L 1 FOUINE n. f., antérieurement foïne (v. 1160), représente (XVIe s.) une altération de faïne (attesté 1260), d'après la forme fou « hêtre » (→ fouet) ; faïne est issu d'un latin populaire °fagina [mustela] « martre du hêtre » (la fouine est la « hêtrière »).
❏  Du sens de « petit mammifère carnassier », on passe (fin XIXe s.) par analogie, à cause du caractère qu'on prête à la fouine, à celui de « personne rusée » ou « indiscrète », souvent avec l'idée de nuire.
❏  1 FOUINER v. intr., d'abord (1749) « fuir, se dérober », signifie « se livrer à des recherches méticuleuses » comme la fouine qui fourre partout son museau (1820), emploi péjoratif courant (Cf. fureter). ◆  En dérivent FOUINEUR, EUSE adj. et n. (1866) et FOUINARD, ARDE adj. et n. (1867).
CHAFOUIN, INE n. et adj., composé de chat et de fouin, masculin disparu, s'est employé comme terme d'injure (1508) et pour « putois » (1611) ; il qualifie une personne sournoise (XVIIe s.), et il est sorti d'usage comme substantif.
2 FOUINE, peut-être métaphore du nom de l'animal, se dit à l'île Maurice d'un harpon.
❏  Le dérivé 2 FOUINER v. tr. s'emploie pour « harponner » (fouiner un poisson).
L FOUIR v. tr. est issu (XIIIe s.) par les formes foïr et fuïr (v. 1120) d'un latin populaire °fodire, altération du classique fodere « creuser », d'origine indoeuropéenne comme l'attestent des formes en baltique (Cf. lette bedù « je creuse ») et en slave (Cf. vieux slave bodǫ « je pique »).
❏  Il conserve le sens latin, aujourd'hui en parlant d'animaux.
❏  En dérive FOUISSEUR, EUSE n. m. et adj. (v. 1250 ; n. m. pl. en zoologie, 1803).
❏ voir ENFOUIR.
? FOULARD n. m. est un mot d'origine incertaine (1747) ; il se rattache peut-être à la famille de fouler*, par l'intermédiaire du provençal foulat « foulé » et « drap léger d'été », participe passé du verbe correspondant à fouler. Foulé, participe passé substantivé, est attesté au sens de « drap léger » au XIXe siècle.
❏  Foulard désigne une étoffe (de soie, etc.) très légère et couramment (1832), par métonymie, une pièce d'étoffe servant d'écharpe.
■  On a parlé (1989) de foulard islamique à propos du voile traditionnel des musulmanes (le hijjab, le haïk, voire le tchador persan).
L + FOULER v. tr. est l'aboutissement (fin XIIe s.) par foler (fin XIe s.) d'un latin populaire °fullare « fouler une étoffe », construit d'après le latin classique fullo « dégraisseur d'étoffes » (→ foulon).
❏  Le verbe a gardé le sens technique de « presser en appuyant à plusieurs reprises », d'où fouler le raisin (XIIIe s.), fouler du drap (1260) et un emploi en imprimerie (1845). ◆  Par figure (v. 1135), il a signifié « écraser (les mauvaises actions) », puis « opprimer » (v. 1160-1174 ; fouler le peuple), sens sorti d'usage, et « traiter avec mépris » (v. 1190). Le même sémantisme est réalisé par la locution métaphorique fouler aux pieds (1538), par la même image que piétiner. Du premier sens est issue par extension (1690) l'acception « presser le sol en marchant dessus », d'où vient un emploi en vénerie (1778).
Par analogie, on passe de l'idée de « presser » à celle d'« endommager en pressant » (1600) et, spécialement, au sens de « luxer » en parlant d'une articulation (1549) surtout au pronominal, d'où le dérivé foulure (ci-dessous). Au figuré, se fouler la rate (fin XIIIe s.) signifie « avoir un point de côté » (après un effort) d'où, par extension, « se donner du mal » presque toujours dans un contexte négatif (1828, Vidocq) : il ne s'est pas foulé la rate et il ne se (la) foule pas ; l'expression continue l'ancien français se foler « se fatiguer » et foulé « fatigué » (1280).
