G
HÉRON n. m., réfection (1320) des formes hairon (v. 1150), heiron (v. 1175), est issu du francique °haigro restitué par l'ancien haut allemand heigir et le moyen néerlandais heger ; hairo est attestée en latin médiéval (XIe s.). La forme aigron a donné aigrette*.
❏
Le mot désigne un grand oiseau échassier à long bec.
❏
Héron a fourni plusieurs dérivés.
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HÉRONNIER, IÈRE adj. qualifie un faucon dressé pour la chasse au héron (av. 1188, faucon haironnier) et s'employait à propos d'humains, avec la valeur de « maigre et long » (1532, cuisse heronniere).
■
HÉRONNIÈRE n. f. désigne un endroit aménagé pour l'élevage des hérons (1304, haironniere) et le lieu où les hérons font leur nid.
■
HÉRONNEAU n. m. « jeune héron » (1542) est d'emploi rare.
HÉROS n. m., HÉROÏNE n. f. est un emprunt (Oresme, 1370-1374) au latin classique heros « demi-dieu », « homme de grande valeur », du grec hêrôs « chef », désignant les chefs militaires de la guerre de Troie comme Ulysse ou Agamemnon, puis, avec une signification religieuse, « demi-dieu » et « homme élevé au rang de demi-dieu après sa mort ». Le mot était sans doute un terme de respect et de politesse.
◆
Héroïne est emprunté plus tardivement au latin heroine, du grec hêroinê, qui sert de féminin à hêrôs.
◆
Le mot est passé par emprunt dans de nombreuses langues indoeuropéennes (par ex. anglais hero, russe geroi).
❏
C'est avec le sens de « demi-dieu » que
héros est introduit, aujourd'hui en emploi didactique ;
héroïne est employé dans un contexte mythologique, au sens de « femme qui s'est distinguée par une grande action » (1578, chez Ronsard). La glorification des exploits militaires désacralise l'emploi du mot qui, comme en latin, prend le sens figuré d'« homme de grande valeur » (1555,
herôs, Ronsard), puis par extension d'« homme digne de l'estime publique, par son génie, sa force d'âme, etc. »
(être le héros de qqn). L'idée d'« homme au-dessus du commun » explique l'emploi au sens de « personnage principal dans une œuvre littéraire » (1651, Scarron), d'où vient par figure l'expression
un héros de roman pour parler d'une personne qui a vécu des aventures extraordinaires (1671) ;
héroïne, au sens de « personnage principal féminin (d'une œuvre) » est attesté dès 1554 (Ronsard). Ensuite, c'est l'idée de « personnage principal » qui est retenue avec
le héros d'une aventure, le héros de la fête (1734),
le héros du jour (1874, Mallarmé).
■
Héros s'emploie aussi (déb. XXe s.) au cinéma et dans toutes sortes de narrations (bande dessinée, télévision, etc.) Dans le domaine de la création littéraire, cinématographique est apparu le personnage qui n'a aucun des caractères du héros traditionnel, l'ANTIHÉROS n. m., de anti- (1940) ; ce mot n'a pas de féminin.
■
SUPERHÉROS n. m. (1968, in P. Gilbert), francisation et généralisation de la série de mots américains en super- dont le premier est superman (→ superman), s'applique aux héros surhumains des comic books américains.
❏
HÉROÏQUE adj. est un emprunt au latin
heroicus « relatif aux héros (de la mythologie) », « relatif à la poésie qui célèbre les héros », du grec
hêroikos, de
hêrôs.
■
Il a d'abord ces sens chez Oresme (1370-1372, heroÿque), d'où en particulier l'emploi comme terme de prosodie, vers héroïques désignant l'hexamètre des Grecs et des Latins, utilisé pour chanter les héros, et l'alexandrin français, plus rarement le décasyllabe (mil. XVIe s., Du Bellay) ; Oresme emploie aussi le mot comme nom masculin pour « personne exceptionnelle ». Du premier emploi vient la locution temps héroïques au sens d'« époque très reculée ».
◆
L'adjectif s'emploie ensuite avec la même extension que héros et s'applique à une caractéristique digne d'un héros (1381, eroyque), puis au XVIe s. à ce qui appartient à l'épopée (1572 ; Cf. au XVIIe s., l'héroïque « le genre héroïque »). Depuis le XVIIe s., il s'emploie pour « brave, courageux ». Par extension, le mot a été utilisé pour « énergique » en parlant d'un médicament (1800), puis d'une action (1866).
◆
L'adverbe dérivé HÉROÏQUEMENT est attesté en 1551 (Pontus de Tyard).
