JÉSUS n. m. est la lexicalisation du nom propre Jésus, transcription du latin chrétien Jesus, correspondant au grec Iêsous. C'est l'adaptation de l'hébreu tardif ou de l'araméen yēshūa῾, antérieurement y᾿hōshua῾ « Joshua », expliqué par « Jah ou Jahvé est le salut » et à rapprocher de l'hébreu y᾿shu῾ah « salut, délivrance » (Cf. Matthieu I, 21 : « elle enfantera un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus : car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés »). Nom propre juif fréquent donné au fondateur du christianisme, il est passé comme tel en grec et en latin puis dans toutes les langues de la chrétienté.
❏
Le mot apparaît d'abord dans des emplois se référant au Fils de Dieu, mort sur la Croix, fournissant une interjection (1496,
Jhesus), étoffée en
doux Jésus !, toujours en usage
Jésus Dieu ! (archaïque)
Jésus Maria (1573), puis
Jésus Marie Joseph, et traduisant l'admiration, la peur, la surprise, la joie.
■
Il se spécialise en imprimerie, désignant un format de papier de grande dimension dont la marge portait à l'origine le monogramme de Jésus, JHS (1633), et en numismatique pour une monnaie de Genève sur laquelle figurait ce même monogramme.
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Il s'emploie aussi comme appellatif affectueux (1753) en référence aux représentations de Jésus enfant (1840), alors en concurrence avec (le) petit Jésus.
◆
Il semble que le sens argotique de « jeune homosexuel passif » (1835) soit moins une spécialisation à partir de cet appellatif et de l'idée de « jeune enfant mignon » qu'une allusion (largement répandue dans les milieux athées dès la fin du XVIIIe s.) à l'homosexualité suggérée de Jésus et à ses liens « particuliers » avec ses disciples. C'est cette valeur qui est évoquée dans le titre du roman de Francis Carco, Jésus-la-Caille.
■
Le sens de « couteau » (1919), lui aussi argotique, fait écho à bon-dieu « sabre-poignard » (1858) et peut expliquer le sens argotique de « pénis » (attesté en 1935).
■
Le sens culinaire de « gros saucisson court », d'abord dialectal, plus courant dans le Lyonnais, en Suisse, en Alsace, repose, semble-t-il, sur une analogie d'aspect avec un enfant au maillot.
❏
JÉSUITE n. est dérivé (1548) du nom de la
Compagnie de Jésus, imaginée en 1534 et fondée en 1540 par Ignace de Loyola (1491-1556).
■
Le mot désigne un membre de cet ordre séculier et qualifie ce qui s'y rapporte (av. 1594, la Secte Jésuite). À partir du XVIIIe s., il a donné lieu à la valeur critique d'« hypocrite, retors » (1749).
◆
Son emploi comme désignation argotique du dindon (1808), disparu, vient de ce que l'animal aurait été acclimaté en Europe par les jésuites.
■
Les dérivés JÉSUITIQUE adj. (1599 ; jésuistique, 1594) et JÉSUITISME n. m. (1622) ont perdu leur ancienne valeur neutre pour devenir péjoratifs sous la plume des écrivains du XVIIIe s. (av. 1755, Saint-Simon ; 1753, Argenson). La valeur figurée d'« hypocrite » (1831) pour l'un, « hypocrisie » (1832) pour l'autre, s'est développée dans la première moitié du XIXe siècle.
◆
L'adjectif a produit JÉSUITIQUEMENT adv. (1755 Montesquieu).
L +
JETER v. tr., d'abord getter (881), est issu, comme la plupart des correspondants romans du mot, du latin tardif jectare, altération du latin classique jactare (→ jactance), fréquentatif de jacere « lancer, jeter » (→ gésir), d'une racine indoeuropéenne °ye- « lancer », à laquelle se rattache le grec hienai de même sens.
❏
Jeter, apparu avec le sens de « pousser précipitamment dans ou sur » a développé de nombreux sens propres et figurés réalisant l'idée d'un mouvement vif en fonction de la nature de l'objet, de l'intention et de la nature du sujet. Dès la fin du
Xe s., il est attesté au sens de « pousser vivement (qqn) à l'extérieur », d'abord avec un adverbe signifiant « dehors » puis absolument (1130), sans que cet usage ait la même familiarité qu'aujourd'hui.
◆
À la même époque (v. 980), on relève le sens de « déterminer par le hasard (du jet des dés) », surtout réalisé en français classique dans les locutions
le sort en est jeté (1636),
les dés sont jetés (1611,
le dé en est jeté) et, depuis la Renaissance, dans
jeter un sort, dont la valeur « ensorceler » (1549) s'est substituée à « tirer au sort » (v. 980,
jeter le sort).
◆
Dès le
XIe s. (v. 1050),
jeter est attesté au sens de « lancer un objet », soit dans l'intention de l'abandonner, de le donner (1160), soit dans celle de le faire tomber (1080) ; au
XIIe s., il commence aussi à s'employer au sens de « faire jaillir hors de soi » en parlant de cris, de larmes, puis (1176) de paroles.
◆
À partir de
La Chanson de Roland (1080), il a le sens de « répandre, émettre, diffuser » et de « placer, mettre » (sans soin ou au contraire solidement, comme dans
jeter un fondement, expression relevée en 1230 en architecture), ainsi que de « lancer pour se débarrasser ».
◆
Au
XIIe s. apparaissent les sens de « lancer pour répandre » (v. 1130) et « faire mouvoir (une partie de son corps) » (1150), ce dernier réalisé au figuré dans l'expression
jeter les yeux « les diriger » (v. 1120).
◆
À la fin du
XIIIe s., s'y ajoute le sens de « mettre brutalement (qqn) dans un état, une disposition d'esprit ».
◆
Dès le
XIIIe s., le verbe se trouve ainsi doté de la plupart de ses sens modernes, à côté de valeurs disparues avant le
XVIIe s. comme « répartir » et « calculer » (d'où vient
jeton, ci-dessous).
◆
Beaucoup d'emplois figurés apparaissent au
XVIe et surtout au
XVIIe s., époque où l'on commence également à relever des emplois plus particuliers du type
jeter une draperie (1684), « l'arranger », et
jeter sur le papier (1680 ; dès 1387 au sens de « dessiner un projet » en architecture), ainsi que plusieurs locutions encore usuelles.
