INTROSPECTION n. f. est un emprunt (1838-1840) à l'anglais introspection, d'abord « examen à l'intérieur », employé comme terme de philosophie dès le XVIIe s., et formé sur le radical du latin introspectum, supin de introspicere « regarder dans, à l'intérieur de ». Ce verbe est composé de intro- « dedans, à l'intérieur » (→ intra-) et de °specere, spectus « apercevoir » et « regarder », verbe archaïque qui se rattache à une racine indoeuropéenne °spek- « contempler, observer » (→ spectacle).
❏  Introspection est introduit comme terme de psychologie désignant, comme en anglais, l'observation d'une conscience individuelle par elle-même, à des fins spéculatives. ◆  Le mot s'emploie ensuite (déb. XXe s.) en philosophie en parlant du simple fait, pour une conscience, de se prendre pour objet, sans visée de connaissance spéculative.
❏  INTROSPECTIF, IVE adj. est aussi un emprunt (1840) à l'anglais introspective « qui possède la qualité de pénétrer, d'examiner intérieurement » (1820), qualifiant une méthode d'investigation psychologique fondée sur l'introspection. ◆  Ces sens sont repris en français (méthode, psychologie introspective, opposé à objectif, expérimental).
■  De l'adjectif dérive INTROSPECTIVEMENT adv. « par le moyen, l'effet de l'introspection » (attesté 1933), d'emploi didactique.
■  INTROSPECTER v. apparaît d'abord dans un emploi plaisant (1935) ; en psychologie (1962, pron.), il est emprunté à l'anglais to introspect (fin XVIIe s.), dérivé savant du latin introspectum ou emprunt au fréquentatif introspectare.
■  INTROSPECTIONNISME n. m. (av. 1951, Gide), dérivé d'introspection d'après l'anglais, désigne la psychologie de l'introspection ; INTROSPECTIONNISTE adj. et n. (1952) lui correspond.
INTROVERSION n. f. est un emprunt (1913 dans un texte en français de Jung) à l'allemand Introversion, terme employé par C. G. Jung, notamment dans Psychologische Typen (1921 ; Cf. l'anglais introversion, attesté en 1912) ; le mot est emprunté à un bas latin introversio, tiré de introversus « vers l'intérieur, en dedans » avec ou sans idée de mouvement, doublet de introrsum, de même sens. Introversus est composé de intro- (→ intra-) et de versus, employé en latin classique comme élément de composition signifiant « dans la direction de, vers » ; c'est le participe passé de vertere (anciennement vortere) « tourner » au propre et au figuré (→ vers).
❏  Introversion désigne le fait d'être tourné vers son moi plutôt que vers le monde extérieur ; en psychanalyse (1923), le mot est défini par Freud comme le retrait de la libido* sur des objets imaginaires (ou fantasmes). ◆  Une variante intraversion est employée par Mounier (1946) en caractérologie, mais n'est pas usuelle.
❏  INTROVERSIF, IVE adj. est dérivé savamment (1946) du nom ou emprunté à l'allemand introversiv, employé par Jung et repris par Rorschach.
■  Le mot s'emploie comme équivalent didactique de INTROVERTI, IE adj. et n., attesté (1923) dans une traduction de Freud par Jankélévitch, et emprunté à l'allemand introvertiert (Jung, 1921 ; Cf. l'anglais introverted p. p., 1915, et introvert n., 1918). La forme introverse (1913) a disparu.
■  Qualifiant en psychologie une personne portée à l'introversion, le mot a fourni INTRAVERTIR v. tr. « tourner vers l'intérieur », qui ne semble relevé que chez Mounier (1946).
INTRUS, USE adj. et n. est emprunté (v. 1380) au latin médiéval intrusus, terme de droit ecclésiastique, participe passé de intrudere, verbe issu par haplologie du latin classique introtrudere « introduire de force » ; ce verbe est composé de intro- (→ intra-) et de trudere, trusus « pousser » sans étymologie connue. L'ancien verbe intrure, construit sur intrus et signifiant « introduire sans droit, sans titre » (1479, s'intruire en « se mettre en possession de qqch. sans y avoir droit » ; 1589, s'intrure en), est encore signalé par Littré aux temps composés et par l'Académie (1935) à la forme pronominale.
