LA LANGUE GRECQUE
La longévité de la langue grecque est surprenante : plus de trente-cinq siècles séparent les premières attestations que l'on en possède — le mycénien — du grec moderne, descendant direct du grec ancien.
Cette langue, qui fait partie du groupe indoeuropéen, apparaît comme isolée dans cet ensemble : elle présente cependant quelques affinités caractéristiques avec le groupe indo-iranien, et surtout avec l'arménien.
Origines et formation
Le grec garde d'importants éléments indoeuropéens comme peuvent en témoigner sa grammaire, sa morphologie et une partie de son vocabulaire. Mais il a également été marqué par les langues de substrat parlées dans la péninsule et les îles avant les différentes invasions helléniques, qui ont eu lieu au cours du IIe millénaire avant notre ère, dans des circonstances totalement inconnues de nous : c'est ainsi par exemple que les Hellènes ont emprunté aux peuples qu'ils ont envahis un certain nombre de mots désignant des réalités qu'ils ne connaissaient pas. C'est le cas du nom de l'olivier, ela(w)ia, emprunté par le latin oliva. Le nom de la mer, réalité nouvelle pour des envahisseurs venus du continent, a été emprunté à une langue autochtone : c'est thalassa (d'où en français thalassothérapie, etc.). Cette tendance explique que nombre de mots venant du grec ne peuvent se comprendre par une origine indoeuropéenne : on dit qu'ils sont « préhelléniques » (d'avant l'arrivée des Hellènes) ou « égéens » (indigènes de la mer Égée).
Le grec a eu en outre, dans l'ensemble indoeuropéen, son évolution propre, et s'est vite constitué comme une langue originale : son lexique s'enrichit de mots abstraits et ignore certains tabous linguistiques propres aux autres langues du groupe. Trois caractéristiques phonétiques, différenciant le grec, ont pu se répercuter dans les langues modernes. Le grec a eu tendance à supprimer, à l'initiale et entre voyelles, trois phonèmes et leurs trois notations, le s, le w (noté ϝ « digamma ») et le y (notre j) : il a remplacé le s par une aspiration (h), a supprimé le w, et a remplacé le y par une autre lettre (par exemple z). Cela explique certaines formes de prime abord divergentes que prennent des mots des langues modernes se rattachant à une même racine indoeuropéenne, selon qu'ils sont passés, respectivement, par le grec ou par une autre langue : on a ainsi herpès à côté de la série à laquelle appartient serpent ; organe et ergonomique, du grec ergon « travail », à côté de l'anglais work ou de l'allemand Werk ; zeugma à côté du latin jugum « joug », etc.
Le mycénien
Le plus ancien témoignage du grec remonte au milieu du IIe millénaire avant J.-C. : c'est le mycénien, déchiffré en 1952 à partir de documents découverts en Crète, à Cnossos, et dans le Péloponnèse, à Pylos et à Mycènes. Les documents que l'on possède sont nombreux, environ 5 000, et sont constitués pour l'essentiel de listes de personnes, d'inventaires d'objets et de relevés de comptabilité. Le mycénien ignore l'écriture alphabétique : il s'écrit à l'aide d'un syllabaire lourd et mal adapté, couramment appelé « linéaire B », et hérité d'un système inventé pour une langue préhellénique non encore déchiffrée (linéaire A). Malgré ces handicaps pour les chercheurs, on peut se faire une idée de la langue que parlaient les envahisseurs helléniques.
Les poèmes homériques
Entre le mycénien, dont les derniers textes datent de 1200 avant J.-C., et le premier témoignage que l'on possède d'un grec « littéraire », les poèmes homériques écrits au VIIIe s. avant J.-C., aucun document ne nous renseigne sur l'évolution de la langue. Cependant, un fait d'importance a eu lieu : la naissance, sans doute au début du Ier millénaire avant J.-C., de l'alphabet grec, adapté du phénicien, beaucoup plus précis et plus commode que le vieux syllabaire mycénien. L'épopée homérique, qui conserve quelques traits du mycénien, est elle-même écrite dans une langue élaborée et artificielle, c'est-à-dire normalisée et contrôlée, qui correspond à un mélange de différents dialectes grecs.