◆
Le lien sémantique entre
jeter et
jactance est réalisé dans l'expression familière
en jeter « faire impression » (1916), qui active l'idée d'impression visuelle de
jeter de la lumière « briller » (
XIe s.). Au sens concret de « se débarrasser en jetant », l'expression
n'en jetez plus (la cour est pleine) [fin
XIXe s.] correspond à « cela suffit, c'est assez ».
■
L'emploi du pronominal se jeter est aussi très ancien au sens de « se lancer » (v. 950), au figuré « s'engager dans une situation », également (1549) « se précipiter sur ». Son emploi à propos d'un cours d'eau qui rejoint un autre cours d'eau ou la mer apparaît beaucoup plus tard (1751).
◆
Dans les années 1990, se jeter correspond à « partir » (Cf. se casser), avec le sémantisme, acquis par le verbe dans les années 1980, de « chasser, expulser, renvoyer », qui a entraîné des valeurs négatives pour JETÉ, ÉE adj. « dans une situation exécrable, désespéré », et aussi « bon à rien », ou encore « soûl » (années 1980).
■
S'en jeter un, pour « boire, absorber », est en usage depuis les années 1940 avec des extensions comme derrière la cravate, le bouton de col (ce qui daterait l'expression du début du XXe siècle).
❏
De
jeter a été tiré le déverbal
1 JET n. m. (1155) « action de lancer », qui a développé plusieurs emplois spécialisés en ce sens (en sport, marine) et a fourni la locution
d'un jet (v. 1753).
◆
Par extension,
jet désigne aussi le mouvement par lequel une chose jaillit, d'abord un liquide (fin
XIIe s.), puis la lumière et la chaleur (
XVIIIe s.), spécialement dans des emplois techniques et scientifiques.
◆
Par métonymie, il désigne des objets identifiés à leur jaillissement (
jet d'eau, 1671 ; simplement
jet, 1659).
◆
D'après l'emploi particulier de
jeter en botanique au sens d'« engendrer » (1322), il désigne une nouvelle pousse d'un arbre
(→ rejet, rejeton).
◆
Au sens de « jaillissement de liquide »,
jet a fourni le nom d'instrument
BRISE-JET n. m. (1906).
■
Son correspondant anglais jet, partiellement influencé par le mot français, a donné 2 JET n. m. (1957) « avion à réaction transportant des passagers », abréviation de l'anglais jet-plane, proprement « avion (plane) à jaillissement de gaz (jet) » (→ jumbo [jumbo-jet]).
◆
Le même mot, distingué oralement de 1 jet par le t final prononcé, entre dans JET-STREAM n. m. (1955), de jet et stream « courant », et dans JET-SOCIETY n. f. (1972 ; ou jet-set, expression américaine, 1967) désignant les personnes qui comptent dans la vie mondaine internationale et prennent souvent l'avion (jet).
◈
JETEUR, EUSE n. (v. 1180) est surtout courant dans l'expression
jeteur de sort (1842), apparue à l'époque où Stendhal introduisit en français le mot italien (napolitain) de même origine
jettatore (1717) et
jettature (1817) « mauvais œil », correspondant à l'italien
jettatura, et formés tous deux sur le verbe
gettare (il malaugurio) « jeter (le mauvais sort) ».
■
Le participe passé de jeter a fourni deux noms : le plus ancien est JETÉE n. f. (1216) dont le sens originel de « distance parcourue par une chose jetée » a été repris par jet.
◆
Le mot n'a que rarement le sens d'« action de jeter » (1362), éclipsé par l'acception métonymique de « construction formant une chaussée s'avançant sur l'eau », qu'il a depuis la même époque.
■
Le masculin JETÉ (vers 1704 selon Wartburg ; ou 1725) s'est spécialisé à partir du sens d'« action de lancer » dans les domaines de la danse (1725), de la musique (1885), des sports (1901) et de l'habillement (1856).
◆
Par métonymie, il désigne un brin jeté sur l'aiguille entre deux mailles en tricot (1867) et une bande d'étoffe étendue sur un meuble (1883 ; 1900, jeté de lit).
◈
JETON n. m. (av. 1250) est le seul vestige en français actuel d'un ancien sens de
jeter, « répartir, compter, calculer » (1280).
◆
Le mot existait (av. 1250) dans un autre sens, « branche »
(Cf. rejet, rejeton), mais a dû cesser de s'employer assez vite.
■
Le jeton était une pièce plate et ronde (1317), dont on se servait pour calculer, au moyen âge et encore aux XVIe et XVIIe s. après l'introduction des chiffres arabes. Ce calcul avait pour principe l'emploi de marques toutes identiques qui ne prenaient leur valeur que par la place qu'elles occupaient sur la table (le sens de jeter « calculer » procéderait de celui de « mettre, placer »). Au XVIIe s. (attesté 1690), jeton a pris son sens courant au jeu et s'est mis à désigner la marque représentant une somme allouée, par exemple dans jetons de présence. En français familier d'Afrique, jeton se dit pour « pièce de monnaie ». L'idée de fausse valeur des jetons par rapport aux pièces a suscité l'expression figurée faux comme un jeton (1808), d'où faux jeton (1910), inspirée par la valeur fictive des jetons. Au sens d'« individu », le mot est surtout employé dans vieux jeton (1905) et, plus rarement dans un beau jeton (1910) « une belle fille ».
■
L'expression familière avoir les jetons (1916) « avoir peur » vient peut-être de jeter au sens de « déféquer » d'après une métaphore commune pour exprimer la peur (Cf. trouille, courante...).
■
De jeton est dérivé JETONNIER n. m. (1685) qui a servi à désigner ironiquement — surtout au XVIIe s. — les académiciens assidus aux séances pour toucher des jetons de présence (ce surnom péjoratif fut appliqué à La Fontaine).
■
JETAGE n. m. (1788 au sens étroit de « coulée de métal »), peu utilisé au sens d'« action de jeter », est réservé au sens d'« écoulement nasal purulent » en médecine vétérinaire (1832).
■
La création de JETABLE adj. (v. 1950) coïncide avec la multiplication des objets d'usage courant non renouvelables (briquets, rasoirs jetables).
◈
Jeter fournit aussi des préfixés.
■
Outre déjeter*, le principal est formé avec sur.
◆
SURJET n. m., réfection (1660) de sourget (1393), est le déverbal de l'ancien français sorjeter (XIIIe s.) devenu SURJETER v. tr. « jeter par-dessus » est sorti d'usage dès le XVIIe s. sauf au sens de « faire des surjets » qu'il a pris en couture (1660) comme dénominatif de surjet.
