se dit (1549) d'un astre en tant qu'il exerce une influence sur la destinée de qqn, ce qui donne lieu à des locutions, avoir foi dans son étoile, être né sous une bonne étoile (1690), etc. ◆  Au XVIe s., par analogie avec l'éclat des étoiles, le mot s'emploie pour désigner un point brillant, qu'il s'agisse d'un point luisant formé par la graisse d'un bouillon (Cf. œil, plus courant) ou d'un point lumineux que voit une personne étourdie par un coup, dans la locution sortie d'usage faire voir les étoiles en plein midi à qqn (1694) qui, par figure, a signifié (1740) « tromper qqn » (on parle aujourd'hui de trente-six chandelles). L'expression compter les étoiles (1531) symbolise une entreprise inepte ; elle est d'origine biblique (Genèse, 15, 5), les étoiles du ciel et les grains de sable représentant un nombre incalculable. ◆  Par analogie de forme (selon la convention) et d'après le latin, étoile de mer (1561) est le nom courant donné à l'astérie (de aster « astre »). ◆  En typographie, le mot s'emploie (1669) pour remplacer les lettres manquantes d'un mot (Cf. astérisque) d'où, notamment au XVIIIe s., Monsieur (Mme ) trois étoiles pour parler d'une personne dont on ne peut dire le nom (1694). ◆  Au XVIIe s., étoile du matin, du soir (1694) se dit pour désigner la planète Vénus, auparavant nommée étoile du jour (1549 ; 1119, esteile jurnal), étoile du berger. Au figuré, coucher à la belle étoile (1640) signifie « coucher dehors ».
Par analogie de forme avec la représentation géométrique conventionnelle, exprimée par la locution en étoile et par le dérivé étoilé, et qui donne à l'étoile une schématisation rayonnante (voir ci-dessous les usages institutionnalisés [décorations, etc.]), le mot signifie aussi (1690) « rond-point où aboutissent plusieurs allées », puis se dit au XVIIIe s. d'un motif décoratif analogue à la rosace (1754). Par analogie (figuration d'une étoile), étoile signifie (1811) « fêlure, déchirure, etc., de forme rayonnante ».
L'expression étoile filante, désignant une météorite (av. 1835, étoile qui file), est un témoin tardif de l'emploi préscientifique de étoile ; les météorites avaient été antérieurement nommées étoiles erratiques (1498), étoiles errantes (1564), étoiles volantes (1636), étoiles tombantes (XVIIIe s.).
Pourtant, bien avant la découverte de Halley (1718) sur les mouvements propres, on sait que les astres appelés étoiles, que l'on subdivisait en étoiles fixes (les vraies étoiles) et étoiles mobiles (planètes et météorites), constituent une catégorie fictive, hétérogène. L'expression étoile fixe (1636), périmée à partir de Halley, disparaît au profit de étoile employé seul, et le mot correspond peu à peu au concept moderne, qui se dégage complètement avec l'apparition de l'astrophysique : « astre producteur et émetteur d'énergie par une réaction de nature thermonucléaire ». L'opposition étoile-soleil, évidente pour le sens courant et ancien du mot, est ainsi réduite, le concept d'étoile incluant dès lors le soleil. Dans ce sens, des syntagmes scientifiques (étoiles bleues, jaunes...) et des termes spécifiques (naines, géantes, novae et supernovae...) manifestent l'importance du concept, soulignée par la connaissance des amas d'étoiles et surtout de ce qu'on a appelé nébuleuse (spirale) avant galaxie*.
Cependant, la langue courante et tous les sémantismes dérivés (métaphores, etc.) reposent sur la valeur ancienne du mot « point brillant dans le ciel, la nuit ». En tant que symbole du ciel étoilé, étoile entre dans des expressions comme (avoir) la tête dans les étoiles « (être) dans un état de rêve, d'idéalisme absolu » (attesté dans les années 1990). Cf. ne plus toucher terre*.
Par référence à l'éclat des étoiles, étoile se dit (XIXe s.) de personnes dont le talent brille, spécialement (1849) de comédiens, chanteurs, sportifs (fin XIXe s.) de grande réputation ; en emploi absolu, étoile s'applique surtout aujourd'hui aux danseurs (danseuse étoile) ; en dehors de la danse, on utilise plutôt vedette ou star, mot anglais signifiant « étoile », pour le cinéma. Ce sens peut avoir été influencé par les expressions son étoile grandit ou pâlit, blanchit (1842) où étoile, avec sa valeur astrologique (ci-dessus), évoque la célébrité.