Les dialectes
Le grec ancien est en effet divisé en plusieurs dialectes dont on a — et c'est là chose inhabituelle dans les langues indoeuropéennes anciennes — un assez grand nombre d'attestations, tant par la littérature que par les inscriptions. Cette diversité est due aux conditions historiques : les Hellènes sont arrivés du Nord par vagues successives, chacune ayant un dialecte défini ; les langues de substrat étaient elles-mêmes différentes dans les diverses régions de Grèce. À la base de ces différenciations, existe une cause naturelle : le relief tourmenté de la Grèce, constitué de montagnes entourant des vallées et qui a longtemps favorisé le morcellement linguistique.
Les dialectes grecs anciens se divisent en quatre groupes : l'ionien-attique, l'arcado-cypriote (caractéristique de l'Arcadie et de la plus grande partie de l'île de Chypre, et constitué de l'arcadien, du cypriote, et du pamphylien) l'éolien (comprenant le béotien, le thessalien et l'éolien d'Asie) et enfin le dorien (nom de la dernière vague d'envahisseurs). Ces dialectes ne sont pas également connus, en particulier parce que, excepté l'ionien, l'attique et, dans une moindre mesure, l'éolien de Lesbos avec Sappho et Alcée, aucun d'entre eux n'a eu d'existence littéraire.
L'ionien et l'attique
Deux dialectes, à l'origine apparentés, ont eu une influence prépondérante parce qu'ils ont été véhiculés par des cités importantes et parce qu'ils ont été largement diffusés par la littérature : l'ionien et l'attique. Le premier, géographiquement disséminé, était parlé dans des points très éloignés les uns des autres : dans les îles (les Cyclades, autour de Délos, lieu de culte ionien, et l'Eubée), sur les côtes d'Asie Mineure, en Sicile, en Italie et jusqu'en Gaule, où Marseille (Phocée) et Agde sont des colonies ioniennes. C'est en dialecte ionien qu'est née la prose littéraire au VIe s. avant J.-C., avec les premiers philosophes, Héraclite, Parménide, et avec Thalès de Milet. C'est aussi en ionien qu'ont écrit, à l'époque classique, Hérodote et Hippocrate. Quant à l'attique, parlé autour d'Athènes et géographiquement limité, il s'est répandu avec l'extraordinaire expansion d'Athènes après les guerres médiques : c'est en attique qu'ont écrit la plupart des écrivains de la période classique, Eschyle, Sophocle, Euripide, Thucydide, etc.
Les particularités dialectales expliquent que des mots grecs ont pu se transmettre en latin, puis en français avec des graphies un peu différentes : ainsi tt en attique est noté et prononcé ss en ionien (ainsi que dans la koinè, voir ci-dessous). Un mot comme glôtta (attique) correspondant à glôssa (ionien) « langue » a pu aboutir à la fois à glotte et à glossaire.
Évolution du grec
Les articles de ce dictionnaire font référence, pour caractériser les étymons, au « grec » parfois qualifié : « grec hellénistique, tardif, byzantin », « grec chrétien », « grec moderne ». « Grec » employé seul désigne le grec ancien, archaïque et classique : c'est en gros la langue que l'on trouve dans la littérature grecque depuis Homère (VIIIe s. avant J.-C.), jusqu'à la fin de l'indépendance des cités, marquée par la conquête d'Alexandre (IVe s. avant J.-C.). Sauf lorsque c'était nécessaire pour la compréhension d'un terme en français, il n'a pas été fait de différences entre les dialectes — ce qui n'aurait correspondu, la plupart du temps, qu'à noter des variantes.
