H
HABEAS CORPUS n. m. est emprunté (1672) à l'expression anglaise médiévale habeas corpus (XIIIe s.), mots latins signifiant « que tu aies le corps », abréviation de habeas corpus subjiciendum « tu présenteras le corps » (c'est-à-dire la personne en chair et en os) devant la cour. L'expression désigne à l'origine un acte (writ) délivré par la juridiction compétente pour notifier que le prévenu doit comparaître devant le juge ou devant la cour, pour qu'il soit statué sur la validité de son arrestation. Ensuite habeas corpus est le nom de la loi qui institue l'obligation de cette pratique (1679 sous Charles II ; Habeas Corpus Act), en vue d'assurer la liberté individuelle.
❏
Le mot ne se répand en français qu'au milieu du XVIIIe s., en tant que symbole de garantie juridique de liberté individuelle.
HABILE adj. représente un emprunt (fin XIIIe s.) au latin classique habilis « qui tient bien », d'où « bien adapté » et « souple », « preste », qui prend en latin impérial le sens juridique de « personne légitimée à qqch. » ; habilis dérive du verbe habere « tenir, se tenir » (→ avoir). Habile a remplacé la forme normalement issue du latin, able, aule (en picard et en lorrain depuis le XIIe s. ; Cf. anglais able).
❏
Habile est introduit avec le sens étymologique de « convenable, propre » en parlant des choses, d'où le sens juridique (1390) de « qui remplit les conditions requises (pour exercer un droit) », spécialement « qui a le droit d'hériter » (1461 ; 1694, habile à succéder), toujours en usage (Cf. habiliter).
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Il a aussi en moyen français, comme en latin, les sens de « souple, agile » (XVe s.) et de « rapide » (1493), utilisés jusqu'à la fin du XVIe siècle.
◆
Par extension, habile signifie (1478-1480) « qui exécute ce qu'il fait avec adresse, compétence » et il est substantivé dans ce sens (les habiles, déb. XVe s., « les ingénieux »), la construction habile à datant du XVIIe s. (1636).
◆
Spécialement, l'adjectif se dit pour « prompt à comprendre, à apprendre », « savant » (1555, Ronsard), sens qui s'applique à une personne qui utilise les moyens les mieux adaptés pour parvenir à ses fins (apr. 1650). Qualifiant des actions, habile qualifie ce qui est fait avec adresse, intelligence (1687).
❏
Le dérivé
HABILEMENT adv. a suivi une évolution sémantique parallèle à celle de l'adjectif : d'abord aux sens de « de la manière la plus apte » (1374) et de « promptement » (1427), il signifie (1538) « d'une manière adroite ».
■
HABILETÉ n. f. est emprunté au dérivé latin habilitas ou est dérivé de l'adjectif habile. Le mot est sorti de l'usage aux sens de « capacité, aptitude » (1539) et de « rapidité, promptitude » (XVIIe s.) ; il s'emploie (1549) pour « adresse ».
◈
INHABILE adj., de
in-, et du latin
habilis, d'abord pour « qui n'est pas apte » (v. 1369, sorti de l'usage), prend un sens juridique (1384) puis signifie (1611) « qui manque d'adresse », sens que conservent les dérivés aujourd'hui d'usage littéraire,
INHABILETÉ n. f. (1390 ; rare avant le
XIXe s.) et
INHABILEMENT adv. (1596).
◈
MALHABILE adj. « qui manque d'habileté » (1538) est composé à la fin du
XVe s. de
2 mal d'abord au sens de « difficile », en parlant des choses ; il s'applique plus tard aux personnes. En dérivent
MALHABILETÉ n. f. (
XVe s.) tombé en désuétude, et
MALHABILEMENT adv. (1636).
❏ voir
HABILITER
HABILITER v. tr. est emprunté (v. 1300, abilleté a) au bas latin habilitare, dérivé du latin classique habilis (→ habile) avec le sens de « rendre capable », spécialement en droit (1379) pour « rendre légalement capable de », sens repris au latin médiéval.
❏
Le composé
RÉHABILITER v. tr. a d'abord un sens juridique (1234,
reabiliter une ville a maire « lui rendre le droit d'avoir un maire ») ; dès le
XVe s. le verbe a signifié « rétablir (un fonctionnaire, après une déchéance) dans l'exercice de ses fonctions » (1440-1475) ; de là viennent en droit ancien
rétablir un noble « lui restituer ses titres et ses prérogatives » (1680) et, à partir du
XIXe s., l'acception de « rendre (à un condamné) ses droits perdus et l'estime publique » (1823). Sans référence juridique,
réhabiliter signifie « rétablir dans l'estime » (1740,
réhabiliter la mémoire de qqn ; 1754,
se réhabiliter).
