2 JOJO n. m. est le redoublement expressif de la première syllabe de Joseph dans faire son Joseph « se montrer prude », allusion au comportement chaste de Joseph, fils de Jacob et Rachel, qui résiste aux avances de la femme de l'officier égyptien Putiphar. De là, l'expression populaire (1867) faire son jojo. Il n'est pas certain que la locution familière affreux jojo, se rattache à cet emploi (voir 1 jojo, sous joli).
JOJOBA n. m. C'est le nom d'un arbuste des régions désertiques dont les graines produisent une huile utilisée en cosmétique.
JOKARI n. m. est emprunté (1951, peut-être 1950) au basque jokari « joueur », dérivé avec le suffixe d'agent -ari (peut-être apparenté au latin -arius donnant -ier en français) de joko « jeu », issu du latin jocus (→ jeu).
❏
Le mot, employé régionalement pour une variété de pelote basque, s'est répandu, comme nom de marque déposée, pour un jeu formé d'une balle reliée par un élastique à un socle, et que l'on renvoie à l'aide d'une palette de bois, sur le principe de la pelote basque.
JOKER n. m. est emprunté (1912) à l'anglais joker, terme de jeu d'origine américaine désignant une carte dont la valeur varie au gré de son détenteur (1885). Ce sens est une spécialisation de celui de « plaisantin, farceur » (1729), spécialement « bouffon, fou », par le sens de « ce qui sert à faire un bon coup, notamment au jeu de dés ». Le mot est dérivé de to joke « plaisanter » (1670), lequel est soit issu du latin jocari de même sens (→ jouer), soit dérivé de joke « plaisanterie », du latin jocus (→ jeu).
❏
Le mot, terme de jeu de cartes, s'emploie parfois par métaphore pour une marque, un signe ayant une grande valeur et permettant de gagner, dans un système codé.
?
JOLI, IE adj. (XIIIe s.), attesté d'abord sous la forme jolif (1140, estre jolif de femmes), serait dérivé de l'ancien norrois jól, nom (pluriel) d'une grande fête païenne de la mi-hiver, ultérieurement assimilée à Noël, avec le suffixe -if sur le modèle de aisif (de aise). Le mot scandinave correspond à l'anglais archaïque yule, du vieil anglais zeól (antérieurement zeohhol), mot très ancien (726 en latin) ayant désigné le mois de décembre ou de janvier puis (v. 900) Noël ; le mot anglais subsiste dans des syntagmes lexicalisés tels yule-bog « bûche de Noël », yule-candle « bougie de Noël ». Le gotique a également jiuleis dans Fruma jiuleis « novembre ». Le sens propre du français serait donc « festif ». Paul Meyer suggère cependant que l'ancien français jolif pourrait remonter à un latin populaire °gaudivus, de gaudere « se réjouir » (→ jouir), avec un passage de d à l comme dans cigale* (de cigada) ; cette hypothèse fragile correspond cependant mieux aux premiers emplois réalisant non l'idée de fête, mais celle de plaisir.
❏
Le mot est très polysémique en ancien français où il signifie « lascif, ardent » (1140), « joyeux, gai » (
XIIIe s.), et aussi « tendre », « paré, huppé, élégant » (1265) et quelquefois « brave, loyal ».
◆
S'il reste une trace de son ancien emploi galant dans l'expression
joli cœur, fréquente dès le
XIIe s. et encore utilisée par ironie, tous ces sens ont décliné avant le
XVIe siècle. Ils se sont partiellement conservés dans l'anglais
jolly « gai, enjoué, gaillard », « charmant, gentil », etc. (
a jolly good fellow, adverbialement), mot emprunté à
joli.
◆
Le sens moral d'« aimable, agréable par son esprit, sa gentillesse » s'est prolongé jusqu'à l'époque classique.
■
Le champ sémantique du mot s'est simplifié en moyen français et surtout en français classique avec le sens courant de « très agréable à voir ou à entendre » (v. 1360), souvent utilisé à propos des personnes avec un sens très distinct de beau ; cette valeur, qui a éliminé toutes les autres, correspond à une atténuation de beau, avec l'idée d'agrément, de charme, comme pour mignon, gentil. Le mot est également appliqué à des choses (1360) et à des animaux (1690), mais de façon toujours sélective (il semble notamment impliquer une idée de « petitesse »). Il est utilisé spécialement en navigation pour qualifier une brise de force intermédiaire entre petite et forte. Depuis 1671, il sert à qualifier des ouvrages de l'esprit, en particulier lorsqu'ils sont petits, tels lettres, compliments, formules, et un tour plaisant joué à qqn.
