INSTAURER v. tr. est emprunté (1352-1356, Bersuire) au latin classique instaurare, verbe rare, d'emploi technique, signifiant « renouveler, recommencer, réparer » puis « dresser, préparer » ; à l'époque impériale, cette valeur semblait incompatible avec le préfixe in- et le verbe fut remplacé par restaurare (→ restaurer), instaurare passant au sens d'« offrir (pour la première fois) ». Selon Ernoult et Meillet, le verbe a d'abord signifié « donner en compensation » pour une cérémonie religieuse manquée, non conforme aux rites, d'où « renouveler, refaire ». Instaurare est en général considéré comme un composé de stare, status « se tenir debout », avec un élargissement vocalique en -staurare (qui n'apparaît que dans ce verbe). Stare se rattache à la racine indoeuropéenne °sta- « être debout ». Le verbe latin a par ailleurs abouti en ancien français à la forme populaire estorer « établir, instituer » (1138), « construire » (v. 1155), « réparer » (1160), « fournir » (XVe s.), qui se maintient encore au XVIe siècle.
❏
Instaurer est introduit avec le sens étymologique de « renouveler, célébrer à nouveau », disparu. Le verbe est attesté ensuite (1509) avec le sens de « fonder, établir pour la première fois », d'abord en parlant d'une institution, puis avec une valeur plus générale (instaurer une mode) ; par extension, instaurer qqn signifie « le nommer (à la tête d'une institution) ». Par ailleurs, il a repris des valeurs de l'ancien verbe estorer et s'est employé pour « restaurer » (v. 1380), « garnir de » (1530), emplois propres au XVIe siècle.
❏
Du verbe dérivent les termes littéraires : INSTAURATION n. f. (1451), peut-être emprunté au dérivé latin instauratio « renouvellement », qui signifie « action d'instaurer » et INSTAURATEUR, TRICE n. (1504 ; 1509, au féminin) qui correspond au latin chrétien instaurator « celui qui restaure (un bâtiment), qui redonne vie (à qqch.) » ; rare avant 1802, le mot se dit d'une personne qui instaure (la liberté, une réforme, etc.).
INSTIGATEUR, TRICE n. est un emprunt savant (1363) au latin impérial instigator « celui qui pousse à faire qqch., qui stimule », dérivé du latin classique instigare « piquer contre », « exciter, stimuler » ; le simple stigare, seulement attesté dans les gloses, se rattache à une racine indoeuropéenne °stig- « piquer » (→ stigmate).
❏
Instigateur, introduit avec la valeur de l'étymon, se dit d'une personne qui incite à faire qqch. ; le mot est pris le plus souvent en mauvaise part. Il s'emploie aussi au figuré, comme équivalent de « cause, moteur ». Le féminin instigatrice est attesté à partir de l'époque classique (1671).
❏
INSTIGATION n. f. est emprunté (1332) au latin impérial
instigatio « action d'émouvoir, d'exciter », spécialement employé dans la langue juridique, formé sur
instigatum, supin de
instigare.
■
Le mot est d'abord relevé dans la construction à l'instigation de (qqn) « sur le conseil pressant de qqn » qui est restée courante alors que le mot est rare, employé seul, pour désigner l'action d'inciter, de pousser qqn à faire qqch.
◈
Le verbe transitif
INSTIGUER a été emprunté (1352-1356, Bersuire) au latin
instiguare ; il est noté par l'Académie comme « vieilli » en 1718 et sorti d'usage à la fin du
XVIIIe s. (1798). Il est resté en usage dans le français de Belgique, pour « inciter, pousser (qqn) à faire qqch. ».
❏ voir
INSTINCT.
INSTILLER v. tr. est un emprunt savant (v. 1370) au latin instillare « verser goutte à goutte » et au figuré « introduire, insinuer », composé de in- (→ 2 in-) et de stillare « couler goutte à goutte, distiller », aussi au figuré, verbe dérivé de stilla « goutte », d'origine obscure.
❏
D'abord employé au sens propre du verbe latin dans l'usage didactique, il s'emploie littérairement au figuré (v. 1501).
❏
INSTILLATEUR n. m. (1902) « appareil servant à instiller une solution médicamenteuse dans l'organisme » est dérivé d'
instiller.
■
INSTILLATION n. f. est emprunté au latin instillatio « action de verser goutte à goutte » (du supin de instillare). Le mot s'emploie au propre en technique (1377) et au figuré littérairement (1542).
INSTINCT n. m. est une réfection graphique (XVIe s.) de instincte (1495), emprunt savant au latin classique instinctus « instigation », « excitation, impulsion » et en latin chrétien « penchant, tendance naturelle ». Ce nom dérive de instinguere ou instingere « pousser, exciter », surtout employé au participe passé ; il est formé, comme instigation* et instigateur, de in- (→ 1 in-) et de stingere « piquer, exciter » (distinct de stinguere « éteindre »), qui se rattache à une racine indoeuropéenne °stig- « piquer ».
❏
Le mot reprend d'abord (instincte, 1495) l'acception latine d'« instigation » ; par instinc (sic) de nature signifiait « selon son penchant naturel » (1512).
◆
Il désigne ensuite (instinct, 1560, Ronsard) une tendance innée contre laquelle on ne peut lutter et cette valeur est restée usuelle ; aujourd'hui dans le vocabulaire scientifique, les éthologistes donnent au mot un caractère plus précis ; pour éviter la confusion avec l'emploi courant, certains utilisent acte instinctif (d'après K. Lorenz), d'autres acte de pulsion.
◆
Le mot désigne plus largement, au moins depuis Montaigne (1580) l'ensemble des pulsions naturelles qui régissent le comportement animal ou humain. En parlant de l'être humain, instinct s'emploie à propos de la faculté naturelle de sentir, de deviner (1662, Pascal) et, souvent en emploi absolu, l'intuition, le sentiment ; il est alors opposé à raison ; dans ce sens, on emploie la locution adverbiale d'instinct (av. 1850, Chateaubriand). Instinct se dit enfin d'une aptitude particulière faisant partie de l'ensemble des pulsions (1780, Buffon, instinct social) et, spécialement, en psychanalyse traduit l'allemand Trieb dans le sens que lui donne Freud (Cf. pulsion).