❏  Reprenant l'emploi du latin médiéval, intrus se dit d'abord d'une personne qui s'est introduite illégalement dans une charge, une fonction. ◆  Par extension (1801, n.), le mot désigne couramment une personne qui s'introduit quelque part sans y être invitée ni désirée. Intrus s'emploie aussi en parlant d'une chose dont la présence est importune (1899, R. de Gourmont).
❏  INTRUSION n. f., emprunté (1304) au latin médiéval intrusio, terme juridique dérivé de intrusus, a des emplois analogues : le mot est didactique dans son premier emploi ; le sens moderne, « fait de s'introduire sans en avoir le droit (dans une société, un groupe) », est attesté en 1835. Intrusion s'emploie spécialement en géologie (1861, roches d'intrusion), d'où le dérivé INTRUSIF, IVE adj. (1871).
❏ voir INTRODUIRE.
INTUBATION, INTUBER → TUBE
INTUITION n. f. est un emprunt (1542) au latin scolastique intuitio, en bas latin « image réfléchie dans un miroir », formé sur intuitum, supin du latin classique intueri « regarder attentivement » et au figuré « se représenter par la pensée » ; le verbe latin est formé de in- (→ 2 in-) et de tueri, tutus (tuitus) anciennement « voir, regarder », puis « garder, protéger », verbe sans origine connue (→ tuer, tuteur).
❏  Le mot s'est d'abord employé pour « action de contempler ». Il désigne en philosophie une forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement (v. 1640, Descartes) et en théologie (1762) la vision directe de Dieu. Depuis le début du XIXe s., intuition se dit couramment (1831, Balzac) du pressentiment de ce qui est ou doit être.
❏  INTUITIONNISTE n. et adj. apparaît (1874) dans une traduction de J. Stuart Mill, qualifiant en philosophie un système où l'intuition joue un rôle important (1877, n.).
■  Le mot est didactique, comme INTUITIONNISME n. m. (1908), INTUITIONNER v. tr. (1937, Ruyer) et INTUITIONNEL, ELLE adj. (mil. XXe s.), « intuitif » opposé à « logique ».
INTUITIF, IVE adj. est dérivé savamment (1480) du latin intuitus « coup d'œil, regard » et au figuré « considération de qqch. », lui-même dérivé de intueri. Comme intuition, le mot est aussi d'usage courant (1845, Michelet). Il est parfois substantivé.
■  Il a fourni INTUITIVEMENT adv., terme de théologie (1599), de philosophie (1731) et d'emploi courant. INTUITIVISME n. m. (1890) et INTUITIVISTE adj. et n. (1891) sont exclusivement d'usage didactique.
INTUMESCENCE n. f. est un dérivé savant (1611) du latin intumescere « gonfler, enfler », composé de in- (→ 2 in-) et de tumescere « s'enfler », de la base tum- (→ tumeur).
❏  Ce mot didactique se dit d'un gonflement. Il s'emploie en géologie (1756) et surtout désigne en médecine l'augmentation de volume d'un organe, d'un tissu (1793). ◆  Il a été repris en mécanique des fluides (1962), désignant une onde de translation.
❏  Le dérivé INTUMESCENT, ENTE adj. (1836, Chateaubriand) est très rare.
INUIT adj. et n. est un emprunt (1893, les Inoïts) à la langue ainsi désignée (l'inuktitut) signifiant « les hommes » (au singulier inuk « un homme »).
❏  Il désigne une personne appartenant aux ethnies de l'Extrême-Nord canadien (et sibérien) et ce qui est relatif à ce peuple. Le mot est usuel en français du Canada, où eskimo, esquimau est condamné à la demande des intéressés (→ esquimau).
INUKTITUT n. m. est un emprunt direct à la langue des Inuits, où il signifie « à la manière des Inuits », s'appliquant notamment au langage. C'est le nom de la langue des Inuits du nord-est du Québec.