◆
Le verbe a pris récemment (av. 1968) le sens de « remettre en état, rénover (un quartier, etc.) » emprunté à l'anglais
to rehabilitate (av. 1966).
◆
Le dérivé
RÉHABILITATION n. f. a suivi l'évolution sémantique du verbe : il a l'emploi juridique (1401) puis signifie « fait de restituer ou de regagner l'estime perdue » (1762, Voltaire) et « rénovation » (av. 1968), d'après l'anglais
rehabilitation.
◆
Le verbe a aussi fourni
RÉHABILITABLE adj. (1845).
◈
HABILITÉ n. f., emprunté au latin classique
habilitas, a eu les sens d'« aptitude légale » (1365) et de « qualité qui rend apte à » (v. 1370) ; il est archaïque.
■
HABILITATION n. f. (1470 ; 1373, abilitacion), emprunté au latin médiéval juridique habilitatio, du supin de habilitare, reste un terme juridique.
■
INHABILITÉ n. f. (1361), d'après habilité, ou emprunt au latin médiéval inhabilitas « incapacité » (1270), est sorti d'usage (employé parfois pour inhabileté).
HABIT n. m. est emprunté (1155) au latin habitus « manière d'être, maintien », d'où « mise, tenue, vêtement », dérivé de habere au sens de « se tenir » (→ avoir). Le substantif a influencé le verbe habiller, dont l'origine est tout autre (→ bille).
❏
Habit a d'abord seulement désigné un vêtement de religieux, donc caractéristique d'une activité (1155,
abit), d'où (
XIIIe s.) le proverbe
l'habit ne fait pas le moine, traduit du latin médiéval
habitus non facit monachum, sed professio regularis. Dans la même acception (v. 1350)
prendre l'habit de religion devient (1676)
prendre l'habit, et
quitter l'habit (1690) signifie « se défroquer » ;
habit est alors synonyme de
froc.
◆
Le mot s'emploie au singulier (1
er quart
XIIIe s.) pour désigner l'ensemble des
vêtements (ce mot étant plus ancien) qui couvrent le corps, sens qui demeure jusqu'à l'époque classique, où l'habit inclut toujours la chaussure et la coiffure ; l'emploi moderne, au pluriel
(les habits), est attesté vers 1360 ; la locution
marchand d'habits désigne spécialement le fripier (1900).
◆
C'est à la fin du
XIIIe s. (av. 1288 au pluriel) que le mot s'utilise au figuré pour « apparence », valeur abstraite qui rappelle le sens latin et disparaîtra avant l'époque classique.
◆
Le mot
habit, qualifié, désigne (1360) un vêtement caractéristique d'une époque, d'un usage ou d'une certaine fonction, d'où à l'époque classique
habit court pour « vêtements ordinaires » (1659), opposé à
habit long propre à certaines fonctions (1659).
◆
Habit rouge désigne (1775 dans une traduction de l'anglais, à Québec ; 1822 en France) la tenue des soldats anglais jusqu'en 1914 et par métonymie ces soldats ;
habit vert (1902) s'applique à la tenue des membres de l'Institut de France.
◆
Au
XVIIe s.,
habit s'est dit spécialement (1666, Molière) d'un veston de cérémonie ; de là vient l'emploi, sorti d'usage aujourd'hui, de
habit-veste, nom masculin (1760) « habit à basques courtes ». Le sens moderne de « costume de cérémonie » est attesté en 1845 ; il s'emploie surtout dans l'expression
en habit, qui correspond à
tenue de soirée, comme la jaquette et le smoking.
■
En français québécois, certains emplois (critiqués) sont un peu différents de ceux du français d'Europe, en particulier pour « complet (d'homme) » et pour « vêtement pour une activité particulière » (habit de pluie, habit de ski).
Voir le schéma.
HABITER v. est emprunté (v. 1050) au latin habitare « avoir souvent », « demeurer », fréquentatif de habere « avoir » (→ avoir), au supin habitum, d'où habitudo (→ habitude).
