INCRUSTER v. tr. représente un emprunt savant (1555) au latin incrustare « couvrir d'une couche, d'un enduit, d'une croûte », de in- (→ 2 in-) et crustare « revêtir », ou dérivé de crusta « ce qui recouvre, revêtement », qui a abouti en français à croûte*.
❏  Le verbe est d'abord employé au sens de « couvrir d'un dépôt formant croûte », aujourd'hui technique, et d'où vient par extension la valeur d'« orner (qqch.) suivant un dessin gravé en creux » (1564, au participe passé). ◆  S'incruster v. pron. signifie (1564, A. Paré) « adhérer fortement à un corps » puis s'emploie par métaphore (1680, préjugés qui s'incrustent). Le verbe, par analogie (1694), correspond à « insérer dans une surface évidée (des matériaux d'ornement) ». ◆  S'incruster s'emploie ensuite (1820) pour « être incrusté » et par figure (1834, Balzac) pour « s'installer durablement » (s'incruster chez qqn).
❏  Du verbe dérive INCRUSTEUR, EUSE n. (1828), terme technique.
INCRUSTATION n. f., emprunt savant au bas latin incrustatio « revêtement (de marbre) », du supin de incrustare, désigne un ornement incrusté (1553) et l'action d'incruster (1690) ; le mot a rapidement remplacé incrustature, attesté en 1547. ◆  Il s'est employé pour désigner la plaque qui recouvre les extrémités des cornes d'un jeune bœuf (1600) et la formation des croûtes sur une plaie (1747). ◆  Terme technique, incrustation désigne le dépôt d'un enduit pierreux naturel (1752) et, en chirurgie dentaire (XXe s.), un bloc destiné à obturer une cavité dentaire (Cf. l'anglicisme inlay*). En télévision, le mot s'applique (v. 1980) à une image insérée dans l'image principale. De là, la forme abrégée INCRUSTE n. f., aussi déverbal de s'incruster « fait de s'installer en parasite » (1991), avec l'expression taper l'incruste « s'imposer chez quelqu'un » (glosée dans le journal le Monde, 8 déc. 1998).
INCUBATION n. f. est emprunté (1694) au bas latin incubatio « couvaison, incubation », du supin du latin classique incubare « être couché dans ou sur », « couvert » et au figuré « veiller jalousement sur », formé de in- (→ 2 in-) et de cubare « être étendu », « être couché » (→ couver, incomber).
❏  Incubation désigne l'action de couver les œufs, l'anglais incubation, de même origine, étant attesté plus tôt (1646). Il désigne par métonymie le développement de l'embryon dans l'œuf. ◆  Par analogie, le mot est repris en médecine (1824, Nysten), où il signifie « temps qui s'écoule entre l'introduction d'un germe infectieux dans l'organisme et l'apparition des premiers symptômes ». Par figure (1840, Sainte-Beuve), il désigne la période pendant laquelle une œuvre, un événement, etc. se prépare.
❏  INCUBER v. tr., d'emploi didactique, est emprunté (1771) au latin incubare pour servir de verbe à incubation.
■  INCUBATEUR, TRICE, dérivé savant de incuber, est employé comme adjectif (1847, organe incubateur ; 1877, appareil incubateur) et comme nom masculin (1906), spécialement au sens de « couveuse artificielle pour bébés prématurés », peut-être d'après l'anglais incubator (1896 en ce sens).
INCUBE n. m. représente un emprunt savant (1372) au bas latin incubus « cauchemar » et « satyre », dérivé du latin classique incubare (→ incuber). On trouve aussi la forme savante incubus pour « cauchemar » (1256).
❏  Terme de théologie, incube désigne un démon masculin, censé abuser des femmes durant leur sommeil (opposé à succube*). Le mot est attesté dans Richelet (1680) au sens de « lesbienne ».
❏  Le dérivé INCUBAT n. m. « nature de l'incube » est attesté isolément chez Huysmans (1891).
INCULPER v. tr. est un emprunt savant (1526) au bas latin inculpare « blâmer, accuser », formé de in- marquant le terme d'une action (→ 2 in-) et du latin classique culpare « blâmer », « regarder comme fautif », dérivé de culpa « faute », sans origine connue. Inculper a remplacé encouper (XIIe s.), aboutissement de inculpare et a éliminé la variante francisée encolper (1584).