❏  Plusieurs termes techniques dérivent de fouler.
■  FOULAGE n. m. (1284, folage) a d'abord désigné un droit féodal, perçu sur la mouture (sur ce qui est foulé) ; c'est aujourd'hui l'« action de fouler », dans divers domaines techniques, fabrication du drap (XVIe s.), en imprimerie (1765).
■  1 FOULE n. f., déverbal de fouler, est sorti d'usage au sens d'« action de fouler » (v. 1265), spécialement, les draps, le feutre (1690) ; c'est encore un terme technique en tissage (1930), historiquement précédé par des valeurs plus spéciales : « moulin à fouler les draps » (1304) et dans le domaine de la pêche (1829, pêche à la foule).
■  FOULANT, ANTE adj. (1704) « qui foule » est un terme technique et, au figuré, d'après se fouler, un équivalent familier de « fatigant » (XXe s.).
On relève aussi FOULEUR, EUSE n. (XIIIe s., fouleur de vendange) d'où FOULEUSE n. f., nom de machine (1890), FOULERIE n. f. (1260, « métier de foulon »), FOULOIR n. m. (1274, follour).
■  FOULURE n. f. était à l'origine un terme de vénerie (fin XIe s., foledures) pour parler des marques laissées par les pieds d'un cerf. D'abord employé au sens de « blessure » (apr. 1250), le mot désigne une légère entorse (1611). Il s'est aussi employé comme terme technique (1636), lié à foulon*.
2 FOULE n. f. vient d'une spécialisation à partir de fouler « presser » (Cf. italien folla, ancien provençal fola ; pour la même évolution, comme pour presse) ; le mot désigne (1172) une multitude de personnes qui se pressent, d'où les locutions en foule « en grand nombre » (XVIe s. ; aussi à la foule à l'époque classique) et une foule de « un grand nombre de » (1538). Par extension, la foule désigne la majorité, la masse humaine (1670), opposé alors à élite.
■  Le mot familier FOULTITUDE n. f., « grande quantité » (1848), vient du croisement de foule et de multitude.
FOULÉE n. f. (v. 1290), réfection de fouleie « foule », désigne l'empreinte laissée par un animal qui foule la terre (v. 1375 ; au pluriel) ou (1835) l'appui pris à chaque pas par le cheval au galop (Cf. battue) et la distance couverte à chaque temps du galop (1877). Par analogie, foulée s'emploie pour l'enjambée du coureur ; de là vient la locution dans la foulée « derrière qqn » et, au figuré (XXe s.), « dans le prolongement (d'un événement) ». ◆  En architecture, foulée équivaut (1752) à « dessus d'une marche », partie qui est foulée aux pieds.
❏ voir DÉFOULER, REFOULER.
FOULON n. m. vient (v. 1160-1174) du latin fullonem, accusatif de fullo « celui qui presse les étoffes pour les dégraisser », mot sans origine certaine, dont le dérivé a donné fouler*.
❏  Le premier sens, « ouvrier qui foule les étoffes », est sorti d'usage, l'ouvrier ayant été remplacé par la machine dite fouleuse. Foulon ou (1360) moulin à foulon désigne une machine pour fouler les cuirs, etc.
❏  Le dérivé FOULONNER v. tr., ancien synonyme (1611) de fouler dans l'industrie textile, a fourni FOULONNIER n. m. (1723) et FOULONNAGE n. m. (1907).
FOULQUE n. f. ou m. est emprunté (1534), d'abord sous la forme altérée fourque (fin XIVe s.), au latin fulica n. f. (aussi fulix, n. m.), sans doute par l'intermédiaire de l'ancien provençal folca (fin XIIIe s.).
❏  Le mot désigne, comme l'étymon, un oiseau aquatique proche de la poule d'eau.
L FOUR n. m. est l'aboutissement (XIIIe s.), par l'intermédiaire de forn (1080), du latin furnus « four (à pain) » qui se rattache comme le grec thermos « chaud » (→ thermo-), l'arménien ǰerm, le sanskrit gharmáḥ-, à une racine indoeuropéenne °gwher- « chaleur ».