INUSITÉ → USER
INUTILISABLE → UTILE
INVAR, INVARIABLE → VARIER
INVASION n. f. est emprunté (v. 1155, Wace) au bas latin invasio « invasion » et au figuré « usurpation », formé sur invasum, supin de invadere « envahir », et « assaillir, attraper » (→ envahir).
❏  D'abord attesté au sens d'« attaque » en concurrence avec la variante francisée envasion (du XIIe au XVIe s.), le mot apparaît ensuite (XVIe s.) dans un emploi repris du latin et disparu, pour « usurpation, abus de force » (v. 1541). ◆  Il désigne à la même époque en médecine (v. 1560, Paré) la période qui s'écoule entre les premiers symptômes d'une maladie et la période d'état de maladie aiguë. ◆  La première valeur du mot est reprise (v. 1580, Montaigne) pour désigner l'irruption d'un ennemi dans un pays, puis par métonymie pour « occupation » (1671) et « migration dévastatrice » (1690), notamment comme terme d'histoire (les grandes invasions). ◆  De l'idée de « pénétration massive » viennent des emplois étendus : « entrée soudaine et en nombre (de personnes) » (1835) et abstraitement « pénétration d'idées, de sentiments ». Par analogie, le mot s'emploie en parlant de choses concrètes (1823, invasion des eaux) et de l'irruption d'animaux nuisibles (1873). Dans la plupart des emplois, c'est le substantif du verbe envahir ; il est péjoratif et implique des inconvénients graves résultant d'une violence. Ainsi, son emploi par un homme politique à propos de l'immigration a pu être vivement critiqué (1991).
INVECTIVE n. f. est emprunté (1404, Ch. de Pisan) au bas latin invectivae (orationes) « (discours) violents », pluriel neutre substantivé de invectivus « outrageant », dérivé de invehi, invectus « s'élancer contre », « s'emporter contre (par la colère) ». Ce verbe est une forme (le « médiopassif ») de invehere, proprement « transporter dans, amener », formé de in- (→ 2 in-) et de vehere, vectus « transporter, porter », de racine indoeuropéenne °wegh- « aller en char, transporter sur un char » (→ véhicule).
❏  Introduit avec le sens étymologique de « discours vif et emporté », qui est sorti d'usage, le mot se dit ensuite (1512) d'une parole ou d'une suite de paroles injurieuse.
❏  Le dérivé INVECTIVER v., employé comme intransitif dans invectiver contre qqn (1549) et sur qqn (1585), emploi disparu, et comme transitif invectiver qqn (1542, Bloch et Wartburg ; puis 1587), est d'emploi littéraire. La construction transitive, considérée comme fautive par Littré, est entrée dans l'usage courant. ◆  On relève INVECTIVEUR n. m. chez A. Arnoux (1952).
INVENTAIRE n. m., écrit inventayre en 1313 (F. e. w. ; 1344, selon T. L. F.), est un emprunt au bas latin juridique inventarium, dérivé du latin classique inventum, supin de invenire « trouver, rencontrer », « acquérir » et « inventer », lui-même composé de in- (→ 2 in-) et de venire (→ venir). ◆  L'ancien français a également eu les formes inventoire (1292), inventore (v. 1300) usitées jusqu'à la fin du XVIe s., et empruntées au latin médiéval inventorium (v. 1290), altération du bas latin d'après repertorium « répertoire ».
❏  Inventaire a conservé le sens général de « dénombrement et énumération (d'éléments) » ; il s'emploie d'abord en droit civil en parlant de biens appartenant à un individu ou à une communauté, spécialement (1549) pour désigner l'état des pièces d'un procès. Par extension, il se dit dans l'usage général (av. 1615, É. Pasquier) de la revue minutieuse d'un ensemble de choses. En commerce, le mot désigne (1636) l'opération qui consiste à dénombrer et estimer les marchandises en magasin ; par métonymie du sens juridique, il s'est employé (1660) pour la vente aux enchères de meubles inventoriés (jusqu'à la fin du XVIIIe s.). Bénéfice d'inventaire, terme de droit, a fourni la locution figurée sous bénéfice d'inventaire (1668, par bénéfice d'inventaire) « sous réserve de vérification ». Au sens de « dénombrement et classification », le mot s'emploie spécialement dans divers domaines scientifiques et techniques (1690, en parlant d'une collection d'archives).