❏
Le dérivé
INSTINCTIF, IVE adj. apparaît au début du
XIXe s. (1801, Crèvecœur ; 1803, Maine de Biran) ; il peut être inspiré par l'anglais
instinctive, attesté dès le
XVIIe s., et correspond à
instinct.
◆
S'appliquant à ce qui naît de l'instinct au sens large, l'adjectif qualifie une personne en qui domine l'impulsion (1883, Renan).
■
Instinctif a fourni INSTINCTIVEMENT adv. (1801) et INSTINCTIVITÉ n. f. (1832, Balzac), sorti d'usage.
■
INSTINCTUEL, ELLE adj., terme didactique dérivé d'instinct et apparu en 1838-1840, a été repris au milieu du XXe s. dans le vocabulaire de la psychanalyse.
+
INSTITUER v. tr. est un emprunt (1219) au latin instituere « placer (en, dans) », « mettre sur pied, établir », d'où « fonder », « ordonner, régler (un État) » et aussi « enseigner à » et au figuré « préparer, commencer » ; le verbe est formé de in- (→ 2 in-) et de statuere « établir », au propre et au figuré (→ statuer), formé sur status, du verbe stare au participe passé status « se tenir debout » qui se rattache à une racine indoeuropéenne °sta- « être debout » (→ ester, établir, stable, station...).
❏
Le verbe s'emploie d'abord avec un complément nom de chose au sens latin d'« établir d'une manière durable », mais l'emploi concret (1464, instituer un chemin) a disparu. Puis il se dit d'une personne (v. 1350) pour « établir officiellement dans une fonction », aujourd'hui dans la langue religieuse ou en histoire.
◆
Au XVe s. (1466), il reprend un autre sens latin, « enseigner », sorti d'usage (→ instituteur).
◆
Par extension du premier sens, instituer qqn en son lieu s'est dit (v. 1500) pour « désigner qqn comme son successeur » d'où en droit l'emploi du verbe pour « nommer (héritier) par testament » (1552, Estienne).
◆
Au XVIIIe s., le sens de « doter d'institutions politiques » est repris par latinisme dans Le Contrat social (Rousseau, 1761) ; cependant, dès le XVIe s., on relève instituter « établir un État » chez Calvin (1541), d'après un emploi de instituteur*.
◆
S'instituer au sens de « s'établir » est relevé chez Diderot (av. 1784).
❏
INSTITUANT, ANTE adj. et n. m. (1765) est un mot didactique, comme
INSTITUÉ, ÉE adj. et n. m. (1721, en droit).
■
INSTITUTION n. f. est un emprunt (fin XIIe s.) au latin classique institutio « disposition, arrangement », « méthode, doctrine, système » et « formation, éducation, instruction », dérivé du supin du verbe latin.
◆
Le mot apparaît avec le sens de « action d'instituer (qqch.), fondation », emploi assez rare ; le sens courant de « ce qui est institué », personne morale, régime légal, etc. est attesté environ un demi-siècle plus tard (1256). Le mot s'emploie en droit en parlant d'une personne (1537).
◆
Institution est ensuite pris au sens « abrégé (contenant l'essentiel d'une matière) » (1541), vivant à l'époque classique. Le mot s'emploie aussi au sens latin de « formation, éducation » (1552, Rabelais) ; ce sens archaïque a produit par métonymie l'emploi pour « établissement privé d'éducation et d'instruction » (1680, en parlant des novices).
■
Le mot, repéré isolément au XVIe s. (1564), est repris à la fin du XVIIe s. et au XVIIIe s. pour désigner ce qui est établi par les hommes et non par la nature ; par spécialisation, institutions « choses instituées » désigne l'ensemble des structures fondamentales de l'organisation sociale (1790).
◆
De là, au XXe s., l'institution à propos de chaque secteur de l'activité sociale (l'institution littéraire) et un emploi absolu désignant les structures organisées qui maintiennent un état social.
■
À partir du développement des structures sociales, au XXe s., ont été formés plusieurs dérivés didactiques.
◆
INSTITUTIONNEL, ELLE adj., attesté en 1933 (L. Febvre), peut-être d'après l'anglais institutional (1617, de même formation que le français), s'emploie dans le domaine juridique puis par extension en psychologie (1952, psychothérapie institutionnelle ; 1958, pédagogie institutionnelle) ; en dérivent INSTITUTIONNALISME n. m. (1939, Pirou) d'après l'anglais institutionalism (1862) et INSTITUTIONNELLEMENT adv. (apr. 1950).
◆
INSTITUTIONNALISER v. tr. (v. 1955), qui correspond à l'anglais to institutionalize (1865), a fourni INSTITUTIONNALISATION n. f. (1949).
❏ voir
INSTITUT, INSTITUTEUR.
INSTITUT n. m. est emprunté (1480) au latin institutum « ce qui est établi » d'où « plan », « disposition, organisation » et au pluriel (instituta) « principes établis, institutions ». C'est le participe passé neutre substantivé de instituere « mettre sur pied », « établir » aux sens physique et moral, « former, instruire » (→ instituer).
❏
Le mot apparaît avec le sens général du latin, « chose établie, institution », encore employé à l'époque classique ; il désigne spécialement la règle donnée à une institution au moment de sa formation (1552, institute, d'une abbaye) et un ordre religieux (1608) ; appliqué à un individu au sens de « manière de vivre » (apr. 1550), il s'est employé jusqu'au XVIIe siècle.
◆
Institut désigne en particulier certains corps constitués de savants (1749), spécialement dans Institut national des sciences et des arts (1795) ou Institut national de France (1795 ; absolument, L'Institut) qui regroupe les cinq Académies. Cette idée de corps constitué est réalisée dans le nom officiel en France d'établissements de recherche ou d'enseignement (1876, Institut national agronomique ; 1966, Institut universitaire de technologie, abrégé en I.U.T., Institut universitaire de formation des maîtres, abrégé en IUFM). Lié à la valeur du verbe latin institut désigne depuis le XIXe s. un établissement scolaire privé, remplacé en ce sens par institution.
