ÉVENTUEL, ELLE adj. est un dérivé savant (1718) du latin eventus « événement », nom d'action de evenire (→ événement).
❏
Le mot est d'abord attesté comme terme de droit ; il se disait de traités faits entre souverains, et fondés sur un événement incertain ; il qualifie en droit moderne ce qui peut se produire, si certaines conditions se trouvent réalisées
(succession éventuelle).
◆
Éventuel s'emploie aussi dans le vocabulaire de la philosophie ; substantivé, il a désigné en grammaire le conditionnel (
l'éventuel, n. m., 1845).
■
L'adjectif s'emploie couramment en parlant d'un événement qui peut ou non se produire, d'abord de ce qui peu ou non produire des effets (1846, Dumas : spéculations éventuelles), d'une personne qui peut ou non être, ou faire qqch. (attesté XXe s.).
❏
Le dérivé
ÉVENTUELLEMENT adv. (1737) a été un terme de droit, puis s'est répandu dans l'usage général pour « de manière éventuelle, possible, voire douteuse » (et non pas, comme l'anglais
eventually, « de manière certaine »).
■
ÉVENTUALITÉ n. f., relevé en 1793 (Beaumarchais), désigne le caractère de ce qui est éventuel, possible, non certain et, absolument (1865), des circonstances susceptibles de se produire. Le mot entre dans les locutions à toute(s) éventualité(s) « à tout hasard » (1853), sortie d'usage, et parer (être prêt) à toute(s) éventualité(s) « prévoir tous les événements qui peuvent s'opposer à un projet » (1867, Hugo).
L
ÉVÊQUE n. m. apparaît sous la forme ebisque (Xe s.) puis evesque (2e moitié du Xe s.) ; le mot représente la forme raccourcie °episcu(m) du latin ecclésiastique episcopus (accusatif episcopum), emprunté au grec episkopos « gardien, surveillant, inspecteur » puis « évêque » (→ épiscopal). Ce mot vient de episkopein « inspecter », verbe composé de epi « sur » et de skopein « observer », qui se rattache à la racine indoeuropéenne °skep-, skop « regarder » (→ écueil, sceptique, -scope, -scopie).
❏
Le mot désigne d'abord le chef d'un diocèse dans l'Église catholique, puis dans l'Église réformée (1669, Bossuet). Il figure dans plusieurs locutions et proverbes qui témoignent de l'importance du clergé catholique en France, dans la vie quotidienne, jusqu'au XIXe s. (pour des formations analogues, Cf. curé, abbé, moine, chanoine) : disputer (se battre) de la chape à l'Évêque ; vouloir en remontrer à son évêque « donner des leçons à mieux informé que soi » ; un évêque des champs (de la campagne) qui donne sa bénédiction avec les pieds « un pendu » ; devenir évêque des champs « être pendu » ; devenir (se faire) d'évêque meunier « passer à une condition très inférieure » (v. 1560). Toute cette phraséologie est sortie d'usage.
◆
D'autres locutions se sont maintenues, qui reposent sur une analogie de forme : bonnet d'évêque « loge du cintre dans un théâtre » et, familièrement, « croupion découpé d'une volaille », ou de couleur : pierre d'évêque « améthyste » ; violet d'évêque (1844).
❏
ARCHEVÊQUE n. m. est issu (1080), d'après
evesque, evêque, du latin ecclésiastique
archiepiscopus emprunté au grec
arkhiepiskopos, composé de
arkhi-, préfixe indiquant la supériorité
(→ archi-) et de
episkopos.
◆
Le mot désigne l'évêque placé à la tête d'une province ecclésiastique et de plusieurs évêques, ses suffragants.
■
En dérive ARCHEVÊCHÉ n. m. (1138), qui désigne le territoire se trouvant sous la juridiction d'un archevêque, la dignité d'archevêque et le palais archiépiscopal.