❏  Inventaire a fourni inventarier v. tr. (1407), encore usité au XVIe s., mais supplanté par INVENTORIER v. tr. (1367) qui a eu pour variantes inventoirier (1391), inventoriser (1470, employé jusqu'au XVIIe s.), dérivé de l'ancien français inventoire (voir ci-dessus). ◆  Le verbe signifie « inscrire dans un inventaire » et par extension (1732) « examiner en détail ».
■  Plusieurs termes techniques ou didactiques en ont été dérivés : INVENTORIABLE adj. (1946) ; INVENTORIEUR, EUSE n. (1946 ; 1902, L. Bloy, inventoriateur, hapax) ; INVENTORIAGE n. m. (1947) et en Belgique INVENTORISATION n. f. (depuis 1904 ; d'après le néerlandais) ; INVENTORISTE n. m. (1955).
❏ voir INVENTEUR.
+ INVENTEUR, TRICE n. et adj. est d'abord attesté au féminin inventeresse (1431), le masculin n'étant relevé que dans le troisième quart du XVe s. en même temps que le verbe inventer (ci-dessous) et que le sens général d'invention. C'est un emprunt au latin inventor (m.), inventrix (f.) « personne qui trouve, qui découvre », « auteur », spécialement d'une loi, dérivé de inventum, supin de invenire (→ inventaire). Il y a eu des hésitations pour la forme du féminin : inventeresse, inventeure (1485) et inventeuse (1606) viennent du masculin, et inventrice, forme retenue, est empruntée (v. 1508) au latin.
❏  L'ensemble des acceptions du mot apparaît au XVe siècle : il désigne d'abord en moyen français une personne qui imagine, donne pour réel qqch., sens aujourd'hui archaïque. ◆  C'est depuis le XVe s. un terme de droit qui se dit (1454) de qqn qui découvre un objet, par exemple un trésor, une mine, etc., puis d'une personne qui trouve qqch.
■  Après l'ancien provençal enventadour (1461), le mot (1530) désigne une personne qui imagine qqch. de nouveau, dans le domaine des arts, des sciences, etc. ; de là viennent divers emplois : « personne qui a trouvé une idée » (1564), « auteur (d'une action, d'une situation) » (XVIIe s.) et spécialement inventeur de romans (XVIIe s.) « romancier », expression sortie d'usage. ◆  En emploi absolu (mil. XVIIIe s.) le mot désigne un auteur d'inventions importantes et s'applique surtout aux sciences et aux techniques : c'est aujourd'hui la valeur dominante du mot.
❏  INVENTIF, IVE adj., formé sur le radical de inventeur, qualifie qqn qui a le talent d'inventer (1440-1442) et, en particulier (1466), celui qui est fertile en expédients. ◆  Cette acception demeurée courante détache le mot des valeurs dominantes de inventeur et invention. L'adjectif a été employé par A. Daudet (1877) pour « imaginaire ».
■  Inventif a fourni INVENTIVITÉ n. f., attesté en 1917 (Barrès), et INVENTIVEMENT adv. (XXe s.), rare.
INVENTER v. tr. a des emplois analogues à ceux d'invention et inventeur, dont il procède (le verbe latin était invenire), avant de devenir le verbe d'où inventeur semble être dérivé et de constituer une tête de série lexicale, bien qu'invention et inventeur soient sémantiquement distincts. ◆  Il signifie d'abord « créer qqch. de nouveau » (1485) puis « trouver (des idées) grâce à son imagination » (1522), spécialement dans le domaine littéraire et des arts ; il s'emploie à partir du XVIIe s. pour « donner comme réel (ce que l'on a imaginé) ». Le verbe entre dans plusieurs locutions : ne pas avoir inventé la poudre (l'eau tiède, etc.) « avoir l'esprit borné » (1718), cela ne s'invente pas « cela est sûrement vrai ».