❏  Inculper signifie d'abord « considérer (qqn) comme coupable d'une faute » ; sorti d'usage dans cet emploi, le verbe équivaut en droit (1810) à « mettre (qqn) sous le coup d'une imputation de crime ou de délit ».
❏  INCULPÉ, ÉE adj. et n., qui a signifié « accusé » en général (1611), est devenu un terme technique de droit (1810) distinct d'accusé. ◆  Le moyen français connaissait inculpé au sens d'« irréprochable, innocent », emprunt au latin classique inculpatus.
■  INCULPATION n. f., attesté isolément au XVIe s. et à nouveau au XVIIIe s. (1740, Lesage) au sens d'« action d'inculper », dérive de inculper ou est emprunté au dérivé bas latin inculpatio ; en droit pénal (1810), le mot désigne l'imputation officielle d'un crime ou d'un délit à un individu.
■  INCULPABLE adj. (1829) est rare en droit. On le trouve au XVIIIe s. (Rousseau), opposé à inculpé, en parlant d'un innocent.
INCULQUER v. tr., attesté en 1512 au participe passé, puis sous la forme inculcer en 1532 (Rabelais), est un emprunt savant au latin inculcare « fouler », d'où « faire pénétrer en tassant avec le pied », et par figure « inculquer », formé de in- (→ 2 in-) et de calcare « fouler, piétiner », dérivé de calx, calcis « talon », mot sans origine connue.
❏  Inculquer s'est introduit en français avec le sens figuré du latin, « faire entrer qqch. dans l'esprit de qqn de façon durable ».
■  Le verbe est attesté à la fin du XVIe s. au sens latin, « fouler » (1596) ; ce latinisme a rapidement disparu.
❏  Le nom d'action INCULCATION n. f., emprunté (1580, Montaigne) au dérivé latin inculcatio, est demeuré rare.
INCULTE adj. est un emprunt (fin XVe s.) au latin incultus « en friche » (d'une terre) et « non soigné, négligé », « sans éducation », de in- (→ 1 in) et cultus, formé sur cultum, supin de colere (→ cultiver, culture). Le verbe signifiait « habiter » et « cultiver », idées connexes dans une civilisation rurale, et a pris aussi le sens moral. Il se rattache à une racine indoeuropéenne °kwel- « tourner en rond », « se trouver habituellement dans », que l'on retrouve dans le grec kuklos « cercle » (→ cycle).
❏  Inculte est d'abord attesté au sens abstrait de « sans culture intellectuelle ». Il s'applique à partir du XVIe s. (av. 1520) à une terre non cultivée ; par analogie, il signifie (1838) « qui n'est pas soigné », en parlant de la barbe, des cheveux.
❏ voir CULTIVER, CULTURE.
INCUNABLE adj. et n. m. est un emprunt savant (1802, adj.) au latin incunabula, tiré de Incunabula typographiae, littéralement « les berceaux de la typographie », titre du catalogue des premiers ouvrages imprimés, publiés par Beughem à Amsterdam, en 1688. Le latin classique incunabula, nom neutre pluriel, signifie « langes, berceau, enfance » d'où « commencement » ; il est formé de in- intensif (→ 2 in-) et de cunabula « berceau » et « origine », nom d'instrument formé sur *cunare « bercer », de cunae n. f. pl. « berceau, première enfance », mot d'origine obscure.
❏  Incunable, didactique, qualifie un ouvrage qui date des premiers temps de l'imprimerie, avant 1501. L'adjectif est fréquemment substantivé (1838). ◆  Par extension, le mot s'emploie à propos d'une lithographie datant des premières réalisations de cette technique (1861, Goncourt).
INCURIE n. f. est un emprunt savant (1611 ; 1560, selon Bloch et Wartburg) au latin incura « défaut de soin », « négligence, insouciance », de in- (→ 1 in-) et cura « soin », « souci » (→ cure).
❏  Le nom conserve le sens du latin ; la construction l'incurie de (qqn) pour qqch. « le fait de ne pas s'en soucier » (XVIIe s.) n'est plus en usage.
INCURSION n. f. a été emprunté savamment (v. 1355, Bersuire) au latin incursio, -onis « chose contre », « attaque, invasion », de incursum, supin de incurrere « se jeter sur, faire irruption dans », formé de in- (→ 2 in-) et de currere « courir* ». Incurrere a abouti en français à encourir*.
