2 JAQUETTE n. f. recouvre deux emprunts sémantiques du XXe s. à l'anglais jacket, lui-même emprunté dans un sens vestimentaire (1462) au moyen français jaquet, jacquet (→ 1 jaquette).
❏  Le terme d'odontologie, écrit jacket (1930) ou jaquette (1938), est l'abréviation du syntagme couronne jacket (1928), couronne jaquette (1930), calque de l'anglais jacket crown (1903), « revêtement d'une couronne dentaire imitant l'émail, employé comme prothèse dentaire esthétique ».
■  Le second mot, plus courant, est emprunté (1951) à jacket dans l'un de ses autres emplois relatifs à un objet couvrant, en l'occurrence la chemise protégeant la couverture d'un livre (1894).
JARD ou JAR n. m., écrit jar ou jart par Ménage (1694), est issu du radical préroman (non précisé comme gaulois) °carra « pierre », qui a donné garrigue, et désigne sur les rives de la Loire le sable caillouteux du fleuve (bancs de jard).
L JARDIN n. m. semble désigner étymologiquement un enclos : en effet, le mot est probablement issu (av. 1150) d'un gallo-roman °hortus gardinus, proprement « jardin enclos ». Le premier élément, hortus, est le nom latin du jardin, d'où vient l'ancien français ort, hort, et qui est passé en français (beaucoup plus tard) dans les composés savants horticole, horticulture* et le dérivé hortillon, ortillon, terme picard. Son dérivé hortulanus est à l'origine de ortolan* et le nom propre Hortensius a fourni hortensia. Le second élément, gardinus, est issu d'un francique °gart ou °gardo « clôture » que l'on reconstitue à partir de l'allemand Garten et de l'ancien et moyen français jart, gart (XIIe s.) « jardin ». Jardin s'est répandu dans les langues romanes (italien giardino, espagnol jardín) et a donné l'anglais garden à partir de la variante anglo-normande gardin.
❏  Jardin, qui a évincé (h)ort, est utilisé dès les premiers textes pour le jardin de légumes (jardin potager, 1570) et le jardin d'agrément, deux fonctions souvent rassemblées dans un même espace au moyen âge. ◆  Depuis 1532 et son emploi chez Rabelais dans le Jardin de la France « La Touraine », il est utilisé par métaphore au sens de « région fertile, riche ». ◆  À partir du XVIIIe s., il entre dans plusieurs syntagmes, reflets de l'évolution de l'art des jardins : en 1732, jardin botanique désigne un jardin où sont cultivées les plantes médicinales ; l'expression désigne aussi (1798) un jardin rassemblant des plantes de diverses parties du monde. Si jardin anglais est attesté depuis 1771, il faut attendre 1814 pour relever jardin français (1859, jardin à la française), bien que ces expressions se réfèrent à un art des jardins en vogue au XVIIe siècle. Au XIXe s., sont apparus jardin zoologique (1834), plus tard remplacé par zoo, jardin d'hiver (1866), ainsi que jardin d'enfants (1859), expression modelée sur l'allemand Kindergarten, du nom donné à cette institution par Fr. Fröbel, son fondateur en 1840. Jardin public (v. 1900) désigne une réalité auparavant appelée simplement jardin (1836). Jardin japonais est apparu au XXe siècle. ◆  En français d'Afrique, l'expression jardin de case désigne le jardin potager situé près de l'habitation.
■  Le mot s'est progressivement enrichi de significations symboliques liées à la tradition antique ou chrétienne du jardin (Cf. Le Jardin des délices, célèbre tableau de Jérôme Bosch) [Cf. eden, eldorado] et est parfois employé par métaphore (av. 1922, Proust) au sens d'« endroit où s'épanouit qqn, qqch. » (par exemple dans jardin secret). ◆  Le second membre de l'expression figurée côté cour et côté jardin se réfère au théâtre, où côté jardin (1869), qui succéda à côté du roi, côté de la reine, désigne le côté situé à gauche du spectateur, par allusion à l'orientation de l'ancien théâtre des Tuileries, placé entre le jardin et la cour du Palais. Voir aussi le schéma.
