INDUBITABLE adj., emprunt (XVe s., d'après le dérivé) au latin indubitabilis de dubitabilis « douteux » (→ dubitatif), de dubitare (→ douter).
❏
Employé pour « inéluctable » (attesté mil. XVIe s.), il a vieilli, alors que l'autre emploi pour « certain, indiscutable » est resté vivant. Le contraire dubitable est beaucoup plus rare.
❏
INDUBITABLEMENT adv. (1488) est plutôt didactique.
INDUIRE v. tr. représente la réfection (XIIIe s., selon Bloch et Wartburg ; puis 1355) de l'ancien français enduire « conduire, inciter », « amener à l'esprit » (v. 1285 ; → enduire), d'après le latin inducere « conduire dans, vers », « faire avancer », « déterminer à ». Ce verbe est un préfixé (→ 2 in-) de ducere, ductus « conduire », de la famille de dux, ducis « chef » (→ duc).
❏
Le verbe signifie d'abord « amener (qqn) à (qqch., faire qqch.) », sens vieilli qui reste présent dans la locution courante induire (qqn) en erreur.
◆
Induire est ensuite attesté (XIVe s. chez Oresme, selon Bloch et Wartburg ; puis 1530, Palsgrave) au sens de « tirer une conclusion », sous l'influence de induction (ci-dessous), terme de logique ; le latin médiéval connaît inducere en ce sens (v. 1300). — Au XIXe s., induire signifie en physique (1883) « produire les effets de l'induction », par reprise à l'anglais to induce (1777).
◆
Le verbe, comme induction, est devenu au XXe s. un terme de biologie, au sens de « déterminer l'induction », et d'économie (induire des profits).
❏
Des mots de la même série sont empruntés à
inductum, supin du verbe latin, ou à ses dérivés.
■
INDUCTION n. f., emprunt au latin inductio, -onis « action d'amener » et terme de logique, est d'abord attesté au sens de « suggestion » (1290) jusqu'au XVIe siècle. Le mot est employé ensuite en logique (1370-1372, induccion, Oresme), désignant l'opération mentale qui consiste à remonter des faits à la loi.
◆
En physique (1813), il semble emprunté à l'anglais induction (1801) pour désigner la transmission à distance d'énergie électrique, puis magnétique (anglais induction, 1855, Maxwell) par l'intermédiaire d'un aimant ou d'un courant. Puis, il se dit par analogie, en physique et en biologie (1924), du déclenchement d'un phénomène qui se produit avec un certain retard par rapport à la cause ; il s'emploie ainsi en embryologie (induction embryonnaire), en bactériologie (induction du bactériophage, 1950, Lwoff), en chirurgie (induction de l'anesthésie).
◆
SELF-INDUCTION n. f. fait partie d'une série d'anglicismes formés sur self* et sur un terme généralement d'origine latine. Créé par Maxwell (1865), il est attesté en français en 1881, et désigne, pour un courant électrique, la propriété de résister à un changement d'intensité.
◆
L'abréviation 1 SELF désigne ce phénomène (1881) et, par métonymie, la bobine de self (1894).
◈
INDUCTANCE n. f. est emprunté (1893) à l'anglais
inductance (1886), dérivé de
to induct « produire par induction », et désigne en électricité le quotient du flux créé par un courant, par l'intensité de ce courant. Il a pour composé
INDUCTANCEMÈTRE n. m. « appareil de mesure de l'inductance » (v. 1960).
◆
SELF-INDUCTANCE n. f. (1893) concerne le rapport entre le flux magnétique engendré par un circuit électrique et le courant qui parcourt ce circuit. Abrégé lui aussi en
2 SELF, il a donné le dérivé
SELFIQUE adj. (1925).
■
INDUCTEUR, TRICE adj. et n. a eu le sens (1624) de « personne qui induit à faire qqch. », par emprunt au bas latin inductor (de inductum). Le mot a été repris comme adjectif (inducteur, trice) au milieu du XIXe s. en sciences (1866), puis comme nom masculin (1873) à partir du radical de induction.
■
INDUCTIF, IVE adj., dérivé savant de inductum, a signifié (2e moitié du XIVe s.) « qui pousse à ».