■  Le verbe a fourni le dérivé INVENTABLE adj. (sans doute déb. XXe s. : le contraire ININVENTABLE adj. est attesté en 1904) et le préfixé RÉINVENTER v. tr. (attesté chez Brillat-Savarin 1842), « inventer de nouveau », a pris la valeur de « redonner de la valeur à (ce qui était oublié, négligé, perdu) ». Une idée, un sujet, etc. à réinventer, « à reprendre à neuf ». Le substantif correspondant, formé sur invention, est RÉINVENTION n. f. (dans Lamartine, 1835), moins courant que le verbe.
INVENTION n. f. (1431) apparaît d'abord sous les formes invenciun (v. 1120), invencion (1270), envention (1297). C'est un emprunt ancien au latin classique inventio « action de trouver, de découvrir », « découverte », « faculté d'invention » et terme de rhétorique. Inventio est dérivé de inventum, supin de invenire. En latin chrétien Inventio Sanctae Crucis (v. 530) désignait la fête (3 mai) rappelant la découverte de la Croix du Christ, et adinventio signifiait « trouvaille dans la façon d'agir » et, péjorativement, « expédient, ruse ».
■  Invention apparaît en français avec ce dernier sens (v. 1120), à côté de l'emprunt adinventiun (v. 1120 ; v. 1310, adinvention), puis entre dans l'expression invencion Sainte Croix (1270), devenue en français classique l'Invention de la Sainte Croix, puis de la Croix (1812).
■  À partir du premier emploi, le mot désigne (1431) l'action d'imaginer une chose que l'on donne pour vraie, un mensonge. ◆  Le sens général d'« action de trouver une idée » et de « découverte » est attesté plus tard dans le XVe s. (v. 1485), époque où apparaît inventeur et le verbe inventer (ci-dessus) qui renforcent cette famille de mots. D'où diverses acceptions : « trouvaille littéraire » (1501), en peinture et en sculpture (1600), « action de créer qqch. de nouveau », par exemple une machine (1530), « moyen ingénieux, procédé ». À la fin du XVIe s., invention désigne plus abstraitement la faculté de créer, en arts et en sciences (1595, Montaigne). ◆  Le sens rhétorique, « recherche des idées et art de les développer » est repris au latin au milieu du XVIIe siècle ; on emploie aussi en français le latin inventio. ◆  Par extension du sens général, le mot désigne en musique une petite pièce instrumentale caractérisée par des effets nouveaux (notamment à propos de J. S. Bach). ◆  Depuis le XVIIIe s., le mot, comme inventeur, s'applique notamment aux découvertes scientifiques et techniques (les grandes inventions).
INVERSE adj. et n. m. est emprunté (1611) au latin inversus, participe passé de invertere (→ invertir).
❏  L'adjectif qualifie ce qui est exactement opposé et contraire à qqch. (en sens inverse) ; il s'emploie spécialement en mathématiques (1690, règle inverse, emploi disparu ; 1708, rapport, raison inverse). Par extension, il s'applique à ce qui est, va, se fait en sens inverse (1762). Le nom désigne aussi (1762) ce qui est dans un ordre inverse, d'où la locution prépositive à l'inverse de (1831, Nodier), la locution adverbiale à l'inverse et verbale faire l'inverse de... (1835). ◆  L'adjectif s'est spécialisé et apparaît dans divers domaines, par exemple courant inverse en électricité (XIXe s.), inverses optiques en chimie, dictionnaire inverse (en ordre alphabétique inverse, qui commence par la dernière lettre), etc.
❏  Le dérivé 1 INVERSEMENT adv. est attesté en 1752 (Cf. réciproquement, vice-versa).
■  INVERSER v. tr. (1840, P. Leroux) remplace invertir au sens de « changer la position, l'ordre, etc. ». ◆  Le verbe s'emploie spécialement en électricité et a des dérivés techniques : INVERSEUR n. m. (1848, en électricité), employé aussi en mécanique (1902) et en électronique (v. 1960) ; INVERSIBLE adj. attesté en botanique (1873) et repris en 1952. ◆  Un autre dérivé du verbe, 2 INVERSEMENT n. m., signifie « fait d'inverser » dans un processus technique (1961), synonyme rare d'inversion.
