HAPPY FEW n. m. pl. inv., employé par Stendhal (1804) à propos de ses lecteurs présumés, et repris dans l'exergue de Lucien Leuwen (1836 ; to the happy few), est une expression anglaise qui signifie proprement « un petit nombre (few) heureux (happy) » ; cet anglicisme désigne le petit nombre des privilégiés (les gens fortunés, l'élite intellectuelle, etc.).
HAPTIQUE adj. est un emprunt à l'allemand haptisch « tactile », créé par Riegl en 1901 à partir du grec haptein « toucher ». Cet adjectif didactique, employé par le philosophe Gilles Deleuze en 1981, qualifie tout ce qui concerne le sens du toucher.
HAQUENÉE n. f. est emprunté (v. 1360) au moyen anglais haquenei (XIVe s. ; attesté d'abord sous la forme latine haqueneia en 1292), devenu hackney au XVIe siècle. Le mot vient du nom d'une bourgade de la région londonienne réputée pour l'élevage de ses chevaux. Cette origine toponymique ne satisfait pas P. Guiraud, pour qui le mot anglais serait un emprunt au français ; haquenée « jument qui va l'amble » dériverait de haquener, doublet de haqueter (→ haquet) selon l'analogie entre l'amble du cheval et le mouvement de balancement.
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Haquenée s'est d'abord dit (v. 1360) d'un petit cheval ou d'une jument que montaient les dames, d'où ensuite les sens figurés et péjoratifs de « femme de mauvaise vie » (1805, Stendhal), peut-être par assimilation entre amazone et courtisane, et selon la métaphore habituelle de la « monture » (Cf. chameau). Une autre valeur figurée est « femme laide, d'allure masculine » (1841, Balzac), par référence explicite à l'animal (Cf. jument).
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Haquenée n'est plus en usage depuis la fin du XVIe s. mais reste évocateur du moyen âge, comme destrier ou palefroi.
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HAQUET n. m., relevé en 1606, est antérieur, comme l'atteste son dérivé (ci-dessous). Le mot représente peut-être un emploi métaphorique de l'ancien français haquet (v. 1480) « cheval (propre à tirer ce genre de charrette) ». Ce dernier pourrait être une altération de haquenée (→ haquenée) par substitution de suffixe (Cf. haque « cheval hongre », du radical de haquenée). Cependant, P. Guiraud suppose comme origine commune à haquet « cheval » et à haquet « charrette » le verbe haqueter, variante onomatopéique de hoqueter « secouer, cahoter », attesté par le normand haqueter « avoir le hoquet », « bégayer » ; cette hypothèse n'est pas appuyée par les textes.
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Le mot désigne une charrette sans ridelles.
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HAQUETIER n. m. (1481) désignait le conducteur de haquet.
HARA-KIRI n. m. est une lecture des caractères d'un mot japonais (attesté en 1863 : hara-kiri ou sep-kou), qui signifie « ouverture du ventre » ; la lecture normale des caractères japonais, seule usitée au Japon et chez les spécialistes, est seppuku.
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Hara-kiri désigne en français un mode de suicide par éviscération, considéré comme très honorable au Japon ; autrefois, les samouraïs condamnés à mort en avaient le privilège. Par figure, la locution se faire hara-kiri « se suicider » (1881) se dit pour « se sacrifier pour une cause » (1933).
HARANGUE n. f., attesté chez Villon (v. 1461), est un emprunt à l'italien ar(r)inga « discours public » (XIIIe s.), d'où viennent aussi au XIIIe s. l'ancien provençal arengua et le catalan arenga ; ar(r)inga est sans doute formé sur ar(r)ingo « arène » et « lieu de rassemblement » (Cf. latin médiéval arrengum, 1328), mot issu du gotique °hriggs qui correspond au francique °hring « anneau, cercle » (Cf. anglais ring et allemand Ring).
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Harangue se dit d'un discours solennel devant une assemblée, un haut personnage (1689, harangue d'ouverture à l'Université), puis le mot prend les sens péjoratifs de « discours ennuyeux » (v. 1530), « longue remontrance » (1611).
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HARANGUER v. tr., directement emprunté (1414) au dérivé italien
arringare (déb.