Aux XIXe et XXe s., étoile est employé au sens de « marque ou signe distinctif de forme étoilée », dans diverses expressions comme étoile des braves, étoile de l'honneur (1re moitié du XIXe s.) « légion d'honneur », étoile de David « étoile à six branches, faite de deux triangles superposés », emblème du peuple juif. Étoile jaune désigne la pièce d'étoffe jaune en forme d'étoile que les juifs étaient contraints de porter sous le régime nazi, en Allemagne puis dans les pays occupés par l'armée allemande, avant 1945. C'est l'un des symboles de l'antisémitisme extrême et criminel. ◆  Étoile rouge était l'emblème de l'armée soviétique.
■  Étoile, par référence au sens typographique (ci-dessus) mais avec une idée de valorisation, désigne spécialement (XXe s.) un petit signe servant à classer des hôtels, des restaurants, etc., selon leur confort, la qualité de la cuisine ; d'où un trois, un quatre étoiles.
❏  Le dérivé ÉTOILER v. tr., d'abord dans cel estelet (v. 1120, « ciel étoilé »), est attesté à l'infinitif à la fin du XIIe s. (v. 1180, esteler) et sous la forme moderne en 1611 (estoiler). Le verbe signifie « parsemer d'étoiles » au propre et au figuré et, par référence à la forme de l'étoile, « fêler en forme d'étoile » (1690, pron.). ◆  ÉTOILÉ, ÉE adj. a, outre sa valeur initiale « parsemé d'étoiles », d'un ciel nocturne sans nuage, le sens de « formé de plusieurs rayons » (1636, anis étoilé).
■  ÉTOILEMENT n. m. « action d'étoiler, de s'étoiler » (1845) désigne aussi (1870) une disposition rayonnante en étoile. La forme avait existé en ancien français (estellement, v. 1185, attestation isolée) au sens d'« ensemble des étoiles ».
En astronomie, un préfixé est PROTOÉTOILE n. f. (1973) qui désigne une étoile en formation, constituée par un nuage de matière en voie de condensation.
❏ voir STELLAIRE.
ÉTOLE n. f. est un emprunt adapté (v. 1150, estole) au latin stola « longue robe (pour hommes et femmes) », spécialement « robe des grandes dames romaines », lui-même emprunté au grec stolê « habillement, robe », de stellein « préparer, vêtir », qui n'a pas de correspondant connu dans d'autres langues indoeuropéennes. Stola désigne en latin chrétien (VIIIe s.) un vêtement liturgique.
❏  Étole, terme de liturgie, s'applique à une bande longue et étroite, que le prêtre, l'évêque portent suspendue au cou. Par analogie de forme, le mot désigne (1845) une longue écharpe de fourrure (une étole de vison).
L + ÉTONNER v. tr. est issu (1080, estoner) du latin populaire °extonare, altération, par changement de préfixe, du latin classique adtonare, attonare « frapper de la foudre, foudroyer », au figuré « frapper de stupeur », de tonare (→ tonner).
❏  Étonner a signifié d'abord (1080, intr.) « être étourdi (par un coup violent) » ; comme transitif, il s'emploie couramment au sens d'« étourdir » du XIIe au XVIe s. et est encore en usage au XVIIe s. (La Fontaine). ◆  Le sens étymologique de « frapper de stupeur » et par extension « terroriser, effrayer », attesté vers 1200, s'emploie toujours à l'époque classique ; la lecture et la compréhension des textes du XVIIe s. nous sont rendues difficiles du fait de l'évolution importante du sens. ◆  Étonner s'est dit aussi (XVe s.) pour « ébranler », sens conservé dans le vocabulaire technique (étonner une roche, une voûte), aussi au participe passé adjectivé (voir ci-dessous). ◆  Le verbe prend au XVIIe s. le sens moderne de « causer de la surprise à (qqn) », mais il reste jusqu'au XVIIIe s. plus fort qu'aujourd'hui, impliquant souvent la stupéfaction. Le sens ne cesse de s'affaiblir au XIXe s., comme pour les dérivés.