◆
Dans l'usage familier, joli est employé (v. 1550) au sens de « digne de retenir l'attention par son importance ou sa qualité » (un joli magot) et, ironiquement, au sens antiphrasique (1634) de « déplaisant, désagréable » (comme beau, gentil). La négation du sens positif, redoublé, dans c'est pas joli joli, produit le même effet.
❏
L'ancienne forme
jolif, ive a produit en ancien français plusieurs dérivés, dont
JOLIVET, IETTE adj. (
XIIIe s.) ;
JOLIVEMENT adv. (
XIIIe s.) et
JOLIVETÉ n. f. (
XIIe s.), encore attesté au
XVIIe s. et, plus tard par archaïsme, pour « gaieté, agrément » et par métonymie « chose agréable, action plaisante ».
◈
Ces formes sont en concurrence dès le moyen français avec les dérivés de
joli.
◆
JOLIET, IETTE adj. (
XIIIe s.) a signifié « gai, joyeux » et « agréable » (comme
jolivet), valeurs disparues avec celles de
joli qui y correspondent, puis s'est restreint (1538) à « assez joli, mignon ».
■
JOLITÉ n. f. (XIIIe-XIVe s., aussi jolieté) reprend les acceptions de joliveté, se spécialisant pour « souci d'élégance » (1410) et désignant par métonymie (une, des jolités) un objet de parure (v. 1460), des bibelots, des colifichets (1690), abstraitement des gentillesses et badineries (1671). Toutes ces valeurs ont vieilli, malgré une reprise littéraire archaïsante vers 1900.
■
JOLIMENT (1285, joliement) a pris au XVIIe s. ses sens modernes : « d'une façon agréable » (1609) et « extrêmement » (1676). Depuis le XIXe s., il est aussi employé par antiphrase.
■
L'autre nom de qualité, JOLIESSE n. f., après une attestation isolée au XIVe s., a été reformé au XIXe s. (1843) au sens moderne de « caractère d'une chose gracieuse à regarder ». Il est d'usage littéraire.
◈
Le redoublement de l'initiale a produit (1852)
1 JOJO adj. pour « joli, fameux », surtout en contexte négatif (
pas jojo, qui correspond à
pas joli joli, ci-dessus). Cette péjoration rend compte de l'expression
affreux jojo, apparue dans les années 1960 à propos d'un vilain garnement, puis d'une personne méchante, agressive ou provocatrice.
◈
Un archaïsme de forme et de sens subsiste dans
ENJOLIVER v. tr. (déb.
XIVe s.,
soi enjolyver), dérivé de
jolif, ive par l'intermédiaire de l'ancien français
joliver v. intr. (
XIIe s.) « s'adonner au plaisir », encore employé au
XVIIIe s. par Saint-Simon pour « folâtrer, raconter des plaisanteries ».
◆
Enjoliver s'est maintenu au détriment de la forme modernisée
enjolier, correspondant au verbe simple
jolier. Il a perdu le sens primitif, « être plein d'entrain », sans correspondre au sens moderne de
joli, mais à celui de « paré, orné, élégant ». De là son sens « orner, rendre plus agréable, plus élégant par des décorations » (1608), en particulier « ajouter des détails plaisants à un récit » (1608).
■
Ses dérivés ENJOLIVEMENT n. m. (1611), ENJOLIVURE n. f. (1611) et ENJOLIVEUR, EUSE n. (1612) et adj. (1680) sont restés relativement courants ; enjoliveur recevant au XXe s. (1930) le sens concret et spécial de « plaque métallique brillante qui recouvre le moyeu des roues d'automobile pour les orner » (1930).
+
1 JONC n. m., d'abord june (v. 1165), junc (v. 1175), est emprunté au latin juncus « plante herbacée à tige longue, flexible, qui croît dans les lieux humides », mot attesté depuis Plaute et sans étymologie sûre.
❏
Jonc, nom de plante, a développé le sens métonymique de « tige de la plante utilisée en vannerie et sparterie » (
XVe s.), s'appliquant à toute tige de plante flexible, en particulier à une badine, à une canne (1824).
