INIQUE adj. est un emprunt savant (1352-1356) au latin classique iniquus « inégal » et par figure « injuste », formé de in- (→ 1 in-) et de aequus « uni, plan, horizontal » et au moral « égal » d'où « juste, impartial ». Iniquus s'est employé, en particulier dans la langue militaire, avec le sens de « défavorable, désavantageux », en parlant de la position d'un lieu ; ce sens s'est étendu en latin aux personnes. En ancien provençal (v. 1200) et en français (XIe s.) on relève le substantif enic au sens de « méchant, mauvais », aboutissement oral de iniquus.
❏
Inique a d'abord qualifié un lieu défavorable.
◆
Comme terme juridique, il se dit (v. 1380) de qqch. qui est contraire à l'équité et s'applique à des personnes (1595, juges iniques, Montaigne). Le mot est resté en usage, mais littéraire.
❏
Le dérivé
INIQUEMENT adv., attesté une première fois au
XIVe s. (1352-1356) pour « de manière défavorable », est repris au
XVIe s. au sens d'« injustement ».
◈
INIQUITÉ n. f. est un emprunt au dérivé latin classique
iniquitas « inégalité de terrain, position défavorable (d'un lieu) », « injustice » et, en latin chrétien, « violation de la loi divine, péché ».
◆
C'est d'abord un mot de la langue religieuse désignant la corruption des mœurs (1120-1150) et ce qui est contraire à la religion (v. 1120,
fils d'iniquité « méchants »). Également dès le
XIIe s.,
une iniquité s'emploie pour parler d'un acte contraire à l'équité (v. 1155). La locution
boire l'iniquité comme eau (
XIIIe s.) signifiait « commettre aisément le mal ».
◆
Il se dit aussi du manque d'équité, du caractère perfide de qqn ou qqch. (1160-1174). Il a désigné comme en latin (1213), jusqu'au
XVIe s., la position défavorable d'une armée qui combat.
INITIAL, ALE, AUX adj. et n. f. est un emprunt (v. 1130, inicial, dans un texte daté du XIIIe s. in T. L. F.) au latin impérial initialis « primitif, primordial », dérivé du latin classique initium « début, commencement », de initus, us, nom d'action peu usité du verbe inire « entrer » et « commencer ». Dans ce sens, initus a été remplacé par un autre dérivé, initium. Le verbe inire est formé de in- (→ 2 in-) et de ire, itus « aller », qui a fourni le futur du français aller, et se rattache à une racine indoeuropéenne °ei-, °i- marquant le mouvement.
❏
L'adjectif s'applique d'abord à ce qui constitue le commencement de qqch. Lettre initiale désigne à la fin du XVIIe s. la lettre qui commence un chapitre ou un livre, et qui est souvent plus grande que les majuscules du texte (1680).
◆
L'adjectif féminin est substantivé au début du XVIIIe s. pour désigner la lettre initiale d'un mot (v. 1718, en numismatique, les premières lettres du mot étant mises pour le mot entier) et pour lettre initiale au sens défini ci-dessus.
◆
L'idée de « commencement » est conservée pour l'adjectif dans l'acception « qui est au début de qqch. » (1738, Voltaire).
◆
Une initiale désigne un élément placé au début (1803), en parlant d'une unité linguistique. L'adjectif qualifie aussi ce qui est à l'origine de qqch. (1840, P. Leroux, vérité initiale ; 1851, Cournot, impulsion initiale).
❏
INITIALEMENT adv., « au début, à l'origine », est attesté chez Cournot (1851).
■
INITIALISER v. tr. est un terme d'informatique, adaptation (v. 1970) de l'anglais to initialize, dérivé de initial, de même origine que le français, d'où INITIALISATION n. f. (apr. 1970) pour « mettre (un système informatique) dans l'état qui permet la mise en route d'une exploitation », d'où aussi RÉINITIALISER v. tr. (1996) pour « remettre en route (un système, un ordinateur, une application) dans son état antérieur, après un blocage ».
■
INITIALER v. tr., attesté chez J. Richepin (1895) au sens de « représenter par des initiales », est à peu près inusité.