❏  ÉTONNANT, ANTE adj. a en effet suivi cette évolution sémantique ; le sens fort du mot (XVIe s.) a disparu ; étonnant s'applique, à partir du début du XVIIe s., à ce qui surprend par son caractère extraordinaire ; il signifie ensuite par extension (fin XVIIe s.) « qui frappe par un caractère accompli », « qui est original », valeur qu'il a conservée. ◆  Son dérivé ÉTONNAMMENT adv. est attesté au milieu du XVIIIe siècle (1742 Potier, au Canada ; en France 1752).
■  ÉTONNÉ, ÉE adj. a les différentes valeurs du verbe. Il a signifié en français classique « étourdi, hébété » (encore au XVIIIe s.) et aussi « troublé par une vive émotion », prenant au XVIIIe s. le sens moderne de « surpris », aussi substantivé dans faire l'étonné.
■  ÉTONNEMENT n. m. n'a conservé le sens d'« ébranlement » (v. 1220, faire estonement « provoquer un choc ») que dans des emplois techniques, en architecture, en joaillerie, etc. ◆  La valeur psychologique forte « épouvante, effroi » (1478-1480, estournement) était encore en usage dans la langue classique, à côté de l'emploi pour « violente émotion, stupéfaction » en usage au XVIIe s. et qui a également disparu. ◆  Le sens moderne de « surprise causée par qqch. d'extraordinaire, d'inattendu » apparaît dès le XVIIe s., comme pour le verbe, mais ne se répand qu'au XVIIIe s., éliminant peu à peu le sens fort.
■  ÉTONNURE n. f. (XVe s., « engourdissement ») a été repris comme terme technique désignant (1829) une fêlure dans un diamant, et témoigne du sens concret et étymologique du verbe.
ÉTOUFFER v. représente une altération (1230, estofer) de l'ancien français estoper « obstruer » (→ étoupe), d'origine latino-grecque, sous l'influence d'un autre verbe, estofer « rembourrer » (→ étoffer), mot germanique.
❏  Étouffer est d'abord attesté (1230) au sens d'« asphyxier (une personne, un animal) » ; de ce sens vient le juron disparu la peste (le diable) l'étouffe. Le verbe s'emploie depuis le XVIe s. (1536) avec un nom de personne pour sujet ; d'où l'emploi figuré étouffer son ennemi « le tuer » (XVe s.). ◆  Le verbe signifie aussi « gêner (qqn) en rendant la respiration difficile » : de cet emploi aujourd'hui vivant vient en particulier s'étouffer de rire (1671) et s'étouffer, à force de manger, etc. (fin XVIIe s.). ◆  Par analogie, il s'emploie pour « empêcher (une plante) de se développer » (1285) puis « priver (le feu) de l'oxygène nécessaire à sa combustion », « éteindre » (XIVe s.). ◆  L'emploi intransitif pour « respirer avec peine » apparaît au XVIe s. (1559), d'où « avoir trop chaud ». ◆  C'est au XVIe s. également que se développent des emplois figurés : « supprimer ou affaiblir (une opinion, un sentiment) » (1564 ; XIVe s., isolément), « éprouver un sentiment de gêne » (v. 1580), « rendre (un son) moins perceptible » (fin XVIe s., d'Aubigné). C'est encore l'idée de privation que l'on trouve dans étouffer les semences d'une guerre (1640), étouffer une affaire (1671) « l'empêcher d'éclater, de se développer », emplois disparus. ◆  Le verbe, en termes de cuisine, signifie (1767) « faire cuire en vase clos » (Cf. ci-dessous étouffée et aussi estouffade*). ◆  Au XVIIIe s., par métaphore, étouffer a pris le sens familier de « faire disparaître » (en buvant, etc.), d'où la locution vieillie (1867) étouffer une bouteille « la boire en entier » et étouffer de l'argent (1867) « le voler ». Dans le vocabulaire de la marine, étouffer une voile, la toile (1838), c'est la serrer contre le mât pour l'empêcher de prendre le vent.
❏  Le nom d'action ÉTOUFFEMENT n. m. (v. 1300, estouffement) se dit aussi (1562) de la difficulté de respirer et s'emploie au figuré (1864).
■  ÉTOUFFOIR n. m. a désigné (1671) un instrument pour éteindre les cierges. Le mot s'est dit d'un récipient de métal qui sert à étouffer des braises (1680). En musique (1804), il désigne dans un piano une pièce de bois garnie de feutre, qui interrompt la vibration des cordes, étouffant ainsi les sons. ◆  Étouffoir s'emploie aussi au figuré aux sens de « milieu non favorable au développement intellectuel » (1804, B. Constant) et de « lieu mal aéré » (1864).