◆
Le mot de logique « qui procède par induction » (1648), est repris au bas latin inductivus. En électricité (1832), c'est un calque de l'anglais inductive (1832, Faraday).
◆
INDUCTIVEMENT adv., terme de logique (1491) opposé à déductivement, puis de physique au sens de « par induction ».
■
INDUIT, UITE adj., du participe passé de induire, s'emploie en électricité (1861, courant induit) d'après l'anglais induced et, au XXe s., en biologie, en psychologie et en linguistique (1933). Il est substantivé en électricité (un induit, 1886).
❏ voir
DÉDUIRE.
INDULGENT, ENTE adj. et n. m. est un emprunt (1540, Marot) au latin classique indulgens, -entis « bon, complaisant, bienveillant », participe présent adjectivé de indulgere « être favorable à », d'où « se laisser aller à » puis en latin impérial « accorder par faveur, concéder » ; ce verbe est d'origine discutée.
❏
Indulgent apparaît au sens de « qui pardonne facilement », d'abord dans un contexte religieux ; être indulgent à qqch. a signifié (1580, Garnier) « se laisser aller facilement à ». Par métonymie, l'adjectif s'applique à ce qui marque l'indulgence.
◆
Les indulgents (1794) désignait les partisans de Danton et de C. Desmoulins qui voulaient arrêter la Terreur.
❏
Le dérivé
INDULGEMMENT adv. (1557) est sorti d'usage.
◈
INDULGENCE n. f. est emprunté au latin classique
indulgentia « bonté, complaisance, bienveillance », puis « remise d'une peine, pardon » en bas latin et en latin chrétien « pardon des péchés », d'où « remise de la peine due au péché » en latin médiéval (
XIe s.).
■
Le nom, d'abord employé en religion, signifie « pardon » (fin XIIe s.) puis désigne (1268) la remise accordée par l'Église de la peine temporelle due aux péchés et l'acte accordant cette rémission, d'où l'expression la querelle des indulgences désignant le conflit religieux, au début du XVIe s., qui aboutit à la Réforme. La politique de l'Église romaine concernant les indulgences a continué à être critiquée jusqu'au XVIIIe siècle.
◆
Indulgence se dit en général (1606) de la facilité à pardonner.
■
Le dérivé INDULGENCIER v. tr. est un terme de la religion catholique (1833) ; il est rare au sens de « pardonner » (1888, Goncourt).
◈
INDULT n. m. est un emprunt au latin chrétien
indultum « concession, faveur » qui, surtout au moyen âge, s'employait en parlant du pape ;
indultum est le participe substantivé de
indulgere.
◆
Indult désigne (1498) un privilège accordé par le pape en dérogation du droit commun ; par analogie, on appelait
indult du parlement (1583) le privilège qui permettait à chaque officier du Parlement de requérir sur une abbaye ou un évêché le premier bénéfice vacant.
◆
Le mot s'est dit aussi (1679) d'une taxe que le roi d'Espagne percevait sur les marchandises importées, par emprunt à l'espagnol
indulto (de même origine), qui avait pris ce sens particulier dans le domaine des douanes.
■
Le dérivé INDULTAIRE n. (XVIe s.) est un terme d'histoire.
INDURÉ, ÉE adj. est emprunté (1466) au latin induratus « durci, endurci », participe passé de indurare « durcir », formé de in- marquant le terme de l'action, et de durare « durcir », dérivé de durus (→ dur, endurer).
❏
L'adjectif, d'abord employé pour « endurci » au figuré, a été réemprunté au sens concret, en médecine (1833), d'après l'emploi antérieur de
induration (ci-dessous).
Le verbe INDURER, emprunt à indurare, s'est employé en moyen français (dep. 1545) avant de céder la place à endurer. La reprise de cette forme correspond à une dérivation de enduré (1867), en médecine, au sens de « durcir (un tissu organique) ».
❏
INDURATION n. f. est emprunté au latin chrétien induratio, -onis « endurcissement du cœur », dérivé de induratum, supin de indurare.