❏ voir
INITIER.
+
1 INITIER v. tr. est un emprunt (1364-1373) au latin classique initiare « initier (aux mystères) » et, à la période impériale, « instruire, initier à », et aussi « commencer, entreprendre ». Le verbe est dérivé de initium « début, commencement » (→ initial).
❏
Le verbe est introduit en français avec le sens étymologique, « admettre à la connaissance et à la participation des mystères de l'Antiquité » ; par extension, il signifie « admettre (qqn) à la pratique d'une religion » (1671), « au sein d'une société secrète » (fin XVIIe s.).
◆
Parallèlement, avec l'idée de « commencement » mais sans celle de « secret », le verbe a le sens (1611) de « donner (à qqn) les premiers éléments de qqch., en particulier en parlant d'une science » (1694). Initier s'emploie figurément au sens d'« introduire à la connaissance de choses d'accès difficile » (fin XVIIe s.). Cette acception s'applique au processus par lequel l'enfant accède rituellement à l'état adulte, dans de nombreuses civilisations ; les mots de cette famille ont donc des valeurs plus fortes et plus précises, en français d'Afrique subsaharienne notamment (voir initiation, ci-dessous).
◆
Vers le milieu du XXe s., sous l'influence de l'anglais to initiate « commencer », initier s'emploie pour « prendre l'initiative de (qqch.) » ; le verbe se rattache de cette façon à initiative, mais dans un emploi sans rapport avec son sémantisme propre, ce qui rend cet emploi très critiquable.
❏
INITIÉ, ÉE p. p. adj. (1364-1373) s'emploie aussi comme nom (1756, Voltaire). Le mot s'est surtout appliqué aux membres des sociétés ésotériques.
◆
Par calque de l'anglais, le droit des affaires lui donne le sens de « qui est au courant de mouvements de capitaux inconnus du public », le
délit d'initié consistant à utiliser cette connaissance pour effectuer des investissements fructueux. Plusieurs mots sont empruntés à des dérivés du supin de
initiare ou formés savamment à partir du verbe latin.
■
INITIATION n. f., emprunt au dérivé latin initiatio, est attesté isolément au XVe s. (iniciacion) au sens d'« admission aux mystères d'une religion » ; il a eu en moyen français la valeur de « commencement » (→ 2 initier) ; il est repris au XVIIIe s. (1732) en parlant de la religion chrétienne puis des religions anciennes (1762). Couramment, le mot désigne (1755) l'action de donner ou de recevoir les premiers éléments d'un art, d'une science, d'une pratique sociale. À propos des civilisations où le cycle socialisé de la vie conduit l'enfant, selon des rites, à l'état adulte, notamment en Afrique, où initiation fait référence à ce processus (cycle d'initiation).
◆
En français québécois, le mot, par anglicisme, désigne l'accueil de nouveaux étudiants par les anciens, avec des brimades appelées bizutage en français de France.
◈
INITIATIVE n. f., dérivé savant de
initiare, est attesté isolément au
XVIe s. (1567) au sens d'« action de qqn qui est le premier à proposer, à organiser qqch. ». Ce sens a dû être repris avant la Révolution, l'anglais
initiative étant emprunté au français en 1793, notamment dans l'expression
prendre l'initiative et dans le vocabulaire militaire et sportif.
◆
D'une manière générale, le mot est rare avant la fin du
XVIIIe s., époque où il s'emploie en politique pour « droit de soumettre à l'autorité compétente une proposition en vue de la faire adopter » (1790, en parlant du roi et des parlements) ; de là vient le sens de « liberté de choisir » (1803).
◆
C'est l'idée de « commencement » qu'on retrouve ensuite (1842) avec le sens de « disposition à entreprendre, qualité de décision ».
◆
En français de Suisse et en droit constitutionnel,
initiative populaire désigne une proposition de loi qui, après légitimation, peut être soumise à la votation populaire.