◈
ÉVÊCHÉ n. m., d'abord
evesquet au féminin (2
e moitié du
Xe s.), puis au masculin
evesqué (v. 1210),
éveschié (v. 1265), est dérivé de
evesque d'après le latin ecclésiastique
episcopatus « dignité d'évêque ; ensemble des évêques »
(→ épiscopat).
■
Évêché, qui n'a pas de genre fixe jusqu'au XVIIe s., a d'abord le sens de « territoire soumis à l'autorité d'un évêque » : l'expression les Trois-Évêchés désigne les principautés ecclésiastiques gouvernées par les évêques de Metz, Toul et Verdun (XVIe -XVIIe s.).
◆
Par métonymie, le mot désigne ensuite (v. 1210) la dignité, la fonction d'évêque et depuis la fin du XVIIe s. la demeure de l'évêque, le palais épiscopal (1680) et (1718) la ville où réside l'évêque.
❏ voir
ÉPISCOPAL.
EVERGÈTE n. m. est un emprunt didactique (attesté tardivement en 1948) au grec ancien evergetês « bienfaiteur ».
❏
En histoire antique, le mot désigne un riche notable grec qui finançait bénévolement des dépenses publiques.
ÉVERSION n. f. est un emprunt savant (av. 1454) au latin eversio « renversement, destruction », dérivé de eversum, supin de evertere « bouleverser, renverser, détruire », formé de e(x)- et de versus, participe passé de vertere « tourner » (→ vers).
❏
Le mot est d'abord attesté avec le sens étymologique de « destruction, renversement », sens devenu archaïque au XVIIe s. (in Trévoux, 1704).
◆
Il est repris à la fin du XIXe s., en anatomie et en pathologie, avec le sens de « retournement vers l'extérieur » (1897), en parlant d'une muqueuse, d'un organe.
❏
Du nom dérivent les adjectifs ÉVERSIF, IVE (1777), qualifiant ce qui bouleverse, détruit, et ÉVERSÉ, ÉE (1922), terme d'anatomie et de pathologie. Ces deux adjectifs sont rares.
ÉVERTUER (S') v. pron., attesté en 1080 dans La Chanson de Roland, est dérivé, par préfixation en é-*, de vertu* au sens de « courage, activité ». Le verbe n'a plus de rapport ressenti avec vertu.
❏
Le verbe (soi esvertuer) a d'abord le sens de « mettre en jeu tout ce qu'on a de forces », qu'il a conservé couramment dans la construction s'évertuer à (XVIIe s.) qui succède à s'évertuer de (déb. XVIIe s.) « se donner beaucoup de peine ». L'emploi absolu « se démener, se remuer » est devenu archaïque.
◆
Un emploi actif a existé au XVIe siècle : évertuer ses forces a signifié « les ramasser » (1559).
ÉVIDENCE n. f. est un emprunt savant (1314) au latin evidentia, dérivé de evidens, -entis « qui se voit de loin » et « évident », formé de e- (→ ex-) et de videre (→ voir) ; ces deux termes sont employés dans la langue philosophique à partir de Cicéron.
❏
Évidence se dit de ce qui s'impose immédiatement à l'esprit ; le mot est usuel dans les expressions et locutions en évidence (1580) « qui est présenté de façon à être remarqué immédiatement », être en évidence « se manifester clairement », mettre en évidence (1580) « faire apparaître très clairement » (surtout en emploi abstrait), se mettre en évidence « se montrer, se mettre en avant pour se faire remarquer ». Figurément, en parlant de ce qui entraîne l'assentiment de l'esprit, on relève c'est l'évidence même « cela saute aux yeux », c'est une évidence ; se rendre à l'évidence « finir par admettre ce qui est incontestable », se refuser à l'évidence, nier l'évidence, etc. La locution adverbiale à l'évidence, de toute évidence est l'équivalent de « certainement ».
❏
ÉVIDENT, ENTE adj. (v. 1330, mais antérieur ;
Cf. évidemment), emprunté au latin
evidens, -entis, se dit de ce qui s'impose clairement à l'esprit. Il apparaît dans les locutions
il est évident que, c'est évident, c'est une chose évidente.