■
HÉROÏSER v. tr. s'emploie d'abord au sens de « diviniser » (1554, heroizer), à propos de l'Antiquité ; on trouve la forme pronominale se heroizer « se rendre héroïque » à la fin du XVIe s., puis le verbe est repris au XIXe s. au sens de « donner le caractère d'un héros » (v. 1840) ; de cet emploi vient au XXe s. le dérivé HÉROÏSATION n. f. (1936). HÉROÏCITÉ n. f., de héroïque, est un équivalent didactique (1716) de héroïsme.
◈
HÉROÏSME n. m. est dérivé au
XVIIe s. de
héros, d'après
héroïque, avec le sens de « force d'âme qui fait les héros » (1658). Il est rare avant le
XVIIIe siècle. Par extension, il désigne le caractère de ce qui est héroïque (1696).
◈
HÉROÏ-COMIQUE adj. est issu (1640) par haplologie de
°héroïco-comique (de
héroïco-, tiré du latin
heroicus, et de
comique) ; le mot se dit d'un genre littéraire qui tient de l'héroïque et du comique et s'apparente au burlesque. Par extension, l'adjectif s'applique (déb.
XXe s.) à un événement où se mêlent le cocasse et l'héroïque.
◈
HÉROÏDE n. f., terme didactique, est un emprunt (1512) au latin d'origine grecque
herois, -oidis « femme illustre », « demi-déesse » ; au pluriel, le mot latin est le titre d'un recueil élégiaque d'Ovide où le poète fait parler des héroïnes connues. Le mot désigne une épître élégiaque que l'auteur attribue à un héros ou à une héroïne célèbres.
❏ voir
2 HÉROÏNE.
HERPÈS n. m. est un emprunt (XIIIe s.) au latin impérial herpes, -etis « maladie de la peau », lui-même du grec herpês, -êtos « dartre », dérivé du verbe herpein « se traîner », « ramper », probablement parce que cette maladie a tendance à s'étendre. Herpein est lié au sanskrit sárpati « ramper, glisser », au latin serpere de même sens (→ serpent).
❏
L'herpès, affection cutanée, est une maladie dont l'origine virale a été établie en 1912 par Grüter.
❏
Du mot viennent des termes médicaux, HERPÉTIQUE adj. (1793), HERPÉTIFORME adj. (1875, de forme).
L
HERSE n. f. est issu (v. 1170, herce) du latin populaire °herpex, altération du latin classique hirpex, -icis « instrument aratoire », dérivé de hirpus, nom du loup en samnite (langue italique), à cause des dents de l'instrument ; l'h initial aspiré est sans doute d'origine expressive.
❏
Le mot conserve le sens latin, désignant un instrument d'abord à dents de bois, puis de fer ou d'acier, utilisé pour briser les mottes. Par analogie de forme (pointes fixées sur un bâti), le mot s'emploie dans des domaines très divers : herse se dit d'un grand chandelier d'église (1319, erche ; Cf. le latin médiéval hercia, v. 1070) puis, comme terme militaire, a désigné une grille mobile qui défendait l'accès d'une forteresse (1358-1359) ; ensuite le mot s'emploie comme terme technique, au sens de « cadre sur lequel on tend des peaux pour les sécher » (1501). À partir du XVIIIe s., il désigne une pièce de bois garnie de pointes pour barrer une route (1752), une tablette sur laquelle, au théâtre, on met des lampions pour éclairer la scène (1765 ; au XXe s., herse électrique) et une disposition de pièces de bois dans une charpente (1782).
◆
Au XXe s. enfin, le mot se dit d'une grille qui, placée en travers d'un cours d'eau, arrête les corps flottants.
❏
Le dérivé HERSER v. tr. (1174-1187, (h)ercier ; XVIe s., herser) et ses variantes dialectales harser, hercher (→ harceler, hercher) ne s'emploient qu'en agriculture, comme ses dérivés HERSAGE n. m. (fin XIIIe s., isolément herchage ; puis 1704), HERSEUR, EUSE n. et adj. (1549 ; 1174-1187, erceeur) « qui herse » (rouleau herseur) et HERSEUSE n. f. « herse mécanique » ; ce dernier est aussi un terme de zoologie (adj., 1878, araignée herseuse), désignant une araignée dont les pattes sont munies d'une espèce de brosse.
❏ voir
HARCELER.
HERTZIEN, IENNE adj. est formé sur le nom du physicien Hertz à la fin du XIXe s. (attesté 1892).
❏
Le mot pour « relatif aux ondes électromagnétiques », a dû son succès au développement de la télégraphie* sans fil (→ radio).