XIVe s.), s'emploie d'abord au sens de « lire en public », puis de « faire un discours » (1514, emploi absolu ; 1547,
haranguer qqn) et de « sermonner, faire des discours ennuyeux » (1573).
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HARANGUEUR, EUSE n. est vieilli au premier sens d'« orateur » (1527), littéraire dans son emploi figuré (1652).
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HARAS n. m. (1280), d'abord sous la forme haraz (v. 1160), est peut-être issu de l'ancien scandinave hârr « qui a le poil gris », d'après la couleur la plus fréquente de la robe des chevaux. P. Guiraud préfère un étymon gallo-roman supposé °haracius du latin classique hara « abri pour les animaux (les porcs, les oies) » — qui a donné l'italien dialectal ara « abri pour les chevaux ».
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Haras a d'abord eu le sens de « troupe d'étalons et de juments destinés à la reproduction » ; par métonymie, le mot désigne (1280) un établissement destiné à la reproduction et à l'amélioration des races de chevaux ; par analogie, haras s'emploie pour l'élevage d'autres animaux et en parlant de l'espèce humaine (XIXe s.).
HARASSER v. tr. est dérivé (1527) de l'ancien français harache (XIIIe s.), harace (XIVe s.), surtout employé dans les locutions courre a la harache « poursuivre » (XVIe s.), prendre a la harache « prendre qqn de force », lui-même de hare (→ haro) « cri pour exciter les chiens », avec le suffixe -ace.
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Harasser a signifié « harceler » (1527) puis, par extension, « épuiser de fatigue » (1562 au participe passé), seul sens usité aujourd'hui, surtout aux temps composés.
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Le dérivé HARASSEMENT n. m., « tracas, tourment » (1572), puis (1609) « état d'une personne harassée », est aujourd'hui rare, contrairement au dérivé HARASSANT, ANTE adj. (1845), usuel en parlant d'un travail.
HARCELER v. tr. représente (v. 1478-1480, harceller) une variante de herseler, herceler (seulement relevé en 1530 mais antérieur), diminutif de herser employé au figuré en ancien français au sens de « malmener » de la fin du XIIe au XVe s. (→ herse).
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Harceler s'emploie d'abord au sens de « provoquer, exciter (qqn) pour l'excéder », d'où spécialement « presser (qqn) d'agir » et, par extension, « soumettre (l'ennemi) à de petites attaques réitérées » (1648).
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Le dérivé HARCÈLEMENT n. m. (1632) est devenu un mot d'emploi soutenu, jusqu'à la diffusion du mot par calque de l'anglo-américain harassment (→ harasser), dans harcèlement sexuel. HARCELEUR, EUSE adj. (1898) est rare.
HARD adj. Cet adjectif anglais extrêmement courant, signifiant « dur », s'emploie en français depuis le début des années 1980, avec deux valeurs. Il qualifie un type de musique rock, ainsi que la version extrême, explicite, de la pornographie (un film hard). D'autre part, il équivaut, dans un usage franglais, à « très fort, extrême », avec une idée d'angoisse.
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HARD CORE n. m., autre emprunt, où core signifie « noyau, cœur », concerne la pornographie explicite.
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1 HARDE n. f., réfection (XVIe s.) de herde (v. 1140), est issu du francique °herda (Cf. allemand Herde et anglais herd « troupeau ») ; le sens de « troupeau » est conservé dans les dialectes gallo-romans du Nord-Est : hardier signifie « gardien de troupeaux », en Lorraine.
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Le mot désigne une troupe de bêtes sauvages vivant ensemble.
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En dérivent les termes techniques de vénerie : HARDÉES n. f. pl. (1690), HARDÉ, ÉE adj. (déb. XXe s. ; enhardé, 1867) et SE HARDER v. pron. (1902).
HARDES n. f. pl. est une forme issue (1480) de la prononciation gasconne de l'ancien français farde, écrit farde en ancien gascon (1376-1378) et en ancien béarnais (1385) mais où le f, comme en espagnol, devient normalement h. Farde « charge, bagage » et « vêtements » (apr. 1170, fardres) est emprunté à l'arabe farda « balle de vêtements, d'étoffes, de marchandises » (→ fardeau), comme le catalan alfarda « pièce d'habillement portée par les femmes (au moyen âge) », l'espagnol alfarda et le portugais alffarda de même sens.