■  À L'ÉTOUFFÉE loc. adv. et adj., attesté en moyen français (à l'estouffee, 1393) et repris au XIXe s. (1856), signifie « en vase clos, à la vapeur » (Cf. aussi estouffade).
Les participes du verbe ont fourni deux adjectifs.
■  ÉTOUFFÉ, ÉE adj. ne s'applique plus à un endroit sans air, où l'on étouffe (1559) ; il a des emplois parallèles à ceux du verbe et s'applique notamment à des sons (1760).
■  ÉTOUFFANT, ANTE adj., du participe présent, d'abord dans herbe étouffante « envahissante » (1583), s'applique (1640) à ce qui fait qu'on étouffe, au propre et au figuré.
ÉTOUFFEUR, EUSE adj. et n. est rare comme adjectif (1722, en parlant du temps). Le mot s'est employé jusqu'au XIXe s., pour désigner les grands serpents, en particulier le boa (1775, n. m.). Il signifie ensuite (1801) « personne qui étouffe (qqn) ».
■  ÉTOUFFAGE n. m. est un terme technique (1845) de sériculture et d'apiculture.
■  TOUFFEUR n. f. a été formé (v. 1620) par aphérèse de étouffeur « chaleur étouffante » (dans les dialectes de l'Est, où l'on dit aussi il fait touffe) ; ce mot aujourd'hui littéraire est d'origine dialectale.
Le composé ÉTOUFFE-CHRÉTIEN n. m. inv. (XXe s. ; variante en Sologne, étouffe-coquin) désigne familièrement un aliment qui étouffe.
❏ voir ESTOUFFADE.
L ÉTOUPE n. f. est issu (1119, estupe ; puis estoupe, XIIe s.) du latin stuppa, emprunté au grec stuppê (forme courante stuppeion) « partie la plus grossière de la filasse », mot d'origine obscure.
❏  Étoupe conserve le sens de l'étymon et s'emploie par métaphore (XVIe s.) dans les locutions mettre le feu aux étoupes « exciter un amour violent, une querelle » et avoir les jambes en étoupe, d'étoupe « faibles, molles » (vieilli ; on dit aujourd'hui en coton). Par comparaison, cheveux d'étoupe se dit de cheveux touffus et emmêlés.
❏  Le dérivé ÉTOUPILLON n. m. désignait (1373, estoupillon) un bouchon d'étoupe, puis en artillerie (1671-1672) une petite étoupille.
■  ÉTOUPILLE n. f. est probablement une altération (1632, estoupille) de estoupelle (1584), dérivé de estoupe, qui désignait aussi une mèche servant d'amorce, qu'on introduisait dans la lumière d'un canon. ◆  De là ÉTOUPILLER v. tr. (1752), sorti d'usage.
■  ÉTOUPER v. tr. est issu (v. 1121-1134, estuper) d'un latin populaire °stupare « boucher (avec de l'étoupe) », de stuppa, ou est dérivé de étoupe. ◆  Étouper a pour dérivés le nom d'action ÉTOUPEMENT n. m., attesté au XVIe s., et ÉTOUPAGE n. m. (1567 en picard, estouppaige « bonde »), repris au XVIIIe s. (1723, estouppage) dans la fabrication des chapeaux de feutre.
L ÉTOURDIR v. tr. est probablement issu, sous les formes esturdir et estourdir (1176), du latin populaire °exturdire signifiant, semble-t-il, « agir follement », par allusion à la grive gorgée de raisin. Ce sens est induit du fait qu'on allègue une composition de ex- et du latin classique turdus « grive » ; on retrouve l'image en italien où tordo signifie « grive » et « sot » (stordire « abasourdir, étourdir »), en espagnol tener cabeza de tordo « avoir une tête de grive » et en grec kôphoteros kikhlês « plus sot qu'une grive ». P. Guiraud, qui conteste cette évolution sémantique, propose pour étymon un gallo-roman hypothétique *extorpidire, formé sur torpidus « engourdi », sur le modèle de extorpescere « s'engourdir ».