HÉSITER v. intr. et tr. ind., réfection (v. 1535) de hecyter (1406), représente un emprunt au latin haesitare « être embarrassé, empêché », « éprouver une gêne, bégayer », dérivé de haerere « être fixé à, accroché », d'où « être arrêté, ne pas avancer », puis « être embarrassé ou perplexe », verbe qui a été rapproché du lituanien gaištù « hésiter », « temporiser ».
❏
Le verbe français est introduit avec le sens général d'« être dans un état d'incertitude qui suspend l'action », en emploi intransitif (au sens d'« hésiter en parlant », 1611) et transitif indirect : hésiter entre (1653), hésiter sur (1670), hésiter à suivi de l'infinitif (1690), hésiter de suivi de l'infinitif (fin XVIIe s.), construction sortie d'usage, puis hésiter si (et indicatif ou conditionnel), au XIXe siècle. Hésiter en construction intransitive signifie également « marquer de l'indécision par un temps d'arrêt » (1636).
❏
HÉSITANT, ANTE adj., participe présent du verbe, « qui hésite » (1829, à propos de personnes), s'emploie par extension en parlant de choses aux sens de « qui n'est pas caractérisé » (1862,
une réponse hésitante) et de « qui exprime l'hésitation » (1866,
une démarche hésitante).
◈
HÉSITATION n. f., attesté à la fin du
XIIIe s. (
esitation ; forme moderne au
XVe s.), est emprunté au dérivé latin
haesitatio « incertitude », « embarras de langue », dont il conserve les sens (1595, pour « temps d'arrêt dans l'élocution »).
HESPÉRIDES adj. et n. f. pl. est un emprunt (1798) au latin hesperides, hellénisme, nom de trois nymphes, filles d'Atlas et d'Hespéris, qui habitaient un jardin situé à l'Extrême-Occident et dont les arbres portaient des pommes (« fruits ») d'or.
❏
Le mot s'est d'abord employé en français dans pommes hespérides dans un contexte mythologique ; il reste pour désigner (1848) le jardin des Hespérides et, par métaphore, ce qui est d'accès difficile ou interdit et rempli de choses précieuses.
HÉTAÏRE n. f. est un emprunt (1799, hetaire) au grec hetaira « compagne, amie » et, spécialement, « maîtresse, courtisane » (opposé à la femme légitime et à la prostituée), féminin de hetairos « compagnon » (→ hétairie).
❏
Le mot se dit d'abord, en parlant de l'Antiquité grecque, d'une courtisane d'un rang social élevé puis, par extension littéraire, d'une femme vénale (1859, hétaïre, Th. de Banville). La forme hétère, seule admise par Littré, n'est plus en usage.
❏
Le dérivé HÉTAÏRISME n. m. (1981 ; 1874, hétairisme), « condition des hétaïres », est un terme didactique rare.
HÉTAIRIE ou HÉTÉRIE n. f. est emprunté (1834, hétairie ; 1866, hétérie) au latin impérial hetaeria « confrérie, association », du grec hetaireia « association d'amis » et, spécialement à Athènes, « association politique », dérivé de hetairos « compagnon » (→ hétaïre).
❏
Terme didactique, hétairie désigne, en parlant de l'Antiquité grecque, une association secrète à caractère politique, puis (XIXe s.) une société politique ou littéraire, en parlant de la Grèce moderne.
HÉTER-, HÉTÉRO-, élément tiré du grec heteros « autre », entre dans la composition de très nombreux mots savants (termes de médecine, biologie, botanique, etc.) contenant l'idée d'une différence de forme, de nature, de provenance, etc., entre des individus, des espèces, des éléments, souvent en opposition avec homo-*.
❏
On peut citer :
HÉTÉROMORPHE adj., de
-morphe, « qui a plusieurs formes », mot employé en zoologie (1816), en biologie (1832), en minéralogie (1917).
■
HÉTÉROMÈRE adj. (1839), du grec meros « partie » ; aussi n. m. pl. « groupe de coléoptères comprenant ceux qui possèdent cinq articles aux deux premières paires de tarses et quatre seulement aux tarses postérieurs ».
■
Citons encore HÉTÉROGAMIE n. f. (1842), de -gamie.
■
HÉTÉRODONTE adj. (1846), de -odonte « dent » (1877 en anglais, Encyclopédie britannique) ; aussi les HÉTÉRODONTES n. m. pl., d'où HÉTÉRODONTIE n. f. (1969).
■
HÉTÉROLOGUE adj. (1853), du grec logos « rapport », est beaucoup plus rare que homologue.