INVERSION n. f. est emprunté (1529) au latin inversio « action de retourner » et « antiphrase, anastrophe », formé sur inversum, supin de invertere.
■  Le mot, d'abord attesté en grammaire, désigne le déplacement d'un mot par rapport à l'ordre habituel de la construction (inversion du sujet, etc.). Au sens général (1546) de « action d'invertir, résultat de cette action », il s'emploie notamment avec des acceptions techniques ou didactiques : « fait d'aller en sens inverse », dans le vocabulaire militaire (1835) et de la marine (1842), « anomalie concernant la position d'un organe » (1858), inversion du sucre en chimie (1877), inversion de courant (av. 1931), inversion de relief en géologie (av. 1931), inversion positive, négative en mathématiques (XXe s.), etc. ◆  Le verbe correspondant à inversion est invertir, concurrencé par inverser à partir du milieu du XIXe siècle. Par ailleurs, inversion ou inversion sexuelle (1889), après inversion du sens génital (1882, Charcot), désigne d'après inverti* l'homosexualité.
Le dérivé INVERSIF, IVE adj. s'est appliqué (1824, Stendhal) à l'auteur qui use de l'inversion du style. ◆  Le mot est repris en chimie (1846) et en linguistique (1867) pour qualifier des langues qui ont la faculté de renverser l'ordre des mots de la phrase, alors opposé à analogue ; on emploie plutôt aujourd'hui langues à construction libre.
INVERTÉBRÉ → VERTÈBRE
INVERTIR v. tr. est un emprunt (1537) au latin invertere « retourner, renverser », « transposer, changer », formé de in- (→ 2 in-) et de vertere, versus « tourner » au propre et au figuré d'où « convertir, changer en » (→ vers).
❏  Le verbe apparaît au XVIe s. avec les sens latins, « intervertir » (1537) et « bouleverser, troubler » (1552) sortis d'usage, de même que l'emploi juridique (1584) pour « entraver l'effet d'une mesure qu'on a prise ». ◆  Le verbe, qui ne semble pas utilisé à l'époque classique, est repris à la fin du XVIIIe s. au participe passé adjectivé inverti « renversé symétriquement » (1797, Chateaubriand).
■  Invertir demeure didactique ; il s'est employé dans le vocabulaire militaire (1838) au sens de « disposer dans un ordre contraire à l'ordre ordinaire » ; c'est un terme de chimie (1877) et d'électricité (1935), mais après 1840, c'est inverser, le verbe dérivé d'inverse*, qui l'emporte.
❏  INVERTI n. m. est attesté en 1894 (Raffalovitch), probablement d'après un emploi adjectif, sexuel inverti (1888, Magnan). Le mot, à l'origine d'un sens d'inversion*, désigne un homme qui n'éprouve d'affinités sexuelles que pour d'autres hommes. Bien qu'il soit plus usuel que le verbe, qu'il a contribué à affaiblir par rapport à inverser, il est moins courant qu'homosexuel.
INVESTIGATION n. f. est la réfection (v. 1502) d'un emprunt de la fin du XIVe s. (Ch. de Pisan), écrit investigacion, au latin investigatio « recherche attentive, enquête », formé sur investigatum, supin de investigare « chercher (suivre) à la trace, à la piste » et au figuré « rechercher avec soin, scruter ; déchiffrer ». Le verbe est formé de in- (→ 2 in-) et de vestigare « suivre à la trace, traquer » d'où « aller à la recherche de », « découvrir » (→ vestige).
❏  Le mot est introduit avec le sens étymologique de « recherche, enquête » qu'il a conservé au XVIe siècle ; il est encore chez Montaigne (1588) ; il semble disparaître au XVIIe s. et réapparaît au XVIIIe s., d'abord dans une traduction (1721) d'une grammaire grecque rédigée en latin, avec l'expression investigation du thème « manière de trouver dans les verbes le temps et le mode primitif », puis chez Rousseau. Ce dernier emploie le mot au sens étendu de « recherche suivie sur un objet » (1750, investigation des sciences) et pensait en être le créateur, ce qui témoigne de sa rareté à l'époque. Investigation désigne par la suite (1867) une recherche d'ordre juridique ou policière.