■
2 INITIER v. tr. est un emprunt sémantique à l'anglais to initiate qui, emprunté au latin, a eu le même sens que le français 1 initier avant de subir l'influence du nom, initiation, pour passer au sens de « commencer, entreprendre », par emprunt au moyen français ou au latin. Ce sémantisme, abandonné en français moderne, est celui du latin inire (→ initial). Il a fait l'objet d'un emprunt à l'anglais et surtout à l'anglo-américain, dans l'usage anglicisant des milieux scientifiques et d'affaires, pour « commencer, déclencher » (emploi critiquable et critiqué). 2 INITIATION n. f. désigne en sciences un phénomène déclencheur (initiation thermique).
■
INITIATEUR, TRICE n., emprunt au bas latin initiator, est attesté isolément en 1586 au sens de « celui qui initie à un système ». Comme initiation et initiative, il reprend vie au début du XIXe s. où il est d'abord attesté (1821) au figuré.
◈
Enfin,
INITIATIQUE adj., terme didactique (1922), est formé sur
initié et
initiation, d'abord en sociologie et en ethnologie
(rites initiatiques), puis figurément pour « qui initie qqn ».
INJECTION n. f. est un emprunt (1416-1422) au latin classique injectio « action de jeter (sur) » et terme de médecine en bas latin, dérivé de injectum, supin de injicere « jeter sur, dans », « appliquer sur » et au figuré « inspirer, susciter » ; ce verbe préfixé (→ 2 in-) vient de jacere, jactus (→ jeter), qui se rattache à une racine indoeuropéenne °ye-.
❏
Le mot conserve d'abord le sens de l'étymon, « action de jeter, violence », qui a disparu. Il s'emploie en médecine (1478) où il désigne l'action d'introduire un liquide dans un organe et, par métonymie (1598), le produit injecté ; il se dit spécialement (1690) du procédé d'anatomie consistant à introduire un produit dans les tissus, dans une cavité naturelle de l'organisme.
◆
De l'emploi médical vient l'emploi courant pour « piqûre faite dans une veine de la peau avec une seringue » (injection intraveineuse, abréviation une intraveineuse, 1860).
◆
Par analogie, injection désigne la pénétration d'un liquide, d'un fluide, etc. dans une substance ; en ce sens le mot s'emploie dans de nombreux domaines techniques, en géologie (1867), dans les techniques de conservation du bois (1877), dans l'industrie (1888-1890, appareil à injection), et spécialement en mécanique, par exemple dans moteur à injection (1906 ; plus répandu depuis que ce type de moteur d'automobile concurrence la carburation, v. 1970).
◆
En économie, injection désigne (1951 chez Pierre Mendès-France) un apport soudain et massif (de capitaux) et, en astronautique, la mise sur orbite.
❏
Le verbe
INJECTER v. tr. a été créé par les médecins (1555,
injetter) d'après le latin impérial
injectare « jeter sur », doublet de
injicere.
◆
Le verbe signifie « introduire au moyen d'une seringue ou d'un autre instrument (un liquide) dans (un organe) » ; attesté isolément, il est repris au
XVIIIe s. (1721, au participe passé ; 1771,
injecter une plaie).
◆
Le participe passé s'emploie couramment à propos des tissus ou organes où le sang a afflué soudainement, dans
yeux injectés (1749), ou
injectés de sang puis le pronominal prend aussi ce sens (1846).
Injecter est entré dans le vocabulaire technique, par analogie, comme
injection (1872, à propos du bois).
■
Le dérivé INJECTEUR, TRICE adj. et n. m. est rare au sens (1840) de « personne qui fait des injections ». Il désigne un appareil servant à injecter un liquide dans l'organisme (1845 adj. ; 1867, n. m.) et s'emploie spécialement (1859) à propos des chaudières à vapeur puis (déb. XXe s.) en mécanique.
■
INJECTABLE adj. (attesté en 1925) est un terme médical.
INJONCTION n. f. est un emprunt savant (1295) au bas latin injunctio « action d'imposer (une charge) » et « ordre », mot formé sur injunctum, supin de injungere « appliquer dans ou sur », « infliger », « imposer ». Ce verbe est composé de in- (→ 2 in-) et de jungere, junctus « atteler », « unir deux à deux », « réunir » (→ joindre). Injonction a été emprunté pour servir de nom d'action à enjoindre.