■
SURJETEUSE n. f. (1955) désigne l'ouvrière et (1964) la machine qui fait les surjets.
❏ voir
ABJECT, ADJACENT, ADJECTIF, AGIOTER, AISE, CONJECTURE, DÉJECTION, DÉJETER, ÉJACULER, ÉJECTER, GÉSIR, GÎTE, INJECTER, JACENT (et SOUS-JACENT), JACTANCE, OBJECTER, OBJET, PROJETER, REJETER, SUJET, TRAJET.
L
JEU n. m., d'abord giu (1080) et geu (1160), est issu du latin jocus « jeu en paroles, plaisanterie », rapproché de mots indoeuropéens désignant la parole, tels le moyen gallois ieith « langue », l'ancien haut allemand jehan « prononcer une formule ». Jocus, fréquemment associé à ludus (→ ludique ; allusion, illusion) « jeu en action », a fini par le remplacer en absorbant ses valeurs.
❏
Jeu désigne, dès les premiers textes, à la fois un amusement libre (1080) et l'activité ludique en tant qu'elle est organisée par un système de règles définissant succès et échec, gain et perte (1160). Son évolution sémantique, qui procède de ce double pôle, est remarquable par la richesse de ses développements métonymiques et figurés, amorcés dès l'ancien français.
◆
En tant qu'activité réglée, le mot s'applique aux compétitions qui seront appelées « sportives » (
gius au pluriel, 1160) et, dans le domaine du théâtre, désigne la représentation, la pièce jouée (1200 ; dès le
XIIe s. dans
jeu parti).
◆
Dans ce dernier contexte, le mot a tendance à s'appliquer particulièrement à la manière dont un acteur interprète un rôle (1680) et à certains mouvements scéniques, de nos jours surtout dans
jeux de scène (1873). Il semble que la locution
vieux jeu (1511,
c'est le vieux jeu « ce n'est plus à la mode »), reprise plus tard avec une valeur d'adjectif (1867), est une métaphore du jeu des comédiens.
◆
Au
XVIe s.,
jeu commence à se dire de jeux d'argent (apr. 1550, en emploi absolu). Dans un tout autre contexte, le mot s'applique à la manière dont on joue d'un instrument de musique (1559).
■
Par métonymie, le mot concerne ce qui sert à jouer (1200, jeu d'eskès « d'échecs »), en particulier un ensemble de cartes (1451) puis, de manière plus précise, l'ensemble des cartes entre les mains d'un joueur (1580). L'univers des jeux ainsi dénommés s'est élargi aux XXe et XXIe s., avec les jeux de société, les jeux de rôle (→ rôle) et, avec la révolution technique apportée par l'électronique, les jeux électroniques, les jeux vidéo.
■
La même métonymie appliquée au jeu musical fait que jeu désigne une rangée des tuyaux d'orgue de cylindre identique (jeu d'orgue, 1515) et l'ensemble des instruments dont il faut jouer à la fois (1611). Jeu se dit aussi d'un assortiment d'objets en marine (av. 1683) et en général (1845).
■
Une autre métonymie le rapporte à l'espace où l'on joue (1385) et, par extension, à un espace aménagé pour la course d'un organe, le mouvement aisé d'un objet (1689), par exemple dans avoir du jeu. Cette valeur spatiale est combinée à la valeur dynamique de « mouvement » dans le contexte de l'activité technique (1694), spécialement en parlant de l'effet artistique produit par des assemblages et mouvements d'eau (1704, jeux d'eau). Ici, l'idée de réglage correspond à celle d'organisation qu'entraînent certains jeux (Cf. la règle du jeu).
◆
C'est au contraire l'aspect gratuit qui est évoqué dans le sens de « ce qui relève ou semble relever de la fantaisie » (1558), parfois souligné dans libre jeu.
◆
L'autre notion, « activité réglée », intervient dans les nombreux emplois métaphoriques du mot, pour « manœuvre, façon d'agir » (v. 1200).
◆
Ces deux valeurs sous-tendent une phraséologie très riche, allant de faire le jeu de qqn (v. 1220), autrefois avec l'idée de « maladresse », à d'entrée de jeu « d'emblée » (1689), c'est son jeu (1633) et ce n'est pas de jeu « ce n'est pas normal, correct » (1824), être en jeu (1873), locutions empruntées à divers contextes ludiques.
◆
L'implication métaphorique du jeu est particulièrement active dans l'activité amoureuse — jeu était d'ailleurs synonyme d'« acte amoureux » aux XIIIe et XIVe s. — ainsi qu'en politique. Ainsi, le grand jeu, expression connue dans le jeu de tarot, et aussi à propos du jeu des acteurs, a pris la valeur figurée d'« activité érotique la plus intense » (1864) et de « déploiement de tous les moyens », dans plusieurs domaines. Mettre en jeu a produit enjeu (ci-dessous).
■
Il convient enfin de mentionner que le sens strictement hérité du latin jocus, « plaisanterie verbale », vivant en moyen français, n'est plus retenu que dans le syntagme jeu de mots (v. 1660) et dans jeu d'esprit, appliqué à une création littéraire badine (1648, Scarron), à un simple exercice d'esprit (1688).
ENJOUÉ, ÉE adj., d'abord
enjoez (1262), est dérivé de
jou, forme atone de
jeu avec le sens de « qui a de l'humour, aime plaisanter ». Par la forme, il est plutôt senti comme apparenté au verbe
jouer.
■
On en a tiré ENJOUER v. tr. « mettre en joie, égayer » (1669, Boileau) seulement employé aux formes composées, et ENJOUEMENT n. m. (1659, Scarron).
■
Le même préfixe se retrouve dans ENJEU n. m. (v. 1370) « somme risquée dans une partie de jeu », devenu courant au sens figuré de « ce qu'on risque (de gagner, de perdre) dans une entreprise » (1798).
■
HORS-JEU n. m. inv. (1897) est un terme du vocabulaire sportif.
❏ voir
JOKARI, JOKER, JONGLER, JOUER, JOYAU.