❏  En effet, étourdir a d'abord le sens (1176) de « frapper l'esprit d'une sorte d'engourdissement (par vertige, ivresse, choc, etc.) ». Le verbe a pris plus tard (XVe s.) le sens d'« importuner, lasser par le bruit, les paroles ». Il signifie ensuite (1629) « causer à qqn de la stupeur, de l'étonnement », emploi aujourd'hui disparu. ◆  S'étourdir correspond à « être dans une sorte d'ivresse, de griserie », d'où s'étourdir de paroles (1670). ◆  Avec un complément nom de chose, étourdir correspond à (1677) « rendre moins vive une sensation physique » (comme endormir) et « rendre moins sensible une souffrance morale » (comme distraire). ◆  En argot, il s'est employé pour « assommer, tuer » (Vidocq, 1829).
❏  ÉTOURDISSANT, ANTE, participe présent adjectivé, est employé (1615, estourdissante crierie) au sens de « qui étourdit par son bruit » puis, au figuré (1670), « qui fait sensation ». Cette valeur encore vivante le détache sémantiquement du verbe.
■  ÉTOURDISSEMENT n. m. désigne dans son premier emploi (1213, estordissement) une perte momentanée de conscience. Au XVIe s., le mot désigne un état de trouble moral (1553) ; il signifie ensuite (1685, Bossuet) « action de s'étourdir par une vie de plaisir ». Le sens de « griserie, vertige » est attesté vers 1790 (Marmontel).
ÉTOURDI, IE adj. et n. est d'abord attesté (1086) comme nom propre (Ricard Estordit) puis comme adjectif, écrit esturdi (v. 1200) et estourdi au XIIIe siècle. ◆  Il a d'abord le sens propre d'« assommé » puis s'applique au XIVe s. à ce qui est fait sans réflexion, et qualifie (1559) une personne qui agit sans réflexion. ◆  La locution adverbiale à l'étourdie (fin XIVe s.) équivaut à ÉTOURDIMENT adv. (XIVe s., estordiement), qui a suivi l'évolution de l'adjectif.
■  ÉTOURDERIE n. f. « acte fait sans attention » (1640) désigne par métonymie (1740) le caractère d'une personne étourdie (faute d'étourderie). Alors que le verbe continue à exprimer l'étonnement, voire la stupeur, étourdi et étourderie ont acquis un sémantisme original, fondé sur « absence d'attention, de réflexion ».
L ÉTOURNEAU n. m., qui apparaît en français sous les formes estornel (XIe s.), identique en ancien provençal, esturnel (1119), puis esturneau (v. 1280) et estourneau (v. 1398), est issu du bas latin sturnellus « petit passereau à plumage moucheté de gris », diminutif du latin classique sturnus (d'où l'italien storno, à côté de stornello). Sturnus se retrouve sous des formes variées dans diverses langues indoeuropéennes.
❏  Étourneau conserve le sens du latin. ◆  Par référence à l'apparence instable du vol des étourneaux et surtout à cause de la paronymie avec étourdi, le mot s'emploie depuis le XVIIe s. (1660) au sens de « personne étourdie » ; on a dit antérieurement (XVe s.) teste d'estornel.
L ÉTRANGE adj. et n. m. est issu (v. 1050, estrange) du latin extraneus « du dehors, extérieur », « qui n'est pas de la famille, du pays », surtout employé à l'époque impériale. Le mot est dérivé de extra « dehors, hors de », de ex- exprimant l'idée de sortir (→ ex-).
❏  Étrange est d'abord employé au sens latin d'« étranger », encore vivant à l'époque classique et même au XIXe siècle. Cependant, dès la fin du XVIIe s., le mot entrait surtout dans des groupes comme terres étranges, nations étranges (Académie, 1694) [Cf. ci-dessous étranger]. ◆  Par extension, étrange signifie (v. 1165) « hors du commun, extraordinaire », sens aujourd'hui archaïque, courant dans la langue classique où l'adjectif équivalait à « épouvantable ». ◆  Par affaiblissement, étrange prend (1668) le sens moderne de « très différent de ce qu'on a l'habitude de voir » ; l'étrange n. m. (XIXe s.) désignant spécialement (XXe s.) un genre littéraire dans lequel des éléments étranges sont intégrés au récit.
■  Étrange est devenu un terme de physique nucléaire (1968), dans particule étrange, par traduction de l'anglais strange, donné arbitrairement pour qualifier le caractère dit strangeness.