Grec hellénistique : la koinè
À partir de la mort d'Alexandre, qui marque le début de la période dite « hellénistique » (323 avant J.-C.) et s'étend jusqu'à la conquête romaine de l'Égypte (30 avant J.-C.), les conditions sociolinguistiques changent du tout au tout. Le grec, jusqu'alors langue de culture, mais parlée sur un petit territoire, devient la langue officielle du vaste empire d'Alexandre, puis des royaumes de ses successeurs, les diadoques : c'est la langue littéraire, administrative, la langue de l'institution et des échanges. Parlé par une multitude d'individus dont ce n'était pas la langue maternelle, le grec subit d'importantes transformations, aboutissant à ce qu'on appelle le « grec commun » ou koinè, qui repose essentiellement sur l'attique. La koinè a totalement éliminé les dialectes et se trouve à la base du grec byzantin et du grec moderne. Les transformations les plus significatives vont dans le sens de la simplification syntaxique et morphologique, avec la suppression de l'optatif, un mode dont les emplois doublaient ceux du subjonctif, la disparition du duel, forme qui s'ajoutait au singulier et au pluriel (au-dessus de deux), la simplification des déclinaisons et des conjugaisons. Pour ce qui est du lexique, la koinè s'est beaucoup enrichie, en évitant en général les emprunts aux langues qu'elle doublait ou supplantait.
Naissance du grec chrétien
Cette extraordinaire expansion du grec a été à l'origine de l'existence d'une littérature grecque chrétienne, très importante également durant la période tardive et byzantine. Dès l'époque hellénistique, au IIIe s. avant J.-C., la Bible est traduite en grec, d'abord pour les besoins cultuels des juifs hellénophones : c'est ce que l'on appelle la version des Septante, texte adopté par les chrétiens, et dont l'influence culturelle sera immense. Plus tard, pendant la période romaine, le grec sera le grand véhicule de la « bonne nouvelle », du message chrétien. Les Évangiles sont écrits en grec, ainsi que les écrits formant le Nouveau Testament. Les premiers textes chrétiens sont rédigés dans la langue grecque parlée alors, la koinè ; par les traductions latines, beaucoup d'éléments passeront dans les langues européennes modernes.
Grec tardif
La période qui suit l'époque hellénistique est celle du grec tardif, qui va de la conquête romaine (30 avant J.-C.) à l'Empire byzantin, né en 330 de notre ère : avec la conquête romaine, le grec, en tant que langue internationale, langue des échanges, s'est trouvé concurrencé par le latin. C'est en réaction contre l'importance prise par la langue latine et par nostalgie pour la belle époque du grec que certains écrivains des premiers siècles de l'ère chrétienne ont eu tendance à revenir artificiellement, à l'encontre de l'usage parlé et de celui de la littérature hellénistique, à l'atticisme le plus pur, à la langue de Thucydide ou de Platon. Cette tendance touche aussi bien les auteurs « païens » que chrétiens, avec les premiers apologistes, puis les grands docteurs de l'école d'Alexandrie, comme Origène ou Clément d'Alexandrie : seuls les textes formant le Nouveau Testament avaient été écrits dans la langue parlée, la koinè. Ce désir d'un retour à la langue des auteurs classiques a suscité une opposition entre une langue littéraire, de plus en plus éloignée de l'usage courant, et une langue parlée qui évolue. Cette opposition a marqué toute l'histoire du grec jusqu'à nos jours.
Grec byzantin
La même dichotomie existe en effet sous l'Empire byzantin, de 330 à 1453, date de la conquête de Constantinople par les Turcs. La langue officielle et littéraire, tant celle des auteurs chrétiens — comme saint Jean Chrysostome ou saint Grégoire de Nazianze — que profanes, reste autant que possible proche de celle de la rhétorique classique ; la langue parlée, qui évolue, est représentée par une littérature jugée « vulgaire », « populaire » : d'abord écrits monastiques, puis hagiographies, chroniques historiques et plus tard cantiques populaires, poésie satirique. La langue commune subit alors d'importantes modifications, avec de nouvelles simplifications des déclinaisons (et notamment, la disparition du datif) ainsi que des conjugaisons. La prononciation se modifie profondément avec la tendance — déjà amorcée lors de la période hellénistique — à prononcer i les diphtongues oi et ei ainsi que ê et u, et à supprimer l'aspiration initiale. Le lexique s'enrichit par l'introduction de termes maritimes et commerciaux d'origine vénitienne, et aussi de mots d'ancien français, lors des croisades. Quant au domaine où est parlé le grec, il revient petit à petit à ce qu'il était avant la conquête d'Alexandre.