L
JEUDI n. m. est issu (1119, juesdi) du latin Jovis dies « jour de Jupiter », de dies « jour » (→ jour, diurne) et de Jovis, génitif de Jupiter (Juppiter par redoublement expressif du p), nom latin du roi des dieux de l'Olympe. Le terme latin est issu d'un type °ju-pater dans lequel °ju- provient (de même que dies), de la racine indoeuropéenne °dei- « briller » (→ dieu, jour), et qui signifie « dieu-père » ou, mieux, « jour-père ». Certains noms romans remontent au type dies Jovis, tel le catalan dijous, l'occitan et le franco-provençal dijou et l'ancien français dioes (XIIIe-XIVe s.). L'ordre des mots Jovis dies, lui, vit en français et dans l'italien giovedi ; le type Jovis se retrouve dans l'espagnol jueves, le provençal et le franco-provençal jou, et en roumain. Quant à l'allemand Donnerstag et à l'anglais thursday, ils contiennent le nom germanique du tonnerre divinisé assimilé au Jupiter romain.
❏
Le mot désigne le quatrième jour de la semaine. Le syntagme jeudi saint, qui désigne le jeudi de la semaine sainte, a évincé l'ancien jeudi absolu (ou jeudi de l'absoute). Cf. dimanche pour le même type de formation sémantique. La semaine des quatre jeudis (1867), variante récente de la semaine des trois jeudis (1532) équivaut à « jamais ».
❏ voir
JOUBARBE, JOVIAL.
L
JEUNE adj., n. et adv. est la réfection de juvene (1080), qui a en ancien français les variantes jovenur, juevre, juenvre, gienvle, joefne, jone, etc. Le mot est issu du latin tardif de même sens °jovenus (d'où l'italien giovane et les anciennes formes françaises en -o-), altération du latin classique juvenis. Juvenis, issu d'une racine indoeuropéenne de même sens apparaissant dans le nom de Junon (→ juin), était surtout utilisé comme nom du jeune homme et de la jeune fille, notion qui couvrait la période de vingt à quarante ans, entre l'adulescens (→ adolescent) et le senior (→ seigneur, senior). Le genre féminin et l'emploi adjectif, rares, sont tardifs en latin.
❏
Jeune est apparu comme adjectif au sens de « peu avancé en âge », et est entré dans les syntagmes lexicalisés
jeune homme (v. 1160),
jeune fille (
XVe s.), s'appliquant aussi, récemment, à un nom collectif au sens de « formé de personnes jeunes » (1913).
Jeunes gens (→ gens) sert aujourd'hui de pluriel à ces deux syntagmes, lorsqu'il ne s'agit pas exclusivement de filles. Depuis le
XIVe s., le mot est employé également en parlant d'un animal, d'un végétal et (1873) comme épithète postposée à un nom de chose
(montagne jeune). Dans la plupart de ces emplois,
jeune correspond à l'usage symétrique de l'antonyme
vieux (ainsi dans
un vin jeune).
■
Dès le XIIIe s., jeune a développé des sens où le critère d'âge est secondaire par rapport aux traits traditionnellement attribués aux personnes jeunes, soit avec une valeur favorable, soit avec les valeurs péjoratives de « naïf, crédule » (1213) et « sans maturité ».
■
Il est appliqué à un nom de durée (fin XVe s.) ou à un nom de chose au sens de « qui sied à la jeunesse » (1779), lequel est réalisé adverbialement dans s'habiller jeune (XXe s.). Depuis le XVIe s., jeune est employé (1536) pour indiquer l'âge d'une personne, non par rapport à la longévité de son espèce, mais par rapport à l'âge d'autres personnes, par opposition à aîné, ancien, ancêtre, etc. Il est parfois synonyme de nouveau (dans un état, une profession), notamment, en syntagmes (jeunes mariés) et connote assez souvent l'inexpérience.
■
Depuis le XVIIe s. (1690), il est quelquefois employé familièrement, comme adjectif ou adverbe de qualité, au sens d'« insuffisant, un peu juste » (c'est un peu jeune).
■
L'emploi substantif, au sens d'« adolescent », est devenu très courant, et correspond à la désignation d'une catégorie socioculturelle (le langage des jeunes).
JEUNESSE n. f., réfection (
junesce, XIIIe s.) de
juenvlesce (1155),
joefnesce (v. 1170), dérivés des formes anciennes de l'adjectif, désigne le temps de la vie humaine qui va de l'enfance à l'âge mûr, et, avec une valeur caractérisante, l'état, le caractère d'une personne jeune ou qui a une attitude de jeune. La locution
n'est plus de la première jeunesse (1768) est ironique. Comme l'adjectif,
jeunesse a parfois la nuance péjorative d'« inexpérience » (v. 1275). Le mot avait en ancien français la valeur métonymique d'« action digne d'une personne jeune » (v. 1250), souvent proche d'« étourderie, acte irréfléchi ».
◆
Appliqué à une personne mûre, le mot exprime en bonne part, depuis le
XVIe s. (v. 1580), l'idée d'un caractère juvénile*.
◆
Concrètement,
la jeunesse se dit de l'ensemble des jeunes (1377) et
une jeunesse s'emploie familièrement depuis le début du
XVIIe s. (av. 1605) à propos d'une jeune fille.
■
Le diminutif JEUNET, ETTE adj., réfection de jovenet (au féminin jovenete, 1164), est affectif et parfois ironique, mais sans la valeur péjorative de JEUNOT, OTTE adj. et n. formé beaucoup plus tard (1904).
◆
JEUNABRE adj. est une suffixation argotique en usage au milieu du XXe siècle (Cf. seulabre).
■
JEUNEMENT adv., réfection de jovenement (fin XIIe s.), a signifié « à la manière d'une personne jeune, avec jeunesse », mais ne s'est conservé, au sens temporel de « récemment » (1584-1587), que dans l'expression de vénerie cerf dix cors jeunement (1655), opposé à bellement (« de manière accomplie »), qualifiant une bête dans sa sixième année, ayant depuis peu cinq andouillers de chaque côté.
RAJEUNIR v., d'abord
rejeunir (
XIIIe s.), réfection de
rejonever, rajonevir (
XIIe s.) qui correspondent aux anciennes formes de
jeune, a la valeur transitive de « rendre plus jeune » et, symétriquement, la valeur intransitive (
XIIIe s.) de « devenir plus jeune », le sémantisme contraire au cours irréversible du temps obligeant le verbe à faire appel aux valeurs extensives et figurées de
jeune, notamment à propos de choses, de sentiments.
◆
Le verbe signifie en fait « donner ou prendre une apparence de jeunesse » avec la locution
ça ne nous rajeunit pas (1811) en parlant d'un événement, d'un souvenir ancien, et, au figuré, « faire paraître plus jeune », aussi au pronominal (1779), et « donner à (qqn) moins que son âge » (1850). Un sens collectif correspond à « diminuer l'âge moyen de (un groupe social) » (
XXe s.).