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Hardes se dit encore régionalement pour désigner l'ensemble des effets personnels (1480), sens encore conservé dans le langage juridique. L'acception péjorative de « vêtements pauvres et usagés » apparaît au XVIIIe s. (1771).
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HARDI, IE adj., relevé dans La Chanson de Roland (1080), est le participe passé d'un ancien verbe, hardir « rendre, devenir dur », d'où « rendre courageux », issu du francique °hardjan « rendre dur », dérivé de °hart « dur » (Cf. allemand hart « dur » et härten « durcir », anglais hard « dur »).
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L'adjectif s'emploie dès son apparition (1080) au sens de « courageux, vaillant », d'où « téméraire » (v. 1160-1174). Par extension, hardi se dit de ce qui dénote ou exige de l'audace (1273 ; projet hardi, regard hardi) et, par péjoration, s'emploie pour « insolent » (v. 1283), sens vieilli, encore usuel au XVIIe s., de même que « provocant, impudique ». Ce sens ne demeure aujourd'hui qu'en parlant d'écrits libres sans être inconvenants.
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Depuis le XVIIe s., hardi se dit aussi de ce qui est audacieux avec bonheur, spécialement dans le domaine de l'art, de l'expression (1648, Voiture) ; à la même époque, l'adjectif qualifie des doctrines qu'il est dangereux de soutenir (1690 ; ouvrage hardi).
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L'emploi de hardi comme interjection pour encourager est attesté chez Molière (1660), aujourd'hui seulement dans des locutions comme hardi les gars ! ou hardi petit !
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L'emploi adverbial et dialectal au sens de « beaucoup », relevé chez Hugo (1866 ; îles anglo-normandes), est tombé en désuétude. Il continue un autre mot, lié au francique °herda « troupeau » (→ harde).
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HARDIMENT adv. (v. 1160,
hardiement) a le sens général de « d'une manière hardie » ; dans l'emploi laudatif de
hardi en art, il est relevé chez Hugo (1831).
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HARDIESSE n. f. s'emploie à la fin du XIIe s. (ardiesce) : « manière d'être hardie » et « action, parole hardie » (une, des hardiesses) ; il est pris (1538) dans une acception péjorative, aujourd'hui vieillie, puis dans un sens laudatif en parlant des productions de l'esprit (1669) ; le mot désigne ensuite (1690) la qualité qui dénote de l'audace.
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Le composé ENHARDIR v. tr. « rendre hardi, plus hardi » est formé au XIIe s. (v. 1155).
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Son dérivé ENHARDISSEMENT n. m., qu'on relève chez Gide (1916), est rare.
HARDWARE n. m. est un emprunt (v. 1965) à l'anglais hardware (XVe s.) « quincaillerie, ferronnerie », composé sur le modèle de ironware, de hard « dur » et ware « articles (manufacturés) ». Dans le milieu des ingénieurs américains de l'informatique naissante (1947), le mot a pris plaisamment son sens moderne d'« équipement électronique de l'informatique » (par opposition aux moyens et programmes d'utilisation, nommés, par calembour, software).
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Le mot a été introduit en français vers 1965, avec d'autres termes provenant de l'électronique. Hardware (ou l'abréviation [le] hard) résiste chez les spécialistes à l'emploi d'équivalents comme quincaillerie, quincaille (Louis Armand) et même de matériel* (officialisé en 1974, Journal officiel), alors que logiciel (→ logique) l'a emporté sur software.
HAREM n. m., variante (1673) de hara (1632), puis haram (v. 1660), est un emprunt à l'arabe ḥaram « chose interdite et sacrée », appliqué aux femmes qu'un homme étranger à la famille n'a pas le droit de voir : haram, en français, est attesté (1559) au sens de « grand péché », mais ce sens n'a pas vécu.