❏
Le mot se dit de l'action d'ordonner expressément et, en droit, d'un ordre donné par le juge (soit aux parties, soit aux auxiliaires de justice). Il est resté didactique mais assez usuel.
❏
Le dérivé savant INJONCTIF, IVE adj., terme de droit (1768) et de grammaire, signifie « qui convient à l'expression d'un ordre » (1902) ; dans ce cas il est aussi substantivé (1902, l'injonctif n. m.).
INJURE n. f. est une réfection de la Renaissance (XVIe s.) des formes anciennes enjurie, injuire (1155), injurie (1174-1176). C'est un emprunt au latin injuria, à l'époque classique « injustice », « violation du droit », « tort, dommage », puis « parole blessante » en latin chrétien. Injuria est dérivé de l'adjectif archaïque injurius « injuste, inique », formé de in- (→ 1 in-) et de jus, juris signifiant à l'origine « formule religieuse qui a force de loi », d'où en latin classique « droit » (→ juger). Les formes anciennes du mot français en en- représentent des adaptations, le préfixe emprunté in- étant plus tardif.
❏
Le mot est d'abord employé (1155) avec les sens forts, repris du latin, d'« injustice, violation du droit » et de « tort, dommage causé par violation du droit », encore en usage à l'époque classique et disparus depuis.
◆
Dans le deuxième tiers du XIIe s., injure prend le sens d'« outrage » (1174-1176), aujourd'hui vieilli ou littéraire, avec les locutions imputer qqch. à injure à qqn, prendre qqch. à injure, sorties d'usage, faire à qqn l'injure de... ; faire injure à qqn, d'abord « commettre une injustice à son égard », a pris par la suite le sens d'« outrager, offenser ».
◆
Au XVIe s., injure reprend l'idée de « tort, dommage » en parlant des éléments, du temps (1559, l'injure du temps ; 1587, l'injure de l'hiver) ou de l'âge (XVIIe s.) ; cet emploi a vieilli.
◆
À la même époque, injure se spécialise au sens, devenu le plus courant, de « parole outrageante » (1559), avec une valeur voisine de insulte.
❏
INJURIER v. tr., d'abord
enjurier (v. 1188), est emprunté au bas latin
injuriare « faire du tort à », « outrager », « offenser par des paroles blessantes », dérivé de
injuria.
■
Le verbe est d'abord employé avec le premier sens du latin, sorti d'usage. Il est attesté au sens moderne d'« offenser par des paroles blessantes » en 1606, en relation avec l'évolution de injure.
◈
INJURIEUX, EUSE adj., réfection (1334) de
enjurius « médisant » (v. 1185), est emprunté au latin classique
injuriosus « injuste, nuisible, funeste », dérivé de
injuria. Le mot a suivi un développement sémantique parallèle à celui d'
injurier et
injure.
■
En dérive INJURIEUSEMENT adv. (1333, injuriousement).
INLANDSIS n. m. est emprunté (1888) à un mot scandinave signifiant proprement « glace (is) à l'intérieur (in-) du pays (land) ».
❏
Ce terme de géographie désigne le glacier continental des régions polaires, équivalant à calotte glaciaire.
INLAY n. m. est emprunté (1891) à un mot anglais signifiant « incrustation », dérivé de to inlay « incruster » (XVIIe s.), lui-même composé de in- « dans » et de to lay « laisser, déposer », mot d'origine germanique, d'une forme °lag-jan (Cf. allemand legen). Inlay est passé en anglais dans le vocabulaire de la chirurgie dentaire pour désigner une obturation dentaire au moyen de métal coulé et la matière obturatrice.
❏
C'est en ce sens qu'il a été emprunté en français où il a pour équivalent incrustation.
INNÉ, ÉE adj. s'est substitué (1611) à la forme francisée enné (1554) ; c'est un emprunt savant au latin innatus « né dans », « naturel », « que l'on a en naissant », employé en particulier dans des textes philosophiques et chez les auteurs chrétiens. Innatus est le participe passé de innasci « naître dans », formé de in- (→ 2 in-) et de nasci (→ naître), qui se rattache à la racine indoeuropéenne °gen(e-), °gne- « engendrer » et « naître » (→ genèse, génital, etc.).