■
De cet adjectif dérive ÉVIDEMMENT adv. (XIIIe s.), d'emploi littéraire au sens de « d'une manière évidente, à l'évidence », et très courant (1865) comme adverbe d'affirmation équivalant à « certainement », « (bien) entendu ».
L
ÉVIER n. m. est issu, d'abord sous la forme euwier (1247) qui correspond à ewe (→ eau), du latin aquarium « réservoir à eau », « abreuvoir », substantivation de l'adjectif aquarius « pour l'eau, à eau », souvent employé avec des termes désignant des récipients ou des conduits (comme vas aquarium « récipient à eau » ; → aquarium) ; aquarius a subi un développement phonétique parallèle à celui de aqua (→ eau), dont il dérive.
❏
Le mot est d'abord attesté avec le sens d'« égout pour l'écoulement des eaux usées (dans une cour, etc.) », sens qu'il a conservé en technique.
■
Évier désigne par la suite (1865) un dispositif ménager comportant un trou pour l'écoulement des eaux, sens où il est devenu très courant. Malgré l'introduction de l'eau courante (d'où robinet d'évier), le mot se distingue dans la pratique de lavabo ; le premier est en rapport avec la cuisine, le second avec la toilette. Dans plusieurs régions de France (Bourgogne, vallée du Rhône jusqu'en Ardèche), en milieu rural, évier s'applique à une pièce située à côté de la cuisine, où se fait la vaisselle.
ÉVINCER v. tr. est un emprunt savant (1412) au latin impérial evincere « triompher de » et en droit « déposséder juridiquement », composé de e- (→ ex-) et de vincere « vaincre* ».
❏
Le verbe est d'abord employé en droit, avec le sens du latin. Évincer se dit ensuite par extension pour « chasser (qqn) » (1550, Rabelais ; repris en 1823).
◆
L'emploi pronominal réfléchi (1840) « se retirer, s'exclure soi-même » est sorti d'usage.
❏
Du verbe dérive ÉVINCEMENT n. m. (1875) d'emploi plus rare que ÉVICTION n. f., emprunt (1283) au bas latin juridique evictio « recouvrement d'une chose par jugement », dérivé du supin de evincere. Éviction est employé, comme le verbe, d'abord dans le vocabulaire juridique puis avec un sens étendu (1861) et en termes administratifs (1893, éviction scolaire).
ÉVITER v. tr. est un emprunt (1324) au latin evitare « éviter, fuir », de e- (→ ex-) et vitare « éviter, se garder de, se dérober à », sans étymologie claire, sauf à y voir le fréquentatif de viere « courber » et aussi « tresser », verbe apparenté à de nombreuses formes indoeuropéennes.
❏
Le verbe est d'abord relevé avec le sens de « se garder de » en construction indirecte
(éviter à qqch.), sens vivant jusqu'au
XVIe siècle ; on trouve encore dans le vocabulaire de la marine
éviter au vent, à la marée « changer de direction » (en parlant d'un navire).
■
Éviter est attesté ensuite (1459) avec le sens de « fuir qqch. » ; le verbe se dit par extension (XVIe s.) pour « écarter (ce qui menace) », « se soustraire à (un état, une situation) », « ne pas rencontrer ou fréquenter (qqn) » et, couramment, « ne pas être en contact physique avec (qqn) », « esquiver (un coup) », d'où la construction (1587) éviter (qqch.) à (qqn).
❏
ÉVITABLE adj. (fin
XIIe s., Marie de France), dérivé du verbe d'après le latin
evitabilis « qui peut être évité », en conserve le sens. Surtout usité en français contemporain dans un contexte négatif, il est moins courant que son antonyme préfixé.