■
HÉTÉRONYME adj. (1866 en biologie), de -onyme, du grec onoma « nom », signifie notamment en linguistique (XXe s.) « qui n'a pas le même nom », et, comme nom masculin, désigne l'équivalent d'un mot dans une autre langue (heteronymeus en anglais, 1734 ; Cf. homonyme).
■
HÉTÉROCHROME adj. (1873), de -chrome, du grec khrôma « couleur », d'où HÉTÉROCHROMIE n. f. (1896).
■
HÉTÉRODYNE n. f. et adj. (d'un récepteur de radio) est emprunté (déb. XXe s.) à un terme allemand créé par Fessenden (av. 1908).
◆
De là le préfixé SUPERHÉTÉRODYNE adj. (1932 dans les dictionnaires), d'après l'anglais (1922, Armstrong), qualifiant un récepteur de radio muni d'un changeur de fréquence.
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On peut encore citer HÉTÉROTROPHE adj. (1905), de -trophe, d'où HÉTÉROTROPHIE n. f. (mil. XXe s.) ; HÉTÉROCHRONE adj. (XXe s.), de -chrone « temps » ; HÉTÉROPLOÏDE adj., formé en allemand heteroploid, (Winkler 1916), de (ha)ploïde, d'après diploïde ; HÉTÉROCENTRIQUE adj. (1948), de centre, d'après anthropocentrique, géocentrique, etc.
❏ voir
HÉTÉROCLITE, HÉTÉROGÈNE, HÉTÉRODOXE (à ORTHODOXE), HÉTÉROSEXUEL (à SEXE), HÉTÉROZYGOTE (à ZYGOMA).
HÉTÉROCLITE adj. apparaît d'abord (v. 1440) sous la forme réduite etroclite « étrange » puis (1549) comme terme de grammaire, écrit hetheroclite. C'est un emprunt au latin des grammairiens heteroclitus « irrégulier, qui a une forme irrégulière », lui-même du grec heteroklitos « dont la déclinaison procède de thèmes différents », composé de heteros (→ hétéro-) et de klinein « incliner », « coucher », qui se rattache à une racine indoeuropéenne °klei- « incliner », « pencher ».
❏
Hétéroclite est d'un emploi didactique dans le sens grammatical qu'il a conservé du grec (mot hétéroclite).
◆
Il s'est dit au figuré (XVe s.) de ce qui s'écarte d'une norme, se comporte d'une façon singulière, notamment (déb. XVIIe s. ; v. 1440, etroclite) en parlant d'une personne, de son comportement. Le mot, appliqué aux arts, qualifie par extension une œuvre constituée de styles ou de genres différents, d'où le sens courant de « qui est constitué d'éléments de nature, de provenance, etc., différents ».
❏
Du sens étymologique d'
hétéroclite dérive le terme de linguistique
HÉTÉROCLISIE n. f. (
XXe s.).
■
Des autres emplois dérive un mot didactique et rare, HÉTÉROCLISME n. m. (mil. XXe s. ; 1835, hétéroclitisme). HÉTÉROCLITEMENT adv. a été employé par Gautier (1863).
◆
Cette série n'a pas d'opposé en homo-.
HÉTÉROGÈNE adj., d'abord écrit eterogenée au féminin (v. 1370), forme en usage jusqu'au XVIe s., puis hétérogène (1657-1658), est un mot emprunté au latin scolastique heterogeneus, lui-même au grec heterogenês « d'un autre genre, d'une autre espèce », employé par exemple chez Aristote, à propos des noms qui changent de genre au pluriel, composé de heteros (→ hétéro-) et de -genês, de genos « genre » (→ -gène).
❏
Hétérogène est d'abord attesté, au XIVe s., avec le sens aujourd'hui archaïque de « qui est de nature différente » ; il s'oppose à homogène. Au XVIIe s., le mot se dit au propre de ce qui est composé d'éléments de nature différente, dissemblables (1690 ; corps hétérogène), puis au figuré à la fin du XVIIIe s. (1798), par ex. dans nation hétérogène, y compris en parlant d'une seule entité (notion, concept hétérogène). Il s'est aussi employé en grammaire au sens étymologique (1866, substantif hétérogène).
❏
HÉTÉROGÉNÉITÉ n. f., emprunté (1586) au latin scolastique heterogeneitas, a été formé d'après homogénéité (suffixe -ité).
◆
HÉTÉROGÉNIE n. f. (1837), didactique, désigne une origine multiple.