■
Par analogie, il désigne spécialement, en bijouterie, une bague ou un bracelet présentant partout un cercle de même grosseur (1631).
◆
Qualifié, il entre dans plusieurs désignations de végétaux (1764, jonc fleuri).
❏
Le dérivé
JONCHER v. tr., d'abord
junchier (1080), réalise dès les premiers textes le sens analogique de « couvrir d'objets répandus çà et là en quantité ». Il correspond aussi (v. 1165) à « couvrir le sol de végétaux, joncs, fleurs, etc. » et n'a pas gardé le sens général de « renverser, jeter » qu'il avait en moyen français.
■
1 JONCHÉE n. f. (v. 1175) désigne une litière de joncs, puis une couche de branchages dont on couvre le sol lors d'une solennité (fin XIIIe s.) et, par extension, d'après joncher, une grande quantité d'objets épars, de cadavres étendus sur le sol.
■
Le nom d'action JONCHEMENT n. m. (1605) ne s'est pas répandu.
■
JONCHET n. m. (1483) est soit le dérivé de joncher, soit celui de jonc ; il est surtout employé au pluriel pour désigner un jeu de patience traditionnel qui se joue avec des bâtonnets de bois, d'os (dès 1474, jeu de jongz). On relève également les graphies régionales honchet et onchet (chez Rousseau).
■
Dès l'ancien français, jonc a produit JONCHÈRE n. f. (XIIe s., jonchiere) pour le terrain où poussent des joncs, mot concurrencé ultérieurement par JONCHAIE n. f. (1771) et par JONCHERAIE n. f. (1926), résultant du croisement des deux autres types.
■
Il a aussi produit 2 JONCHÉE n. f. (1379) au sens de « petit panier pour égoutter le lait caillé » et, par métonymie, « fromage ainsi préparé » (1583).
■
Par dérivation savante, on a tiré de jonc le terme de botanique JONCACÉES n. f. pl. (1798) et un verbe technique JONCER v. tr. (1858) « garnir (une chaise) de jonc », « frotter (une peau de chèvre) avec une tresse de jonc ».
◈
Les deux adjectifs formés sur
jonc, tant le littéraire
JONCÉ, ÉE « qui a la souplesse du jonc » (Huysmans) que le régional
JONCEUX, EUSE (1901,
Cf. en 1580 joncheux « de jonc »), sont peu usités.
■
L'emploi spécial de jonc en bijouterie est peut-être à l'origine de l'argotique 2 JONC n. m. (1790) qui désigne l'or comme matière et, par métonymie (1842), l'or monnayé, d'où, par extension, l'argent en général (1885).
◆
À son tour, ce sens a produit les mots argotiques JONCAILLE n. f. (1928) « or en lingots, en bijoux », toujours en usage, et, JONCHÉ, ÉE adj. (1881) « doré », sorti d'usage.
❏ voir
JONQUILLE.
JONCTION n. f. est emprunté (1245) au latin junctio « union, liaison, cohésion », dérivé du supin de jungere (→ joindre).
❏
Le mot est apparu au sens d'« union charnelle », sens propre à l'ancien et au moyen français et qui correspond à des emplois de (se) joindre et de jointure. Depuis le moyen français (1477), il fournit le nom correspondant à joindre au sens d'« action de réunir », en parlant de choses et (1581) de personnes, notamment de groupes (avant 1664 en manœuvres militaires).
◆
À partir du XVIIe s. (1690), il est employé spécialement par le langage juridique pour désigner la décision par laquelle un tribunal ordonne la réunion de deux causes liées étroitement, afin qu'il soit statué sur les deux par un même jugement (jonction de causes).
◆
Au XIXe s., jonction commence à s'employer à propos du point où se rejoignent deux voies de communication (chemins de fer, cours d'eau, etc.).
❏
Par changement de suffixe, le mot a servi à former JONCTURE n. f. (1961) « attache », terme de linguistique qui rend l'anglais juncture, courant dans l'usage didactique.
❏ voir
CONJONCTION.