❏  Le dérivé ÉTRANGER v. tr. (v. 1120, estrangier) « éloigner », courant jusqu'à l'époque classique, ne s'emploie plus que régionalement.
■  ÉTRANGER, ÈRE adj. et n. est plus tardif (1369). Il s'applique à ce qui est d'un autre pays (par rapport au locuteur), par extension à ce qui n'appartient pas à un groupe familial, social ou à un ensemble (en parlant de choses), puis (fin XVIIe s.) à ce qui n'est pas connu ou n'est pas familier, et aussi à une personne qui se tient à l'écart de qqch., enfin (1690) à une chose qui n'a aucun rapport avec qqch. ◆  Corps étranger s'applique en médecine à une chose non naturelle dans l'organisme. ◆  Le nom (un étranger, une étrangère) a des emplois parallèles à ceux de l'adjectif ; il s'emploie aussi avec une valeur de collectif pour « ennemi » (XVIIe s.) et pour « ensemble des pays étrangers », à l'étranger s'opposant ainsi à « dans le pays du locuteur » (en France, pour les Français).
■  ÉTRANGEMENT adv. s'est employé au sens d'« extrêmement » (v. 1170, estrangement), disparu après l'époque classique. Il signifie couramment (fin XIVe s.) « d'une manière étonnante ».
ÉTRANGETÉ n. f., attesté à la fin du XIVe s. (estrangeté), est rare avant le XVIIIe siècle ; le mot était condamné au XVIIe s. (Vaugelas). Il signifie « caractère étrange » et par métonymie « action, chose étrange » (1580). ◆  En physique nucléaire, étrangeté traduit (1968) l'anglais strangeness, qui concerne certaines particules, le mot étant choisi arbitrairement, comme charm, beauty.
L ÉTRANGLER v. tr. est issu au début du XIIe s. (1121-1134, estrangler) du latin strangulare « étouffer, étrangler » (→ strangulation), emprunt ancien au grec strangalan de même sens, de strangalê « cordon, lacet », lui-même de stranx, strangos « goutte exprimée par pression, avec effort ». Ces mots ont des correspondants exprimant l'idée de tirer, de serrer, dans plusieurs langues indoeuropéennes.
❏  Étrangler conserve dans ses premiers emplois le sens latin de « priver de respiration en paralysant » (1121-1134), s'étrangler signifiant « suffoquer, étouffer » (1160-1174) ; par figure, s'étrangler pour faire qqch. a eu le sens de « s'efforcer » (1170). ◆  À partir du début du XIIIe s., le verbe s'est employé par figure pour « presser, poursuivre », d'où « ruiner » (1319), et « gêner par une contrainte insupportable » (Cf. prendre à la gorge). Au XVIIe s., par extension de ce dernier sens, étrangler s'emploie comme étouffer pour « empêcher de s'exprimer, de devenir public » : étrangler une affaire (1640), une assemblée (v. 1660) ; de là, au XIXe s., étrangler la presse. ◆  Par analogie, le verbe signifie « resserrer, en ne donnant pas à une chose la largeur nécessaire » (1690, étrangler un sac) ; en ce sens il s'emploie spécialement en marine (étrangler une voile « la carguer »).
❏  ÉTRANGLEMENT n. m. (1240, estranglement) a disparu au sens premier de « maladie qui étouffe, angine » ; le mot est rare comme nom d'action (XVe s., estranglemans) sauf aujourd'hui dans le vocabulaire technique du judo (prises d'étranglement) ; il est sorti d'usage au sens (XVIIe s.) d'« étouffement ». ◆  Il est repris pour désigner en médecine (1688) le fait de se resserrer et plus généralement (1707) l'état de ce qui est rétréci en un point (goulet d'étranglement). ◆  Le mot s'emploie aussi au figuré dans étranglement de la voix et avec une valeur abstraite (1890).
■  ÉTRANGLEUR, EUSE n. « personne qui étrangle » (mil. XIVe s., estrangleur) entre dans la locution avoir des mains d'étrangleur. Le mot s'emploie au figuré pour désigner une personne sans scrupules. ◆  Dans le vocabulaire technique de l'automobile (1902, n. m.), il désigne un dispositif d'obturation.
■  ÉTRANGLÉ, ÉE adj., du participe passé, s'applique à un lieu resserré (v. 1550), d'où en médecine hernie étranglée (1835), et signifie « privé de respiration ».