Grec moderne
Le grec moderne, descendant direct de la koinè, est à peu près formé au XVe s. de notre ère. L'occupation turque, longue de quatre siècles, n'a pas transformé la langue en profondeur, se bornant à fournir d'importants apports lexicaux. Quant à l'opposition entre une langue des puristes, proche du grec classique, et le grec courant ou démotique, elle a suscité de nombreuses polémiques aux XIXe et XXe s., polémiques dont le grec courant, cependant normalisé, sort enfin victorieux.
Influence du grec sur le français
Emprunts indirects
L'influence du grec sur le français est indirecte lorsque ce dernier a emprunté des mots latins venant eux-mêmes du grec. Or, on sait que le latin s'est constamment enrichi par des emprunts à cette langue ; il y eut d'abord de nombreux emprunts anciens par voie orale, relatifs, la plupart du temps, à un vocabulaire concret. Ces mots ont pu être soumis aux lois de la phonétique latine et subir certaines transformations : ainsi le grec porphura a donné purpura en latin (d'où pourpre en français). Ensuite, au fur et à mesure que les contacts ont été plus importants entre les deux civilisations, le latin a emprunté des mots grecs par voie écrite, en leur laissant cette fois leur forme originelle. C'est alors que sont apparus en latin des doublets comme purpura et porphyretus, qui rappellent les nombreux doublets français provenant du latin par voie orale, puis écrite. Une grande partie du vocabulaire philosophique et scientifique du latin a été soit emprunté, soit calqué du grec de la koinè, et c'est ainsi que le grec hellénistique a eu une influence prépondérante sur le vocabulaire, non seulement du français, mais de l'ensemble des langues d'Europe occidentale : le latin conscientia calque suneidêsis, humanitas rend philanthrôpia, etc. Par l'intermédiaire des traductions latines de la version des Septante, beaucoup de mots du vocabulaire religieux venant du grec sont passés en français (baptême, etc.). Le latin de Gaule a lui aussi emprunté au grec des mots dont le sens ou la forme ont pu se transformer profondément : ainsi en est-il de mots concrets comme cathedra « chaise », encaustum « encre », de mots du domaine pharmaceutique comme butyrum « corps gras » (passé plus tard au sens de « beurre »), du domaine médical comme gamba « jambe » (grec kampè « courbure »).
Emprunts directs
Les emprunts directs au grec débutent à la Renaissance, lorsqu'on s'est à nouveau intéressé à cette langue, ignorée au moyen âge sinon par l'entremise des textes arabes. L'entrée du grec dans le « colinguisme » européen, à titre de source et de symbole, est essentielle pour l'histoire des mots. Les emprunts du français se sont multipliés à tel point que l'on ne pourra qu'indiquer des domaines, en les illustrant de quelques mots significatifs. Si, à la différence des emprunts indirects, le grec sert en général à former des mots savants (littéraires, scientifiques, techniques), nombre de ces termes sont passés dans le langage courant, dans leur intégralité lorsqu'ils étaient courts et assez usuels (symptôme, époque), souvent tronqués s'ils étaient trop longs, comme c'est le cas des composés savants qui ont donné sténo, stylo, télé ou cinéma.
Les emprunts savants directs au grec ont commencé au XVIe s. par la médecine avec Ambroise Paré, à qui on doit des mots comme hygiène, péricarde, diarthrose ; œdème, symptôme et larynx datent également du XVIe s. Rabelais, à la fois médecin et humaniste, est un important témoin de ce processus. Le domaine médical, dont l'expression en France reste longtemps le latin, a depuis, à la suite des illustres prédécesseurs de langue grecque Hippocrate et Galien, abondamment puisé dans le fonds grec pour former les mots dont il avait besoin, puisque actuellement plus de 4 500 mots — soit 66 % du vocabulaire médical — viennent de cette langue. Les poètes de la Pléiade, quant à eux, n'ont fourni qu'un petit nombre de termes venant du grec : anagramme, athée, enthousiasme et quelques autres. On forme également des mots que le grec n'a pas connus, par dérivation et composition, un procédé qui connaîtra par la suite une grande fortune : ainsi en est-il de symptomatique, académicien, hiéroglyphe.