L
JONGLER v. intr., mot du XVIe s. (1546), attesté une fois au XVe s., présente le cas d'une forme d'origine latine ayant subi l'influence d'un mot germanique : c'est la forme altérée de l'ancien français jogler « se jouer de » (XIIe-XIIIe s.) et « plaisanter, faire le métier de jongleur » (XIIIe s.), issu du latin joculari « dire des plaisanteries » (→ jeu, jouer). L'altération de jogler en jongler s'explique par l'influence de l'ancien verbe jangler, en usage du XIIe au XVIIe s. au sens de « plaisanter, hâbler, médire », et qui vient du francique °jangalon « bavarder », que l'on peut reconstruire d'après le moyen néerlandais janken « gémir », jangelen « murmurer, grommeler, miauler », et le moyen bas allemand janken « gémir, se lamenter » et « miauler ».
❏
Jongler, attesté une première fois dans la construction
jongler à qqn « s'amuser avec », a pris au
XVIe s. le sens de « faire des plaisanteries », qu'il a conservé jusqu'à la fin du
XVIIe siècle.
■
En relation avec jongleur*, il s'est spécialisé, par l'intermédiaire de « faire des tours de passe-passe » (1690), dans son sens moderne concernant un exercice d'adresse spectaculaire où l'on fait passer des objets d'une main à l'autre.
◆
Depuis 1863, il est aussi employé au sens figuré de « s'amuser, jouer adroitement de » (notamment dans le domaine verbal), retrouvant en partie ses valeurs anciennes.
Le fait que les objets avec lesquels on jongle sont en l'air, et non dans les mains, a suscité le sens argotique du verbe (1928) « se passer de (quelque chose), en être privé ». Cet emploi est à rapprocher de celui de jongleur pour « escroc qui vole ses complices » (1857), mais en renversant les rôles.
❏
De
jongler est dérivé
JONGLERIE n. f. (1581), altération de l'ancien français
juglerie (1119), de
jugler, jogler, avec l'influence de l'ancien
janglerie « caquet, bavardage », de
jangler.
◆
Depuis le
XIIe s., ce nom suit l'évolution sémantique de
jongleur (→ jongleur) et signifie « art, métier du jongleur », « virtuosité mensongère » (début
XVe s.), et « fausse apparence tendant à duper » (1784).
■
Par substitution de suffixe, on a formé JONGLAGE n. m. (v. 1950), d'acception plus technique et de valeur active.
❏ voir
JONGLEUR.
L
JONGLEUR, EUSE n. (XIIIe s.) continue l'ancien français juglere (1135) juglar, jogleor, jugleor (XIIe s.), issu du latin joculator « rieur, bon plaisant, railleur », dérivé de jocus « plaisanterie, jeu sur les mots » (→ jeu). La forme actuelle du mot, nasalisée, est due à un croisement avec l'ancien substantif jangleor, janglëur signifiant « bavard, hâbleur, médisant », dérivé de l'ancien verbe d'origine germanique jangler (→ jongler) ; en français moderne, le mot est senti comme un dérivé de jongler, alors que le verbe est bien postérieur.
❏
Au moyen âge, le jongleur était un ménestrel ambulant qui récitait ou chantait des vers en s'accompagnant d'instruments dans les cours seigneuriales et les villes. C'était même un artiste universel, puisqu'il montrait aussi des animaux savants, faisait des tours d'escamoteur et d'acrobate et vendait à l'occasion des onguents et des herbes médicinales. Il est probable que, par la suite, les tours d'adresse aient pris une part plus importante : au XVIe s., le mot désigne une personne qui fait des tours (1549) et est presque synonyme de bateleur. Il prend au XVIe s. (v. 1572) son sens moderne de « personne qui lance adroitement des objets en l'air ».
◆
Dès le XIIIe s., il est parfois employé au sens figuré de « personne habile à manipuler les choses, les êtres, les mots », issu du sens large de l'ancien français. C'est en revanche l'acception spécialisée moderne qui est à la base du sens figuré péjoratif, pour « illusionniste, personne qui en impose par des apparences trompeuses » (1819) et « escroc qui trompe et vole ses complices ».
◆
Au XVIIIe s., le mot était également répertorié avec le sens spécial, aujourd'hui hors d'usage, de « devin qui guérit ou prédit l'avenir », « sorcier, chez les Amérindiens », par analogie du sens médiéval.
❏ voir
JONGLER.