G
HÊTRE n. m., d'abord sous la forme hestre (v. 1220), est un mot issu du francique °haistr (Cf. néerlandais heester), dérivé, à l'aide du suffixe -tr servant à former des noms d'arbres, du radical de °haisi « buisson, fourré » ; ce dernier terme, entré en gallo-roman sous la forme °hasia, a donné en ancien français haise n. f. « clôture de branches entrelacées » et haizier. °Haistr s'est romanisé plus tard que °haisi, ce qui explique le passage de ai à e. Hêtre a longtemps coexisté avec l'ancien français fou, issu du latin fagus (Cf. encore, régionalement, fau, fayard, fouet), qui désignait les grands arbres de l'espèce destinés à la reproduction.
❏
Hêtre était le nom donné aux jeunes troncs de cette espèce coupés régulièrement et qui repoussaient sur les souches. Cette distinction s'est perdue par la suite et hêtre, éliminant fou (lui-même abandonné par conflits homonymiques), a désigné finalement l'arbre adulte (1301) et, par métonymie, le bois de cet arbre.
❏
En dérive HÊTRAIE n. f. (1701) qui s'est parfois écrit hêtrée.
HEU interj. et n. m., onomatopée attestée au XVe s., marque l'embarras, le doute, etc., comme la variante euh (1708) autrefois employée pour exprimer la contrariété (1662, Molière).
L +
HEUR n. m. apparaît d'abord sous les formes oür, aür (v. 1121), puis eür (v. 1170) avant d'être attesté sous la forme actuelle, en 1306. Le mot est issu par évolution phonétique normale du latin impérial agurium, altération du latin classique augurium « présage (favorable ou non) », d'où « chance, bonne ou mauvaise » et plus spécialement « bonne chance » ; ce mot appartient à la famille du verbe augere « s'accroître », qui se rattache à une racine indoeuropéenne °aweg- (→ augure). À la suite d'un glissement de sens qui s'explique par le recul des croyances païennes, le mot a pris les sens de « sort, condition, destinée ».
❏
C'est cette acception qui apparaît en ancien français dans le syntagme bon oür « fatalité heureuse, chance » (v. 1121), puis en emploi absolu (v. 1190), et demeure au XVIIe s. (chez Corneille, Molière) ; regretté par La Bruyère, heur vieillissait après 1660-1670 et est considéré comme « bas » et « peu usité » par Richelet (1680). Le mot ne subsiste aujourd'hui que dans la locution avoir l'heur de plaire à qqn, alors que ses dérivés et composés sont bien vivants.
❏
HEUREUX, EUSE adj. et n. m., dérivé de
heur « chance », a dès ses premiers emplois le sens général de « qui a ou marque du bonheur ». Le mot signifie d'abord « qui bénéficie d'un destin favorable » (fin
XIIe s.,
euros), d'où la locution
un heureux mortel et des constructions comme
être (bien) heureux de, s'estimer heureux de, que... Depuis le début du
XIIIe s., l'adjectif s'emploie, toujours en parlant de personnes, au sens de « qui connaît le bonheur », par exemple dans
il a tout pour être heureux ou en exclamation
heureux celui qui... ! (1558) ; au cours du
XIIIe s., il se dit
(choses aurouses) pour « favorable, avantageux ». L'adjectif a pris ensuite par extension le sens de « marqué par le bonheur », « où règne le bonheur » (1558,
heureuse vye).
◆
Ce n'est qu'au
XVIIe s. que l'emploi d'
heureux comme substantif masculin (le féminin n'est pas usité) est attesté, au pluriel (1654), d'où
les heureux de ce monde (1673),
faire des heureux (1701) ; le singulier semble beaucoup plus récent (
faire un heureux, 1900).
◆
Du sens de « favorable » viennent par extension la valeur de « qui est signe ou promesse de succès » (1669 ;
un heureux présage), la locution
avoir la main heureuse (1690, d'abord au jeu puis au figuré) et l'emploi impersonnel (
c'est heureux pour vous). C'est aussi à l'époque classique que l'adjectif est employé pour « qui marque une disposition favorable, remarquable en son genre » (1674,
un heureux caractère), spécialement dans un contexte esthétique
(une inspiration heureuse).
◆
L'adverbe
HEUREUSEMENT s'emploie d'abord (1351) pour « par une fatalité favorable ». Au
XVIe s., le mot prend les sens de « avec du bonheur, dans le bonheur », aujourd'hui tombé en désuétude (1557), et de « d'une manière réussie », spécialement dans un contexte esthétique (1560-1561). L'emploi, le plus courant aujourd'hui, « par bonheur », est attesté en 1756 ; l'adverbe dans ce cas est généralement en tête de la proposition et est détaché par la ponctuation ; de là viennent
heureusement que « il est heureux que » (1784) et
heureusement pour (moi, toi, etc.) [
XIXe s.].