■
Le dérivé RAJEUNISSEMENT n. m. (XVe s.), réfection de rajouisement (1165), est usuel et correspond aux valeurs du verbe.
◆
RAJEUNISSANT, ANTE adj. (v. 1700), tiré du participe présent, est plus courant que RAJEUNISSEUR, EUSE n. et adj. (1852).
ANTIJEUNES adj., formé récemment, s'emploie essentiellement dans l'expression racisme antijeunes « hostilité systématique à l'égard des jeunes ».
❏ voir
JOUVENCE, JOUVENCEAU, JUNIOR, JUNKER, JUVÉNILE.
L
JEÛNER v. intr. est issu (1119) du latin chrétien jejunare « faire abstinence, ne pas s'alimenter par esprit de pénitence » et, au figuré, « se priver, se tenir à l'écart de », dérivé de l'adjectif jejunus « à jeun, affamé » d'où aussi « maigre, sec, pauvre », mot sans doute à mettre en rapport avec jantare, jentare « faire son premier déjeuner », mot populaire sans étymologie claire.
❏
Jeûner, en dehors d'un contexte religieux, est employé au sens d'« être privé de nourriture » (1160). Depuis 1225, il a aussi le sens figuré de « s'abstenir de toutes réjouissances », d'usage littéraire sauf avec la valeur très particulière d'« être chaste », d'usage familier.
❏
De
jeûner sont dérivés
JEÛNE n. m. (
XIVe s. ; v. 1100,
juïne) avec tous les sens correspondant au verbe, et
JEÛNEUR, EUSE n. (1546 comme adjectif ; v. 1400,
jeüneor).
◈
Jejunus est passé en français avec l'ancien adjectif
JEUN (1174) « à jeun », attesté jusqu'au
XVIe s. et probablement éliminé parce que son féminin pouvait être confondu avec
jeune.
◆
La disparition du féminin a entraîné celle du masculin qui s'est conservé, substantivé, dans la locution adverbiale
à jeun (1216) « sans avoir rien mangé ». Celle-ci est employée familièrement en parlant d'une personne (1846), et spécialement d'un alcoolique, qui n'a encore rien bu.
❏ voir
DÉJEUNER, DÎNER.
JINGLE n. m. est l'emprunt (1967) de l'anglais jingle « bruit métallique, son de cloche » (1599), appliqué par dépréciation à d'autres sons, spécialement (1645) à la répétition volontaire d'un même son dans le langage (rime, allitération) et, au XXe s. (1930), à un court motif sonore employé fréquemment à la radio. Le mot est le déverbal de to jingle (v. 1385) « sonner, tintinnabuler », verbe d'origine expressive à rapprocher des verbes de sens voisins to dingle, to tingle.
❏
Le mot, dont la valeur ironique s'est perdue en français, désigne un court motif sonore associé à un message ou à un contenu particulier. Il s'est répandu malgré la recommandation officielle de sonal (1973), absolument inusité. Il est prononcé approximativement à l'anglaise (djinngeul).
1 JOB n. m. est emprunté (1819) à l'anglais job (XVIe s. iobb dans iobb of werk avec work « travail »), « tâche, partie spécifique d'un travail », puis « affaire », en mauvaise part « tâche pénible, insignifiante », et, d'abord dans l'usage parlé américain, « emploi rémunéré » (XIXe s.). L'origine du mot est inconnue : on a évoqué une spécialisation de sens de l'ancien job « morceau, bout, masse », terme en usage du XIVe au XVIe s., mais l'étymologie de ce dernier est tout aussi obscure.
❏
Le mot est resté au XIXe s. un anglicisme pittoresque : d'abord attesté comme mot anglais dans la traduction d'une nouvelle irlandaise, il est ainsi commenté : « Un bon job, dans la langue anglaise veut dire une affaire lucrative, une bonne aubaine ; en Irlande, le mot job s'applique principalement aux travaux entrepris, en apparence, dans un but d'utilité publique, mais en réalité pour faciliter quelque intérêt privé. »
◆
Attesté ensuite en contexte anglais pour « tâche désagréable ou de peu d'importance réelle » (1831), il s'est répandu avec le sens neutre de « travail rémunéré, emploi » (1893, Claudel, L'Échange, dans un contexte américain). Le mot entre dans la langue familière au milieu du XXe siècle.
◆
Il a pris au Canada français le genre féminin (une job) et le sens neutre courant de « travail ». Dans cet usage, on emploie les dérivés JOBBER v. tr. et JOBBEUR, EUSE n. à propos de sous-traitance (jobber un contrat).
JOBARD, ARDE adj. et n., attesté en 1571 sous la forme joubard, repris au début du XIXe s., est dérivé du moyen français job ou jobe (1547) « niais, sot, nigaud », à l'origine de jobelin n. m., nom du jargon des gueux au XVe s., et encore attesté dans quelques locutions argotiques ayant cours au XIXe siècle. Job a été considéré comme étant tiré du nom du personnage biblique Job, à cause de sa résignation dans le malheur et des reproches que lui adressent sa femme et ses amis (Cf. jérémiade). P. Guiraud, rejetant cette hypothèse, apparente le mot à °job « gosier », issu du roman °gaba « gorge, jabot » (→ gaver, joue) par l'intermédiaire d'une forme en °gaub-, le jobard étant un « gobeur que l'on gave (en lui faisant tout avaler) ».
❏
L'attestation du XVIe s., chien joubard, est difficile à interpréter (« qui aime à plaisanter, à folâtrer » selon les dictionnaires) ; elle est à rapprocher du verbe ancien français enjobarder « tromper, se moquer de » (fin XIIIe s.).
◆
Le mot actuel est repris en 1807, écrit jobbard, jobard, et appliqué familièrement à un naïf, comme nom et (1834) comme adjectif.
❏
En sont dérivés
JOBARDISE n. f. (1836) et
JOBARDER v. tr. « duper, tromper un naïf » (1839), peu usité.
◆
2 JOB n. m., probablement par abréviation de
jobard, s'est employé dans
monter le job à quelqu'un, « le tromper » (1867).
◆
En revanche, le verlan
BARJO adj. et n., obtenu par interversion des syllabes (déb.
XXe s.), est courant dans l'usage familier pour « un peu fou ». On écrit parfois
barjot.
◈
JOBASTRE adj. et n., emprunt à un mot occitan (provençal, dérivé de
job « nigaud » [1785]) de la famille de
jobard, s'emploie en Provence pour « imbécile ». Le mot, depuis les œuvres de M. Pagnol, est connu hors de la Provence, surtout comme apostrophe.