❏
Habiter signifie d'abord (v. 1050) « rester quelque part, vivre dans un lieu », spécialement « occuper une demeure », le sujet désignant une personne ou un animal (v. 1120) ; il a disparu en emploi pronominal (1481). L'emploi figuré avec un sujet abstrait apparaît en termes de dévotion (XIIIe s.), par exemple en parlant de la paix qui habite (« règne dans ») l'âme. La même valeur donne lieu à l'époque classique à habiter la guerre « avoir souvent la guerre » (1578), au XIXe s. à habiter son fauteuil « y rester toujours » (1866), emplois disparus en France, sauf usages régionaux, et vivant en français de Belgique, du Québec, d'Afrique.
◆
Par extension habiter avec a signifié « fréquenter (qqn) » (v. 1225), en particulier dans le style biblique « avoir des relations charnelles (avec qqn) ».
◆
Il prend en moyen français le sens de « remplir (un pays) de villes » (1393), d'où « peupler » (1629), sens qui subsiste au participe passé (une région habitée). Voir aussi le schéma.
❏
HABITANT, ANTE n., participe présent substantivé du verbe (1
er quart
XIIIe s.), se dit d'un être vivant, en particulier une personne qui vit dans un lieu, d'où les emplois en périphrases à partir de l'époque classique :
les habitants de l'Olympe « les dieux » (1677, Racine),
les habitants de l'air (1677, Boileau),
les habitants de l'eau, des ondes, « poissons, oiseaux ». Au figuré, par plaisanterie,
avoir des habitants s'est dit pour « avoir des poux, des puces, etc. » (1897 dans Jules Renard).
■
Habitant a désigné une personne à laquelle le roi accordait des terres dans une colonie (1654) et, de là, a pris au Canada (1675) le sens spécial de « personne qui cultive la terre » (Cf. paysan, de pays). Ce sens, dans l'histoire de la Nouvelle France, correspond au don par le roi à un particulier d'une terre à défricher et cultiver. Le mot, vieilli au sens de « cultivateur », s'emploie encore au figuré pour « personne mal dégrossie » et comme adjectif (comme paysan, en français de France).
◆
Habitant a remplacé habiteur (v. 1120), plus employé en ancien français et encore mentionné en 1842 dans le dictionnaire de l'Académie.
■
HABITAT n. m. (1812 ; 1808, d'après Bloch et Wartburg), d'après le sens général du verbe, désigne le lieu occupé par une plante à l'état naturel, puis (1861) le milieu géographique favorable à la vie d'une espèce, végétale ou animale, spécialement (1902) le mode d'organisation, de peuplement par l'homme du milieu où il vit (habitat rural, urbain) d'où, en particulier, l'ensemble des conditions de logement (1925).
◆
En français de la Côte d'Ivoire, le mot désigne un ensemble de logements construits sur le même modèle.
◈
Plusieurs mots ont été empruntés à des dérivés du verbe latin.
■
HABITABLE adj. (1155, abitable), du latin habitabilis « où l'on peut habiter », a servi à former le dérivé savant HABITABILITÉ n. f. (1801) qui a pris au XXe s. le sens de « qualité de ce qui offre plus ou moins de place à occuper » (l'habitabilité d'une voiture).
◆
INHABITABLE adj. reprend (fin XIIIe s.) le latin classique inhabitabilis « (lieu) qui ne peut être habité ».
■
HABITACLE n. m., emprunté (v. 1120) au latin ecclésiastique habitaculum « petite maison », n'a pas conservé le sens de « demeure » ; le mot a pris une valeur spéciale en marine (1643), désignant l'armoire qui contient les instruments de bord, puis par métonymie le poste de pilotage où se trouvent ces instruments ; cette dernière acception est reprise au XXe s. en aviation.
◈
HABITATION n. f. est un emprunt (v. 1120,
habitaciun) au latin
habitatio « fait d'habiter un lieu », « demeure », dont il a conservé les sens. Le mot a eu d'autres sens liés à des valeurs spéciales du verbe
habiter : « coït » (déb.
XIIIe s.), emploi sorti d'usage après l'époque classique, « présence de Dieu dans l'âme » (1561), « établissement fait dans une colonie » (1658), d'où « bien possédé par un colon » (1723). Cette acception, aux Antilles, en Louisiane, à Haïti, est vivante pour « exploitation agricole » (le propriétaire, à la Réunion, est appelé l'
habitant).
◆
Comme terme juridique le mot a désigné (1690) le droit d'habiter une maison, pour l'épouse, après la mort du conjoint.
◆
Le sigle H. L. M.
n. f. et n. m. (1951) pour
habitation à
loyer
modéré est passé d'une valeur administrative précise au sens de « grand immeuble populaire ».