❏  JARDINIER, IÈRE n. (v. 1180) désigne la personne qui cultive des jardins, se référant plus rarement à celle qui connaît l'art de dessiner les jardins (1732), sinon en emploi déterminé (jardinier fleuriste) ou dans un contexte sans équivoque. Aux deux genres, il dénomme de petits animaux fréquents dans les jardins, comme la courtilière (1694, jardinière) et l'ortolan bruant (1817, jardinier). ◆  Adjectivé au sens de « relatif au jardin » (1568), il est substantivé au féminin.
■  JARDINIÈRE n. f. a développé plusieurs sens métonymiques : depuis 1589, il est utilisé au sens d'« ensemble des outils du jardinier », sens disparu ; demeure son emploi en broderie (1752), en art culinaire « mélange de légumes frais » (1810), pour désigner un récipient recevant des plantes (1812) et une petite voiture de maraîcher (1873). ◆  En rapport avec jardin d'enfants, il entre aussi, depuis 1935, dans jardinière d'enfants (allemand Kindergärtnerin).
JARDINET n. m., d'abord gardinet (1267) « petit jardin », a reçu quelques sens analogiques très spécialisés.
■  JARDINER v. est apparu au XIVe s. avec le sens métaphorique d'« avoir une aventure galante », à rattacher à la locution du moyen français travailler es jardin d'autruy « faire l'amour à la femme d'autrui ». ◆  Terme d'horticulture depuis 1527, il a peu à peu décliné en construction transitive au profit de la construction intransitive (1600). ◆  L'emploi transitif est plutôt réservé à des spécialisations en sylviculture (1548) et en fauconnerie (1562, se jardiner « se réchauffer au soleil en parlant d'un oiseau »).
■  On a formé sur le verbe JARDINAGE n. m., d'abord attesté avec le sens collectif d'« ensemble des jardins » (1281), puis comme nom d'action (v. 1393), avec un sens spécialisé en sylviculture (1812) en rapport avec celui du verbe.
■  JARDINISTE n. (1832), formé pour désigner l'artiste composant des jardins, pâtit de la concurrence de architecte-paysagiste.
JARDINERIE n. f. (1974) est un terme de commerce qui désigne un grand magasin destiné à la vente de tout ce qui concerne le jardin (on emploie aussi l'anglicisme garden-center, dont il est la francisation).
REZ-DE-JARDIN n. m., composé (1964) sur le modèle de rez-de-chaussée (→ chaussée), désigne en français de France la partie d'un édifice à étages dont le sol est au niveau d'un jardin.
⇒ tableau : Jardin
? 1 JARGON n. m. Comme argot*, ce mot ancien, avec des variantes, (v. 1175 en anglo-normand, 1180 gargun, 1270 gargon) est d'origine incertaine. Il est probablement issu de la racine onomatopéique garg- (→ gargousse) désignant la gorge, les organes voisins et, par extension, leurs fonctions. P. Guiraud, à partir de ce radical, postule un intermédiaire °garricare, dérivé gallo-roman du latin garrire « bavarder », employé aussi, plus tard, à propos d'animaux. Le j initial de la forme actuelle s'expliquerait par le fait que, dans les mots dont le champ sémantique est plus éloigné de l'onomatopée, il y a eu une certaine évolution phonétique (qui n'a pas eu lieu dans gargouille, gargote, gargariser, gazouiller, etc.), ou par une alternance expressive g-j.
❏  Jargon s'est d'abord dit d'une langue étrangère et inintelligible, ainsi que du gazouillis des oiseaux, d'une langue propre aux animaux (de 1180 au XVIe s.).