◆
Le nom est d'abord attesté (v. 1300) au sens figuré d'« endurcissement », puis est employé en médecine (v. 1370) où il est repris (1748) après une période d'abandon. Ce sens a déterminé la reprise de induré, puis de indurer (ci-dessus).
+
INDUSTRIE n. f. est un emprunt (1356) au latin industria « activité secrète », puis « activité » en général, et « application », dérivé de industrius « actif, zélé », anciennement indostruus, variante de °endostruus. L'adjectif est formé de indu-, forme renforcée archaïque de in- « dans », et de struere, structus « disposer, arranger, préparer » et « empiler les matériaux » ; la base stru- est peut-être une forme de la racine indoeuropéenne °ster- « étendre » (→ structure).
❏
Industrie s'est introduit avec le sens de « moyen ingénieux », qui a disparu au
XIXe s. de l'usage courant, mais se conserve dans
industrieux. Au
XIVe s., il désigne également l'habileté à exécuter qqch. (1370-1372), précédé par l'ancien provençal
endustria (1302) ; cet emploi, encore attesté littérairement au
XIXe s., a disparu.
◆
Par extension, le mot prend le sens de « profession comportant une activité manuelle et demandant une certaine ingéniosité » (1467), sorti lui aussi d'usage, sauf dans la locution plaisante
coupable industrie « activité délictueuse ».
◆
Le mot a été employé pour désigner toute activité productive (1543) et, à l'époque classique, s'est spécialisé comme terme de finances (1690), appliqué au travail du fermier, au commerce d'un marchand ; c'est de ces valeurs que procède le sens moderne (ci-dessous).
◆
Par ailleurs, de l'idée de « savoir-faire », on passe au sens de « finesse, ruse » (1440-1475), encore relevé au
XIXe s. et qui survit avec une valeur péjorative dans
vivre d'industrie « d'expédients » (1694) et
chevalier d'industrie (fin
XVIIe s.), formé à partir de
chevalier de l'industrie (1633) d'après les romans picaresques espagnols.
Industrie s'emploie ensuite au sens large (1735) pour désigner l'ensemble des opérations qui concourent à la production et à la circulation des richesses ; ce sens était plus courant au XIXe siècle ; il a vieilli du fait de l'évolution postérieure.
◆
Le mot prend au XVIIIe s. le sens restreint moderne ; industrie s'emploie (1765) pour « technique industrielle, machinisme » et (1771) désigne l'ensemble des activités économiques ayant pour objets l'exploitation des richesses minérales, des sources d'énergie, ainsi que la transformation des matières premières en produits fabriqués. Le commerce et l'agriculture ne sont plus alors inclus dans le concept d'industrie : aujourd'hui, industrie agricole ne désigne plus l'agriculture mais l'ensemble des industries de traitement ou de transformation des produits agricoles. De même fabrique* et manufacture*, liés à l'ancienne notion et même à celle d'habileté, ont été supplantés par d'autres mots, tel usine*. Le développement des activités industrielles au XIXe s. explique que les acceptions anciennes de industrie soient devenues archaïques ou littéraires. Le mot entre dans des expressions qui caractérisent la nature de l'activité économique comme industrie lourde, industrie légère, industrie alimentaire, agro-alimentaire ou encore industrie-clef (1924). Par métonymie, il se dit de l'ensemble des industriels (XXe s.) et une industrie (mil. XXe s.) d'une entreprise industrielle.
❏
INDUSTRIEL, ELLE adj. et n. apparaît sous la forme
industrial (1471,
fruits industriaux) au sens de « relatif au travail humain » mais seulement lié à l'activité agricole ; il semble emprunté au latin médiéval
industrialis (1400) de même sens ; le syntagme
fruits industrials est encore relevé par Trévoux (1752) et l'adjectif prend la forme moderne
industriels à partir de 1804, signifiant alors « produit par l'industrie (sens moderne) », acception qui a fourni la locution familière
quantité industrielle « très grande quantité » (
XXe s.).
◆
Le mot, comme adjectif et comme substantif, est également sorti d'usage pour « qui exerce un métier artisanal » (un métier
d'industrie au sens ancien), valeur encore en usage au
XIXe siècle.