◆
Le composé
1 INHABITATION n. f. « état d'un lieu qui n'est pas habité » (1829) est rare.
◆
En revanche
COHABITATION n. f. (
XIIIe s.), qui était employé à côté de
COHABITER v. intr. (fin
XIVe s.) au sens propre de « [fait d'] habiter ensemble », a reçu dans l'organisation politique de la V
e République, après la présidence de F. Mitterrand (1981), une valeur précise : « coexistence d'un gouvernement et d'une majorité parlementaire et d'un président de tendances opposées ». Cette valeur pourrait évidemment être appliquée à une autre situation concrète, et correspond au jeu des institutions de ce régime semi-présidentiel.
◈
2 INHABITATION n. f., emprunt (attesté v. 1950) au latin chrétien
inhabitatio « présence de Dieu dans l'âme en état de grâce » (de
in locatif ;
→ 2 in-), est un terme de théologie.
❏ voir
HABITUDE, HABITUER, HABITUS.
HABITUDE n. f. a été emprunté (1365) au bas latin habitudo « manière d'être, aspect physique », « relation », dérivé du supin habitum de habere « se tenir, se trouver dans tel état » (→ avoir). Le rapport étymologique avec habiter n'est plus perçu.
❏
Habitude a été introduit avec le sens de « relation, rapport » et, également chez Oresme, avec celui de « disposition générale (du corps), complexion » (1370-1372), valeurs encore en usage au
XVIIe s. et aujourd'hui archaïques. Le mot prend, dans la seconde moitié du
XVe s., le sens de « relation de tous les jours avec qqn, fréquentation ordinaire » (1440-1475), toujours très vivant à l'époque classique, comme le pluriel
habitudes pour « relations » ; en revanche, le sens de « contrée habitée » (v. 1501) ne s'est pas maintenu.
■
Habitude, sous l'influence du verbe habituer, est employé ensuite (1580) au sens moderne de « manière d'être, disposition acquise par la répétition », d'où les locutions par habitude (1694), d'habitude (1845). La locution usuelle dès le XVIIe s., avoir l'habitude « être accoutumé » a remplacé l'ancien verbe soloir ou souloir (fin Xe s. ; du latin solere « avoir coutume »), dont La Bruyère relève la disparition ; ont également disparu : avoir habitude en un lieu « avoir accès à » (XVIIe s.) et être d'habitude « être attaché à ses habitudes » (1787).
❏
HABITUDINAIRE n. m., dérivé savant, a été employé comme adjectif aux sens de « qui a l'habitude de qqch., qui y est habile » (1487), « qui est passé en habitude » (1611). Le mot est repris comme nom masculin en théologie (av. 1866) pour désigner celui qui commet habituellement le même péché.
■
INHABITUDE n. f. (1758) « absence d'habitude » est à peu près inusité.
HABITUER v. tr est un emprunt (1330, abituer) au bas latin habituari « avoir telle manière d'être, être pourvu de », d'où le latin médiéval habituare « accoutumer » (v. 1290). Habituari est dérivé du latin classique habitus « manière d'être », de habere (→ habitude, avoir).
❏
Habituer s'est dit pour « habiller » (1330) jusqu'au XVe s. (Cf. habit) ; au participe passé adjectivé, il s'emploie au sens de « qui a acquis l'habitude de » chez Oresme (1370-1372) ; le verbe signifie ensuite « s'établir, s'installer en un lieu » (1475, pronom.), sens en usage à l'époque classique et encore relevé par Littré ; d'où prêtre habitué ou habitué (1477, n. m.), terme d'histoire aujourd'hui au sens d'« ecclésiastique attaché au service d'une paroisse sans y avoir de charge ». Le sens moderne, repris au latin médiéval, est attesté en 1549 (tr. et pron., s'habituer) ; le participe passé substantivé HABITUÉ, ÉE est employé au sens de « personne qui fréquente régulièrement un lieu » (1778).
❏
HABITUATION n. f., terme didactique, désigne le fait de s'habituer à quelque chose (v. 1960). Le mot a été employé pour « coutume » (1549).
◆
Il se dit aussi d'un prêtre habitué (1743).
■
HABITUEL, ELLE adj. est un emprunt (1617 ; habitual, 1611) au latin médiéval habitualis, dérivé de habituari ; l'adjectif, comme en latin, signifie « passé à l'état d'habitude » (XIVe s.) puis par extension « qui est constant ou fréquent » (1671) ; de là viennent les sens du dérivé HABITUELLEMENT adv. (v. 1389) et du préfixé INHABITUEL, ELLE adj. (1829), relativement usuel.
