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Fol s'est employé (
XIIe s.) jusqu'au
XVe s. au sens latin de « soufflet », mais depuis l'origine le sens dominant et courant (1080,
n. et adj.) est « personne atteinte de troubles mentaux ».
Fol n. m., encore employé par archaïsme ou par plaisanterie, est considéré comme vieilli à partir du
XVIIe s. ; l'adjectif masculin s'écrit
fol devant une voyelle ou un
h aspiré, ou dans des locutions toutes faites
(bien fol est qui s'y fie). C'est au
XXe s. que
fou, comme
folie, a disparu de la terminologie médicale, où
dément a par ailleurs une valeur spécifique, différente de l'emploi usuel et où l'on utilise
malade mental et des termes spécifiques, tel
psychotique ; on disait autrefois
maison de fous (1890 ; av. 1662,
hôpital de fous) pour « asile d'aliénés » (
aliéné étant devenu le terme administratif au
XIXe s.) ; aujourd'hui, par exagération,
maison de fous désigne un lieu où les habitants agissent hors des normes reçues
(Cf. aussi histoire de fous « histoire absurde » ou « incroyable »).
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Pour l'ensemble des emplois du nom ou de l'adjectif, c'est l'idée de « hors des normes », par l'opposition raison-folie, qui domine. Cette idée est très anciennement exprimée par l'adjectif pour « extrême » (déb. XIIe s., fole pöur « peur folle »). Comme un fou s'emploie pour « exagérément, extrêmement » ; de même on retient l'idée d'excès dans fou de « plein de » (XVIIe s., fou de joie, de colère ; 1669, fou d'amour) ou « qui a une passion pour » (1669 ; il est fou de musique).
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Fou désigne encore une personne dont le comportement est jugé extravagant, parfois sans idée de péjoration, et l'adjectif qualifie ce qui est estimé contraire à la raison, à la sagesse (1080), par exemple dans la folle du logis « l'imagination » ou dans tête folle (1690).
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Fou a signifié « dévergondé » (v. 1200), d'où en particulier folle femme « prostituée » (XIIIe s.), encore dans la locution femme folle de son corps (XIXe s.) ; aujourd'hui, FOLLE n. f. (1914 dans Carco) se dit d'un homosexuel qui se comporte de façon très efféminée (comparer avec la métaphore de l'anglais gay ; → gai). Le mot a été diffusé par la pièce de Jean Poiret et le film (1978) La Cage aux folles.
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Fou s'emploie par extension pour désigner une personne d'une gaieté exubérante (1690 ; faire le fou), d'où le proverbe plus on est de fous plus on rit.
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Par exagération, l'adjectif équivaut (1793, prix fou) à « extraordinaire, énorme » (ex. un monde fou [1813], passer un temps fou).
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Par analogie, fou s'emploie pour qualifier un mécanisme dont le mouvement est irrégulier ou incontrôlable (roue folle ; aiguille folle d'une boussole) et, par extension, dans d'autres domaines : folle avoine « qui bouge au vent » (1547), folle farine (1611), folle brise « dont la direction change sans arrêt » (1845), patte folle (familier) « jambe qui semble ne plus obéir aux ordres de la tête » (fin XIXe s.), herbes folles (av. 1891).
Autrefois le substantif masculin, dans fou du roi ou fou de cour (1580, Montaigne), désignait un bouffon* attaché à la personne d'un haut personnage dont il parodiait le comportement et celui de son entourage. Ce sens se rattache sans doute à des pratiques anciennes, comme la Fête des fous, fête bouffonne au moyen âge où étaient parodiés les offices religieux (Cf. pour l'Antiquité, les Saturnales).
Au jeu d'échecs, fol (v. 1275), puis fou (1613), a remplacé alfin, aufin (du XIe s. au XVe s.), emprunté à l'arabe al fil (probablement par l'intermédiaire de l'espagnol alfil ; Cf. encore l'italien moderne alfiere), « l'éléphant », la pièce ayant été représentée à l'origine par un éléphant. La dénomination vient sans doute de la position de la pièce, auprès du roi et de la reine, et de son type de déplacement « irrégulier », en diagonale.
Par ailleurs, fou désigne (1725 ; av. 1677, fol ; aussi fou de Bassan) un oiseau palmipède, par référence au fait qu'il se laisse approcher imprudemment par l'homme (Cf. pour un comportement analogue, le dodo). Une autre explication du nom concerne le comportement imprévisible ou incompréhensible de l'oiseau, seul et en groupe.
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FOUFOU, FOFOLLE adj. et n. (
XXe s. par redoublement) et
TOUTFOU adj. m. et n. m. (
XXe s., de
tout) se disent de qqn d'un peu léger,
FOLINGUE adj. (1935 ; formé avec le suffixe populaire
-ingue) correspond à « un peu déséquilibré ».
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FOLDINGUE adj. est plutôt un jeu sur
folingue (
follingue, 1934) et
dingue qu'un emploi de l'ancienne forme
fol. Il est devenu assez usuel, en France, à propos d'un comportement bizarre, souvent comique.
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Le nom donné au colibri en Guadeloupe,
foufou, est probablement dû à son vol.