■
INÉVITABLE (1377), emprunté au latin inevitabilis (de in- ; → 1 in-) est sorti d'usage au sens de « que l'on ne peut éviter (dans l'espace) ». Il s'applique à ce qui est inéluctable et s'emploie par plaisanterie (1831) pour « rituel, habituel ».
◆
Le dérivé INÉVITABLEMENT adv. est attesté en 1493.
◈
ÉVITEMENT n. m., dérivé (1538) du radical de
éviter, est aujourd'hui littéraire au sens général « action d'éviter ». Mais le mot est usuel dans les syntagmes techniques
gare, voie d'évitement « où l'on gare les trains, les wagons » (1836) et, régionalement (Belgique), au sens de « détour, déviation ».
◆
Dans le vocabulaire de la biologie
(réaction) d'évitement se dit d'un mouvement de défense des micro-organismes, qui commande leurs évolutions (1906) ; c'est alors la traduction de l'anglais
avoiding reaction (Jennings).
Réaction d'évitement est également employé d'après l'anglais en psychologie, et
relation d'évitement en ethnologie.
◈
De l'emploi d'
éviter en marine ont été dérivés :
ÉVITÉE n. f. (1678), sorti d'usage et remplacé par
ÉVITAGE n. m. (1772) « mouvement que fait un navire pour ne rien heurter ».
+
ÉVOLUTION n. f. est un emprunt savant (1536) au latin evolutio « action de dérouler, de parcourir », de evolutum, supin de evolvere « dérouler », « déployer », au figuré « expliquer », composé de e- (→ ex-) et de volvere « rouler » (→ volute), qui se rattache à une racine indoeuropéenne °wel- « rouler ». C'est un préfixé de evolvere qui a donné révolution*.
❏
Le mot est emprunté comme terme militaire avec le sens spatial d'« action de manœuvrer », aussi en marine (1797) d'où, par extension, l'emploi courant au pluriel : « suite de mouvements variés », puis « action de se retourner », spécialement en parlant du changement de cap d'un navire (v. 1850).
■
Évolution prend une valeur temporelle et figurée dans la seconde moitié du XVIIIe s. où il est relevé en sciences naturelles (1762, Ch. Bonnet) avec le sens de « changement, transformation, développement », probablement par influence de l'anglais evolution (un exemple isolé de Bossuet, qui juxtapose évolution et révolution, n'est pas clair). C'est dans ce sens qu'il se répand dans l'usage général, remplaçant en partie progrès, notamment à partir d'A. Comte (1822), puis qu'il se spécialise pour traduire (v. 1870) l'anglais evolution employé par Lyell en géologie (1832), puis par Darwin (1859) ; il signifie alors « transformation progressive d'une espèce vivante aboutissant à la constitution d'une autre espèce » et devient un des termes clés de la biologie moderne.
❏
ÉVOLUER v. intr., dérivé du radical de
évolution (1536), est d'abord employé, comme le nom, dans le vocabulaire militaire au sens de « manœuvrer ». De là viennent le sens étendu de « se déplacer par une succession de mouvements variés » (
XIXe s.) et l'emploi figuré pour « vivre dans un milieu déterminé » (fin
XIXe s.).
◆
La valeur spéciale de « se déplacer avec un mouvement de rotation » (1783), correspondant plutôt à
révolution, est aujourd'hui sortie d'usage.
■
Le verbe prend au milieu du XIXe s. une valeur temporelle liée à celle d'évolution (ci-dessus) [1845, s'évoluant « se transformant »] et signifie couramment (1864) « passer par une suite de transformations », spécialement en parlant d'une maladie (déb. XXe s.).
■
Le participe passé ÉVOLUÉ, ÉE adj. (1865), signifiant « qui a subi une évolution », s'emploie notamment (XXe s.) en parlant de pays, de peuples à l'avant-garde de la civilisation technique, du progrès et en parlant d'individus indépendants, cultivés, etc. En français, il s'est employé à l'époque coloniale à propos des Africains détachés du mode de vie traditionnel (aussi substantif).