❏
Inné conserve en français le sens de « que l'on a en naissant », opposé à acquis ; les idées innées (1647, Descartes) sont celles inhérentes à l'esprit humain.
◆
Le mot s'applique en biologie à ce qui ne dépend pas du code génétique, mais apparaît dès la naissance (XXe s., aussi n. m. l'inné).
❏
INNÉITÉ n. f. est employé en physiologie (1812), par opposition à
hérédité, et en philosophie ; il se dit par métonymie (1842) pour « disposition naturelle ».
■
INNÉISME n. m. est un terme de philosophie (1907) tiré de idée innée, comme INNÉISTE adj. et n. (XXe s.).
INNOCENT, ENTE adj. et n. est emprunté (1080) au latin innocens, -entis « qui ne fait pas de mal, inoffensif », en parlant de choses, et à propos de personnes « qui ne nuit pas, irréprochable », « qui n'est pas coupable » ; le mot est formé de in- (→ 1 in-) et de nocens, -entis, participe présent de nocere « faire du mal, causer du tort » (→ nuire), lui-même de nex, necis « mort (violente) », qui se rattache à une racine indoeuropéenne °nok- comme le grec nekros (→ nécrose).
❏
Comme le latin chrétien Innocentes, le mot désigne d'abord au pluriel (1080) les enfants en bas âge qui furent mis à mort sur l'ordre d'Hérode ; en ce sens le mot reste surtout dans massacre des Innocents et dans des noms de lieux.
◆
De là innocent s'est dit pour « très jeune enfant » (v. 1165).
◆
Depuis la première moitié du XIIe s., l'adjectif qualifie, avec la valeur initiale du latin, ceux qui n'ont pas fait le mal sciemment, puis (v. 1300, ignocent) qui ne sont pas coupables. Lié à l'idée d'« ignorance », le mot signifie (mil. XIVe s.) « qui a une naïveté trop grande » et « qui n'est pas au courant de qqch. », d'où le sens de « simple d'esprit » (v. 1430) qui a vieilli, sauf dans quelques contextes (l'innocent du village, ce pauvre innocent de X...), et qui se prolonge dans l'suage du mot au Québec, pour « idiot ». Le proverbe aux innocents les mains pleines traduit le latin fortuna favet stultis et la locution faire l'innocent (1732) correspond à « faire semblant de ne pas savoir qqch. ».
◆
À la fin du XIVe s., innocent reprend le sens latin de « qui ne nuit à personne », aujourd'hui littéraire. L'expression donner les Innocents (XVIe s.) « donner le fouet, par jeu, aux jeunes filles restées au lit le matin de la fête des saints Innocents » désignait un rite qui prolonge sans doute celui des Lupercales romaines, où les prêtres-loups frappaient d'un fouet les femmes qu'ils rencontraient afin de les rendre fécondes ; dans la culture chrétienne, ce geste de fécondation rituelle a pu s'interpréter comme un moyen symbolique de remplacer les enfants massacrés ; puis l'expression a pris dès le XVIe s. un sens libertin.
◆
Au XVIIe s., innocent a reçu la valeur chrétienne de « dans l'état de pureté d'avant le péché originel » (Bossuet, 1656) ; c'est la conception chrétienne du péché qui explique la valeur particulière d'« ignorant des choses sexuelles » (1662, Molière) ; on retrouve cet emploi dans la seconde moitié du XVIIe s., dans robe à l'innocente (ou innocente n. f.), désignant une robe flottante sans ceinture, que Mme de Montespan mit à la mode pour dissimuler ses grossesses. Jeux innocents s'est dit de jeux de société dénués de tout caractère équivoque, où l'on donnait des gages (1834, Landais) ; par antiphrase, l'expression désigne aujourd'hui des jeux qui sont le prétexte à des privautés sexuelles.
❏
INNOCEMMENT adv. (1538), d'abord
innocamment (1349), correspond aux valeurs dominantes de l'adjectif.