❏  Du sens premier, « ouvrage de maçonnerie où l'on fait cuire du pain, etc. » (ex. four à ban, bannal, bannier [1606], où l'on cuisait le pain en payant une redevance au seigneur), viennent plusieurs locutions figurées : il fait noir comme dans un four (XVe s.), être à la fois au four et au moulin « partout à la fois » (1685), il fait chaud comme dans un four (av. 1648), etc.
■  Par métonymie de pièces de petit four (1803), le petit four, collectivement (1803) puis des petits fours (1864) se dit de petits gâteaux (cuits au four).
■  Par analogie de fonction, four désigne (1833) la partie close d'une cuisinière, où l'on cuit certains aliments. ◆  Le mot s'emploie par analogie dans le domaine technique (v. 1560) pour un ouvrage servant à la transformation de diverses matières sous l'effet d'une grande chaleur (1564, four à chaux, nommé aussi chaufour ; 1311, chauffour ; 1248, cauffor ; de chaux) en particulier dans le contexte de la métallurgie (fin XIXe s. ; four Martin), également (mil. XXe s.) dans four solaire. Par analogie, four à cristaux (1829) est le nom donné à une cavité tapissée de cristal de roche.
■  Au figuré, faire un four (1690 ; 1656, faire four), en parlant d'un spectacle, signifie d'abord « renvoyer les spectateurs » puis « échouer » ; par extension (1872) four équivaut à « échec ». La locution vient probablement du fait qu'on éteignait les chandelles faute de spectateurs, et la salle devenait obscure comme un four ; Esnault suggère un lien avec le sens argotique d'éclairer « payer » : la salle sans spectateurs n'est pas « éclairée », ne rapporte pas d'argent. L'un des premiers à utiliser l'expression pour « pièce de théâtre qui échoue » est le comédien Lagrange, comptable de la troupe de Molière.
❏  Les dérivés et les composés sont formés à partir de l'ancienne forme forn, fourn.
■  FOURNAGE n. m., d'abord (v. 1175) « fournaise », se disait (1231) de la redevance perçue pour la cuisson du pain au four banal ou de la taxe payée au fournier (XIIIe s.) [ci-dessous].
■  FOURNIER n. m. est issu (1153, forneirs) du latin impérial furnarius « boulanger ». Le mot a été remplacé par boulanger mais demeure comme nom patronymique. ◆  Fournier (av. 1773) désigne aussi un petit passereau d'Amérique du Sud qui construit un nid en forme de four.
FOURNIL n. m. désigne (XIIIe s. ; v. 1180, fornil) le lieu où se trouve le four du boulanger et où l'on pétrit la pâte avant d'enfourner.
■  FOURNÉE n. f., réfection (v. 1283) de forneie (v. 1180), désigne la quantité de pain cuit en même temps dans un four et, par extension, un ensemble d'objets cuits dans un four (1680) d'où au figuré (XIIIe s., après 1250) un ensemble de personnes qui accomplissent ou subissent qqch. en même temps.
FOURNEAU n. m. représente le diminutif de forn (1165, fournel) et désigne un appareil où certaines substances sont fondues ; utilisé en alchimie et en chimie (1668), le mot a perdu sa valeur diminutive : pour le minerai de fer, haut fourneau (1783) a remplacé forge (mais son complémentaire bas fourneau n'a pas vécu) ; ces termes viennent d'emplois techniques du genre de fourneau à charbon (1636) où l'on fabriquait le charbon de bois. Couramment, fourneau se dit (1690) d'un appareil utilisé pour la cuisson des aliments et, par extension, d'un grand poêle ; par référence aux cuisinières équipées de plusieurs foyers, être aux fourneaux (av. 1880) signifie « faire la cuisine ». Au Québec, on emploie souvent fourneau pour ce qu'on appelle four (de cuisine) en français d'Europe. ◆  En français d'Afrique, fourneau, parfois fourneau malgache désigne un réchaud à charbon de bois. ◆  Par analogie de forme ou de fonction, on parle d'un fourneau de mine « cavité qui contient une charge d'explosifs pour faire sauter un rocher, etc. » (1671) et d'un fourneau de pipe « partie évasée où brûle le tabac » (1808).