■
Le dérivé savant du radical d'évolution, ÉVOLUTIF, IVE adj. (av. 1830), est plus courant pour qualifier ce qui est susceptible d'évolution que ce qui est capable de produire un mouvement. Son dérivé ÉVOLUTIVITÉ n. f. caractérise ce qui est capable d'évoluer, d'abord en médecine (années 1950), puis dans d'autres domaines, comme l'informatique.
■
ÉVOLUTIONNAIRE adj. (1865) est sorti d'usage comme terme militaire et aujourd'hui vieilli en biologie où il est adapté de l'anglais evolutionary (1878). En politique, il a désigné comme nom (1867) un partisan du changement sans rupture (un réformiste) ; le mot a été repris vers 1975 sous l'influence de révolutionnaire.
■
ÉVOLUTIONNISME n. m. (1873) est un terme didactique qui s'applique à la doctrine de l'évolution des espèces (Cf. transformisme) et à une attitude politique (Cf. réformisme). Seul le premier de ces deux emplois est vivant.
◆
ÉVOLUTIONNISTE adj. et n. (1873) s'applique aux mêmes domaines.
◈
À partir d'
évolution aux sens temporel et scientifique ont été composés les termes de biologie :
MACROÉVOLUTION n. f., MICRO-ÉVOLUTION ou
MICROÉVOLUTION n. f. (1932, J. Rostand), de
macro-* et de
micro-*.
❏ voir
DÉVOLU.
ÉVOQUER v. tr. est un emprunt (XIVe s.) au latin evocare « appeler à soi, attirer », spécialisé dans la langue militaire au sens de « appeler des troupes, faire des levées ». Ce verbe est formé de e- (→ ex-) et de vocare « appeler » « invoquer », « inviter », dérivé de vox, vocis (→ voix).
❏
Évoquer, d'abord employé avec le sens de « faire apparaître par des incantations, ressusciter (les esprits) », apparaît au XVe s. dans le vocabulaire du droit, signifiant « attirer à soi la connaissance d'une cause (en parlant d'une juridiction, d'une instance supérieure) » (1479).
◆
Le mot a été employé au XVIe s. (Rabelais) au sens étymologique de « appeler, faire venir ».
◆
Par extension du premier sens, il se dit à partir de la fin du XVIIIe s. pour « rappeler à la mémoire » (1794, Chénier) puis par une seconde extension, au sens de « faire apparaître à l'esprit, par des images, des associations d'idées » (1832), d'où (fin XIXe s.) évoquer un problème, un sujet, synonyme de faire allusion à.
❏
À partir du radical d'
évoquer ont été dérivés
ÉVOCABLE adj. (1690), terme de droit, et
ÉVOCATEUR, TRICE adj. (1857) qui rappelle le latin
evocator « celui qui fait appel à », spécialement en latin chrétien « celui qui appelle les âmes (après la mort) ». Cet adjectif est issu de l'emploi d'
évoquer au sens de « faire apparaître (les esprits) » par la magie ; il qualifie par extension (apr. 1850) ce qui a un pouvoir d'évocation (un mot, une image, etc.).
◈
ÉVOCATION n. f. est un emprunt savant (début ou milieu
XIVe s.) au latin
evocatio « appel », « appel aux armes », « appel en justice » et « évocation des ombres, des enfers », du supin de
evocare.
■
Les principaux emplois du nom sont parallèles à ceux du verbe. Évocation est d'abord employé comme terme de droit (déb. XIVe s., evocastion ; 1348, evocacion), puis se dit de l'action d'évoquer les esprits (1680) et d'une remise en mémoire, d'une allusion (1828, Sainte-Beuve).
◈
ÉVOCATOIRE adj., emprunt savant (1395) au bas latin
evocatorius « qui appelle, qui mande », dérivé du supin de
evocare, correspond à
évoquer et à
évocation.