JOCKEY n. m. est emprunté (1775) à l'anglais jockey (également jockie), diminutif de Jock, variante écossaise de Jack (→ jackpot) qui est lui-même l'hypocoristique du prénom anglais John « Jean ». Le mot, en anglais, a d'abord été appliqué avec une nuance de mépris à tout homme du peuple (XVIe s.) puis aux maquignons et palefreniers (XVIIe s.), avant de se spécialiser dans le domaine du turf où il désigne le professionnel des courses de chevaux (1670).
❏
Jockey apparaît en français dans la traduction de
Tristram Shandy, le roman de Lawrence Sterne, au sens de « jeune domestique qui conduit une voiture en postillon, un cheval ». On le trouve sous diverses formes à partir de 1776 (
jacqy, jaquet) par rapprochement avec le français
Jacques pris dans son sens de « paysan »
(→ jacquerie, Jacques). Depuis 1813 (dès 1777 sous la forme
jockei), il désigne aussi celui dont le métier est de monter les chevaux dans les courses ; ce sens, qui s'est répandu avec l'engouement pour le « sport » et le turf, a évincé le précédent.
■
Par métonymie, jockey s'est dit d'une casquette de jockey puis (v. 1900) d'un chapeau analogue à celui que portaient les palefreniers.
■
Il est adjectivé (1919) dans régime jockey « maigre », par allusion au régime frugal qui maintient les jockeys légers. On a dit dans ce sens faire jockey.
❏
JOCKEY-CLUB n. m. (1828, en parlant de l'Angleterre) est le nom donné à un cercle mondain fondé en France en 1833 à l'imitation du cercle anglais du même nom, fondé vers 1750, dont l'autorité sur tout ce qui concerne les courses de chevaux était notoire dans toute l'Angleterre. Le mot est à ce point devenu synonyme de « cercle aristocratique très fermé » que l'on relève quelques emplois adjectivés de jockey au XIXe s. avec le sens d'« élégant, distingué ».
?
JOCRISSE n. m., d'abord employé comme nom propre plaisant (1587), est d'origine incertaine. On y voit généralement l'altération du moyen français joquerus « homme mou, sans force, niais, benêt » (1480-1490, G. Coquillart). Ce mot qui signifie « il demeure là-dessus », c'est-à-dire « il demeure là, inactif », contient joque, forme verbale conjuguée (3e personne du présent) de joquier, variante normanno-picarde de jochier « demeurer en un lieu élevé (en particulier des poules) », « être en repos, attendre, tarder, se tenir coi » (→ jucher). Plusieurs formes dialectales renvoient à l'idée de « faire le paresseux », voire « le somnambule ». Le second élément du composé est l'adverbe sus* « dessus ».
❏
Le mot apparaît dans un contexte plaisant : « C'est dommage que vous n'avez nom Jocrisse, je crois qu'il vous ferait fort bon veoir mener les poules pisser. » Il se répand au XVIIe s. comme nom commun à propos d'un sot se laissant mener par le premier venu (1618), d'un benêt s'occupant des soins du ménage (1672). L'impact péjoratif est conservé aussi lorsque le mot s'applique à un avare (1680), emploi qui ne s'est pas maintenu au-delà du XIXe siècle. Le mot s'est probablement répandu par le théâtre comique du XVIIIe s., notamment avec la pièce de Dorvigny, Le Désespoir de Jocrisse, dont le succès stimula une floraison de pièces prenant Jocrisse pour cible, entre 1780 et 1820. Tous les emplois ont vieilli.
❏
JOCRISSERIE n. f. (1843, Balzac) est archaïque et JOCRISSADE n. f. (1867), « composition littéraire mettant en scène un niais », a disparu.
JODHPURS n. m. pl. est emprunté (1939) à l'anglais jodhpurs « pantalon d'équitation serré du genou à la cheville, et qui évite le port de bottes », abréviation de Jodhpur breeches, Jodhpur riding-breeches (1899) « pantalon de Jodhpur », du nom d'une ville du Rājasthān, (au nord-ouest de l'Inde). Ce vêtement a été importé des Indes par les officiers anglais.
❏
La première attestation de 1939, une publicité de la revue Adam, donne le mot au singulier. C'est le pluriel (1946, Le Jardin des modes) qui l'a emporté, à l'exemple de l'usage anglais.
JODLER ou IODLER v. intr. est emprunté, sous la double forme iodler (1872) et jodler (1891), à l'allemand dialectal jodeln (1796), mot répandu dans les régions alpines alémaniques (Haute-Bavière, Tyrol, Carinthie et Suisse), où l'on pratique ce type de musique vocale. Jodeln est lui-même une altération ancienne de joelen, jolen, dérivés de l'onomatopée jo (yo) exprimant la joie (moyen bas allemand jôlen « pousser des cris d'allégresse » et moyen néerlandais johlen « crier à tue-tête »). La forme iouler, la première attestée en français (1840), rend l'ancienne forme alémanique. On rencontre également yaudler chez Daudet (1883), mais cette graphie n'a pas vécu.
❏
Le mot est relatif à la technique vocale propre aux montagnards, qui consiste à passer sans transition de la voix de poitrine à la voix de tête.
❏
Il a produit
JODLEUR, EUSE n. ou
YODLEUR, EUSE n. (1933) « personne qui jodle ».
■
JODEL n. m. (1939) a été emprunté à un mot de la Suisse alémanique par les romans de montagne (Peyré, Frison-Roche) et désigne un appel jodlé.
■
L'onomatopée yoû-, répandue dans de nombreux pays pour exprimer un cri prolongé, soutient la forme IOULEMENT n. m. (1950), d'usage rare.
JOGGING n. m. est emprunté (1964) à l'anglo-américain jogging, désignant une course à pied d'allure modérée conçue comme un exercice hygiénique, sans esprit de compétition (1948). Ce mot est le substantif verbal de to jog (XIVe s., rare dans les textes avant le XVIe s.) « secouer » et « trottiner », apparenté à la forme to jug, et d'origine douteuse, probablement onomatopéique.
❏
Le mot est d'abord relevé en référence à un sport pratiqué aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Il se répand lentement (1974) puis s'acclimate (1978) avec la mode de ce sport en France.
❏
Parallèlement, le français a emprunté JOGGER n. « personne qui fait du jogging » (1964 puis 1974) et « chaussure de jogging », à l'anglais jogger, nom d'agent de to jog, et créé le verbe JOGGER « faire du jogging » (1978, Elle) d'après l'anglais to jog.