■  Fourneau a été utilisé au XIXe s. comme terme d'injure (1881) : il désignait à l'origine un vagabond (1833) qui fréquentait les fourneaux de charité, ancêtres des « soupes populaires ».
■  FOURNAISE n. f. représente (vers 1121, fornaise) le féminin de l'ancien français fornaiz (1155), du latin fornax, augmentatif de furnus. ◆  Le premier sens de « grand four » est sorti d'usage. Par métonymie, fournaise s'emploie en particulier pour « feu de l'enfer » (vers 1190) et « foyer ardent » (1654, la fournaise de l'Etna). ◆  Fournaise se dit par analogie d'un endroit surchauffé (1823) et, par métaphore, d'un centre d'intense activité (vers 1830 ; Cf. pour la même évolution ébullition).
ENFOURNER v. tr. (v. 1200) « mettre dans un four » s'emploie aussi par analogie au sens d'« avaler rapidement » (1849) et, par figure, pour « introduire rapidement (qqn) » et « fourrer (qqch.) » ; en dérivent ENFOURNEMENT n. m. (1559) et ENFOURNAGE n. m. (1763) « action d'enfourner », au sens propre.
■  DÉFOURNER v. tr. (v. 1300, desforner) est un terme technique signifiant « tirer d'un four », d'où vient DÉFOURNAGE n. m. (1876) ou DÉFOURNEMENT n. m. (1845).
Un dérivé argotique, influencé par le verbe fourrer, est FOURAILLER, avec les sens populaires de fourrer. Le sens de « tirer avec une arme à feu » provient d'un autre composé de four, DÉFOURAILLER v. intr. (1827) « sortir une arme de sa poche », d'où « tirer », qui correspond à être ENFOURAILLÉ, ÉE adj. « armé » (1925). Cf. enfourner, défourner.
❏ voir FORNIQUER.
G FOURBIR v. tr., réfection (XIIIe s.) de furbir (1080), forbir (XIIe s.), est issu d'un francique °furbjan « nettoyer » (Cf. moyen haut allemand vürben « nettoyer ») comme l'italien forbire ou l'ancien provençal forbir.
❏  Le verbe signifie « nettoyer en frottant (une arme) » (1080) et par métaphore « préparer soigneusement (ses armes) » d'où, au figuré, fourbir ses armes « s'armer, se préparer au combat », « se préparer à affronter une épreuve » (1850) ; par extension, fourbir s'emploie (XXe s.) pour « préparer soigneusement » (fourbir ses arguments).
Fourbir, en argot ancien (1223, forbir), a signifié « voler » (Cf. italien forbo, ancien français forbeter « tromper », XIIIe s.) ; on relève un déplacement sémantique analogue avec nettoyer, laver et polir.
❏  Du verbe dérivent au sens propre FOURBISSEMENT n. m. (1270) rare, et FOURBISSAGE n. m. « action de fourbir » (1402).
■  FOURBISSEUR n. m. (v. 1300), d'abord forbisseor (v. 1175), désignait l'artisan qui montait les armes blanches.
De fourbir « voler », vient le sens des déverbaux FOURBE n. « trompeur, rusé et malhonnête » (1643 ; 1455, n. m., « voleur » en argot), devenu adjectif (1638) et conservé en français moderne dans ce dernier emploi, et FOURBE n. f. « tromperie » (1460, forbe).
■  Ces deux mots vieillis — le dérivé FOURBER v. tr. (1643) est sorti d'usage — ont été remplacés par FOURBERIE n. f. « tromperie » (1640) et « disposition à tromper » (1655), avec des valeurs psychologiques issues du sens de fourbe.
FOURBI n. m., du participe passé, se trouve chez Rabelais (1532, fourby, jeu de Gargantua) dans un sens non élucidé, rattaché à l'idée de « vol » ou à une métaphore obscène sur « fourbir » (« frotter, masturber »). Le mot est repris en 1835 au sens de « jeu » puis de « jeu frauduleux » (1840) et en argot militaire (1861) de « trafic malhonnête », « choses volées », lié à l'emploi argotique ancien de fourbir. Dans l'argot de Saint-Cyr (1893), peut-être par croisement avec le radical de fourniment et par référence au sens de fourbir « astiquer », le mot désigne l'ensemble du matériel et des armes du soldat ; par extension, il se dit des affaires de qqn ou (1883) d'objets en désordre, d'où son emploi comme substitut de ce que l'on ne peut pas nommer (1888), analogue à celui de truc, machin, bidule.