■
HEUREUSETÉ n. f. (déb. XVIIe s.) « qualité, état de ce qui est heureux », encore dans Littré, n'est plus en usage.
◈
L'adjectif composé
BIENHEUREUX, EUSE, formé avec
bien comme
bonheur l'est avec
bon, est la réfection (v. 1190) du très ancien français
boneüré, bueneüré (874) puis
bieneüré (v. 1160) aux sens de « qui jouit d'un bonheur parfait » et, en parlant de choses, « qui donne la félicité », devenus tous deux d'emploi littéraire. Le mot se dit aussi, dans le vocabulaire religieux, pour « qui jouit de la béatitude », d'où par extension « qui a été béatifié par l'Église » avec un emploi comme nom masculin, d'abord au pluriel,
les bienheureux (1690).
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L'adverbe dérivé BIENHEUREUSEMENT (XIIe s., attestation isolée, puis 1557) a conservé son emploi dans le vocabulaire religieux ; il est rare au sens profane de « avec plaisir ».
◈
BONHEUR n. m., formé avec l'adjectif
1 bon, est attesté vers 1121 au sens de « chance, fatalité heureuse », d'où
avoir du bonheur « être favorisé » et la locution verbale usuelle
porter bonheur « porter chance ». La locution adverbiale
par bonheur « par chance » est attestée en 1668 (La Fontaine).
Bonheur (le bonheur) au sens d'« état de la conscience pleinement satisfaite » (
XVe s.) s'emploie aussi dans un contexte politique
(le bonheur des hommes) et religieux
(le bonheur éternel) ; par extension, le mot se dit pour « ce qui rend heureux »
(Cf. le proverbe l'argent ne fait pas le bonheur). L'expression
c'est (rien) que du bonheur, répandue en France par une émission de « téléréalité » en 2001, a envahi la publicité et la langue familière, grâce aux médias, pour souligner le plaisir, l'agrément procuré par un produit, une activité. Elle a pu irriter par sa répétition.
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Le composé BONHEUR-DU-JOUR n. m. (v. 1760, écrit sans traits d'union) désigne un petit bureau de facture très soignée, souvent en bois précieux. Le nom du meuble est probablement lié à la grande vogue qu'il connut au XVIIIe s., mais aussi à la position qu'il occupait, généralement près d'une fenêtre, ou entre deux fenêtres, et ainsi éclairé par la lumière du jour.
◈
MALHEUR n. m. apparaît d'abord (1174) dans la locution
a mal eür « de façon funeste » et sous la forme
mal eûr (1200), pour « coup funeste du sort ». Sous la graphie moderne
malheur (av. 1526), le mot se dit d'un événement qui affecte péniblement. Il donne lieu à un proverbe (1569) :
à quelque chose malheur est bon, et à quelques expressions attestées à partir du
XIXe s. :
avoir des malheurs (1834) est employé par ironie pour parler d'ennuis et au sens affaibli d'« événement regrettable »
(Cf. c'est un petit malheur) ; faire un malheur, d'emploi familier (1867), signifie « faire un éclat qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses » ; l'expression, apparue en argot du spectacle (par allusion aux manifestations de la salle et par antiphrase), se dit couramment pour « remporter un énorme succès ».
◆
Malheur (
le malheur, 1529) se dit pour « situation pénible, douloureuse », dans laquelle on voit souvent l'action du mauvais sort ; de là vient le sens de « mauvaise chance ». De ces emplois sont issues les expressions et locutions
porter malheur (1632),
malheur à et pronom complément
(lui, toi...) [1660],
pour mon malheur (1670),
de malheur « maudit » (
ce X de malheur ; attesté en 1661), et l'interjection
malheur ! pour exprimer le désespoir, le désappointement, etc. ; cette interjection, dans le midi de la France, s'emploie aussi par affaiblissement pour exprimer la surprise, l'admiration, etc.
■
Le dérivé MALHEUREUX, EUSE adj. et n. a d'abord le sens d'« accablé de malheur » (1155, adj. ; 1176-1181, n.) ; par extension, le mot s'emploie pour « digne de commisération » (1176-1181, n. et adj.), d'où spécialement « pauvre, misérable ».
◆
Depuis le XVe s., malheureux signifie « qui a une issue fâcheuse », d'où une entreprise malheureuse (1680), puis « qui ne réussit pas » (des personnes) ; cet usage est illustré par le proverbe malheureux au jeu, heureux en amour. Mari malheureux correspond à « mari trompé ». L'expression avoir la main malheureuse signifie « casser tout ce que l'on touche » et, au figuré, « faire un mauvais choix ». Au XVIe s., malheureux prend le sens de « funeste » (1558, Du Bellay) et, par affaiblissement, « regrettable » (1567).