L
JOIE n. f. est issu (1080), d'abord (1050) sous la forme goie, du latin gaudia, pluriel du neutre gaudium « contentement, aise, plaisir », « plaisir des sens, volupté » et « personne, objet de plaisir », dérivé de gaudere « se réjouir, être joyeux » (→ jouir). Gaudia, d'abord employé dans la langue parlée, a été pris à basse époque comme féminin singulier. Cependant, au sud d'une ligne Loire-Vosges, les dérivés gallo-romans et les correspondants des domaines italiques et hispaniques reposent sur gaudium ; on relève même en ancien français un masculin joi (1150) utilisé pour renforcer une négation (ne... joi), ainsi que l'emploi de joie au masculin.
❏
Joie, « sentiment de bonheur intense », est utilisé pour désigner ce sentiment considéré dans ses manifestations (1080) et ce qui est cause de joie (1230). Ce sens vit en particulier dans les expressions
s'en donner à cœur joie (1680),
fausse joie (1680),
mettre en joie (1549).
◆
Son sens latin de « manifestation d'amour, caresse » (1165), « jouissance amoureuse » (1170) a disparu
(→ jouir) et ne se maintient que dans l'expression
fille de joie (1389 ;
XIIIe s.,
femme de joie).
■
Jusqu'au XVIe s., le mot a eu le sens particulier de « bijou » (XIVe s.) par rapprochement d'étymologie populaire avec joyau : il en reste une trace dans l'emprunt espagnol de même valeur joya.
■
Le sens métonymique de « réjouissance collective » ne vit plus que dans les dialectes et dans l'expression feu de joie (1549).
■
L'emploi antiphrastique du mot au sens de « malheur, désagrément » est connu dès le XVIIIe s. (joies du mariage, 1752 avec une valeur figurée) et s'est répandu dans la langue parlée moderne (c'est la joie !), l'emploi normal (c'est pas la joie !) étant d'ailleurs plus fréquent.
❏
JOYEUX, EUSE adj. est la réfection (v. 1375) de
joieus (1220), lui-même aboutissement de
goiuse (1050),
joiuse (1080, nom de l'épée de Charlemagne),
joose (fin
XIIe s.).
■
Le mot a été substantivé, autrefois, comme dénomination d'une pâtisserie (1469).
◆
Parlant de personnes, il désigne familièrement, par antiphrase, le soldat des compagnies de discipline d'Afrique (1855).
◆
Son féminin pluriel JOYEUSES sert de désignation argotique pour les testicules (1881), Cf. les valseuses.
■
En sont tirés JOYEUSEMENT adv. (1155, joiosement) et JOYEUSETÉ n. f. (v. 1282), qui constitue un mot littéraire pour « humeur joyeuse » et par métonymie « propos, action qui amuse » (vers 1415, en particulier joyeusetés de corps de garde).
◆
On relève aussi JOYEUSERIE n. f., plus rare encore.
■
JOUASSE, JOISSE, JOICE adj. (att. 1946), dérivé oral de joie et synonyme familier de joyeux, a donné JOUASSERIE n. f. (R. Gary).
◈
RABAT-JOIE adj. inv. et n. inv., formé (
XIVe s.) avec le verbe
rabattre, est attesté dès l'origine avec le sens d'« attristant, ennuyeux (en parlant d'une personne) ». Il a eu aux
XVIe et
XVIIe s. le sens de « sujet de tristesse », sorti d'usage.
❏ voir
GAUDRIOLE, GODEMICHÉ, GODIVEAU.
L +
JOINDRE v. tr. est issu (1080) du latin jungere, verbe appartenant au groupe indoeuropéen de jugum (→ joug) et qui, d'un sens primitif précis, « atteler », a élargi son sens à « unir deux à deux, lier, assembler, attacher », spécialement « réunir deux terres » (au passif « être contigu ») ; transposé au figuré, il correspond à « lier d'un lien moral, associer, réunir (des qualités) », spécialement « lier les mots dans une phrase ».
❏
Jusqu'au
XVIIe s.,
joindre a exprimé l'idée d'un déplacement, signifiant « atteindre », à la fois en construction intransitive (1080), transitive et (1174-1176) au pronominal, spécialement avec une nuance hostile, belliqueuse. Il a perdu cette valeur au profit du préfixé
rejoindre (ci-dessous).
■
Dès le XIe s., il prend le sens aujourd'hui courant d'« unir deux éléments », d'abord avec un objet désignant un membre (joindre les mains, les pieds) en référence à l'attitude de la prière et à celle du cérémonial de l'hommage féodal. D'autres types de compléments apparaissent au XIIe s., joindre des choses (v. 1135), joindre une chose à une autre réalisant spécialement l'idée de « réunir pour assujettir » (v. 1160) et réactivant le sens étymologique d'« atteler, assujettir au joug » (1160-1174), qui était vivant dans les dialectes au XIXe s. Comme le verbe latin, il est employé en parlant de terres, d'abord absolument (fin XIIe s.), puis transitivement (un domaine joint un autre) (1176-1181) et au pronominal.
■
L'idée d'un contact physique entre des êtres vivants est assumée par le pronominal se joindre pour « tenir, être attaché à, se serrer contre » (1176-1181), en particulier « s'accoupler (à propos d'animaux, autrefois également d'humains) » (XIVe s.).
◆
Cette même idée, transposée sur un plan abstrait, devient « attacher, unir par un sentiment » (joindre leurs cœurs en contexte amoureux, v. 1278) et, au pronominal, « s'associer, se réunir (dans la vie sociale, professionnelle) » (v. 1450).
■
Le sens particulier de « dire en outre, associer dans le discours » (v. 1200), correspondant au latin subjungere (→ subjuguer), est sorti d'usage, de même que le sens grammatical de « placer (un mot) à côté d'un autre par un rapport syntaxique ».
◆
Cependant, l'idée d'« ajouter, associer (une chose à une autre) » est courante dans sa valeur abstraite (1678), par exemple dans la locution joindre l'utile à l'agréable.
■
La spécialisation du mot en droit pour « juger en même temps » (1606) est restée technique.
◆
La locution familière joindre les deux bouts (1762) reprend joindre un bout de l'année avec l'autre (1694).
◆
Enfin, le verbe, avec un complément désignant une personne, correspond à « être en mesure de rencontrer ou de parler (avec qqn) », par ex. dans joindre qqn au téléphone ou on ne peut pas le joindre. → injoignable, ci-dessous.