◆
On relève chez P. Leroux (1840) institut au sens de « action d'éduquer qqn, résultat de cette action ». Par extension, le mot se dit d'un établissement où l'on donne des soins (1907, un institut d'esthétique, Colette).
❏
INSTITUTES n. f. pl., terme de droit, est emprunté (
XIIIe s.) au latin
instituta « institutions », pris pour un féminin singulier.
■
Le mot désigne en droit romain un manuel rédigé par les jurisconsultes. Il s'est d'abord employé au féminin singulier, puis (fin XVe s.) au féminin pluriel et parfois aussi au masculin singulier (1328).
INSTITUTEUR, TRICE n. est emprunté (1441, F. e. w.) au latin classique institutor « celui qui dispose, administre », en bas latin « précepteur », formé sur institutum, supin du latin classique instituere « mettre sur pied », « former, instruire » (→ instituer). On relève la forme dérivée française instituere « celui qui fonde », en 1399.
❏
Le mot est d'abord attesté pour désigner celui qui est chargé de l'éducation d'un enfant dans la famille ; dans ce sens général, le mot, encore employé au XIXe s., a été remplacé par précepteur* pour le masculin mais reste parfois encore en usage au féminin. Depuis la fin du XVe s., comme en latin classique, instituteur désigne celui qui institue, fonde qqch. (1495, J. de Vignay) ; ce sens est encore en usage au XIXe siècle.
◆
Par spécialisation du premier emploi, le mot désigne (en France) une personne qui enseigne dans une école primaire (1789 ; au féminin 1792 Condorcet) et maternelle. Ce sens, qui correspond à l'organisation de l'enseignement sous la Révolution, est précisé selon l'évolution de l'institution pédagogique, au cours du XIXe siècle. Il est abrégé familièrement au XXe s. en INSTIT (1966) ou, moins courant, INSTI (1967).
◆
Cette désignation a été supprimée dans la terminologie administrative (1990) ; on emploie professeur d'école.
◆
Sorti d'usage au sens de « maître de pension » (1805), le mot est littéraire pour désigner une personne ou une collectivité qui établit qqn dans la connaissance de qqch. (fin XVIIIe s.).
+
INSTRUIRE v. tr. est la réfection (1346, instruit) en in- d'un emprunt francisé enstruire (1re moitié XIIe s.), dont la finale est adaptée d'après construire, au latin classique instruere « assembler dans », « disposer » et spécialement, dans le vocabulaire militaire, « munir, outiller, équiper », puis en latin impérial et par figure « enseigner » ; ce verbe est formé de in- (→ 2 in-) et de struere « disposer par couches », « arranger, ranger » et « bâtir, dresser » ; la base stru- se rattache peut-être à la racine indoeuropéenne °ster- « étendre » (→ estrade).
❏
C'est le sens le plus tardif du latin qui est retenu en français ; l'ancien français estruire (v. 1175) a assumé les autres valeurs du latin.
◆
Le verbe est introduit avec le sens littéraire de « former l'esprit de qqn par des préceptes, des leçons » ; il s'emploie (v. 1200) dans instruire qqn de qqch. « mettre qqn en possession d'une connaissance particulière » (1592, s'instruire, Montaigne), d'où le sens de « dispenser un enseignement à (qqn) » ; en ce sens le verbe s'emploie aussi avec un sujet nom de chose (fin XIVe s.).
◆
Au participe passé adjectivé, attesté dès 1346, bien, mal instruit signifiait « bien, mal élevé » (1346) ; instruit, instruite s'appliquent aujourd'hui (XVIIIe s.) à une personne qui a des connaissances étendues.
◆
Le verbe entre au XVIe s. dans le vocabulaire du droit (1549, instruire un procès) au sens de « mettre (une cause) en état d'être jugée », c'est-à-dire en rassembler tous les éléments nécessaires. De « mettre (qqn) au courant (de qqch.) », vient le sens de « donner ses directives à » (1672, Boileau), sorti d'usage alors qu'instruction s'emploie toujours dans ce sens. Par extension du sens de « former », instruire s'est dit (1677) pour « dresser (un animal) ».
❏
INSTRUCTION n. f. est emprunté (1320) au latin classique
instructio « action de disposer, d'adapter » « construction, disposition » et, par figure, en bas latin « enseignement » ; ce nom est formé sur
instructum, supin du verbe
instruere.
◆
Le mot français apparaît pour désigner ce qui sert à instruire, spécialement une directive donnée par une autorité supérieure à un subordonné, d'où spécialement (v. 1500) « un ordre donné à un envoyé quelconque ».
◆
Par ailleurs, à partir de la fin du
XVe s.,
instruction signifie « action de communiquer des connaissances à qqn » (1483) ; il est employé absolument au sens de « savoir de l'homme instruit » (1580, Montaigne,
sans aucune instruction de lettres) ; ce sens a vieilli après l'époque classique.
◆
Le mot entre dans le vocabulaire du droit (1636,
instruction de procès) : on parle de
juge d'instruction depuis le début du
XIXe s. (1822).
◆
Au
XVIIe s.,
instruction désigne (1662) une leçon de morale, un précepte que l'on donne pour instruire, sens disparu mais qui survit en religion dans
instruction pastorale (1702).
◆
Depuis la fin du
XVIIe s., par extension de l'idée d'explication, le mot signifie « mode d'emploi pour se servir de qqch. » (1690).
■
Peu après la Révolution, il désigne l'organisation dans une société de l'instruction de la jeunesse (1791, Instruction publique) et l'ensemble des connaissances relatives à un domaine (1794, Condorcet), d'où instruction religieuse (1802).
■
Le mot est repris en informatique (av. 1968) au sens de « consigne exprimée dans un langage de programmation », d'où instruction machine.
◆
De cet emploi en informatique viennent MACRO-INSTRUCTION n. f. (v. 1965) et MICRO-INSTRUCTION n. f. (1970).
◈
INSTRUCTIF, IVE adj., dérivé savant (
XIVe s.) du latin classique
instructus, participe passé de
instruere, a suivi l'évolution d'
instruction, se spécialisant pour « qui instruit, apporte une information ».