◆
Au XVIIe s., à partir du sens de « pitoyable », l'adjectif s'est employé pour « méprisable, méchant » (1656, Pascal) et en exclamatif pour exprimer la colère, l'indignation (1672, Racine) ; ces valeurs subsistent régionalement. Du sens affaibli vient celui de « sans importance », relevé par Furetière (1690).
◆
L'adverbe MALHEUREUSEMENT, rare aujourd'hui au sens de « d'une manière fâcheuse » (1379), s'emploie couramment au sens de « par malheur » (1687).
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PORTE-BONHEUR n. m., attesté isolément en 1706, d'usage normal à partir des années 1840, désigne un objet considéré comme porteur de chance, qui peut être une amulette, un fétiche ou simplement un petit bijou représentant un objet censé porter chance (trèfle à quatre feuilles, main de fatma, etc.).
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Plus ancien, PORTE-MALHEUR n. m. (1604), « chose ou personne censée porter malheur », est sorti d'usage.
L
HEURE n. f., attesté sous les formes ure (v. 1050), ore (1130-1140), puis heure avec le rétablissement du h étymologique (v. 1150), est issu du latin hora « unité de mesure du temps (pour distinguer un point dans le temps ou une durée) », lui-même emprunté au grec hôra, qui désigne une période définie du temps considérée dans son retour cyclique, saison ou moment de la journée, et, plus spécialement, le moment propice ou habituel pour une action, heure du repas, du coucher, âge du mariage, etc.
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En français,
heure conserve les deux sens généraux du latin ; la plupart des locutions où entrent le mot apparaissent avant le
XVIIe siècle.
Heure est attesté vers 1050 au sens de « point situé dans le temps, moment », puis spécialement (1130-1140) de « moment de la journée » ; au milieu du
XIIe s.,
heure désigne une unité de durée (v. 1150,
en si poi d'ure « en si peu de temps »).
Du sens de « moment », devenu relativement rare en emploi libre, viennent de nombreuses locutions et plusieurs acceptions. Dans la première moitié du XIIe s., on relève tutes ures « à tout moment », aujourd'hui à toute heure ; de bone heure signifie (v. 1050), sans doute sous l'influence de heur (→ heur), « à un moment favorable » ; la locution devient a bone hore (fin XIIe s.) puis, à la fin du XIVe s., à la bonne heure « à propos », à quoi s'oppose, encore en usage à l'époque classique, à la male heure ; à la bonne heure a signifié aussi au XVIIe s. « promptement ».
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Depuis la seconde moitié du XIIe s. sont attestées diverses acceptions : « moment de la journée prévu pour une activité particulière » (1160-1174), « moment où a lieu une activité d'heure régulière » (1172-1175, ore de souper), d'où à la première heure « très tôt » et, au figuré (XXe s.), les combattants de la première heure, de (la) dernière heure (nouvelles de dernière heure, 1911), et la locution à ses heures « à certains moments ».
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De là également vient la valeur spéciale de heures, au pluriel, « prières dites à heures régulières » (1174-1176), d'où livre d'heures « de prières » (v. 1250), conservé dans les Riches Heures...
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A ore « tout de suite » (1171-1181) devient en l'ore (v. 1210), la locution moderne sur l'heure étant attestée en 1540, mais à l'heure dans ce sens archaïque est encore utilisé au XVIIe siècle. Dans la seconde moitié du XIIIe s., on relève de bele heure au sens de « tôt », devenu de bonne heure au XVIe s. (1539), aussi à bonne heure dans certaines régions, avec ce sens et pour « avant l'époque habituelle » (1691).
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La locution d'heure en heure signifie d'abord (v. 1260) « d'un instant à l'autre », puis (1288) « toutes les heures ». Par ailleurs, le mot entre dans la locution pour l'heure au sens d'« à ce moment-là » (fin du XIVe s.), puis « dans le moment présent » (mil. XVe s.) ; on relève également (v. 1450) l'heure (de qqn) pour « les derniers moments, l'heure de la mort » (son heure a sonné ; mourir avant l'heure, 1580) et ensuite pour « moment de la vie » (avoir son heure de gloire).
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Plus tard, le mot entre dans les locutions l'heure actuelle (1803) ou l'heure (les problèmes de l'heure), l'heure H (expression de la guerre de 14-18 [attestée en 1917], comme jour J.).