■
INNOCENTER v. tr., d'abord attesté au sens de « donner le fouet le jour de la fête des Innocents » (1547) — voir ci-dessus —, est lié ensuite à innocent « non coupable » et signifie « déclarer non coupable » (1704) et « considérer comme innocent » (1844).
■
INNOCENCE n. f. est emprunté au dérivé latin innocentia « mœurs irréprochables, vertu », « non-culpabilité ».
◆
Les emplois du mot recouvrent ceux de l'adjectif. Il est d'abord employé (v. 1120) pour désigner l'état d'une personne qui ne commet pas le mal volontairement, puis qui n'est pas coupable dans un cas donné (1309, ignocance). L'innocence désigne par métonymie (1636) les innocents, un innocent. Dans la religion chrétienne, le mot désigne l'état de l'homme purifié par le baptême (v. 1318 ; rare av. 1656, Pascal). Dans l'usage courant, innocence désigne l'état de qqn qui ignore le mal (1546, Rabelais) et de qqn qui ne nuit pas (1597). Ce dernier sens a vieilli.
◆
Innocence, d'après innocent, signifie aussi « naïveté excessive » (1611) et « ignorance des choses sexuelles » (1612), mais innocence pour « virginité » (1721, ravir l'innocence) est sorti d'usage.
INNOCUITÉ n. f. a été dérivé savamment (1806 ; 1783, d'après Bloch et Wartburg) par suffixation du latin innocuus « qui n'est pas nuisible », « qui ne fait pas de mal », formé de in- (→ 1 in-) et de nocere, d'abord « causer la mort de » puis dans la langue courante « causer du tort » (→ nuire).
❏
Innocuité, reprenant le sens de l'étymon, désigne la qualité de ce qui n'est pas nuisible, notamment en médecine. On relève chez Claude Bernard (1878) l'emploi rare pour « qualité (d'un être) qui se défend parfaitement contre (des choses nuisibles) » ; cet emploi est peut-être issu d'un autre sens du latin innocuus « qui n'a subi aucun dommage » (relevé chez Virgile). Le mot véhicule déjà la notion de réflexe immunitaire.
❏ voir
INNOCENT, NUIRE.
INNOVER v. est emprunté (1315, tr.) au latin classique innovare « revenir à » et en bas latin « renouveler », formé de in- (→ 2 in-) et de novare « renouveler », « inventer », « changer », dérivé de novus (→ nouveau).
❏
D'abord attesté dans un contexte juridique avec le sens d'« introduire (qqch. de nouveau) dans une chose établie », le verbe n'est employé qu'au XVIe s. en emploi intransitif (1541, Calvin) où il est devenu usuel pour « faire preuve d'inventivité, créer des choses nouvelles », en relation avec innovation.
❏
INNOVATEUR, TRICE n. et adj. est dérivé (1483) du radical du verbe ou emprunté au bas latin
innovator, du supin de
innovare.
■
INNOVATION n. f. est emprunté (1297, innovacion) au bas latin innovatio « changement, renouvellement », formé sur le supin innovatum.
◆
D'abord employé au moyen âge comme terme juridique (1297), synonyme de novation, le mot se dit à partir du XVIe s. (1559, Amyot) de l'action d'innover ; il prend ensuite par métonymie le sens courant (XVIIIe s.) de « chose nouvelle » (Cf. nouveauté, création) et s'applique spécialement au domaine de l'industrie et des affaires. Cet emploi (une, des innovations) est aujourd'hui le plus courant.
❏ voir
NOUVEAU.
IN-OCTAVO adj. inv. et n. m. reprend (1529) une locution latine signifiant « en huitième », composée de in- (→ 2 in-) et de octavo, ablatif de octavus « huitième », dérivé de octo « huit* ».
❏
Le mot qualifie le format d'un livre dont la feuille d'impression, pliée en huit feuillets, forme seize pages (par abréviation in-8°).
❏
On rencontre le dérivé plaisant IN-OCTAVIQUE adj. chez Ramuz.