◆
Il a pour dérivé
INSTRUCTIVEMENT adv., didactique (1866).
■
INSTRUCTEUR n. m. est emprunté (XIVe s.) au latin classique instructor « ordonnateur (d'un repas) » qui prend en latin chrétien et médiéval la valeur d'« éducateur ». C'est un dérivé du supin instructum de instruere.
◆
Le mot est sorti d'usage au sens premier d'« éducateur » ; c'est aujourd'hui un terme juridique (1636, instructeur de procès) employé adjectivement (1831, juge instructeur) ou spécialisé dans le domaine militaire, sens le plus courant (1803, n. m. ; 1823, adj.).
INSTRUMENT n. m., réfection (1365) de estrument (1119) ou estrumanz (1265), est un emprunt (d'abord adapté) au latin instrumentum « mobilier, ameublement, matériel » et au figuré « outillage, ressource » ; le mot est dérivé du verbe instruere (→ instruire), mais cette origine n'est plus ressentie.
❏
Instrument apparaît avec le sens d'« objet fabriqué servant à exécuter un travail » ; le mot, plus général que outil, désigne en français moderne des objets plus simples que appareil et machine. On le trouve spécialisé au sens (v. 1140) d'« objet élaboré pour produire de la musique ». En moyen français, il signifie « membre, organe du corps » (XIVe s.), d'où l'emploi pour « membre viril » (XVe s.), à comparer avec celui d'engin ; ces emplois correspondent à ceux d'organe aujourd'hui.
◆
Au figuré, instrument désigne (1265) un acte juridique servant à établir un droit, une convention ; il est ensuite employé en parlant d'une chose ou d'une personne (v. 1485) pour « ce qui sert à obtenir un résultat » et, par analogie, « objet utilisé pour une fin déterminée » (par ex. instrument de travail). Le mot, en grammaire (XIXe s.), entre dans complément d'instrument « de moyen ».
❏
INSTRUMENTAL, ALE, AUX adj., réfection (
XVe s.) de
instrumentel (1370-1372,
cause instrumentele), s'applique à ce qui concerne le moyen ; cet emploi didactique est emprunté au latin scolastique (
instrumentalis causa, XIIIe s.). L'adjectif est ensuite employé en musique (
XVe s.,
musique instrumentale) et s'oppose alors à
vocal.
◆
C'est aussi un terme de droit (1390) et de grammaire (1824 ; 1867,
cas instrumental).
◆
Il est entré dans le vocabulaire de la psychologie (
XXe s. :
conditionnement instrumental) d'après l'anglais
instrumental, de
instrument, de même origine que le français.
◆
L'adjectif a fourni plusieurs dérivés :
INSTRUMENTALEMENT adv. (1532,
instrumentallement ; XVIe s.,
instrumentellement ; 1578, en musique),
INSTRUMENTALITÉ n. f. (1936),
INSTRUMENTALISATION n. f. (1946) et
INSTRUMENTALISER v. tr. (1973), tous didactiques.
◆
Seul
1 INSTRUMENTALISTE n., terme de musique (attesté 1921), est entré dans l'usage général.
◈
INSTRUMENTER v. est d'abord un terme de droit (1431,
v. intr.).
◆
En musique (1507,
tr.), il est sorti d'usage au sens de « jouer d'un instrument de musique » et il est rare au sens d'« orchestrer » (1823).
◆
Il a eu le sens familier (av. 1870) de « frapper avec un instrument ».
◆
Le verbe a été repris au
XXe s. dans le domaine de l'industrie pétrolière, au sens de « doter d'instruments de contrôle ».
■
En dérive INSTRUMENTATION n. f., terme de musique (1823, Stendhal), assez usuel pour « arrangement, orchestration », et terme technique pour désigner un ensemble d'instruments (1857, Michelet, en emploi métaphorique).
◈
INSTRUMENTAIRE adj. a été remplacé comme nom (1477) par
instrumentiste et signifie « qui sert de moyen » (
XVIe s.) ; il est repris en droit au
XVIIIe s. (1765,
témoin instrumentaire).
■
INSTRUMENTISTE n. est un terme courant de musique (1810) pour « personne qui joue d'un instrument » souvent opposé à chanteur.
◆
En chirurgie, il désigne (av. 1962) un auxiliaire préparant les instruments.
■
INSTRUMENTALISME n. m. a été emprunté (v. 1955) à l'anglais instrumentalism (1909), de instrument, de même origine que le français.
◆
Le mot désigne en philosophie la doctrine pragmatique de l'américain J. Dewey, selon laquelle toute théorie est un instrument pour l'action.
◆
À ce nom correspond un autre mot 2 INSTRUMENTALISTE adj. et n. emprunté (1955) à l'anglais instrumentalist (1909).
■
À partir d'instrument ont été composés les termes techniques : MICRO-INSTRUMENT n. m. (qui entre dans les dictionnaires en 1963) et PORTE-INSTRUMENTS n. m. inv. (mil. XXe s.).
INSU (À L'INSU DE) loc. prép. représente un dérivé (déb. XVIe s.), par préfixation en -in (→ 1 in-), de su, participe passé de savoir*, mais ne semble pas clairement analysé, le plus souvent.
❏
D'abord relevé comme adjectif avec le sens d'« inconnu », emploi didactique repris au milieu du XXe s., le mot apparaît ensuite dans la locution prépositive à l'insu de... (1538, a l'insceu de) qui signifie « sans que la chose soit sue de (qqn) » et, avec un sens réfléchi (1606, a mon insceu), « sans en avoir conscience ». L'expression à l'insu de mon (son...) plein gré, où deux locutions contradictoires sont associées, attribuée au cycliste R. Virenque accusé de dopage, a été diffusée par l'émission de télévision les Guignols de l'Info et reprise ironiquement dans l'usage courant (en français de France).
INSUFFLER v. tr. est emprunté (XVe s.) au bas latin insufflare « souffler dans ou sur », utilisé en médecine, puis en latin chrétien pour « introduire par le souffle, communiquer ». Ce verbe est formé de in- (→ 2 in-) et du latin classique sufflare « souffler, gonfler » (→ souffler).