FOURBU, UE adj. représente (1546, Rabelais) le participe passé de l'ancien verbe forboire (1400) « boire à l'excès » d'où, par extension, « se fatiguer de trop boire », composé de fors* et boire*.
❏  Il qualifie une personne très fatiguée (1546) et s'applique à un cheval atteint d'une inflammation des tissus du pied (1563).
❏  Le dérivé FOURBURE n. f. (1611) désigne l'inflammation du cheval fourbu.
L FOURCHE n. f., réfection (XIIIe s.) de forches (fin XIe s., au pluriel), furche (v. 1140), est l'aboutissement du latin furca « fourche à deux dents », employé pour tout instrument en forme de fourche, et spécialement « instrument de supplice ». Furca n'a pas d'origine connue.
❏  Pour désigner le gibet, composé à l'origine de deux fourches fixées en terre, le mot est ancien (fin XIe s.) et remonte au latin, mais fourches patibulaires paraît plus tardif (1690). Fourche est aujourd'hui et depuis le XIIe s. (1160-1174 forches) le nom d'un instrument agricole à long manche muni de deux ou plusieurs dents et, par analogie de forme, d'une série d'objets à deux branches (fourche d'une bicyclette, 1897).
■  Par analogie, fourche se dit (fin XIIe s.) de ce qui a une disposition en forme de fourche : fourche d'un chemin (XIIIe s., forc), d'un arbre, etc. Les Fourches Caudines (1690) désignent un défilé étroit en forme de fourche, situé près de Caudium, où les Romains battus par les Samnites (321 av. J.-C.) durent passer sous le joug ; de là vient la locution figurée passer sous les fourches caudines « subir des conditions déshonorantes » (fin XVIIe s.). ◆  Fourche a en français de Belgique (aussi au Congo) le sens figuré de « temps libre dans un horaire scolaire ».
❏  Le dérivé FOURCHÉE n. f. (1769) « ce qu'on peut prendre d'un coup de fourche », est demeuré rare. Le diminutif FOURCHETTE n. f. (XVe s. ; 1302, fourchete) est le nom d'un instrument de table, d'abord à deux dents, dont l'usage ne s'est répandu en France qu'au XVIe s. sous l'influence de l'Italie ; le mot est utilisé dans des locutions comme la fourchette du père Adam « les doigts » (1808), avoir un joli coup de fourchette (1865) et par métonymie être une belle fourchette (1890) « être un gros mangeur ». ◆  Par analogie, comme fourche, fourchette s'emploie pour désigner des objets dont la forme évoque une fourchette à deux dents (1680, en ganterie ; 1752, en horlogerie, etc.) et, abstraitement, un écart calculé en balistique (1930), en statistique (mil. XXe s.), acception devenue courante s'agissant de valeurs financière (dans une fourchette de...).
■  Le dérivé FOURCHERIE n. f. (1829) est rare.
FOURCHER v. (XIVe s. ; XIIe s., forchier v. intr.) ne s'emploie plus au sens de « se diviser en forme de fourche » mais seulement dans la locution figurée (1558) la langue lui a fourché ; c'est aussi comme verbe transitif un terme d'agriculture (1800), d'où FOURCHEUR n. m. (1877), mot régional.
■  FOURCHU, UE adj. « qui a la forme d'une fourche, fait une fourche » (XIIIe s., forchu) s'utilise surtout dans quelques emplois (pied fourchu, langue fourchue) où l'image du diable-serpent est souvent active.
■  FOURCHON n. m., réfection (1530) de forchon (fin XIIe s.), désigne techniquement chaque dent de la fourche.