■  Il a pris (v. 1270) le sens de « langue artificielle employée par les malfaiteurs » d'où, par extension, celui d'« argot » en général. Dans cet emploi, l'apocope le JAR (XVIIe s.), parfois rapprochée de jars « mâle de l'oie » avec l'idée de « cancan, caquetage », s'est employée jusqu'au milieu du XIXe siècle. On le trouve (par exemple, dans Vidocq), notamment dans l'expression jaspiner le jar « parler argot ». ◆  Il a rejoint charabia et baragouin au double sens péjoratif de « langue incorrecte » (1611) et de « langage incompréhensible » (fin XVIe s.). ◆  Il a été repris par les psycholinguistes à propos du parler inintelligible de certains aphasiques (XXe s.).
❏  JARGONNER v. intr., d'abord gargonner (v. 1200), a dès le moyen âge le sens péjoratif flou de « parler une langue incompréhensible » et le sens technique de « parler la langue des malfaiteurs » (v. 1460, Villon), c'est-à-dire l'argot, acception disparue. ◆  Par rapprochement avec jars, ce verbe signifie aussi (1585) « pousser son cri (en parlant du jars) ». En sont issus JARGONNEUR, EUSE n. (1529) et JARGONNEMENT n. m. (1968), didactique.
■  De jargon sont aussi dérivés JARGONESQUE adj. (1566), mot rare aux XVIIe-XVIIIe s., et JARGONNIER, IÈRE adj. (XXe s.) « qui tient du jargon » et « argotique », ainsi que JARGONAUTE n., création plaisante (1978) de J. Merlino, par allusion à argonaute.
■  La psycholinguistique a produit les dérivés didactiques JARGONAPHASIE n. f. (1906) « aphasie caractérisée par un débit rapide, des déformations phonétiques et des créations de mots », JARGONOGRAPHIE n. f. (v. 1950) et JARGONOMIMIE n. f. (v. 1960), nommant par ce dernier la tendance à s'exprimer par des gestes grotesques (mimique).
■  Un code argotique a été nommé LARGONJI n. m. (1881), déformation de jargon selon le procédé caractéristique de cet argot, qui consiste à substituer la lettre l à la première consonne d'un mot, que l'on reporte à la fin du mot en la faisant suivre d'un suffixe libre. Ce procédé, qui semble apparaître au XVIIIe, est bien attesté au XIXe siècle. Le choix du l comme initiale est dû aux prothèses populaires du type mon lévier pour mon évier, dues à l'article élidé l.
2 JARGON n. m. est emprunté (1723, Savary) à l'italien giargone « variété de diamant », attesté depuis le XIVe s. et de même origine que l'ancien français jacunce, jargunce « pierre précieuse », et que l'espagnol zircon (→ hyacinthe, jacinthe).
❏  Le mot, qui désigne (au pluriel) de petits cristaux vendus par les droguistes pour de vraies hyacinthes, a reculé au profit de zircon*. Il s'est spécialisé en joaillerie (1752) comme nom du zircon jaune ou incolore.
1 JARRE n. f. est emprunté (1200, jare) à l'arabe ğarra « grand vase de terre » de même que l'espagnol jarra (XIIIe s.) et l'italien giarra (XIVe s.). La première occurrence du mot atteste son emploi comme terme usuel du français parlé dans le royaume franc de Jérusalem ; de là, il semble être parvenu en France par un intermédiaire italien (1441, alors écrit jarre, forme qui va dominer) et par un intermédiaire provençal (1449).
❏  Jarre, qui désigne un vase en poterie particulièrement utilisé sur tout le pourtour méditerranéen, s'applique à un vase funéraire, en archéologie. Une région du Laos où on découvrit de grandes urnes funéraires est appelée plaine des Jarres (elle fut en 1952 le théâtre de combats entre les Vietnamiens et les Français). Par analogie de forme, jarre a pris le sens technique (1820) de « cloche de verre, de cristal, dont on forme les batteries électriques », généralement dans jarre électrique (1857), aujourd'hui archaïque.