◆
Industriel, concurrencé par
industrieux (ci-dessous), prend ensuite le sens de « relatif à l'industrie (sens moderne) » (1770,
nations industrielles), puis « qui provient de l'industrie », par exemple les richesses (1803). Appliqué à un nom de lieu, l'adjectif correspond à « où l'industrie est développée ».
■
INDUSTRIEL n. m. « propriétaire d'un établissement industriel », « personne qui dirige une industrie » est attesté (1818) chez Saint-Simon. C'est aussi à cette époque, et dans le cadre des théories économiques suscitées par le développement de l'industrie, que industriel a fourni plusieurs dérivés.
■
INDUSTRIALISME n. m. désigne, en histoire économique (1823, Saint-Simon), le système qui donne une importance prépondérante à l'industrie dans la société ; le mot a pris au XXe s. le sens de « tendance à l'industrialisation systématique » ; le dérivé INDUSTRIALISTE adj. (1824 Saint-Simon ; 1830 Fourier) et n. (1827) a les mêmes valeurs.
■
INDUSTRIALISER v. tr. est didactique ou technique au sens d'« exploiter industriellement » ; le verbe signifie aussi « équiper d'industries », sens attesté isolément chez Balzac (1836) et repris au XXe s. (attesté 1933) ; il a fourni le nom d'action INDUSTRIALISATION n. f. (1847), aujourd'hui courant, et INDUSTRIALISABLE adj. (XXe s.), ainsi que le préfixé négatif DÉSINDUSTRIALISER v. tr. (1923 au p. p.).
■
INDUSTRIELLEMENT adv. (1834) a suivi les valeurs de l'adjectif. À part industrialisme et industrialiste, ces dérivés sont usuels.
◈
Un témoin des premières acceptions, aujourd'hui vieillies, de
industrie est
INDUSTRIEUX, EUSE adj., emprunt (1455) au bas latin
industriosus « actif », dérivé du latin classique
industria (ci-dessus).
◆
L'adjectif s'applique d'abord à la personne qui fait preuve d'adresse, d'activité. D'emploi littéraire comme au sens d'« ingénieux », il est sorti d'usage au sens d'« inventif » en parlant des ouvrages de l'esprit. Au
XVIIIe s.,
industrieux a signifié « relatif à l'industrie » (1765) : il est supplanté par
industriel dans le courant du
XIXe s., comme sa substantivation
(un industrieux) attestée à la fin du
XVIIIe s. (1798).
■
Le dérivé INDUSTRIEUSEMENT adv. (1455) « d'une manière adroite » est sorti d'usage.
◈
PRÉINDUSTRIEL, ELLE adj. (années 1960) qualifie ce qui se situe immédiatement avant la « révolution industrielle » et le machinisme, au
XVIIIe s. et au début du
XIXe s. pour les premières zones industrialisées, Europe occidentale et Amérique du Nord.
◆
POSTINDUSTRIEL, ELLE adj. se dit (attesté en 1967) de ce qui succède à la phase industrielle.
◈
AGRO-INDUSTRIEL, ELLE adj. et
AGRO-INDUSTRIE n. f., ce dernier attesté en 1970, concernent l'ensemble des activités industrielles liées à la production agricole et agroalimentaire.
INEFFABLE adj. et n. est un emprunt (1450, mais l'adverbe dérivé est antérieur) au latin impérial ineffabilis « qu'on ne peut exprimer », formé de in- (→ 1 in-) et de effabilis « qui ne peut se dire, se décrire », dérivé du latin classique effari « parler, dire » et « fixer, déterminer », surtout employé dans la langue des augures. Ce verbe est formé de ex-, préfixe à valeur intensive, et de fari « parler, dire », qui se rattache à une racine indoeuropéenne °bha- « parler », comme fabula (→ fable), fatum (→ fatal).
❏
Ineffable, employé en parlant de Dieu, des mystères de la religion, correspond à « inexprimable » (v. 1450, vostre puissance ineffable). Il est attesté à partir du XVIIe s. (1640) dans un contexte profane, en parlant de choses agréables, et s'est employé pour qualifier un nombre irrationnel (1721). L'adjectif est substantivé en l'ineffable n. m. (1769, Mme du Deffand).