ENFOURCHER v. tr. (XVIe s.), sorti d'usage au sens propre de « percer d'une fourche », se dit par analogie, à cause de la forme des jambes, pour « monter à califourchon* (un cheval) » (1553) et, par extension, « une bicyclette, etc. ». Au figuré et par référence à enfourcher un dada* (fin XIXe s.), enfourcher une idée, c'est se complaire à la développer.
❏ voir CALIFOURCHON, CARREFOUR.
L 1 FOURGON n. m. est une réfection (fin XIIIe s.) de forgon (av. 1105), mot issu d'un latin populaire °furico « instrument pour fouiller », dérivé d'un verbe °furicare « fouiller » qui a donné l'ancien français forgier « fouiller » (fin XIIe s.) et l'italien frugare, l'espagnol hurgar. °Furicare est dérivé du latin classique furare « voler », dérivé de fur « voleur » (→ furet).
❏  Fourgon désigne une barre métallique utilisée pour remuer les braises d'un four.
❏  En dérive FOURGONNER v. intr. (XIIIe s.) « remuer la braise » et familièrement par extension (1690) « fouiller dans qqch. en remuant tout ».
? 2 FOURGON n. m., attesté au XVIIe s. (v. 1640), est d'origine incertaine. On a proposé de le rattacher à 1 fourgon qui aurait d'abord désigné le bâton de la ridelle, puis la ridelle et la voiture à ridelles ; l'ancien provençal fourgoun a les deux derniers sens (Cf. aussi l'évolution de guimbarde) mais cette évolution n'est pas attestée pour le français.
❏  Aux sens de « véhicule hippomobile couvert » (v. 1640) et de « véhicule de chemin de fer » (v. 1825), le mot n'est plus en usage : fourgon désigne (1826) dans un train de voyageurs le wagon où sont transportés les bagages, aussi dans fourgon à bagages.
❏  Le dérivé FOURGONNETTE n. f. « petite camionnette automobile » (1949) est d'usage courant.
FOURGUER v. tr. vient probablement (1821), par métathèse du -r-, de l'italien frugare « fouiller » (XIVe s.), issu d'un latin populaire °furicare « fouiller » (→ 1 fourgon).
❏  Fourguer est d'abord un mot argotique et signifie « vendre les objets volés » (1835 ; 1821, « les acheter ») d'où « dénoncer à la police » (1958 ; Cf. vendre qqn). Il s'emploie par extension (1901) pour « vendre, placer (une marchandise) ».
❏  FOURGUE n. m. est une variante (1835) de l'ancien dérivé FOURGAT n. m. (1821) signifiant « receleur », d'où la fourgue « trafic du receleur » (1866) et, par extension, « marchandises volées ». Ces dérivés n'ont pas la fréquence du verbe et sont restés très argotiques.
FOURME n. f. représente la reprise (1845) d'une variante ancienne de forme* au sens d'« objet qui a une forme caractéristique » (XVIe s., « forme à fromages »), d'où forme comme nom de ce fromage (1803).
❏  Le mot, d'abord régional (Centre), s'est diffusé dans toute la France, pour désigner plusieurs types de fromages (fourme du Cantal, fourme d'Ambert, à moisissures, etc.).
L FOURMI n. f. est issu (vers 1121-1134, formiz) du latin classique formica, mot résultant probablement d'une dissimilation de °mormi-, attesté par le grec murmêx, lui-même apparenté à plusieurs formes indoeuropéennes. Le franco-provençal formiga a continué la forme latine tandis qu'en wallon, en picard, dans le Dauphiné et le Rouergue, les formes dialectales sont l'aboutissement d'un latin de basse époque °formice ; une grande partie du territoire français restant a pour départ la forme °formicus avec changement de genre : fourmi (1550), formi est le plus souvent masculin jusqu'au XVIIe s. (face à formie, féminin, XIIIe s.).