2 JARRE → JARS
JARRET n. m. est probablement dérivé (v. 1160, garez), au moyen du suffixe -et, du gaulois °garra « jambe », reconstitué d'après les langues celtiques : cymrique garr « jarret », ancien irlandais gairri « mollets », cornique gar « jambe », breton garr « jambe ». Le même mot gaulois est à l'origine de l'ancien provençal garra « jarret » devenu garro en provençal (→ garrot). La substitution de j à g apparaît au XIIe s. (jaret) et l'orthographe moderne est fixée au XVIe siècle.
❏  Jarret, « région postérieure du genou chez l'homme », désigne également (1170) l'endroit où se plie la jambe de derrière d'un animal ; le mot est employé particulièrement en boucherie et désigne le morceau de viande correspondant à la jambe (patte postérieure) et à l'avant-bras (patte antérieure). ◆  Par allusion à l'angle et à la saillie que forme un jarret de cheval, il a développé (1561) le sens technique de « bosse, saillie qui rompt la continuité d'une ligne, d'une courbe », en architecture et en menuiserie.
❏  Jarret a produit JARRETIÈRE n. f. (fin XIIIe s.), d'abord attesté sous la forme masculine anglo-normande gareter, demeurée en usage dans les parlers normanno-picards. C'est cette forme qui a été empruntée par l'anglais garter « jarretière », lequel a servi à nommer un ordre de chevalerie fondé par Édouard III en 1347-1349. Cet ordre, le plus ancien et le plus élevé en dignité, a été connu en France à la fin du XIVe s., où l'on relève chez Froissart chevalier du Bleu Gartier ; l'expression l'ordre de la Jarretière semble plus récente (1606). ◆  Depuis 1360 (jartière, aussi au masculin jarretier), le mot désigne une pièce de vêtement masculin ou féminin, consistant en un lien servant à maintenir et à tendre les bas. ◆  Par analogie, il a reçu quelques emplois techniques dans lesquels il désigne un fil, un cordage, et a donné son nom à un poisson très allongé et rubanné.
■  En est dérivé 1 JARRETER v. tr. « fixer par des jarretières » (1582), forme simplifiée — « haplologique » — d'un °jarreterer que l'on postule par le participe passé jartieré (1571).
JARRETELLE n. f., apparu tard (1892), est le déverbal de jarreteler « attacher avec des jarretières », terme normand relevé en 1596 et issu par dissimilation de °jarreterer. ◆  Le mot, qui a vieilli au sens de « ruban extensible utilisé par les hommes pour tendre leurs chaussettes », s'est maintenu comme terme d'habillement féminin, et est entré dans le composé PORTE-JARRETELLES n. m. (1935).
■  2 JARRETER v. intr. (1694) se rattache au sens technique de jarret, et correspond à « présenter des bosses », en architecture et menuiserie.
■  JARRETÉ, ÉE adj. (1694) semble distinct de son participe passé, qualifiant un cheval dont les pointes de jarrets convergent l'une vers l'autre et sont parfois trop rapprochées.
Le sens de « région postérieure du genou » survit dans COUPE-JARRET n. m. (1587, coupe-jaret), dénomination imagée du bandit, de nos jours plaisante ou archaïque.
? JARS n. m. (v. 1174) est d'origine incertaine. Selon Bloch et Wartburg, il s'agit probablement du même mot que JARD, 2 JARRE, JAR (1680 ; 1260, gart) « poil droit et raide mêlé au poil fin de certaines fourrures et à la laine des ovidés ». Celui-ci est considéré comme issu du francique °gard « épine, aiguillon », postulé d'après l'ancien haut allemand de même sens gart. La spécialisation de sens de jars s'expliquerait alors par la comparaison de la verge du mâle de l'oie avec une aiguille, une baguette (Cf. l'évolution sémantique de verge). Selon P. Guiraud, jars serait plutôt issu de l'ancien français jarse « lancette » qui a donné jarser (→ gercer) « donner des coups avec un objet pointu, le bec », d'après la combativité du jars.