■  ÉTRANGLOIR n. m. est un terme de marine (1838) désignant un cordage destiné à étrangler, carguer les voiles.
■  ÉTRANGUILLON n. m. (XIVe s.), emprunt à l'italien stranguglione, de strangolare « étrangler », se dit en médecine vétérinaire d'une angine qui attaque le bœuf, le cheval.
ÉTRAPER v. tr. est une altération (1283), sous l'influence de attraper, de l'ancien français esterper, estreper (v. 1120) « extirper, arracher », issu du latin exstirpare « déraciner, arracher » (→ extirper).
❏  Le verbe signifiait en agriculture « couper à ras (ce qui reste de chaume après la moisson) ».
❏  Les dérivés ÉTRAPOIRE n. f. (1606) et ÉTRAPE n. f. (1630) désignaient l'instrument effectuant cette opération.
ÉTRAVE n. f. n'est attesté qu'en 1573 (estrave), sans doute à cause de son caractère technique ; venant de l'ancien nordique stafn « pièce courbe et saillante qui forme la proue d'un bateau », il doit être antérieur dans les langues emprunteuses, tel le français. On suppose des formes anciennes plus proches de l'étymon, °estavne, puis °estavre d'où, par anticipation, estrave ; d'autres formes attestées, estable, estauve, viendraient du même °estavne par °estavle.
❏  Le mot désigne la pièce courbe, saillante, formant la proue d'un bateau (→ étambot).
L 1 ÊTRE v. intr. est issu (842) d'un latin populaire °essere, du latin classique esse, qui se rattache comme le grec einai à une racine indoeuropéenne °es-, °s- « se trouver », qui ne s'employait pas à l'origine comme copule. Les représentants de einai en français sont issus du participe présent ôn, ontos (→ onto-). Le passé déterminé, qui ne fournit pas la racine °es-, vient d'une autre racine indoeuropéenne °bhewē- (variante °bhū-), qui a donné par exemple le latin fui « je fus », et n'a gardé son sens originel de « croître, pousser » que dans le grec phuein, phusis (→ physique). ◆  Le latin esse, à la fois verbe d'existence et copule, s'employait dans des locutions impersonnelles et pour marquer la résidence (avec le locatif, ou in suivi de l'ablatif), le terme d'un mouvement (avec in et l'accusatif), ainsi qu'un rapport d'appartenance, d'origine (avec divers cas). La locution id est « c'est-à-dire » introduisait une explication. Esse s'utilisait aussi pour opposer la réalité à l'apparence, comme en grec. En latin populaire, esse s'employait avec une préposition suivie de l'accusatif pour « aller » (in funus fui « j'ai été à un enterrement »). Les participes passé et présent français, été et étant, ont été empruntés à l'ancien français ester (de stare « se tenir debout » ; → 1 ester) ; l'espagnol et le portugais conservent estar (de stare) comme verbe expressif et ser (de essere) comme copule et comme auxiliaire. À l'imparfait, les formes iere, ere de l'ancien français (du latin eram), qui se confondaient avec les formes du futur, sont abandonnées vers le milieu du XIIIe s. dans l'usage courant ; elles se maintiennent en poésie jusqu'au XIVe s. pour des motifs rythmiques ; la forme esteie, puis étais, a été refaite sur l'infinitif estre. Les formes du futur ier, er ont disparu au XIVe siècle ; la forme serai, très ancienne, vient de (es)sere + aio (présent du verbe avoir) et a supplanté estrai.