❏
Insuffler est introduit dans le vocabulaire religieux avec le sens du latin chrétien ; cet emploi didactique est rare jusqu'au XIXe s., époque où le verbe s'emploie dans un contexte littéraire pour « inspirer » (1844, Balzac).
◆
Il apparaît ensuite, au début du XIXe s. (1814, Nysten), alors avec la variante insouffler (1819), comme terme de médecine avec le sens propre de « introduire, faire pénétrer par insufflation ». Insuffler, pour « gonfler en soufflant » (XIXe s. ; insuffler un ballon), est sorti d'usage.
❏
De l'emploi du verbe en médecine dérive
INSUFFLATEUR, TRICE adj. et n. (1862).
■
INSUFFLATION n. f. est emprunté (1374, insufflacion) au bas latin insufflatio formé sur insufflatum, supin de insufflare ; ce terme de médecine est utilisé en latin chrétien.
◆
Le mot en français reprend d'abord le sens religieux (1374), devenu archaïque, puis le sens médical (1765) avec une spécialisation en pneumonologie (insufflation d'air entre la plèvre et le poumon, en cas de pneumothorax).
INSULAIRE adj. est un emprunt savant (1516) au latin impérial insularis « relatif à une île », dérivé du latin classique insula « île » (→ île).
❏
Le mot signifie « qui habite une île » et se dit spécialement de ce qui est propre à la vie dans une île (1874), par opposition à continental. À propos des personnes il est aussi substantivé (1559). En France, les insulaires désignent fréquemment les Britanniques.
◆
L'adjectif s'emploie pour qualifier ce qui appartient à une île (1572, flore, faune insulaire). Par analogie, en médecine, il correspond à une valeur figurée d'île et d'îlot (→ insuline).
❏
Insulaire a servi à former les termes didactiques INSULARITÉ n. f. (1840), peut-être inspiré par l'anglais insularity « état d'île » (1790) et « condition de vie sur une île » (1755), INSULARISME n. m. (av. 1885, Hugo) « caractère insulaire » et INSULARISER v. tr. (1901) « isoler comme dans une île ».
INSULINE n. f. est une formation savante (1909, J. de Meyer) à partir du latin classique insula « île* », d'après la désignation par îlots de Langerhans des corpuscules pancréatiques d'où est extraite cette hormone qui active l'utilisation du glucose dans l'organisme.
❏
Ce terme de biologie a servi à former
INSULINIQUE adj. (av. 1946) et les composés
INSULINASE n. f. (mil.
XXe s., dans les dictionnaires généraux ; 1928, en anglais) « enzyme du foie qui rend l'insuline inactive »,
INSULINÉMIE n. f. « présence d'insuline dans le sang »,
INSULINOTHÉRAPIE n. f.
■
L'importance thérapeutique de l'insuline a suscité d'autres composés, tel INSULINODÉPENDANT, ANTE adj. qualifiant le type de diabète qui exige des injections régulières d'insuline, ainsi que les diabétiques dont l'équilibre glycémique dépend de ces injections (aussi substantif). Le nom INSULINODÉPENDANCE désigne cette situation.
INSULTER v. tr. est emprunté (1352-1356, Bersuire) au latin insultare « sauter sur, dans, contre » et par figure « braver », formé de in- (→ 2 in-) et de saltare, intensif de salire (au p. p. saltus) « sauter, bondir », qu'il tend à remplacer (→ sauter).
❏
Le verbe, introduit avec le sens latin de « braver »
(insulter à), signifie (av. 1464) « attaquer » puis « se révolter, se soulever contre » (av. 1527,
intr.) ; dans ces sens, usuels à l'époque classique, le verbe est parfois encore employé au
XIXe siècle.
◆
Les emplois figurés (1611) de « faire des reproches » et « offenser par un outrage » sont sortis d'usage.
■
En revanche, le sens figuré « attaquer (qqn) par des propos outrageants » (1611) s'emploie encore couramment mais on ne dit plus insulter à (v. 1650) et insulter contre qqn (1685). Le verbe signifie aussi au XVIIe s. (1647, Vaugelas) « traiter avec insolence », avec un complément abstrait ; il veut dire aussi (1685, insulter à) « constituer un défi (par rapport à une chose respectable). »
❏
INSULTE n. f. apparaît d'abord sous la forme
insult, nom masculin (1380), au sens de « soulèvement, sédition », sans doute empruntée au latin médiéval
insultus « assaut, attaque » (av. 1125), dérivé du verbe latin classique.
◆
Dans l'emploi pour « attaque » le mot est en usage du
XVIe s. (1542) jusqu'au début du
XVIIIe siècle.
◆
Insulte prend son sens figuré actuel, proche de celui d'
injure*, d'abord comme nom masculin (1535) puis féminin (av. 1664).
◈
Le verbe a fourni
INSULTANT, ANTE adj. (v. 1690) « qui constitue une insulte », « qui est de nature à insulter » et
INSULTEUR, EUSE adj. et n. (1796 ; fin
XVIIe s.,
insultateur), opposé à
INSULTÉ, ÉE adj. et n. (v. 1500,
adj. ; 1873,
n. m.).
INSURGER (S') v. pron. est un emprunt du XVe s. (1474, soy insurger ; 1414, s'insurgir, attestation isolée) au latin insurgere « se dresser », spécialement pour attaquer, et figurément « monter, devenir plus puissant », « faire des efforts » ; le verbe est formé de in- locatif (→ 2 in-) et de surgere « se mettre debout, s'élever » (→ surgir).
❏
Introduit avec le sens moderne de « s'élever contre l'autorité », le verbe n'est repris qu'à la fin du XVIIIe s. (1792) sous l'influence de insurgent ; la construction transitive (1797, Chateaubriand, insurger les citoyens), encore notée chez Littré, est sortie d'usage, mais s'insurger reste vivant.
❏
INSURGENT n. m., aujourd'hui terme d'histoire, a d'abord désigné (1752) les troupes hongroises levées exceptionnellement pour le service de l'État.