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Harem désigne, dans la civilisation musulmane, l'appartement des femmes, interdit aux hommes ; le mot a longtemps été confondu avec sérail (Cf. les Lettres persanes de Montesquieu). Harem se dit par métonymie (1661) de l'ensemble des femmes d'un harem. Par extension (déb. XXe s.) harem se dit par plaisanterie d'un groupe de femmes entourant un homme.
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HARENG n. m. est issu (XIIe s.) du francique °hâring, nom d'un poisson de mer, restitué d'après l'ancien néerlandais et l'ancien haut allemand harinc (aringus en bas latin).
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Le mot s'emploie dans plusieurs locutions : être serrés comme des harengs (av. 1850, Balzac ; Cf. comme des sardines), sec, maigre comme un hareng saur (XIXe s.). Hareng (saur) a eu (1876) le sens, abandonné après 1930, de « gendarme », par métaphore portant sur la raideur (Cf. inversement gendarme pour hareng saur depuis le XVIe s.) et la couleur dorée des galons.
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Peau d'hareng (1919 dans Dorgelès) est l'une des innombrables désignations péjoratives formées avec peau.
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Hareng, par assimilation à maquereau, désignation ancienne du souteneur, s'emploie depuis les années 1900 pour « proxénète ».
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Au sens de « vendeuse de poissons »,
HARENGÈRE n. f. (1226,
haranchiere) est sorti d'usage ; le mot demeure avec la valeur figurée (1618) de « femme grossière, criarde », par allusion aux cris de la marchande et en relation avec les usages et le langage des
halles* (Cf. poissarde).
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Plusieurs dérivés de hareng sont des termes techniques.
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HARENGEAISON n. f. « pêche au hareng » (1690) et HARENGAISON (1615 ; anciennement harengueson, 1357, et harenghison, 1262) sont des quasi-synonymes.
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HARENGUIER n. m. (XIXe s.) « bateau pour la pêche aux harengs », a pour synonyme HARENGUEUX n. m. (1877), aussi « pêcheur de harengs ».
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HARENGUIÈRE n. f. (1727) « filet pour la pêche aux harengs », a lui aussi un équivalent sémantique, HARENGADE n. f. (1834).
HARFANG n. m. est un emprunt à un mot suédois (1791) désignant un rapace nocturne, autrement appelé chouette blanche.
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HARGNE n. f., d'abord sous la forme herne (v. 1265), est le déverbal d'un ancien verbe hargner, hergner « se plaindre, quereller », attesté seulement en 1426. Ce verbe est d'origine incertaine. Il serait issu d'un ancien francique °harmjan « insulter », restitué d'après l'ancien haut allemand harmjan « insulter, tourmenter », le groupe -rmj- se transformant phonétiquement en -nrj-. Selon P. Guiraud, hergner serait plutôt un doublet de hericer, hericier, dialectalement hercier, issu d'un gallo-roman °hericiniare, dérivé du latin hericinus « de hérisson » (→ hérisser), ce que confirmerait l'existence des formes heregner, haregner, harigner « quereller » ; il y aurait peut-être eu une influence de harer « exciter les chiens en criant » (→ haro). Mais aucune hypothèse n'est sûre.
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L'ancien français hargne disparaît en même temps que le verbe (v. mil. XVe s. ?). C'est à partir de hargneux, adjectif (voir ci-dessous), qui s'était maintenu, que le substantif s'est reformé avec le sens de « dispute », vivant au XVIe s., et encore attesté aujourd'hui dans des dialectes, à côté du sens d'« averse ». Le mot connaît une nouvelle éclipse — Rousseau, vers 1770, emploie hargnerie pour « querelle » — et ne réapparaît que vers la fin du XIXe s. (attesté 1899) au sens de « mauvaise humeur se manifestant par un comportement agressif », valeur liée à l'adjectif.
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HARGNEUX, EUSE adj., dérivé du verbe au sens de « qui est d'une humeur agressive », est employé depuis le
XIIe s. (v. 1160,
hergnos) ; la forme moderne apparaît à la fin du
XIVe s. (v. 1393) comme nom masculin, l'adjectif au
XVIe s. (1572,
paroles hargneuses).
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L'adverbe HARGNEUSEMENT est formé au XIXe s. (1876, A. Daudet).