❏ voir
HABITUDE.
HABITUS n. m. reprend un mot latin (1586) qui signifie « manière d'être », dérivé de habere au sens de « se tenir » (→ avoir).
❏
Rare en français avant le XIXe s., le mot conserve le sens d'« aspect général », spécialement en médecine, où l'apparence générale est vue comme reflet de l'état de santé, et en sociologie où il se répand vers 1980.
HÂBLER v. intr. est un emprunt (1542, tr.) à l'espagnol hablar « parler » (fabular en 1115, fablar, verbe, 1140, puis hablar), issu du latin fabulari « parler, raconter qqch. », dérivé de fabula « conversation », puis « récit » (→ fable).
❏
Le verbe, avec le sens de l'espagnol, est tombé en désuétude ; Th. Gautier l'emploie, mais il s'agit d'un hispanisme. Hâbler prend rapidement (1575) le sens de « parler avec forfanterie », emploi aujourd'hui vieilli ou littéraire.
❏
Il en va de même pour le dérivé HÂBLERIE n. f. (1628) ; seul HÂBLEUR, EUSE n. m. et adj. (1555) reste courant ; Céline emploie une variante, avec suffixe péjoratif, HÂBLARD, ARDE n. et adj. (1932).
HABOUS n. m. pl. (h expiré, s prononcé), emprunt à l'arabe, désigne en français du Maghreb et à propos des pays maghrébins les biens dont l'usufruit revient à une fondation ou à une œuvre sociale musulmane.
G
HACHE n. f. est issu (v. 1140) de happja « instrument tranchant », mot de l'ancien haut allemand du domaine francique.
❏
Hache conserve le sens étymologique, d'abord attesté pour désigner une arme offensive (v. 1140) puis un instrument servant à couper, à fendre (XIIIe s.) ; de ces emplois viennent hache d'armes (1530), hache de guerre (1770), hache à main (1802), hache d'abordage (1902). Le mot s'emploie à partir du XVIe s. au figuré, par analogie de forme, dans en hache « en forme de hache » (1551, champ en hache), puis dans les locutions fait (1787), taillé (1873) à coups de hache « grossièrement » et porter la hache (dans une administration) (1793) « y supprimer les abus », d'où le nom du Comité de la hache, chargé en 1938 de réformes administratives (la métaphore a été remplacée par celle du dégraissage). À la hache s'emploie au figuré pour « brutalement, sans ménagement », souvent à propos d'une action politique (années 1990).
❏
HACHER v. tr., dérivé de
hache (v. 1225), est sans doute antérieur ; en effet, le composé
dehachier est relevé en 1176-1181 (de même sens, il est utilisé jusqu'au
XVIIe s.).
Hacher, « couper en petits morceaux avec un instrument tranchant », s'utilise par analogie, en gravure (1376), pour « sillonner de hachures », d'où
haché « ciselé » (
XIVe s.) puis « couvert de hachures » (1690), et aussi au sens d'« entailler avec une hache ou un ciseau » (1611). Le verbe s'emploie à partir du
XVIIe s. au sens de « couper grossièrement » (1690) et, par analogie, « endommager en brisant en petits morceaux, détruire » (1694).
◆
À la même époque,
hacher est utilisé au figuré ; la locution
se faire hacher signifie « être disposé à tout supporter pour défendre qqch. » (1693) et « se défendre jusqu'au bout » (1759), d'où
haché menu comme chair à pâté « massacré ».
◆
La locution
hacher de la paille s'est dite pour « parler (de manière saccadée) allemand » (1867), « parler en marquant fortement les accents » (1873), sens lié à celui de
hacher, « entrecouper, interrompre » (1877) antérieurement relevé au participe passé adjectivé (1798).
◆
Haché, substantivé, désigne, notamment en français de Belgique, de la viande hachée, du hachis.
◈
Sur
hacher ont été formés des termes techniques, les dérivés
HACHEUR, EUSE n. (
XIVe s.),
HACHEUSE n. f. (1873) et les composés, tous
n. m. inv., HACHE-PAILLE (1765),
HACHE-ÉCORCE (1866),
HACHE-LÉGUMES (1866),
HACHE-FOURRAGE (1902) et
HACHE-MAÏS (1902).
■
HACHIS n. m. désigne un mets de viande hachée (1538 ; v. 1280, hagis), hachis Parmentier, « plat de viande hachée aux pommes de terre », n'étant attesté qu'au XXe siècle.