■
Par emprunt à l'anglais insurgent (1775, Beaumarchais), le mot se dit des colons américains qui ont pris parti contre l'Angleterre pendant la guerre d'Indépendance et s'est employé plus généralement (1796) ; le mot anglais, attesté en 1765, est dérivé de to insurge, de même origine que le verbe français.
■
Par extension ou nouvel emprunt au latin, insurgent s'est dit (1778, Mercier) d'une personne qui s'élève contre les règles établies.
■
Le participe passé INSURGÉ, ÉE adj. « soulevé contre l'autorité » (1790) est aussi employé comme nom (1792).
◈
INSURRECTION n. f., emprunté (1372-1377, Oresme) au bas latin
insurrectio « action de s'élever », mot formé sur le supin
insurrectum de
insurgere, est rare du
XVIe au
XVIIIe s. pour « action de s'insurger » (repris en 1748, Montesquieu) ; il se dit par figure pour « révolte » (mil.
XIXe s.).
■
De ce nom dérivent : INSURRECTIONNAIRE adj. et n. (1790 ; d'après révolutionnaire), terme d'histoire de la Révolution française, et INSURRECTIONNEL, ELLE adj. (1792) « qui tient de l'insurrection » et « qui est en insurrection », usuel, d'où INSURRECTIONNELLEMENT adv. (1796), didactique.
INTACT, TE adj. est un emprunt savant (1461, G. Chastellain) au latin intactus, proprement « non touché » et au figuré « pur, chaste », formé de in- (→ 1 in-) et de tactus, participe passé de tangere « toucher » (→ tangent), qui se rattache à une racine indoeuropéenne °tag- « toucher ». Intactus avait abouti en ancien français à la forme populaire héritée entait « intact, entier » (v. 1150) et « frais, allègre » (v. 1200), remplacé au XVe s. par l'emprunt. On note aussi la forme masculine intacte, du XVIe au XVIIIe siècle.
❏
L'adjectif est introduit avec le sens de « vierge ». Intact qualifie ensuite (1593) ce à quoi l'on n'a pas touché, en parlant de choses concrètes, puis s'emploie (apr. 1750) à propos de choses abstraites (honneur intact) et s'est dit d'un homme intègre (1812).
◆
Par extension (1835), l'adjectif s'applique à ce qui n'a pas subi d'altération, de dommage (monument intact), d'où à propos d'une personne le sens d'« indemne » (XXe s.).
INTAILLE n. f., cité comme mot italien par Ch. de Brosses (1740) sous la forme intagli et francisé en 1808 (intailles), est emprunté à l'italien intaglio (pl. intagli), attesté comme terme d'art depuis le XIVe s. et signifiant « entaille ». Intaglio est le déverbal de intagliare « entailler » dérivé, par préfixation de tagliare « tailler », du bas latin taliare « couper » (→ tailler).
❏
Ce terme d'art désigne une pierre fine gravée en creux.
❏
En dérive le terme technique INTAILLER v. tr. (1860, Pommier ; 1874, au participe passé).
+
INTÉGRAL, ALE, AUX adj. et n. est un dérivé savant (1370-1372, Oresme) du latin classique integer « intact, entier » (Cf. ci-dessous intègre).
❏
Le mot est introduit avec le sens, encore vivant au XVIIe s., de « intégrant, qui contribue à l'intégrité du tout ». Il est repris au XVIIe s. (1640) pour qualifier ce qui n'est l'objet d'aucune diminution, d'aucune restriction (Cf. entier).
◆
À la fin du XVIIe s., l'emploi de l'adjectif en mathématiques (1696, calcul intégral) représente un emprunt au latin moderne integralis, dérivé de integer par le mathématicien J. Bernouilli. Une intégrale « somme totale (par opposition à l'élément) » est attesté en 1749 (C. Walmesley).
◆
Du sens général d'« entier » viennent les spécialisations œuvre, édition intégrale et, en musique, une intégrale n. f. (XXe s.). En français de Belgique, pain intégral s'emploie là où on dit pain complet en France.
❏
Du sens général d'
intégral dérivent
INTÉGRALEMENT adv. (1511) et
INTÉGRALITÉ n. f. (1611), peut-être emprunté au latin médiéval
integralitas, du latin médiéval
integralis.
■
Deux autres dérivés didactiques apparaissent au XXe s., INTÉGRALISME n. m. (1936) « caractère intégral, absolu (d'une thèse, de la défense d'une thèse) », terme didactique moins usité que intégrisme et INTÉGRALISTE adj. et n. (1936, Maritain) pour « intégriste ».
◈
Le latin
integer a donné par emprunt savant (1558) un autre adjectif,
INTÈGRE. Le latin classique
integer « intact, entier » et, au sens moral, « irréprochable » était formé de
in- privatif et de
°-tagros, issu de
tangere, tactus « toucher »
(→ tact).
◆
D'abord relevé au sens propre latin d'« entier » surtout assumé par
intégral (ci-dessus), l'adjectif s'emploie, à partir du
XVIIe s., au sens moral (1671,
un homme intègre) qu'il a conservé.
◆
Par extension du premier sens ou par nouvel emprunt au latin,
intègre est introduit (mil.
XXe s.) dans le vocabulaire des mathématiques.
■
Le dérivé INTÈGREMENT adv. (1867, Littré) est rare.
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INTÉGRITÉ n. f. est une réfection (déb.
XIVe s.) de
entegriteiz (1279) « état de ce qui est entier », emprunté au latin
integritas « totalité, état d'être intact », « innocence, probité ».
■
Le mot apparaît avec le sens de « chasteté, virginité », encore usité au XVIIe siècle.
◆
À partir du XVe s., intégrité s'emploie avec les valeurs abstraites reprises du latin : il signifie « état d'une chose qui est dans son entier » (2e moitié du XVe s., Chastellain) et au sens moral, correspondant à intègre, « pureté, probité dans la conduite » (av. 1465).
◆
L'emploi en mathématiques (mil. XXe s.) correspond à celui de intègre.
◈
INTÉGRER v. est un emprunt (1340) au dérivé latin classique
integrare « réparer, remettre en état », « renouveler, recommencer » et par figure « recréer, refaire » et « exécuter ».