❏
JOINT, JOINTE, le participe passé adjectivé (
XIe s.) a été substantivé au
XIIIe s. au sens de « joug », d'après un ancien sens du verbe
joindre « atteler ».
■
Depuis, 1 JOINT n. m. a développé de nombreux sens techniques : il désigne (1391) l'endroit où se rejoignent les éléments d'un assemblage, d'une construction (en menuiserie, maçonnerie) et, particulièrement, l'espace qui subsiste entre les éléments joints. Le sens d'« articulation » (1690), utilisé en anatomie et, au figuré, dans le langage courant, a disparu, sauf dans la locution familière trouver le joint (1798) « trouver la façon de résoudre une difficulté ».
◆
Le sens technique, « articulation entre deux pièces destinées à transmettre un mouvement », est apparu vers 1845, et celui de « garniture assurant l'étanchéité d'un assemblage, en plomberie » au XXe siècle.
■
2 JOINT n. m., au sens familier de « cigarette de haschisch ou de marihuana » (1970), est un emprunt à l'anglo-américain joint, lui-même emprunté au français, et qui, d'après le sens de « point de jonction », a pris en argot américain celui de « lieu de rencontre plus ou moins illégal (sans doute en rapport avec la prohibition) » (cabaret, bar, etc.). Il a désigné notamment les locaux où l'on fumait l'opium et, par métonymie, en est venu à désigner vers 1935 les ustensiles destinés aux consommateurs de drogue, d'abord la seringue hypodermique, puis la cigarette de marihuana. Ce dernier sens seul est passé en français.
◈
Joint, plus encore que
joindre, a produit de nombreux dérivés : son féminin
JOINTE n. f., ancien terme de manège désignant le paturon du cheval (v. 1150), a servi à former l'adjectif
JOINTÉ, ÉE (1583) utilisé en vénerie, surtout dans les composés
COURT-JOINTÉ, ÉE adj. (1661) et
LONG-JOINTE, ÉE adj. (1660).
■
À partir de l'expression usuelle mains jointes, on a formé JOINTÉE n. f. (v. 1225) « ce que le creux des mains peut contenir », mot aujourd'hui marqué comme archaïque.
■
Joint a aussi produit plusieurs termes techniques : JOINTIF, IVE adj. (v. 1440) « qui joint exactement », usuel en technique d'où l'adverbe JOINTIVEMENT (1867), JOINTER v. tr. dir. et ind. (1471) et ses dérivés, ainsi que le composé JOINTOYER v. tr. (1335), le régional AJOINTER v. tr. (1838, 1202 « joindre » au figuré) et leurs dérivés.
■
Joint entre comme second élément dans COUVRE-JOINT n. m. et SERRE-JOINT n. m. (tous deux v. 1845).
◈
Les formes du participe et de l'imparfait du verbe
(joign-) ont fourni
JOIGNANT, ANTE. Les emplois de
joignant comme préposition locale (
XIIIe s.) et en locution prépositive (
XIIIe s.,
à joignant de ; 1348,
joignant à ; XVe s.,
joignant de) sont sortis d'usage.
■
Comme adjectif, JOIGNANT, ANTE « contigu, attenant » (1538) a vieilli, sauf régionalement.
◆
Le composé INJOIGNABLE adj. (1970), qualifiant une personne qu'on ne peut joindre, semble mieux implanté que JOIGNABLE adj.
■
JOIGNEUR n. m. désignait l'ouvrier qui assemble les pièces d'une chaussure et lui donne sa forme (1877). Le mot reprend morphologiquement l'ancien français joignour (v. 1120) « menuisier ».
◆
Il n'est guère employé avec la valeur générale de « celui qui joint » (1885).
◈
JOINTURE n. f., très ancien (1080), n'appartient pas au groupe des dérivés français de
joint : il est issu du latin
iunctura « articulation, endroit où se joignent les mains, les genoux ». Introduit dans ce sens anatomique, il se rapporte ensuite à l'endroit où deux éléments, deux objets se joignent (v. 1121).
Iunctura vient du nom d'action
iunctus, us, correspondant au verbe
iungere « joindre ». Il n'a gardé ni le sens actif d'« action de joindre » (attesté du
XIIe au
XVe s.), ni le sens érotique qu'il avait à l'origine d'après la valeur sexuelle du verbe
joindre, dans l'expression
trouver la jointure qui a signifié « trouver moyen de s'accoupler avec une femme » (1656) avant d'être réinterprétée en « trouver la solution » (av. 1755), et à rapprocher de
trouver le joint.
■
Jointure a reçu des acceptions spéciales en médecine vétérinaire (1765, « paturon du cheval ») et en linguistique, où il se dit de la frontière entre deux segments, syllabes, syntagmes ou phrases.
◆
JONCTURE n. f. (1962), formé par dérivation de jonction*, est synonyme de jointure en phonétique.
◈
Le préfixé
REJOINDRE v. tr. (v. 1050) réalise dans la majorité de ses emplois la notion de « déplacement dans l'espace » que lui a cédée
joindre : il n'a pas gardé un ancien emploi intransitif, pour « aboutir à (un lieu) » en parlant d'un voyage (1050), mais se dit encore de choses qui aboutissent en un point, en construction transitive et dans
se rejoindre, avec une idée de convergence (1690).
■
Le sens itératif de « joindre de nouveau » (v. 1175), puis « réunir (des gens, des choses) » (1642), « réconcilier, remettre ensemble (ce qui avait été désuni) » (1690) a reculé dans la plupart de ses emplois anciens et classiques.
◆
Le verbe n'a plus comme usage vivant que « aller retrouver, rattraper » (1587) au propre et (1876) au figuré, et spécialement « regagner (un endroit, un poste) après l'avoir quitté » (1690), d'où en termes militaires « retourner à son corps » (absolument, av. 1825). Aucun de ces sens n'a donné de dérivés.
◈
L'ancien français
DÉJOINDRE v. tr. (
XIIe s.) a disparu au profit de
disjoindre*.
❏ voir
ADJOINDRE, AJOUTER, CONJOINDRE, CONJONCTIF, CONJONCTION, CONJONCTURE, CONJUGAL, DISJOINDRE (DISJONCTION, DISJONCTEUR), ENJOINDRE, INJONCTION, JONCTION, JOUG, JOUTER, JOUXTE, JUGULER, JUMENT, JUNTE, QUADRIGE, SUBJONCTIF, SUBJUGUER ; YOGA.