❏  Fourmi, désignant un insecte dont le nom latin est déjà chargé de contenus métaphoriques, entre dans des locutions figurées : avoir des fourmis dans (les membres) [1831], par comparaison avec la sensation que provoqueraient des fourmis courant sur la peau (Cf. latin formicare et ci-dessous fourmiller) ; se faire plus petit qu'une fourmi, la fourmi étant, après et avec le ciron, le symbole de la petitesse ; c'est une fourmi (av. 1664) « une personne laborieuse et économe », par allusion au travail obstiné des fourmis, comparaison popularisée par La Fontaine (Cf. aussi un travail de fourmi). Par métaphore, le mot s'emploie au pluriel en parlant d'une foule humaine. ◆  Les espèces de fourmis étant extrêmement nombreuses, il existe beaucoup de spécifications, par un adjectif (fourmi ailée) ou un complément. Fourmi rouge a une valeur différente de celle du français d'Europe en Afrique, où il s'agit d'une espèce de grande taille, à la piqûre douloureuse. Toujours en français d'Afrique, fourmi-cadavre se dit d'une grosse fourmi noire à odeur nauséabonde. Fourmi magnan, fourmi de visite, dénomme une autre grosse fourmi noire qui forme d'immenses files dévastatrices.
❏  FOURMILLER v. intr. (1552) représente une réfection, avec le suffixe -iller, de l'ancien français formïer (XIIe s.), puis fourmier, du latin impérial formicare « démanger » (Cf. fromier « s'agiter », fin XIe s.). ◆  Le verbe est utilisé (1552) comme en latin et aussi au sens de « s'agiter en grand nombre » (1587 ; XIIIe s., pour formier), par extension « proliférer » (sans idée de mouvement) ; avec fourmiller de... (1595), où les idées de nombre et d'agitation sont retenues (Cf. grouiller).
■  Du verbe dérivent FOURMILLANT, ANTE adj. (1608) et FOURMILLEMENT n. m. (1636), qui remplace fourmiement (1545) de la forme fourmier.
■  FOURMILIÈRE n. f. (déb. XVIe s.) est une réfection de formilliere (v. 1195), formiiere (v. 1180, et encore au XVIe s.), formiere (fin XIVe s.). ◆  Le mot désigne l'habitation des fourmis et, par métonymie, une colonie de fourmis (1837). Fourmilière s'emploie au figuré, comme ruche, au sens de « multitude de personnes » (1587), d'où « lieu où habite cette multitude » (1762). L'expression donner du pied dans la fourmilière (1864, Nadar), devenue (donner) un coup de pied dans la fourmilière correspond à « déranger les habitudes, les préjugés de la majorité ».
■  FOURMILIER n. m. désigne le tamanoir (1756, aussi fourmiller) et un oiseau (1778), qui se nourrissent de fourmis. Ours fourmier (1575), « fourmilier », est une traduction de l'italien orso formigaro.
Le composé FOURMI-LION (ou FOURMILION) n. m. (1745 ; 1372, fourmilleon) continue l'ancien français formicoleün (v. 1121-1134), emprunt au bas latin formicaleon (VIe s.) composé altérant myrmecoleôn, hellénisme formant image : l'insecte, qui ressemble à la fourmi, est féroce comme le lion. ◆  Formica-leo (1704) est une variante savante employée aux XVIIIe et XIXe siècles.
❏ voir FORMIQUE.
FOURNAISE, FOURNEAU, FOURNIER, FOURNIL → FOUR
G FOURNIR v. tr. est issu (XIIIe s.), par les formes furnir (1119), fornir (v. 1130), d'un francique °frumjan « exécuter, faire » (Cf. ancien haut allemand frumman, allemand frommen « être utile, servir à qqn »). L'ancien provençal formir et le toscan frummiare représentent directement la forme germanique ; le français comme l'italien fornire auraient substitué -n- à -m- sous l'influence de garnir, de sens très proche (Cf. italien garnire) [Bloch et Wartburg]. Cependant, selon P. Guiraud, l'ancien français formir « exécuter, faire savoir, fournir » pourrait être issu d'une forme populaire °forminare, du latin classique formare au sens de « former, instruire » : fornir, parfornir « accomplir » sont à mettre en relation avec l'ancien français parformer de même sens et avec l'ancien provençal formit « achevé, parfait ». Formir signifierait donc « compléter une forme » en y ajoutant les accessoires nécessaires (armement pour une place, provisions pour une armée, etc.), le sens étant voisin de garnir.