◆
Le mot, comme adjectif, s'emploie par ironie (mil. XIXe s.) en parlant de qqch. qu'on ne peut décrire du fait de son caractère bizarre.
❏
Le dérivé INEFFABLEMENT adv. (1316) est aussi rare que INEFFABILITÉ n. f. (1521), emprunt au dérivé latin chrétien ineffabilitas.
INÉLUCTABLE adj., attesté isolément en 1500, est réemprunté vers 1790 au latin ineluctabilis « insurmontable, inévitable », formé de in- (→ 1 in-) et de eluctabilis « qu'on peut surmonter » ; cet adjectif dérive de eluctari « sortir avec effort », « lutter pour se dégager », de ex- « hors de » et luctari (→ lutter).
❏
L'adjectif, qui conserve le sens du latin, a été substantivé (1886, Moréas).
❏
En dérivent INÉLUCTABLEMENT adv. (1872, Gautier) et INÉLUCTABILITÉ n. f. (attesté mil. XXe s.), mot rare.
INEPTE adj., attesté au XVe s., est probablement antérieur (Cf. ci-dessous ineptement) ; le mot est emprunté au latin ineptus « qui n'est pas approprié, hors de propos », « maladroit » et « déraisonnable, sot », formé de in- (→ 1 in-) et de aptus (→ apte).
❏
Inepte s'est d'abord employé pour « incapable », sens encore vivant au XIXe siècle. Il s'applique ensuite à qqn qui manifeste une complète incompétence (1505), puis à ce qui dénote la sottise (1531). Il a aussi signifié « importun » (1611) comme le latin.
❏
INEPTIE n. f., emprunt au dérivé latin
ineptia « sottise, niaiserie », « impertinence », surtout employé au pluriel
ineptiae, a eu le sens de « maladresse » (1546).
◆
Une ineptie désigne (1556) une action ou une parole inepte et le caractère de ce qui est inepte (1626).
◈
Le dérivé
INEPTEMENT adv. (1380), qui était rarissime, semble avoir repris vie au
XXe siècle.
INERME adj. est un emprunt (1515) au latin inermis « sans armes », au figuré « inoffensif » et « sans défense », préfixé en in- (→ 1 in-) de arma (→ arme).
❏
L'adjectif qualifie un être dépourvu d'organes assimilables à des armes ; rare et didactique dans cet emploi, il est repris au
XVIIIe s. en botanique (1798), appliqué à une tige sans épines, et ensuite en zoologie (1846).
■
Le sens latin « sans armes » est attesté isolément à quelques reprises (dep. 1734).
INERTE adj. est emprunté (1505) au latin iners, inertis « inhabile à, sans capacité » d'où « sans énergie, inactif », « improductif » et « fade, insipide » ; ce mot est un préfixé en in- (→ 1 in-) de ars, artis (→ art).
❏
Inerte s'est introduit aux sens latins d'« inactif », en usage au XVIe s., « ignorant » (1534) et « maladroit » (1596) encore au XVIIe s., puis disparu. L'adjectif est repris au XVIIIe s., d'après inertie (ci-dessous), en physique (1759, Diderot), appliqué à ce qui n'a ni activité ni mouvement (matière inerte), et reste un terme didactique, en agronomie (1866, sol inerte) et en chimie (gaz inerte).
◆
C'est également après 1750 que le mot qualifie couramment une personne sans mouvement (1783), d'où membre inerte (1835) ; il se dit ensuite pour parler d'une personne sans énergie ni ressort (1835, esprit inerte).
❏
INERTEMENT adv., d'abord « maladroitement » (1584), est rare avec la valeur courante de l'adjectif (1886).
■
INERTIE n. f. est emprunté au dérivé latin inertia « maladresse, incapacité » et « inaction », « indolence ».
◆
Il est attesté isolément (v. 1370, inhertie) pour désigner l'atonie musculaire, sens qui réapparaît au XIXe s. (v. 1840). Il est à nouveau emprunté au sens latin de « maladresse » (1596), sorti d'usage.