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Heure, « indication exacte du moment de la journée », est attesté en 1505 (donner l'heure), d'où (1580) à l'heure convenue, fixée, dite... et prendre heure « convenir d'une heure », devenu archaïque. Puis le mot est employé pour indiquer un moment précis : il est trois heures sonnant (1690), battant ou battantes (1856), tapant (XXe s.). Dans ce sens on dit demander l'heure, avoir l'heure. Je te demande pas l'heure qu'il est (attesté en 1916) correspond à un rejet : « occupe-toi de tes affaires ».
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Le moment exact indiqué par une mesure est nommé au XIXe s. heure légale, en France celle du méridien de Greenwich avancée d'une heure (1866). On dit au Québec, heure normale, et heure avancée là où on emploie en France heure d'été. Dans le décompte, les heures de 1 à 11 de la première moitié du jour sont précisées en ajoutant du matin, celles de la seconde en ajoutant de l'après-midi ou du soir. Le décompte numérique s'est répandu dans l'usage avec la diffusion des montres à quartz et des horloges à affichage numérique, et l'on dit couramment aujourd'hui il est deux heures quarante au lieu de il est trois heures moins vingt ou quatorze heures quinze au lieu de deux heures un quart (→ demi, quart).
C'est au XVIe s. qu'on trouve (tout) a ceste heure pour « tout de suite, maintenant, à l'instant où » (1549), aujourd'hui sorti d'usage ; la locution modifiée en tout à l'heure (Cf. tout à coup) garde ce sens encore chez La Fontaine, puis marque un passé proche (1647, « il y a un instant ») et un futur proche (1694, « dans un moment »). Heure, pour désigner le chiffre qui indique le temps présent sur une horloge, n'est attesté qu'en 1751. Dans les dernières décennies du XXe s., à pas d'heure (à point d'heure, 1923 à Mâcon), s'emploie pour « très tard, à une heure si tardive qu'on ne la dit pas ».
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La phraséologie varie selon les régions de la francophonie. À quelle heure est-il ?, il est telle heure du français d'Europe, s'ajoute quelle heure fait-il ?, il fait telle heure en français d'Afrique. Heure de midi se dit en Belgique, alors qu'en Afrique, dans les heures de midi s'emploie pour « entre midi et quatorze heures ».
À partir du sens d'« unité de durée »,
heure signifie au
XIIe s. « division — un douzième — du jour » (1160-1174) et par extension se dit pour « temps » (1176-1181,
ore passe). Depuis le
XVIIe s., le mot s'emploie pour désigner cette division du temps mesurant une activité (1662, Pascal,
une heure de peine), et spécialement un temps de travail :
par heure (1694) puis
à l'heure (1740) ; de là vient la locution familière
s'embêter à cent sous (de) l'heure (1878), et des syntagmes comme
heure supplémentaire (1870).
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Heure s'emploie dès l'époque classique pour exprimer une durée longue égalant ou dépassant l'heure et opposée aux petites durées que sont la minute et la seconde (1669), d'où
une bonne heure, une grande heure (1862).
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Le mot est également utilisé comme unité de mesure d'un trajet (1690 ;
être à deux heures [d'un lieu]) ; de cet emploi viennent ensuite les locutions
faire tant de kilomètres à l'heure (1886),
battre le record de l'heure (1909).
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Au même sens se rattachent les emplois en composition, -HEURE, comme second élément (ampère-heure, kilomètre-heure, kilowatt-heure) ou premier élément (heure-machine), entrant dans la formation de termes techniques. Voir aussi le schéma.
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Le composé DÉSHEURER v. tr., attesté au milieu du XVIIe s. au pronominal (Retz), n'est plus en usage au sens de « modifier ses heures habituelles » ; il signifie aujourd'hui (déb. XXe s.) « retarder (un train) par rapport à son horaire normal ».
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DÉSHEURÉ, ÉE adj. (XIXe s.) s'emploie dans horloge désheurée, puis (XXe s.) train désheuré.
❏ voir
HORAIRE, LURETTE.
HEURISTIQUE adj. et n. f. est un mot emprunté (av. 1845) à l'allemand heuristik, heuristisch (1750), adaptation du latin scientifique moderne heuristica (1734 en Allemagne), forme dérivée du grec heuristikê (tekhnê) « art de trouver », du verbe heuriskein « trouver », d'une racine indoeuropéenne °wer-.
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Le mot, parfois écrit euristique, est un terme didactique signifiant « qui a pour objet la découverte des faits », employé notamment dans le domaine philosophique (1845, adj., méthode heuristique « qui sert à la découverte ») et scientifique (1845, n. f., l'heuristique de la science), et par extension (XXe s.) dans d'autres domaines (pédagogie, histoire).