JONQUE n. f., avant d'être attesté sous sa forme actuelle (1601), est relevé sous les formes junc (1521), ionct (v. 1525), Ioncque (1571), Ionco (1598) et ionque (1601). Ce mot est emprunté, par l'intermédiaire de textes italien, espagnol, néerlandais (d'où la variété des formes relevées) au portugais junco « grande embarcation en usage en Chine, au Japon et dans l'archipel malais » (1345, jonco). C'est un emprunt au javanais de même sens, djong, attesté en composition au moins dès le XIIIe s. (malais adjong).
❏
Le mot désigne un voilier d'Extrême-Orient à trois mâts.
JONQUILLE n. f., d'abord sous la forme altérée iouquille (de 1596 à 1628), puis ionquille en 1660, est emprunté à l'espagnol junquillo (1192, Junquello comme nom propre ; 1599 en botanique), dérivé diminutif de junco, correspondant au français jonc*, de même origine. La finale -ille explique le changement de genre du mot en français.
❏
Ce nom de plante et de fleur (souvent jaune) est employé comme adjectif de couleur invariable (1719 ; couleur de jonquille en 1715).
?
1 JOTA n. f. est emprunté (1840) à l'espagnol jota, nom d'un chant et d'une danse populaires espagnols de rythme ternaire, vif et trépidant (1765-1783). Contrairement à la légende qui en attribue la création à un Arabe du XIIe s., Aben Jot, la jota n'est pas antérieure au XVIIIe s. et n'aurait aucune origine arabe directe. Corominas a proposé de voir en jota soit une altération, particulière à la phonétique aragonaise, de sota « danse », ancien dérivé de l'ancien castillan sotar « danser », issu du latin saltare (→ sauter), soit un emprunt à l'arabe šáṭḥa « danse ».
❏
Le mot a été introduit avec le folklore espagnol au XIXe s., la formule musicale qu'il recouvre inspirant plusieurs compositeurs (Liszt, Glinka puis Ravel). Comme 2 jota, il se prononce à l'espagnole avec une gutturale.
2 JOTA n. f. est un emprunt à l'espagnol jota qui désigne le son guttural noté x, puis j en espagnol, et correspondant au ch allemand de Buch. Le nom de la lettre est emprunté au latin iota, hellénisme (→ iota).
JOUAL n. m. sing., attesté depuis 1930 (av. 1920 dans parler joual « parler mal, de manière relâchée »), transcrit la prononciation populaire de cheval* (chouval, joual) dans certaines régions (ouest de la France, d'où Québec).
❏
Le mot est utilisé au Québec pour désigner l'ensemble des écarts (phonétiques, lexicaux, syntaxiques) du français populaire canadien soit pour les stigmatiser, soit pour en faire un symbole d'identité. Il est quelquefois adjectivé et employé en apposition.
❏
On en a tiré JOUALISER v. intr., d'où JOUALISANT, ANTE adj. et n. (1973), appliqué aux écrivains qui revendiquent cet usage du français.
L
JOUBARBE n. f., d'abord jobarbe (XIIe s.), est issu du latin Jovis barba (Pline), proprement « barbe de Jupiter », de barba (→ barbe) et jovis « Jupiter » (→ jeudi, jovial), la plante devant son nom au fait qu'elle est censée protéger de la foudre, ou encore à la disposition de ses fleurs, en panicule.
❏
Le mot désigne une plante grasse dont certaines espèces sont communes et croissent sur les toits et les vieux murs.
?
JOUE n. f., d'abord joe (1080) puis jode (XIIe s.), enfin joue, est d'origine incertaine. Il est peut-être issu, par une forme °gauta, de la base prélatine °gaba « jabot, gosier » (→ gaver, jabot) à travers un dérivé déjà prélatin °gabota, gabuta. C'est ce que semblent confirmer les correspondants du mot dans le domaine de l'Italie du Nord, du type gaulta, ou encore le catalan galta, l'ancien provençal gauta (fin XIIIe s.), le franco-provençal dzotoa, dzauta, dzuta.
❏
Joue, apparu avec le sens courant de « partie latérale du visage de l'homme », est parfois appliqué à la partie correspondante de la tête d'un animal (1393,
joue de bœuf), après avoir été employé au sens de « mâchoire » (v. 1120).
◆
D'après la position du fusil plaqué contre la joue pour viser, on a formé l'expression
en joue (1578).
■
Joue a développé quelques sens techniques, par analogie avec la position des joues : il désigne ainsi chaque partie latérale d'un objet (avec un sens ancien en 1426), spécialement en construction (1446), en chemins de fer (joues de coussinet), en mécanique (joue de poulie) ; depuis 1680, il désigne l'espace entre le siège et l'accotoir d'un canapé ou d'un fauteuil.