❏  Dès les premières attestations, être est employé avec un complément prépositionnel qui marque l'état, la situation du sujet, sa localisation, ou les circonstances qui caractérisent son existence. Depuis la fin du IXe s., le verbe est suivi d'un attribut indiquant une qualité du sujet, souvent sa qualité essentielle (881-882) ; de cette valeur sont issus de nombreux emplois, comme être soi-même « être tel qu'on a toujours été » et « s'affirmer », être qqch., n'être rien pour (qqn), être comme on est, etc. Dans la seconde moitié du Xe s., le verbe est attesté pour « exister, être vrai », en parlant d'un sujet animé ; ce sens fort est resté vivant en philosophie, par exemple dans la phrase latine de Descartes Cogito ergo sum, traduite par je pense, donc je suis. ◆  Plusieurs autres emplois sont attestés dès la fin du Xe siècle : être, impersonnel, à la 3e personne du singulier, introduit un élément de phrase (il est..., est-il..., il n'est pas...) et sert à former des locutions comme il n'est que de... « il n'y a qu'à... », s'il en est (un homme habile s'il en est), toujours est-il que... « de toute façon », encore usuel. ◆  Être est employé avec le démonstratif ce (c'est, c'était, etc.) pour présenter une personne, une chose, pour annoncer ce qui suit en mettant ainsi en relief un élément de la phrase, et dans des syntagmes variés : si ce n'était (et par ellipse littéraire n'était), ce que c'est que de, d'où ce que c'est que de nous ! (familier) et les très courants est-ce que ? formule interrogative et n'est-ce pas ?, pour requérir l'adhésion de l'interlocuteur. ◆  À la même époque (fin Xe s.), être est attesté comme auxiliaire pour former les temps composés de certains verbes intransitifs et des verbes pronominaux, et la forme passive des verbes transitifs. ◆  On relève au XIIe s. l'emploi de être à, suivi d'un infinitif, pour « devoir être » (1119). ◆  Le sens d'« exister, vivre » (1130-1140) est aujourd'hui littéraire, de même que n'être plus pour « être mort » (fin XIIe s.). De cet emploi vient la locution proverbiale on ne peut pas être et avoir été et l'emploi au subjonctif soit... pour « supposons ». ◆  C'est aussi au XIIe s. qu'est attesté être à au sens d'« être en train, être occupé à » (1174-1176). Être acquiert avec certaines prépositions des valeurs particulières : être contre signifie (v. 1207) « s'opposer à » ; être à indique la possession (au figuré je suis à vous « à votre disposition »), être de marque la provenance (1690, être de Paris) et la participation (être de la famille ; être de l'avis de qqn). En être signifie « faire partie de (qqch.) » (déb. XVIIe s.) et, spécialement (XVIIIe s., Rousseau), « être homosexuel » ; l'être (il l'est, etc.) est un euphémisme pour « être cocu » (déb. XVIIIe s.). Être pour (qqch.) signifie « vouloir adhérer à » (1640) ; être pour garde régionalement une valeur de futur proche (être pour partir) ; être sans équivaut à « n'avoir pas » (XVIIe s.).
❏  2 ÊTRE n. m., emploi substantif du verbe, a d'abord signifié (v. 1120-1150) « état, situation » ; le mot se dit ensuite (mil. XIIIe s.) d'un organisme doué de vie ou supposé tel, d'où spécialement l'être éternel (1690), l'être suprême pour désigner Dieu, notamment dans l'idéologie déiste du XVIIIe s. (Cf. la fête de l'Être suprême, 1794). ◆  L'être, en philosophie (1269-1278), signifie « fait d'être, qualité de ce qui est », valeur qu'on retrouve dans donner l'être à (qqch., qqn) « créer », d'usage littéraire. ◆  Par extension, être signifie (v. 1361) « nature intime » (l'être de l'homme) et (XVIe s.) « manière d'être » et « origine ».
■  Dans l'usage courant (XVIIIe s.), un être équivaut à « personne, humain » et l'être de qqn « sa personne », avec la locution de tout son être « de toute sa volonté, avec tous ses sentiments ». Être de raison (XVIIe s.) désigne un objet qui n'existe que dans la pensée, opposé à réalité.
■  Le mot prend dans les sciences abstraites la même valeur que entité (être mathématique).
BIEN-ÊTRE n. m. inv. est composé (1555) de bien* et du verbe être « exister, vivre », pour désigner la sensation agréable née de la satisfaction de besoins physiques, puis (1740) la situation matérielle qui permet de satisfaire les besoins de l'existence.
■  MAL-ÊTRE n. m., de mal* adv. a eu le sens (1580) d'« état d'une personne qui ne se sent pas bien », remplacé à la fin du XVIIIe s. par malaise. Le mot a été repris vers 1970, pour désigner l'état d'une personne qui se trouve mal dans la société.
■  NON-ÊTRE n. m. est formé au XIVe s. (1325) sur le substantif être ; le mot a été repris dans le contexte de l'existentialisme, avec une valeur distincte de celle de néant.
ÉTANT n. m. est un mot de la philosophie du XXe s. (à partir de la phénoménologie), qui exprime une façon d'appréhender un être en tant que phénomène.
❏ voir ABSENT, ESSENCE, INTÉRÊT, 1 PRÉSENT.