❏  Du nom dérive INVESTIGATIF, IVE adj. didactique (1865).
INVESTIGUER v. intr. vient du radical de investigation ou est emprunté au latin investigare. D'abord sous la forme investigier (1381 ; encore investiger en 1618), il est attesté avec la forme moderne en 1406, au sens de « faire des recherches ». Le verbe latin avait abouti en ancien français à envestier (v. 1298). Cependant, quand le mot est repris au milieu du XXe s., il est senti comme un emprunt à l'anglais investigate, de même origine latine.
■  INVESTIGATEUR, TRICE n. et adj. est emprunté (v. 1500) au latin investigator « celui qui recherche, qui scrute », dérivé de investigare. Il a été précédé par investigueur n. m. (fin XIVe-déb. XVe s.). ◆  Le mot s'est dit de celui qui cherche la pierre philosophale. Repris au XVIIIe s. (1752), comme investigation, il s'emploie aussi comme adjectif (1829) et désigne aujourd'hui une personne qui fait des recherches systématiques.
+ INVESTIR v. tr. succède (v. 1410) à la forme adaptée envestir (v. 1200) ; le mot est emprunté au latin investire « revêtir, garnir » au propre, et au figuré « entourer étroitement » (comme un vêtement), qui a pris à l'époque médiévale (fin VIIIe s.) dans le vocabulaire juridique le sens de « mettre en possession d'un fief, d'une charge », une partie du vêtement symbolisant la dignité ou le pouvoir conféré. Investire est en effet formé de in- (→ 2 in-) et de vestire « vêtir, habiller », dérivé de vestis « vêtement » (→ vêtement, vêtir).
❏  Le verbe reprend du latin classique le sens de « revêtir » (v. 1200) aussi au pronominal (1291, soi envestir de), sens encore attesté à la fin du XVIe s. (1569, investir). ◆  Il a signifié, comme en latin médiéval, « mettre en possession (d'un fief) » (1241, envestir), aujourd'hui terme d'histoire. ◆  Investir emprunte ensuite à l'italien investire son sens militaire : « entourer avec des troupes » (v. 1320, envestir) ; l'italien investire, de même origine que le français, signifiait « mettre en possession d'une charge, etc. » (XIIe s.) et aussi « attaquer » (1304). Investir s'est ainsi employé pour « attaquer (un vaisseau) » (fin XIVe s.), « cerner » (v. 1410) et « s'emparer d'une ville » (v. 1550). ◆  Avec la première valeur, « mettre en possession », le verbe s'est dit en parlant d'un bien (1580) puis a pris le sens abstrait de « revêtir solennellement d'un pouvoir, d'une dignité, par la remise symbolique d'un attribut » (av. 1615, É. Pasquier). ◆  L'idée d'« attaque » (ci-dessus) explique les emplois en marine pour « donner contre (un récif) » (déb. XVIIe s.), « toucher à terre » (1690), disparus, mais le second était encore attesté au XIXe siècle. ◆  Par métaphore, investir s'utilise avec un nom de chose (1690) et investir qqn signifie « le presser de toutes parts » (1690). ◆  Le verbe s'emploie depuis le XVIIIe s. dans un contexte abstrait pour « mettre en possession d'un pouvoir, d'un droit, etc. » (1764). De là son emploi en droit constitutionnel et au figuré dans investir qqn de sa confiance « la lui donner » (1903).
■  Au XXe s., investir a repris à l'anglais to invest son emploi en économie pour « employer (des capitaux) dans une entreprise » (1922) ; le verbe anglais, attesté en ce sens depuis 1613, l'avait lui-même repris à l'italien investire (1333). Par extension, investir se dit pour « employer (une somme à qqch.) ». ◆  En psychologie (1943, Sartre) et en psychanalyse (1927), au sens de « mettre son énergie psychique dans (une activité, un objectif) », c'est un calque de la métaphore allemande sur besetzen « occuper militairement », pris au figuré par Freud.