■
D'abord terme de droit (1395 ; actions évocatoires, 1507), l'adjectif se dit, dans un emploi littéraire ou didactique, de ce qui donne lieu à l'évocation des démons, des ombres (1860, sorcellerie évocatoire, Baudelaire).
❏ voir
VOIX.
ÉVULSION n. f. est un emprunt savant (1540, sans accent evulsion ; 1611, évulsion) au latin evulsio « action d'arracher », dérivé de evulsum, supin de evellere « arracher », formé de e- (→ ex-) et de vellere « arracher » (les poils, la laine, etc.), qui se rattache à une racine indoeuropéenne °wel- « arracher » (→ convulsion, révulsion).
❏
Évulsion désigne en chirurgie, notamment en chirurgie dentaire, l'action d'arracher, d'extraire.
❏
En dérive ÉVULSIF, IVE adj. (XIXe s.) « qui opère l'arrachement ».
EVZONE n. m., enregistré dans les dictionnaires français en 1907, est un emprunt au grec euzônos, qui signifie strictement « qui a une belle ceinture » de zôné « ceinture » → zone.
❏
Le mot désigne un soldat de l'armée grecque, vêtu de la jupe courte appelée fustanelle.
1 EX- est un préfixe emprunté au latin
ex-, préfixe et préposition exprimant l'idée de « sortir » et celles d'« absence », de « privation », comme son correspondant en grec
(ex). Ex- est présent en français dans de nombreux composés empruntés au latin (par exemple
exclure, exclamer, expulser) et apparaît dans quelques composés français de formation savante, comme
expatrier, exproprier, contenant l'idée d'avancement vers l'extérieur ou celle de position en dehors.
■
Le préfixe latin, souvent réduit à e- devant consonne, est aussi à l'origine de la forme populaire es- (en ancien français) devenue é- au XVIIe siècle : par exemple effeuiller, ébattre.
❏
2 EX- correspond à une autre valeur du latin
ex-, qui indique l'idée de « passage d'un état à un autre » et celle d'« achèvement » et entre alors dans la composition de mots désignant une charge qui a cessé d'être exercée, par exemple dans
ex consul « ancien consul »,
ex liberto « ancien affranchi ».
■
Il est employé en français à partir du XVIIe s. devant un nom joint par un trait d'union désignant l'état ou la fonction antérieurement occupés par une personne. D'abord dans le vocabulaire ecclésiastique, placé devant un nom de charge ou de dignité, le préfixe s'est largement répandu à d'autres domaines (ex-ministre, ex-député) ; concurrencé par ci-devant à l'époque révolutionnaire, il tend, depuis le milieu du XXe s., à se substituer à l'adjectif ancien (ex-mari).
◆
Dans ce sens, EX n. m. s'emploie familièrement par ellipse depuis la seconde moitié du XIXe s. (1872 dans Labiche) : son ex (conjoint, concubin, amant).
EXACERBER v. tr. est un emprunt savant (av. 1380) au latin exacerbare « aigrir, irriter, affecter douloureusement » et en bas latin « aggraver ». Le verbe est composé de ex- (→ 1 ex-) et de acerbus « aigre » (→ acerbe).
❏
Relevé à la fin du XIVe s. avec le sens étymologique d'« irriter, aigrir (qqn, qqch.) », puis au début du XVIIe s. à la forme pronominale (1611), le verbe est très rare avant le XIXe siècle. Il est alors repris (1868, Gautier) pour « rendre plus aigu, porter à son paroxysme » un mal et, par analogie (fin XIXe s.), un sentiment, une souffrance morale, avec une valeur proche d'exalter, exaspérer.
❏
Le nom d'action EXACERBATION n. f. (1503) est, comme le verbe, rare avant le XIXe siècle. Il est emprunté au latin impérial exacerbatio « action d'irriter », dérivé du supin de exacerbare. Le mot est didactique en médecine, et littéraire en parlant du domaine des sentiments.