◆
À cet emploi se rattache l'usage du Québec, pour un plat de viande et de pommes de terre cuites dans un bouillon, appelé aussi gibelotte.
◆
Le mot a été un terme technique (1355, hacheiz, « travail au burin ») et s'emploie au figuré pour « mise en pièces, destruction », et (1770) « réunion informe de fragments », comme compote et marmelade.
■
HACHEMENT n. m., au pluriel comme terme de blason (1349), « découpure des lambrequins », ne s'emploie plus pour « action de hacher » (1606), alors remplacé par HACHAGE n. m. (1866) ; il est utilisé (1962) comme terme technique, en maçonnerie.
◈
HACHOIR n. m. désigne (1471) la planche sur laquelle on hache et le couteau pour hacher, cette dernière acception étant plus tardive selon
T. L. F. (1701, date du
F. e. w. pour la planche). Le mot s'applique plus tard à un instrument mécanique (
XXe s.), aussi nommé
HACHE-VIANDE n. m. inv. (1893).
■
HACHURE n. f. est comme hachement un terme de blason (1450, hacheure, « cordon liant les lambrequins ») avant d'être utilisé en gravure (1675) pour désigner l'un des traits qui marque les demi-teintes, les ombres, et dans le vocabulaire technique (1723). Le mot prend ensuite le sens figuré de « fragment d'un ensemble qui paraît brisé » (1770) puis désigne l'un des traits qui figure, sur une carte, les accidents du terrain, etc. (1873).
◆
En dérive HACHURER v. tr. (1893), surtout au participe passé, d'où vient le terme technique HACHURATEUR n. m. (1907).
◈
Sur
hache ont été dérivés les diminutifs
HACHETTE n. f. « petite hache » (
XIVe s. ; 1250,
hachete),
HACHEREAU n. m. (1456), terme technique, et
HACHOT n. m. (
XVIe, repris mil.
XXe s.), ainsi que les termes techniques
HACHOTTE n. f. (1789) et
HACHARD n. m. (1838) désignant divers instruments.
HACIENDA n. f. est un mot emprunté (1827) à l'espagnol hacienda « exploitation agricole » (XVe s.), surtout utilisé en ce sens en Amérique latine ; l'espagnol est issu du latin facienda (participe neutre pluriel substantivé de facere « faire » ; → faire) « choses à faire », d'où l'ancien espagnol facienda « affaire, occupation » (1115), puis hacienda « travail » (déb. XVIIe s.), ensuite « biens, richesses » et « troupeau, ferme ». De là viennent aussi l'ancien provençal fazenda « petite ferme », et le portugais fazenda « grande propriété au Brésil » (1822), parfois employé en français à propos du Brésil. Hacienda même n'est utilisé que pour parler de l'Amérique latine.
HACKER n. est un emprunt à l'anglais, ce mot étant dérivé de to hack « hacher, tailler ». Il désigne (années 1990) un internaute qui pénètre illégalement dans un système. On dit aussi, en français, pirate, ce qui correspond imparfaitement au sens de l'anglicisme, le hacker agissant en principe sans intention de nuire, et surtout pour éprouver son savoir-faire.
HADDOCK n. m. est une forme reprise en 1708 (
hadock, graphie donnée encore par Littré) à l'anglais
haddock (
XIVe s.,
haddoc, hadoke) « aiglefin fumé ». On trouve en ancien français
hadot, pluriel
hados, en usage du
XIIIe à la fin du
XVIIe s. (1285, attestation isolée
hadoc, 1555
hadou, hadoche),
hadot « aiglefin » au
XIIIe s.,
hadoc en anglo-normand et
haddocus en anglo-latin. L'ensemble est d'origine obscure.
■
Le mot désigne l'églefin fumé.
HADITH n. m. est un emprunt (1697) à un mot arabe signifiant « échange de propos, récit », et s'applique au recueil des actes et des dits de Mahomet, complétant le Coran.
HADJ n. m., transcription d'un mot arabe, désigne à la fois le pèlerinage à la Mecque figurant dans les obligations du musulman et celui qui a accompli ce pèlerinage. HADJI n. m. (1742), d'abord écrit hagis (1568), a le même sens. Le féminin est HADJA.
HADRON n. m. est un composé savant (v. 1965), d'abord formé en russe (adron, 1962), du grec hadros « abondant », et de -on (de électron) qui désigne une particule lourde. Il s'oppose à lepton (→ lepto-).