❏  Incursion désigne un court séjour d'un envahisseur en pays ennemi (Cf. coup de main). Dans le genre burlesque de l'époque classique, il équivalait (1680) à « aventure amoureuse ». ◆  Il est employé par figure (1765) pour « fait de pénétrer momentanément dans un domaine qui n'est pas le sien » puis par analogie pour « entrée brusque » (1835). Dans tous ses emplois, le mot est du style soutenu.
❏  Jaurès emploie INCURSIONNER v. intr. au premier sens (1914), qui ne s'est pas maintenu ; on dit faire incursion (dans).
INCURVÉ, ÉE adj. est emprunté au XVIe s. (1551), postérieurement à incurvacion, au participe passé incurvatus du latin incurvare « courber, plier ». Ce verbe est formé de in- marquant le mouvement (→ 2 in-) et de curvare « courber* ». Incurvare avait donné en ancien français un verbe de même sens, encurver (v. 1120), qui fut éliminé par courber.
❏  C'est d'après incurvé qu'a été formé le verbe transitif moderne INCURVER (1838) « rendre courbe », souvent au pronominal (1885).
■  Il a pour dérivé INCURVABLE adj. (1838), didactique.
INCURVATION n. f., attesté à la fin du XIVe s. et au XVe s. sous la forme incurvacion, en 1585 sous la forme moderne, et repris au début du XIXe s. (1803), est emprunté au dérivé latin incurvatio « action d'incurver », « courbure ». Le mot conserve les sens du latin, dans des emplois didactiques.
INDAGUER v. intr. est un emprunt savant (1484) au latin classique indagare « suivre la piste (d'un animal), traquer, dépister », et au figuré « rechercher », « découvrir » ; le verbe est soit dérivé de indago, indaginis « action de pousser le gibier à l'intérieur d'une enceinte » puis « investigation, enquête » et en latin impérial « enceinte ; réseau (de chasseurs, etc.) », soit directement composé de indu-, variante ancienne de endo-, forme renforcée de in-, et de agere « pousser devant soi », « poursuivre, mener » (→ agir).
❏  Le verbe, introduit avec le sens étymologique de « rechercher », est sorti d'usage en France après le XVIe siècle. Il reste vivant en Belgique comme terme de droit, signifiant « mener une enquête judiciaire ».
INDÉCENT → DÉCENT
INDÉCHIFFRABLE → CHIFFRE
INDÉCIS, ISE adj. et n. a été emprunté en droit (1467) au bas latin indecisus « non tranché » (2e moitié du VIe s.), formé de in- (→ 1 in-) et decisus, participe passé de decidere « décider* », dérivé de caedere, caesus « tailler », « couper ».
❏  L'adjectif s'applique d'abord, dans le vocabulaire juridique, à une cause non jugée (1467, cause indécise). ◆  À partir du XVIIIe s., indécis s'applique par extension à une personne qui a peine à se décider (1718) et, par métonymie, s'emploie en parlant du comportement physique (un air indécis). Dans le premier de ces emplois, il est aussi substantivé (1747). ◆  Parallèlement, l'adjectif signifie « au sujet de quoi aucune décision n'est prise » (1730), puis (XVIIIe s., Buffon) « qu'il est difficile de distinguer, de reconnaître ».
❏  INDÉCISION n. f., dérivé d'après décision* (1611), désigne d'abord l'état de ce qui est indécis, rare (Cf. flou). Le mot prend au XVIIIe s. (av. 1742, Massillon) le sens courant de « manque de décision », « état d'une personne indécise ».
INDÉFECTIBLE adj. a été emprunté (1501) au latin médiéval indefectibilis « indestructible, éternel » (IXe s.), formé de in- (→ 1 in-) et du bas latin defectibilis « sujet à défaillir », dérivé du classique defectum, supin de deficere, defectus « se détacher de », « faire défaut » (→ défectif, déficient), dérivé de facere (→ faire) ; l'adjectif a pu être dérivé savamment de defectus.
❏  L'adjectif indéfectible s'applique d'abord à ce qui ne peut cesser d'être, à ce qui dure toujours, spécialement en théologie. Il s'emploie par extension au sens de « qui ne peut défaillir » (attesté 1860 ; 1923, mémoire indéfectible). Il est didactique ou littéraire et se dit surtout des sentiments, de l'attachement.
❏  INDÉFECTIBILITÉ n. f. (1677, Mme de Sévigné) est encore plus didactique ; on relève deffectibilité « défaut, manque » dès 1468.