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Plusieurs mots sont formés à partir de la forme
fol :
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2 FOLIE n. f. (1080) a suivi une évolution sémantique parallèle à celle de
fou. On l'emploie toujours couramment au sens de « trouble mental » (1080), par exemple dans la locution courante
folie furieuse aujourd'hui aussi au figuré, mais il est sorti d'usage au
XXe s. en psychiatrie où par ailleurs
démence, qui a pris une valeur spécifique, ne l'a pas remplacé ; le terme le plus général est
psychose.
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Par extension, folie désigne couramment (XIIIe s.) le manque de jugement, de bon sens, d'où en interjection vieillie c'est folie !, folie ! « c'est de la folie » et la locution adverbiale à la folie (av. 1704) « extrêmement » (aimer à la folie).
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Par extension, une folie s'emploie pour désigner toute idée ou action estimée extravagante (v. 1283), spécialement dans dire des folies (mil. XVIe s.), faire une (des) folie(s) « une sottise » (XVIe s.), en particulier « une dépense excessive » (1843, Balzac) [→ 1 folie]. Par exagération, folie désigne dans l'usage courant un état d'exaltation où semble avoir disparu tout contrôle du comportement, ce qui correspond à peu près en psychiatrie à l'emploi de manie.
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Par extension, folie se dit (1690) de ce qui échappe ou semble échapper au contrôle de la raison (absolt, la folie « l'irrationnel »).
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FOLLEMENT adv. (v. 1135) s'emploie aussi comme intensif (mil.
XVIe s.) :
il est follement doué.
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FOLLET, ETTE adj. et n. (v. 1165, n. m. « lutin »), diminutif de fol et sorti d'usage au sens d'« un peu fou » (v. 1175), s'emploie encore dans esprit follet « lutin malicieux » (1677), d'abord follet n. m. (v. 1265), et s'applique à ce qui a quelque chose de capricieux (mil. XVIe s. ; 1530, n. m., « duvet d'un oiseau »).
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Feu follet (1611 ; 1549, follet n. m.), à cause de son mouvement agité, désigne une petite flamme née de la combustion de gaz issus de la décomposition de matières organiques ; par figure, feu follet désigne une chose fugace, une personne insaisissable, instable.
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FOLÂTRE adj. (1394,
folastre « un peu fou ») est vieilli pour qualifier une personne qui aime à plaisanter (1528), mais on dit encore
une humeur folâtre. Le mot est formé avec le suffixe péjoratif et approximatif
-astre, -âtre.
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En dérivent FOLÂTREMENT adv. (1539), vieilli, et FOLÂTRER v. intr. (XVe s.), d'abord au sens de « divaguer », « sortir de ce qui est raisonnable », puis « jouer, s'agiter ».
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Le dérivé FOLÂTRERIE n. f. « action folâtre » (v. 1540), vieilli ou littéraire, a remplacé folastrie, folâtrie et la variante folâterie (1534, Rabelais).
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FOLICHON, ONNE adj. (1637 ; 1615,
n. f., « petite fille folâtre »), avec le suffixe diminutif
-ichon, signifie « léger, gai » et ne s'emploie aujourd'hui que dans un contexte négatif
(ce n'est pas folichon). La paronymie avec
polisson est probablement active.
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Le dérivé FOLICHONNER v. intr. (1786), analogue à folâtrer, est vieilli, comme FOLICHONNERIE n. f. (1858).
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FOLASSE adj. d'abord régional et ancien, comme nom pluriel, pour « herbes folles » (1536), a été reformé, avec le suffixe péjoratif
-asse, et s'applique à une femme un peu déséquilibrée, aussi comme nom.
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Le composé
AFFOLER v. tr. a d'abord eu les sens de « rendre fou », « commettre des folies », « devenir fou »
(intr.) [1174] et l'ancien français a connu
foler « devenir, être fou », « se conduire comme un fou » (
XIIe s.).
Affoler s'emploie par affaiblissement de sens pour « faire perdre la tête à qqn par l'effet d'une émotion violente », spécialement et vieilli « rendre amoureux de qqn » (1845).
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C'est aussi un terme technique qui signifie « rendre libre (une partie d'un mécanisme) », d'où aussi s'affoler « se dérégler » ou « s'emballer » ; dans ce sens, il s'emploie par exemple en physique (affoler une boussole, 1863 ; boussole affolée, 1690), Cf. déboussolé.
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La variante AFFOLIR v. intr. « devenir fou » (1694 ; afolir, tr. « rendre fou », XIVe s.) est sortie d'usage.
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Affoler a plusieurs dérivés.
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AFFOLEMENT n. m. (1217) « fait de s'affoler » signifie par extension « hâte, précipitation ».
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AFFOLANT, ANTE adj. (fin XVIIe s.) se dit de ce qui trouble beaucoup, d'où le sens particulier d'« excitant érotiquement » qui correspond à AFFOLEUSE n. f. (mil. XXe s.) « femme qui cherche à susciter le désir ». Dans un contexte négatif, ce n'est pas très affolant, il correspond à « passionnant ».
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AFFOLAGE n. m. (1842 ; XVe s., « folie », emploi isolé) est un terme de botanique désignant l'état d'une plante qui présente des anomalies génétiques.
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Le composé
RAFFOLER v. tr. ind. a signifié « être fou » (
XIVe s.), « rendre amoureux » (
XVIe s.) ; il s'emploie avec
de au sens d'« aimer follement qqch. ou qqn » (1762 ;
Cf. être fou de).