■
D'abord attesté isolément au sens latin d'« exécuter », le verbe réapparaît à la fin du XVe s. au sens de « faire participer, associer » ; ces emplois ont disparu.
◆
Intégrer est encore repris en mathématiques, lorsqu'apparaît intégral (1700), avec le sens d'« effectuer l'intégration de ».
◆
Le verbe, dans l'argot scolaire des grandes écoles, s'emploie par emprunt au langage des mathématiques (1892, intr.) pour « entrer (dans une grande école) ». À la même époque, en emploi didactique, puis courant (déb. XXe s.), il signifie généralement « faire entrer dans un ensemble », en tant que partie intégrante.
■
Ce verbe a fourni des termes didactiques, d'abord en mathématiques INTÉGRABLE adj. (1704), d'où INTÉGRABILITÉ n. f. (1873) ; INTÉGRATEUR, TRICE adj. et n. m. (1877), terme technique ; INTÉGRATIF, IVE adj. (XXe s.) « qui est propre à intégrer ».
◈
INTÉGRATION n. f. est emprunté (1309) au sens de « rétablissement » au dérivé bas latin
integratio.
◆
Le terme, repris en mathématiques (1700), est dérivé de
intégrer ou formé d'après le latin moderne, en même temps que
intégral. Par extension, il s'emploie pour « action d'incorporer (un élément) dans un ensemble », spécialement en économie (fin
XIXe s.), physiologie, psychanalyse (
XXe s.), informatique, etc. ; il désigne couramment (mil.
XXe s.) l'opération par laquelle un individu s'incorpore à un groupe.
■
De cet emploi dérive INTÉGRATIONNISTE adj. et n. (mil. XXe s.), terme de politique.
■
INTÉGRANT, ANTE adj. est emprunté (1503 ; 1520, selon T. L. F.) au latin classique integrans, -antis « qui rend entier », participe présent de integrare. L'adjectif s'applique à ce qui entre dans la composition d'un tout, spécialement dans partie intégrante.
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RÉINTÉGRER v. tr. est emprunté (1352) au latin médiéval
reintegrare, altération du préfixé classique
redintegrare « recommencer », « rétablir », « restaurer ».
■
Le verbe français conserve le sens latin de « rétablir dans son état premier » jusqu'au milieu du XVIIIe siècle ; puis il se spécialise au sens de « remettre à sa place » (1677), « rétablir dans la possession d'un bien, d'un droit, etc. » (1532), notamment dans le vocabulaire juridique. Rare au sens de « remettre (qqn) dans un lieu qu'il avait quitté » (1690), il est employé couramment au sens de « reprendre possession de (un lieu) » (av. 1873).
■
Le verbe a fourni RÉINTÉGRATION n. f. (1326), jusqu'au XVIIe s. « remise en état », aujourd'hui « action de réintégrer » (dep. 1367), avec les spécialisations du verbe.
◆
Les dérivés RÉINTÉGRANDE n. f. (1411), archaïque, et RÉINTÉGRABLE adj. (1845) sont des termes de droit.
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Le composé
DÉSINTÉGRER v. tr. (1878), du préfixe
dé-, dés-, terme didactique de physique, est devenu courant au sens de « transformer (la matière) en énergie » (déb.
XXe s.) et se dit au figuré pour « détruire complètement » (
XXe s.).
■
Il a fourni DÉSINTÉGRATION n. f. (1871), spécialisé en physique (1907) et qui s'emploie aussi au figuré. Ces deux mots se sont diffusés après 1945 avec les applications militaires (bombe atomique), puis civiles de la physique nucléaire.
◈
INTÉGRISTE n. et adj. est un emprunt (1913) à l'espagnol
integrista « membre d'un parti espagnol voulant la subordination de l'État à l'Église », dérivé de
integro, de même origine que le français
intègre* ; le mot est attesté en 1894 au sens de « d'étroite observance ».
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Intégriste en français est d'abord employé par référence à l'Espagne (parti intégriste) ; par extension, le mot désigne un adversaire du modernisme, un défenseur de l'intégrité de la doctrine et de la tradition, en parlant de la religion catholique (mil. XXe s.), puis de l'Islam (v. 1975). Par analogie, il désigne un partisan extrémiste de l'intransigeance, dans le domaine politique (v. 1970).
■
INTÉGRISME n. m. (1913) est emprunté à l'espagnol integrismo (1885) ou dérive d'intégriste ; ses acceptions correspondent à celles de ce mot, le contexte religieux, chrétien ou islamique, l'emportant en fréquence en concurrence avec fondamentalisme.
INTELLECT n. m. est un emprunt (v. 1265, intellec) au latin intellectus « perception (par les sens) », « sens, signification » et « faculté de comprendre », nom d'action qui correspond au verbe intellegere « discerner, comprendre » (→ intelligence).
❏
Le mot, didactique à la différence de
intelligence, a été employé dans le langage scolastique au sens d'« intelligence » avec la valeur générale de « capacité compréhensive » ; il a aussi signifié « sens d'un mot » (1582).
■
Il se dit aujourd'hui pour « entendement » mais en gardant toujours une valeur gnoséologique (entendement est plutôt psychologique). Dans l'usage courant (mil. XIXe s.), il équivaut parfois à esprit (se torturer l'intellect).
❏
Plusieurs mots de la série sont empruntés à des dérivés du supin de
intellegere.
■
INTELLECTION n. f. est emprunté (XIIIe s. ; 1488, selon T. L. F.) au bas latin intellectio « sens, signification » et terme de rhétorique, nom d'action en -tio, comme lectio. Sous l'influence d'intellect, le mot a désigné la faculté de comprendre (XIIIe s.) jusqu'au XVIe s., puis s'est employé pour « idée, pensée » (1488) ; il désigne aussi (1617) un acte de l'intellect. Il avait repris à la Renaissance l'emploi rhétorique du latin (1521).
■
INTELLECTIF, IVE adj., emprunté (v. 1265) au bas latin intellectivus « relatif à l'intellect », est un ancien terme de philosophie encore usité littérairement ; INTELLECTIVE n. f. de faculté intellective, est un synonyme archaïque de intellect.