◆
Enfin, il entre dans le vocabulaire de la physique avant l'adjectif (1648, Descartes, inertie de la matière), spécialement dans le syntagme force d'inertie (1720), dans la traduction du Traité d'optique de Newton, qui employait inertiae vis ; le mot possède cette valeur dans inertie électromagnétique (1902, Mme Curie).
◆
Par ailleurs, depuis le XVIIIe s., inertie désigne dans l'usage général le manque d'énergie intellectuelle (1734), d'où force d'inertie « résistance passive de la volonté » (1829).
◈
INERTIEL, ELLE adj., terme de physique et de technique (apr. 1960), est dérivé d'
inertie d'après l'anglais
inertial (1849).
INEXHAUSTIBLE adj. est dérivé (apr. 1450) d'un type °exhaustible, formé en moyen français sur le supin exhaustum du latin exhaurire « vider, épuiser » (→ exhaustif) ; on relève aussi en moyen français inexhaust « inépuisable ».
❏
Le mot, synonyme littéraire de inépuisable, est encore attesté au XVIe siècle ; il réapparaît à la fin du XIXe s. (1885, Régnier), probablement repris à l'anglais inexhaustible (déb. XVIIe s.), où il est resté vivant lié à to exhaust « vider, épuiser ».
INEXORABLE adj. est un emprunt savant (av. 1520) au latin inexorabilis « qu'on ne peut fléchir », « auquel on ne peut se soustraire, implacable », formé de in- (→ 1 in-) et de exorabilis, dérivé de exorare « prier avec insistance », « fléchir par les prières ». Le verbe latin est composé de ex- intensif et de orare « prononcer une formule rituelle, une prière, un plaidoyer », terme de la langue religieuse et politique, que les Latins rattachaient, selon une étymologie populaire, à os, oris « bouche » (→ oraison).
❏
Inexorable conserve les sens de l'étymon, et qualifie d'abord ce à quoi on ne peut se soustraire. Être inexorable à qqn (1544, Scève) « ne pas lui pardonner une faute », puis « ne pas accéder à ses désirs », spécialement à ses désirs amoureux (XVIIe s., aussi n. f.), est sorti d'usage.
◆
L'adjectif s'applique (1555, Ronsard) à qqn qu'on ne peut fléchir, seul emploi resté vivant.
❏
Le dérivé
INEXORABLEMENT adv. (1661) est littéraire, mais relativement usuel, alors que
INEXORABILITÉ n. f. (1664) est d'emploi rare.
◈
EXORER v. tr., emprunté au verbe latin au
XVIe s., est sorti d'usage, comme
EXORATION n. f. (
XVe s.), emprunt au latin ecclésiastique
exoratio « action de fléchir par des prières », du supin de
exorare.
■
EXORABLE adj. (1541), de exorabilis, est aujourd'hui ressenti comme provenant d'inexorable ; il est rare et très littéraire.
INEXPUGNABLE adj. est emprunté (1353) au latin inexpugnabilis « que l'on ne peut pas prendre d'assaut », formé de in- (→ 1 in-) et de expugnabilis, dérivé de expugnare « emporter de haute lutte », « prendre d'assaut ». Le verbe latin est dérivé, par préfixation en ex- à valeur intensive, de pugnare « frapper, combattre avec le poing », dérivé de pugnus (→ poing).
❏
L'adjectif s'applique à ce que l'on ne peut prendre d'assaut. Par figure, il signifie « qui ne peut être vaincu » (1543), aussi au figuré, par exemple dans cœur inexpugnable (1646), rare en parlant d'une personne (1669). Il est technique ou littéraire.
❏
En dérivent
INEXPUGNABILITÉ n. f. (1875) et
INEXPUGNABLEMENT adv. (
XVe s.), littéraires et rares.
■
Le contraire EXPUGNABLE adj., emprunté au latin expugnabilis, est sorti d'usage ; il s'employait au propre (v. 1355) et au figuré (XVIIe s.).
IN EXTENSO loc. adv. et adj. reprend (1840) une locution latine signifiant « dans toute son étendue », formée de in « dans » et de l'ablatif de extensum, participe passé neutre du latin extendere (→ étendre).
❏
La locution, didactique et littéraire, conserve le sens latin, en parlant d'un texte.