INOCULER v. tr. est un emprunt (1723) à l'anglais to inoculate, d'abord mot d'horticulture « greffer en écusson (en insérant un bourgeon ou œil) » (XVe s.), puis signifiant « transmettre artificiellement la variole à un sujet sain pour le rendre résistant à cette maladie » (1722) ; le verbe anglais est emprunté au latin inoculare « greffer », formé de in- (→ 2 in-) et de oculus « œil* », puis « objet en forme d'œil », en particulier « bourgeon ». Le sens latin a vécu en anglais et dans l'emploi initial du français inoculation (ci-dessous).
❏
Le verbe conserve le sens de l'anglais, d'abord en parlant de la variole (XVIIIe s., inoculer qqn, vieilli), puis des germes d'autres maladies. Par métaphore (1771, Helvétius) il signifie « transmettre (un sentiment, une idée) ».
❏
INOCULATEUR, TRICE adj. et n. désignait autrefois qqn qui pratiquait l'inoculation de la variole (1752) et un partisan de l'inoculation (1763) ; en ce sens on trouve aussi
inoculiste (1771). L'adjectif s'applique (1845) à ce qui sert à inoculer ou inocule qqch.
■
Le dérivé INOCULABLE est d'abord un nom (1759) désignant un sujet soumis à l'inoculation, puis un adjectif (1858).
◆
Il a fourni le terme didactique INOCULABILITÉ n. f. (1858).
■
INOCULATION n. f. a d'abord été emprunté (1580) au latin inoculatio « greffe en écusson », du supin de inoculare. Il en a conservé le sens, rare dès le XVIIIe siècle ; le mot est aussi attesté au XVIIe s. au sens de « transfusion » (1667).
◆
Le sens moderne (1723, pour la variole) vient de l'anglais inoculation (de to inoculate), emprunté en même temps que le verbe. Le mot s'emploie aussi métaphoriquement (1793).
■
INOCULUM n. m., terme de biologie signifiant « substance inoculée », a été dérivé (mil. XXe s.) du verbe latin.
INONDER v. tr., d'abord enonder (v. 1120), est emprunté au latin inundare « déborder, submerger », formé de in- marquant le mouvement vers (→ 2 in-) et de undare « rouler des vagues, se soulever », dérivé de unda (→ onde). En français les formes en i- (1420) se généralisent au XVe siècle.
❏
Le verbe, d'abord intransitif, signifie « déborder », puis est employé au XIIIe s. au figuré avec un sujet nom de personne au sens d'« affluer en grand nombre ». En emploi transitif, il signifie « recouvrir » (v. 1250, enonder), au figuré, et en parlant des eaux qui débordent ou affluent (v. 1265).
◆
Par analogie, il s'emploie à propos des pleurs (1554) et du sang (1653).
◆
En parlant de personnes ou de choses, il signifie au figuré « envahir » (1653).
◆
Du p. p. est tiré l'adjectif INONDÉ, ÉE qui se dit des lieux, des bâtiments et des personnes, d'où l'emploi comme nom (dep. 1840).
❏
INONDABLE adj. est attesté tardivement (1874).
■
INONDATION n. f., emprunt au dérivé latin inundatio « inondation, débordement », s'emploie d'abord à propos du déluge (v. 1275, la grant inundacion). La forme moderne et le sens courant sont attestés au XIVe s. (1374).
◆
Par analogie, le mot est devenu un terme médical (1559). Il s'emploie au figuré, en parlant de personnes ou de choses (1579), spécialement (fin XIXe s.) pour désigner un afflux massif (de biens, de produits). Il se dit par exagération (XXe s.) pour « eau qui se répand en grande quantité ».
INOPINÉ, ÉE adj. est emprunté (1488 ; XIVe s., d'après Bloch et Wartburg) au latin inopinatus « qu'on n'aurait pas cru », « inattendu », composé de in- (→ 1 in-) et de opinatus, participe passé de opinari « avoir » ou « émettre une opinion » (→ opiner).
❏
L'adjectif, d'usage littéraire, a conservé le sens du latin « qui arrive sans être prévu ou attendu ».
❏
En dérive INOPINÉMENT adv. (1488), également littéraire.