❏  INVESTISSEMENT n. m. s'emploie d'abord dans le domaine militaire (1704), d'où son usage au figuré pour « fait de chercher à séduire (qqn) ».
■  L'emploi devenu usuel en économie et surtout en finances (1924) est un emprunt adapté à l'anglais investment (en ce sens en 1615). En psychanalyse (1927), c'est une traduction de l'allemand Besetzung (1895, Freud), ces deux emplois correspondant à ceux du verbe. ◆  Comme d'autres termes d'économie et de finances, apparus à propos de sommes d'argent et d'objets, le mot a été appliqué à ce qu'on appelle sans gêne le « matériel humain » ou les « ressources humaines ». C'est ainsi que, en français d'Afrique, investissement humain s'emploie pour « travail collectif bénévole dans l'intérêt commun ».
■  Le composé SOUS-INVESTISSEMENT n. m. s'emploie en économie (1968) comme SURINVESTISSEMENT n. m. (mil. XXe s.), qui a aussi une valeur psychanalytique.
■  INVESTISSEUR, EUSE n. désigne (1937) une personne ou une collectivité qui place des capitaux dans un secteur de l'économie.
Sur investir ont été préfixés plusieurs verbes.
■  DÉSINVESTIR v., au pronominal à la fin du XVIe s. pour « se débarrasser » (emploi disparu), a signifié (1829) « cesser d'investir (d'un pouvoir) ». Il s'emploie dans le vocabulaire militaire (1846, tr.), en économie et en psychanalyse (XXe s., intr.) d'après les emplois correspondants du verbe simple. ◆  Il a pour dérivé DÉSINVESTISSEMENT n. m. (1846).
■  RÉINVESTIR v. tr. s'est employé dans le domaine militaire (1845), avant de devenir un terme d'économie, avec pour dérivé plus récent RÉINVESTISSEMENT n. m. (1934).
■  SURINVESTIR v. intr. (v. 1960) est un terme d'économie et de psychanalyse.
INVESTITURE n. f., qui succède (1460) à la forme envesture (XIIIe s.), est un emprunt au latin médiéval investitura (IXe s.), terme juridique, dérivé de investire.
■  Le mot reprend ce sens juridique qui n'existe plus aujourd'hui qu'en histoire. Au sens militaire (1587), il s'est employé à l'époque classique. Il désigne aujourd'hui l'acte par lequel une autorité accorde sa confiance à qqn pour une mission de gouvernement (1946, en droit constitutionnel) et, en politique, l'acte par lequel un parti désigne un candidat à une élection (attesté 1949, Vedel).
INVÉTÉRÉ, ÉE adj. est emprunté (1468) au participe passé inveteratus du latin inveterare « laisser (ou faire) vieillir », au passif « devenir vieux » et « faire tomber en désuétude », au participe passé « enraciné, implanté, ancien ». Le verbe dérive de inveteratus, adjectif verbal de inveterascere « devenir ancien, vieillir », au figuré « s'établir, se fixer », et aussi « s'affaiblir », plus fréquent que le simple veterascere. Ces verbes viennent de vetus, veteris « vieux, ancien » (→ vétéran), qui se rattache à une racine indoeuropéenne °wet- « année » (→ vieux).
❏  Cet adjectif littéraire qualifie ce qui est enraciné et fortifié avec le temps, spécialement en parlant d'une maladie, d'un vice (1547). Il s'applique ensuite (1694) à une personne qui a laissé s'ancrer en elle une habitude, en particulier un défaut, un vice (bavard, alcoolique invétéré).
❏  INVÉTÉRER apparaît au pronominal (1543), s'invétérer « s'habituer à ». Il s'est employé comme intransitif (invétérer, 1583) pour « devenir vieux », sens archaïque, attesté chez Gide (1896-1902). Il est mieux attesté au pronominal au sens de « se fortifier par le temps » (1606, d'un mal) et dans laisser s'invétérer qqch. (1690).
■  INVÉTÉRATION n. f., terme très didactique, est emprunté (1552) au latin inveteratio « maladie invétérée » (dérivé de inveterare).