Malgré la répugnance des puristes d'alors pour les néologismes, le XVIIe s. fournit lui aussi un certain nombre de mots venant du grec : anachronisme et polyglotte, anecdote et époque en font partie. Au XVIIIe s., par suite des progrès scientifiques, les emprunts au grec se sont multipliés dans tous les domaines, tant intellectuels que scientifiques et techniques : ainsi sont nés, avec les débuts de la chimie (Lavoisier et Guyton de Morveau), oxygène et hydrogène, parmi beaucoup d'autres termes. Le grec tiendra une grande place dans la formation du lexique très organisé de la chimie moderne, avec des mots parfois très simples, comme brome, chrome ou iode, qui datent aussi du XVIIIe s. Le Suédois Linné codifie le vocabulaire de la botanique et celui de la zoologie (terme né à l'époque), deux branches du savoir qui voient fleurir les emprunts au grec. Le vocabulaire philosophique s'enrichit (cynique, sceptique) et les débuts de l'économie voient naître économiste, tandis que économie change de sens. Le lexique politique se développe avec par exemple les dérivés de monarchie (monarchisme, antimonarchique) et physiocrate, qui ne durera pas, mais permet à l'élément -crate de servir à la formation de nombreux mots nouveaux (tels bureaucrate à la fin du XVIIIe s. et, récemment, technocrate).
Dès la fin du XVIIIe s. et jusqu'à notre époque, la formation de nouvelles techniques, de sciences, appelle des termes souvent formés à l'aide du grec. La naissance du système métrique en France à la fin du XVIIIe s. inaugure mètre, gramme, et leurs composés, tel kilogramme, etc. Si beaucoup de mots ainsi formés appartiennent au vocabulaire savant, nombre d'entre eux sont également passés dans le langage courant. Ainsi, au XIXe s., la biologie crée microbe, bactérie, aérobie... Les sciences humaines voient le jour, et c'est la naissance de la sociologie, de l'ethnographie ; les sciences du langage aussi sont concernées, avec philologie, puis phonétique, sémantique. Dans le domaine des techniques, le XIXe s. voit naître le cinéma(tographe), la photographie, le téléphone. Depuis la deuxième moitié du XVIIIe s. et surtout au XIXe et au XXe s., la chimie, la physique, la biologie, la médecine, puisent dans le fonds grec, surtout par l'anglais, l'allemand et le français, des éléments ou des mots convenant à leurs besoins. Beaucoup vieillissent ou restent étroitement spécialisés, mais d'autres se diffusent durablement : échographie, électron, cyclotron. Les noms des nouvelles branches scientifiques comme biophysique ou biotechnologie sont dans le même cas. Symposium double colloque et la langue courante forme également des néologismes souvent à l'aide d'éléments « opérateurs » comme les nomme P. Guiraud, tels hyper-, auto-, télé-, pseudo-, néo-, méga- : ainsi les hybrides pseudo-policier, néonazi ou hypermarché.
Les procédés de formation de mots savants à partir du grec — comme du latin — ne sont pas toujours très rigoureux, et cela dès le XVIIIe s. : ainsi existe-t-il des pseudo-hellénismes, des formes qui n'ont jamais existé en grec : c'est le cas de microbe pour microbie « petite vie » ou de bactérie. On a pu extraire d'un mot déjà existant une finale dont on a fait un suffixe autonome : -ose, en médecine, a pu former dermatose ou leucocytose (parmi 886 termes), sur le modèle de ecchymose. Les suffixes -on et -tron — qui sont simplement des finales en grec — ont pris une grande extension dans la physique moderne, notamment à partir de électron (cyclotron, mégatron, nucléon, méson...). Enfin, tant les termes scientifiques et techniques que les mots courants peuvent être « hybrides », formés d'un élément latin et d'un élément grec (ou d'une autre langue) : ainsi en est-il de automobile, de télévision ou de hypermarché, de microprocesseur ou de microfilm. Malgré les critiques des puristes, ces formations hybrides, où un élément non grec est directement compréhensible, connaissent une large diffusion.
C. Coulet
BIBLIOGRAPHIE