❏  Le mot, nom du mâle de l'oie, a développé quelques valeurs figurées et péjoratives d'usage régional : « mâle du point de vue du comportement sexuel » (Normandie) et « niais » (Canada), en particulier dans faire son jars « faire l'important » (à comparer à faire jart, dans le Dauphiné).
■  Le rapprochement de jars et jargonner* a suscité un emploi de ce verbe sémantiquement dépendant de jars.
❏  Le nom a produit, probablement par l'intermédiaire d'un dérivé synonyme (gergaud), le verbe rare JARGAUDER v. intr. (1650) « s'accoupler avec l'oie », dont un synonyme régional jardir, en berrichon, fournit à Bloch et Wartburg un argument en faveur de leur hypothèse (d étymologique de jard).
JAS n. m. recouvre trois emprunts successifs au provençal jas, d'abord attesté sous la forme jatz (fin XIIe-début XIIIe s.). Ce mot désigne le gîte d'un animal, notamment d'un lièvre ; il est spécialisé dans les Alpes de Provence à propos d'un parc entouré d'une petite muraille de pierres sèches, généralement situé sur un mamelon où, de juin à octobre, on fait coucher les troupeaux d'ovins (1208, dans une charte des Hautes-Alpes). Plus généralement, il s'applique à la cabane où l'on enferme le troupeau (1465). Sur les bords de la Méditerranée, le mot provençal s'est spécialisé dans deux autres emplois, désignant d'une part le réservoir d'une saline et, d'autre part, en marine, la barre transversale (joug) d'une ancre. Dans ces trois sens, il est issu d'un bas latin °jacium, proprement « lieu où l'on gît, où l'on est couché », mot ayant des représentants dans les domaines italien, catalan et occitan, dérivé du latin classique jacere « être couché, allongé » (→ gésir).
❏  En français, le mot désigne d'abord (1580) le premier bassin où l'on fait entrer l'eau de mer dans les marais salants et, par métonymie (1867, Littré), le tuyau en bois qui permet l'entrée de l'eau. Ce sens se rencontre surtout en Vendée et en Charente.
■  Un autre emprunt a été effectué en marine (1643) à propos de la pièce de métal transversale d'une ancre, destinée à faciliter l'accrochage des pattes au fond.
■  Un troisième emprunt, plus tardif, a introduit le sens de « parc à moutons, bergerie » (1840) dans une aire géographique couvrant les Alpes et la Provence. Il est connu par les noms des lieux-dits, en Provence.
JASSERIE n. f. (1874, d'abord « groupe de burons », 1743) est un mot régional d'Auvergne pour « petite cabane de bergers, buron ».
JASER v. intr. est probablement issu (1538 ; v. 1500, gaser) d'un radical onomatopéique °gas- par l'intermédiaire d'une forme normanno-picarde gaser (→ gazouiller).
❏  Le verbe signifie proprement « émettre une succession de petits cris » en parlant d'un oiseau, spécialement pour le geai, d'où gaser comme un geai (v. 1500), le perroquet et la pie (dans l'expression jaser comme une pie borgne). ◆  Par analogie, il est utilisé en parlant d'une personne pour « babiller » et, au Canada, comme synonyme de bavarder, raconter. Ronsard, déjà, faisait jaser ruisseaux et grenouilles.
■  Comme de nombreux verbes de parole, il a développé en français d'Europe une valeur péjorative au XVIIe s. (mais dès le XVIe s., on relève se jaser « se moquer ») : il connote la frivolité, l'indiscrétion relative à un secret que l'on devrait garder (1678) ainsi que la médisance (1690), Cf. cancaner. ◆  Cependant, l'emploi du verbe au sens de « parler familièrement, bavarder » est courant en français du Canada, où cet emploi est attesté en 1807. Comme placoter, il se dit aussi pour « médire ».