◆
Tous ces mots sont didactiques.
◈
INTELLECTUEL, ELLE adj., emprunt (v. 1265) au bas latin
intellectualis, s'applique à ce qui se rapporte à l'intelligence, au sens large de « connaissance » ou d'« entendement ». Le mot est devenu courant au
XIXe siècle. À partir de cette époque, l'adjectif (attesté chez Amiel, 1866) s'emploie en parlant de personnes et signifie « dont la vie est consacrée aux activités de l'esprit ».
■
Le mot, employé comme nom (mil. XIXe s.), fait fortune à la fin du XIXe s., utilisé avec une valeur péjorative par les adversaires du capitaine Dreyfus en faveur duquel beaucoup d'écrivains s'étaient engagés ; le substantif s'emploie parfois encore péjorativement, l'intellectuel étant considéré comme coupé de la réalité. Mais il peut aussi être neutre ou mélioratif. Au pluriel, le nom (1913, Péguy) est opposé à d'autres catégories sociales.
◆
INTELLO adj. et n. (1977) est une abréviation familière et péjorative formée avec le suffixe populaire -o. La forme intel (1957) ne venait pas de intellectuel, mais de intelligent.
■
De l'adjectif dérivent des termes moins usuels : INTELLECTUELLEMENT adv. (1501, intellectualement) « par l'intellect » ; INTELLECTUALITÉ n. f. (1784), attesté isolément en ancien français (fin XIIIe s.) au sens de « compréhension » ; INTELLECTUALISER v. tr. (1801, Villers exposant le système de Kant ; 1862, au pronominal) d'où vient INTELLECTUALISATION n. f. (1894) ; INTELLECTUALISME n. m. (1851, Amiel) « tendance à faire prévaloir les facteurs intellectuels », probablement d'après l'anglais intellectualism (1829), et INTELLECTUALISTE adj. et n. (1853, Amiel) qui correspond à l'anglais intellectualist (1605).
❏ voir
INTELLIGENCE.
INTELLIGENCE n. f. est un emprunt ancien (v. 1175) au latin classique intelligentia, variante de intellegentia, « action de comprendre » et « faculté de comprendre, entendement », puis en latin chrétien « bonne entente, commun accord » et enfin « être spirituel, ange » (v. 1205). Le mot est dérivé de intellegere ou intelligere, proprement « choisir entre (par l'esprit) » d'où « comprendre » et « apprécier », verbe formé de inter « entre » (→ inter-) et de legere « cueillir, rassembler », d'où « lire » (→ élire, lire), qui se rattache à la racine indoeuropéenne °leg- « cueillir », « choisir », « rassembler ».
❏
Le mot reprend d'abord le sens du latin classique, « faculté de connaître, de comprendre » d'où vient celui de « qualité de l'esprit d'une personne qui comprend » (
XVIIe s.), plus courant. Il désigne ensuite (1370-1372, Oresme) un être spirituel, par opposition à la matière ; plus tard, comme en latin médiéval,
les intelligences célestes s'est dit pour « les anges » (1694).
◆
Intelligence désigne aussi (v. 1500) une relation secrète entre des personnes, d'où l'emploi (1611), repris à l'anglais, pour parler d'une information fournie par un service privé de renseignements
(Cf. intelligencier n. m. « espion », 1611) et au pluriel d'informations diplomatiques (1828). Ces valeurs ont disparu, mais le mot subsiste au pluriel, pour parler de personnes placées dans des camps opposés, et dans les locutions
être d'intelligence avec qqn (1643) ou, par figure,
avec qqch., archaïques, et
en (bonne, mauvaise) intelligence « en conformité de sentiments » (1638).
Au XVIe s., intelligence de (qqch.) désigne (1559) l'acte ou la capacité de comprendre qqch. Par extension du sens d'« être spirituel », le mot se dit aussi (1598) de l'être humain en tant que capable de réflexion. L'emploi pour « personne supérieurement intelligente » (mil. XIXe s.) a été précédé par une intelligence de l'État « qui joue dans l'État un rôle éminent » (1694).
Calque de l'anglo-américain, intelligence artificielle prend le mot dans son sens initial et désigne la partie de l'informatique qui vise la simulation des facultés cognitives humaines (abrév. I.A.).
❏
MÉSINTELLIGENCE n. f. (1490), formé avec
més-*, préfixe péjoratif, désigne un défaut d'accord entre des personnes ; le mot est didactique ou littéraire.
■
ININTELLIGENCE n. f. (1791), de 1 in-, se dit plus couramment du manque d'intelligence et (1833) du comportement qui le traduit, en relation avec inintelligent.
■
INTELLIGENTIEL, IELLE adj. (1832, Balzac), « relatif à l'intelligence », est sorti d'usage.
◈
INTELLIGENT, ENTE adj. est emprunté (1420) au latin classique
intelligens, intellegens « qui comprend, qui s'y connaît », dérivé du verbe.
◆
L'adjectif est introduit avec le sens latin disparu de « qui est expert dans un art ». Il s'applique ensuite couramment à qqn qui a la faculté de comprendre (1611).
■
Le dérivé INTELLIGEMMENT adv. est attesté au XVIIe s. (1636).
■
Sur l'adjectif a été formé ININTELLIGENT, ENTE adj. (1770 ; → 1 in-) dont procède ININTELLIGEMMENT adv. (1833).
◈
INTELLIGENTSIA ou
INTELLIGENTZIA n. f., introduit en français en 1902 (sous la forme
intelligentia), écrit
intelligentsia dep. 1920, est emprunté au russe
intelligentsia (1901) ; le mot désignait la classe des intellectuels réformateurs dans la Russie tsariste de la fin du
XIXe siècle ; beaucoup s'engagèrent dans le mouvement nihiliste.
Intelligentsia est lui-même emprunté au latin classique
intelligentia « compréhension ».
■
En français, intelligentsia est d'abord un terme d'histoire ; hors du contexte russe, le mot désigne au XXe s. (1930) les intellectuels, dans un milieu ou un groupe humain donné, ce sens étant repris à l'anglais intelligentsia (1914) de même origine.
❏ voir
INTELLECT, INTELLIGIBLE.