■  INDÉFECTIBLEMENT adv. (1677, Retz) est lui aussi didactique ou littéraire ; le latin chrétien employait indefectibiliter adv. « sans défaillance » (Ve s.), puis en latin médiéval « avec constance » ; desfectiblement « de façon incomplète » est attesté en 1468.
INDÉFINI → DÉFINIR
INDÉLÉBILE adj. est emprunté (1528) au latin indelebilis « ineffaçable », « indestructible », de 1 in- et delebilis, dérivé de delere « effacer » et « détruire, raser » ; ce verbe est rattaché, comme abolere (→ abolir), à alere « nourrir », « faire grandir », dont le participe passé altus s'est spécialisé au sens de « haut » (→ haut). La forme adaptée indeleble (1551) s'est employée au XVIe siècle.
❏  Indélébile « qui ne peut s'effacer » est d'abord employé au figuré puis au propre (1541, Calvin). ◆  Ce mot est beaucoup plus courant que le simple DÉLÉBILE adj., emprunt plus tardif au latin (1819).
❏  Les dérivés INDÉLÉBILITÉ n. f. (1771) et INDÉLÉBILEMENT adv. (1775 ; 1551, indeleblement) sont très rares.
❏ voir DELEATUR.
+ INDEMNE adj. est la réfection savante (1525) de indampne (1384), indamne (1500), emprunt au latin classique indemnis « qui n'a pas subi de dommage », en latin médiéval (Xe s.) « exempt » ; indemnis est formé de in- (→ 1 in-) et de damnum « dommage », « perte », « dépense » (→ dam, damner). Ce terme de droit (« dommages et intérêts ») est issu d'une forme reconstituée °dap-no-m, apparenté à daps, dapis « sacrifice offert aux dieux », désignant à l'origine une compensation rituelle sans le caractère pécuniaire qui est dans poena (→ peine), plus tardif. Damnum a abouti en ancien français à dam*.
❏  L'adjectif a d'abord (1384) repris le sens du latin médiéval, se disant pour « exempt de toute redevance » encore au XVIe s. (1525). Il a qualifié ce qui ne cause aucun dommage (1509) et signifie ensuite (1500) « qui n'a pas subi de dommage », « sain et sauf » en parlant d'une personne et d'une chose intacte, sens devenu courant. Comme terme de droit, il a signifié « qui n'a pas éprouvé de perte, qui est dédommagé » (1549). ◆  Par figure, en emploi littéraire, il s'applique (1885, Zola) à qqn qui n'est pas atteint d'une influence jugée néfaste.
❏  INDEMNISER v. tr. est dérivé savamment de l'adjectif, d'après le latin indemnis ; le verbe est attesté isolément en 1465, repris au XVIe s. (1567), alors en concurrence avec indemner (1480), attesté jusqu'en 1637. ◆  Indemniser « dédommager (qqn) de ses pertes, de ses frais », etc. s'emploie aussi au figuré (XIXe s.).
■  En dérivent le nom d'action INDEMNISATION n. f. (1754) et le terme de droit administratif INDEMNISABLE adj. (1873 ; 1845 dans Richard de Radonvilliers, qui le propose comme néologisme utile).
INDEMNITÉ n. f. a été emprunté savamment (1369 ; 1278, endempnitat) au latin classique indemnitas « fait d'être préservé de tout dommage », qui a pris en latin médiéval le sens de « dédommagement ».
■  Le nom a d'abord le sens général de « compensation » et a désigné spécialement (1369) le droit payé au seigneur quand un fief tombe en main-morte. Il reste terme de droit (1549) au sens plus général de « ce qui est attribué à qqn en réparation d'un dommage », au début du XXe s. dans indemnité de guerre (1914, Maurras). ◆  À la fin du XVIIIe s., il est employé pour désigner le traitement annuel de chacun des membres du corps législatif et du Directoire (1795), d'où ensuite indemnité « émoluments d'un député » (1875), aujourd'hui indemnité parlementaire (déb. XXe s.), et le sens de « rétribution d'une fonction temporaire ou honorifique » (1850, Balzac). Par spécialisation du sens de « compensation », on relève (XXe s.) des syntagmes : indemnité de déplacement, de logement, etc.
■  Indemnité est attesté au XVIe s. pour « état de ce qui est indemne », mais cette acception a rapidement disparu.
■  Le dérivé INDEMNITAIRE n. (1832) et adj. (1874) est un terme de droit.
INDÉNIABLE → DÉNIER
INDÉPENDANCE → DÉPENDRE