■  Le participe présent JASANT, ANTE est parfois utilisé comme adjectif, pour « bavard », comme causant. L'argot a employé le féminin substantivé jasante au sens de « prière » (1883).
❏  Au XVIe s. sont apparus JASEMENT n. m. (1538), son synonyme familier et rare JASERIE n. f. (1538), et JASEUR, EUSE adj. (v. 1530), qui qualifie les personnes bavardes, substantivé (1538) et, plus tard, appliqué à un passereau (1731) puis, en argot, au prêtre et à l'avocat général. Il a pour équivalents jasant et JASEUX, EUSE adj. et n.
JASETTE n. f. s'emploie en français du Canada (attesté 1866) avec la valeur du français d'Europe causette. Piquer une jasette « bavarder, discuter ».
L'argot a par ailleurs utilisé le radical de jaser pour former JASPINER v. intr. (1718) « jaser, bavarder » par croisement avec le verbe dialectal jaspiner « japper souvent et peu fort » (→ japper). L'expression jaspiner le jar (jargon) correspond à « parler l'argot ». ◆  Le verbe, à son tour, a produit JASPIN n. m. « bavardage » (1865 ; v. 1628 employé au sens de « oui »), JASPINEUR, EUSE adj. (1846) et JASPINAGE n. m. (1883).
JASERAN ou JASERON n. m. est la réfection en deux étapes, sous la forme jaserant (fin XIIe s.), puis jaseran (1527, jasiran) ou jaseron (1823), de l'ancien français jazerenc (1080), employé adjectivement pour « fait de mailles de fer ». Ce mot est déjà une adaptation d'un type plus ancien, disparu sans passer dans les textes, °jaserin, reconstituée d'après l'italien ghiazarino « cotte de mailles » (XIVe s.), l'espagnol cota jacerina (1586) et le latin médiéval jasarinus (lecture proposée pour une forme jafarinus « couleur de safran », 1031). Le mot est emprunté à l'arabe ǧazā᾿irī « d'Alger », du nom de la ville où l'on importait ces cottes de mailles.
❏  Le mot, conservé dans son usage substantivé, a d'abord désigné une côte de mailles légères (fin XIIe s.). ◆  Il désigne par extension une chaîne d'or à maille fine dont on fait des colliers (1527) et, par analogie, un gros bouillon de broderie en fil métallique (1823).
JASMIN n. m. est emprunté (XIVe s.) avec des variantes (1512, jassemin ; 1569, josmin) à l'arabe jasmīn de même sens, lequel est emprunté au persan yāsamīn, yāsaman, yāsamūn. Le mot est également passé en grec (iasmê), en latin médiéval (iasiminum) (v. 1240), en italien (gelsomino) et en catalan (gessami).
❏  Le mot, apparu dans le syntagme oile [huile] de jasmin, repris sous sa forme moderne en 1573, désigne l'arbuste (1512) et, par métonymie, sa fleur (1569, Ronsard), son parfum et l'essence parfumée qu'on en extrait.
❏  Au XXe s., les chimistes ont dérivé du radical de jasmin JASMONE n. f. (1907) « cétone que l'on trouve dans le jasmin ».
JASPE n. m. est emprunté (v. 1119) au latin iaspis, jaspis, lui-même repris au grec iaspis. Ce dernier est un emprunt d'origine orientale que l'on rapproche de l'hébreu yašpeh et de l'akkadien yašpû, mais le mot sémitique peut lui-même être emprunté à une langue indéterminée.
❏  Jaspe, nom d'une pierre opaque très dure aux nombreuses variétés bigarrées, désigne par analogie, en reliure, la couleur dont on marbre la page de garde ou la tranche d'un livre (1680).
❏  L'idée de « bigarrure » est réalisée par JASPÉ, ÉE adj. (1552) « marqué de taches colorées comme le jaspe », et JASPER v. tr. (1564) « bigarrer (un objet, une matière) », d'usage général et technique (1671 en reliure).