❏  Fournir a signifié « ajouter les éléments nécessaires pour qu'il ne manque rien » (1119), encore à l'époque classique, d'où « achever, exécuter » (v. 1130). ◆  Il a le sens général de « donner, procurer (ce qui est nécessaire) » (XIIe s., fournir un effort), également dans fournir à qqch. « y pourvoir » (v. 1373), littéraire, fournir de qqch. (à qqn) [1538] à l'époque classique. De là viennent différents emplois, par exemple au jeu (1865, fournir une carte), dans un contexte abstrait (1580, fournir un prétexte), et les sens de « présenter » (1690, fournir la preuve), « produire » par exemple en parlant d'un sol (XVIIe s.), « constituer la matière de » en parlant d'une chose (1635).
❏  FOURNITURE n. f., d'abord fornesture « provisions » (v. 1185), puis fourniture (fin XIVe s.), désigne l'action de fournir (1436, fourneture) et, par métonymie, ce qu'on fournit (1596 ; surtout au pluriel), ce qui complète qqch. (par ex., 1680, « fines herbes pour la salade ») ou un matériel (fin XIXe s., fournitures de bureau).
FOURNISSEMENT n. m., autrefois « action de procurer » (XIIIe s., fornissement), s'est spécialisé comme terme de commerce, désignant (1723) les fonds que chaque associé met dans une société, et comme terme de droit (1835). Il a vieilli.
Le dérivé FOURNIMENT n. m. a signifié « garniture, doublure » (1260, fournement) et était le nom de l'étui à poudre des soldats (1557). Le mot désigne (1750) ce qui compose l'équipement du soldat et par extension (1841) le matériel propre à une profession, une activité.
■  FOURNISSEUR, EUSE n. (1415, repris au XVIIIe s.) se dit de qui fournit des marchandises (1636, fournisseur militaire) d'où l'emploi courant du mot au sens de « commerçant » (par rapport aux clients). La notion de fournisseur de la cour correspond à une réalité nationale en Belgique et au Luxembourg.
Le composé PARFOURNIR v. tr. (1690 ; 1598, « fournir pour compléter » ; v. 1155, parfurnir « accomplir ») signifie, en droit, « contribuer subsidiairement ».
G 1 FOURRAGE n. m., réfection (XIIIe s.) de forrasge (v. 1160), fouraige (fin XIIe s.), dérive, comme feuillage dérive de feuille, de l'ancien français feurre « paille » (v. 1165, fuerre), issu d'un francique °fodr, °fodra « paille ». Feurre ou fouarre a aussi désigné (déb. XVIe s.) la paille longue employée pour empailler les chaises.
❏  Fourrage « nourriture pour le bétail » (v. 1160, aller en forrasge) s'est dit spécialement pour « pillage » (XVe s.), les soldats ayant l'habitude de voler les vivres nécessaires à leur entretien. Cette dernière acception a disparu.
❏  FOURRAGER, ÈRE adj. et n. signifie « qui fournit du fourrage » (1829) ou « qui a rapport au fourrage » (1872).
■  1 FOURRAGÈRE n. f. désigne (1822) un champ produisant du fourrage, puis (1836) un cadre à claire-voie, une charrette pour le transport du fourrage.
■  FOURRAGER v., d'abord foragier, a eu le sens (v. 1357) de « couper du fourrage » et s'emploie encore régionalement, en Suisse, pour « distribuer du fourrage ». ◆  Par figure, il équivaut à « fouiller, fourgonner » (1684, tr. ; 1691, intr.). Par ailleurs, fourrager v. tr. a signifié « ravager en s'approvisionnant en fourrage » (fin XIIe s., foragier) et par extension (1684) « dévaster, saccager », sens disparu, d'où aujourd'hui « mettre en désordre » (fin XVIIe s.).
■  FOURRAGEUR n. m. a désigné un soldat qui allait aux vivres (fin XIVe s.) et par extension un pillard (1553) ; par figure il se dit d'une personne qui prend son bien çà et là (av. 1859). C'était aussi le nom (1841) d'un cavalier d'un peloton qui combattait en ordre dispersé.
2 FOURRAGE n. m. → FOURRER