EXACT, EXACTE adj. est un emprunt savant du milieu du XVIe s. (av. 1542) au latin exactus « exactement pesé, précis, exact », participe passé adjectivé de exigere (→ agir, exiger). Exigere, au cours de son évolution, a pris les sens de « pousser dehors, chasser » et « faire sortir de », puis « exiger (de qqn) », parallèlement à « achever, mener à terme » ; enfin, il a pris le sens technique de « peser », d'où « fixer, déterminer », acception dont procède l'adjectif exactus.
❏
Exact qualifie d'abord ce qui est accompli minutieusement, en observant les règles prescrites
(exacte supputation), puis (1652) une personne scrupuleuse, minutieuse dans l'accomplissement de ses devoirs. Ces deux emplois sont devenus archaïques, à la différence du sens spécial « qui respecte l'horaire, ponctuel » (1870), toujours en usage
(être exact au rendez-vous).
■
Le sens moderne de « conforme à la vérité » apparaît au milieu du XVIIe s. (Pascal), d'abord en parlant de choses qui reproduisent fidèlement la réalité, un modèle (Cf. conforme), puis d'une personne véridique et sincère (chez La Bruyère). À partir du XVIIIe s., l'adjectif correspond à « juste », « adéquat » (raisonnement, terme exact) et, l'idée de précision devenant essentielle, qualifie ce qui exclut l'approximation, d'où (mil. XVIIIe s.) sciences exactes « constituées par des propositions quantitativement déterminées, par des mesures exactes ».
❏
Le dérivé
EXACTEMENT adv. (1539), devenu littéraire et archaïque au sens initial, « conformément aux règles, aux usages établis », s'emploie encore couramment pour « conformément à la vérité, à la réalité » (av. 1778) et « avec une grande précision » (1870).
■
EXACTITUDE n. f. est dérivé (1647, Vaugelas) de exact par analogie avec des mots où la finale est étymologique (Cf. habitude, solitude) et l'a emporté dans l'usage sur les formes à peine antérieures exactesse (1632) et exacteté (1643), proposées par certains auteurs.
◆
Le mot, avec une évolution sémantique parallèle à celle de l'adjectif, a conservé l'idée de ponctualité (1680), de conformité avec la réalité et la vérité (v. 1740), d'égalité de la mesure avec la grandeur mesurée (1756).
◈
Le préfixé
INEXACT, ACTE adj. est attesté en 1689 (de
1 in-) et son dérivé
INEXACTEMENT adv. en 1761.
Inexact correspond à « qui n'est pas conforme à la réalité, qui est faux, erroné », et « qui manque de rigueur » ; d'une personne, « qui n'est pas ponctuelle ».
■
INEXACTITUDE n. f. est formé sur exactitude d'après inexact et, semble-t-il, en même temps que lui (1689). Il se dit du manque d'exactitude, aussi (1867) du manque de ponctualité. Par métonymie, une, des inexactitudes désigne ce qui est inexact, faux, incorrectement rapporté.
❏ voir
EXACTION.
EXACTION n. f. est un emprunt savant (1261) au latin exactio « action de faire rentrer (des impôts, de l'argent) » d'où « recouvrement d'impôts », « action d'exiger l'accomplissement d'une tâche » et aussi « bannissement ». Ce nom est dérivé de exactum, supin de exigere (→ exact, exiger).
❏
D'abord relevé avec le sens latin d'« impôt », exaction est ensuite employé (1365, Oresme) pour « abus en matière monétaire » (Cf. extorsion).
◆
Le sens actuel est une extension, généralement employée au pluriel, qui correspond à « mauvais traitements, sévices » (déb. XXe s.).
❏
EXACTEUR n. m., réfection (mil.
XIVe s.) de
exautor (1304), est emprunté au latin
exactor « celui qui exige une créance ; collecteur d'impôts », de
exactum.
■
Le mot, d'abord employé au sens latin, a suivi l'évolution d'exaction et a signifié (v. 1361) « celui qui extorque de l'argent par abus de pouvoir », acception archaïque.