■  Le verbe a donné JASPURE n. f. (1606 ; 1557 écrit jasprure probablement d'après diaprure) et JASPAGE n. m. (1873), ce dernier réservé à une opération technique.
❏ voir DIAPRER.
JASPINER → JASER
JASS ou YASS n. m. est un emprunt à l'alémanique. En français de Suisse, le mot désigne un jeu de cartes assez semblable à la belotte française, qui se joue avec trente-six cartes. Ce jeu serait d'origine hollandaise.
❏  JASSER v. intr. « jouer au jass » et JASSEUR, EUSE, « joueur de jass ».
L JATTE n. f., d'abord gate (1180), iate (XIIIe s.) puis jatte (1393), est issu de °gabita, forme tardive du latin gabata « écuelle, jatte », mot populaire.
❏  Le mot tend à vieillir au sens de « vase arrondi très évasé sans rebord ni anse », sinon dans des parlers régionaux du nord de la France et en français de Belgique. Il n'a pas gardé le sens de « bassin à laver » qu'il a eu du XVe au XVIIe siècle. Comme tous les noms de récipients, il est utilisé par métonymie au sens de « contenu d'une jatte » (1856), en concurrence avec JATTÉE n. f. (déb. XVIIe s.), d'usage limité.
■  Il entre dans le syntagme courant cul-de-jatte, démotivé, où il correspond à « support plat » (→ cul).
G JAUGE n. f. est issu (1260) du francique de même sens °galga, pluriel de galgo « perche », l'instrument composé de deux perches, avec lequel on jaugeait les récipients. Cet étymon a été reconstitué d'après l'ancien haut allemand galgo « potence, gibet » (allemand Galgen), son genre féminin étant assuré par le néerlandais galge. La forme normanno-picarde gauge a donné l'anglais gauge, de même sens.
❏  Jauge, « capacité que doit avoir un récipient déterminé », a développé en marine le sens technique de « capacité cubique intérieure d'un navire (en tonneau) » (1723), utilisé dans le langage juridique et en yachting.
■  Depuis 1867, toujours avec l'idée de mesure, il désigne la quantité de mailles existant dans une surface donnée de tricot.
■  Depuis le moyen français, il désigne par métonymie (1467) un instrument servant à fixer la jauge, sens avec lequel il compte plusieurs emplois techniques et, par extension de fonction, se rapporte à l'instrument servant à évaluer une grandeur physique (température, épaisseur).
❏  Le dérivé JAUGER v. tr. (v. 1260), outre des emplois techniques correspondant à ceux de jauge, notamment en marine (v. 1680), a développé (1787) le sens figuré assez courant d'« apprécier rapidement par un jugement de valeur ».
■  Ce verbe a produit JAUGEAGE n. m. (1248 gaujage, refait en jaugeage, 1611) et JAUGEUR n. m. (1248, gaujeor) nom d'ouvrier et (1912) d'appareil, tous deux d'usage technique.
DÉJAUGER v. intr. (1834) s'applique à un navire qui n'est plus dans ses lignes d'eau, est exhaussé. ◆  Par transposition au domaine de l'aviation, il se dit d'un avion dont on diminue le poids au moment du décollage. Un emploi transitif exprime l'idée de « soulever (un navire, la partie immergée d'un navire) ». C'est dans les deux cas un terme technique.
JAUMIÈRE n. f. est l'altération mal expliquée (1667) de heaumière (1573) « ouverture pratiquée dans la voûte d'un navire pour le passage du gouvernail », lui-même dérivé de heaume « barre du gouvernail » (1552), mot distinct de heaume « casque ». Il est emprunté au moyen néerlandais helm, mot dont la racine, qui se retrouve dans l'ancien norrois hjálm, le vieil anglais helm (v. 725), serait peut-être indoeuropéenne.
❏  Jaumière est en concurrence avec trou de jaumière « orifice laissant passer la mèche du gouvernail ».