❏
L'ancienneté de l'emploi analogique de
joue est attestée par le dérivé technique
JOUÉE n. f. (1160-1174), autrefois « pan, surface (d'un mur) », employé en bâtiment en parlant de l'épaisseur d'un mur dans une ouverture (1445), et en tapisserie (1867) à propos de la garniture qui recouvre la « joue » d'un fauteuil.
■
Joue, avec le concours de l'adjectif bas, a servi à former BAJOUE n. f. (1390), employé en boucherie et, familièrement, en parlant de la joue pendante d'une personne.
◆
À son tour, ce mot a produit BAJOYER n. m. (1751), mot technique désignant la paroi latérale d'une chambre d'écluse et le mur consolidant les berges d'une rivière, sur le modèle de l'ancien jouyer (1521), attesté au même sens. Bajoyer, démotivé, n'est plus rattaché à bajoue.
■
ABAJOUE n. f. (1766, Buffon) est issu de la bajoue avec agglutination du -a de l'article ; il est employé, comme bajoue, au sens de « joue pendante de l'homme » ; par métonymie, l'argot lui donne le sens de « face » (fin XIXe s.).
❏ voir
ENGOUER, GOUAILLER, JOUFFLU.
L +
JOUER v. est issu, par l'évolution vocalique en joer (v. 1170), juer, puis jouer (XIIIe s.), du latin jocari « plaisanter, badiner », dérivé de jocus (→ jeu) dont les dérivés ont donné l'ancien français jogler et jogleur (→ jongler, jongleur). À basse époque, parallèlement au remplacement de ludus par jocus, jocari a évincé ludere (→ ludique) et lui a repris ses sens de « jouer à un jeu », « se livrer à un exercice physique », « jouer un rôle, contrefaire » et, au figuré, « se moquer, duper ».
❏
L'évolution sémantique de
jouer est analogue à celle de
jeu. Le sens apparu le premier est celui de « s'amuser, se distraire, badiner », pour lequel l'usage ancien employait également la forme pronominale
se jouer (1165) réservée depuis au sens de « folâtrer, se mouvoir au gré de son caprice » (av. 1606), d'usage littéraire.
◆
Depuis 1080,
jouer est employé avec les prépositions
avec et
à, en exprimant les deux valeurs essentielles du jeu, activité indéterminée et déterminée, dans le contexte des jeux d'argent, de hasard.
◆
Il assume d'autres sens particuliers avec la préposition
de (1225) spécialisée à propos d'un instrument de musique, et dans des locutions figurées du type
jouer de malchance, y compris à la forme pronominale
se jouer de (1671) « se moquer de ». À côté de ces emplois figurés,
jouer de entre dans une série d'expressions familières, telles
jouer des jambes, des flûtes, des fuseaux, etc. « courir, fuir » (1808).
◆
Il est employé avec un complément direct au sens d'« interpréter », en musique, le complément désignant l'œuvre musicale. Un sens analogue pour
jouer, transitif, est « interpréter (un rôle, un personnage) » au théâtre, au cinéma, à la télévision
(jouer Hamlet, l'Avare...), avec de larges possibilités d'emplois figurés, pour « simuler », « donner l'impression de ».
Par influence très probable de la syntaxe du verbe anglais play, jouer a reçu plusieurs usages transitifs en sport (jouer un adversaire, une équipe...).
À partir de 1559, en relation avec jeu « espace », il est appliqué à une chose, au sens de « se mouvoir librement avec aisance, dans un espace déterminé », ce qui correspond à une valeur spéciale de jeu. Il signifie particulièrement (1867) « ne pas garder sa forme, se déplacer » en parlant d'une porte, d'un assemblage, et « fonctionner à l'aise » à propos d'un mécanisme.
◆
En français de Suisse, le verbe, surtout en emploi impersonnel (ça joue) correspond aux usages figurés de marcher, aller, ailleurs.
❏
JOUEUR, EUSE n. (1155, au féminin
joeresse) a perdu son premier sens de « danseur, ménétrier »
(→ jongleur) pour celui de « personne qui joue » (v. 1165), avec certains des emplois correspondant au verbe (
XIIIe s., « joueur d'instrument » ; v. 1400, « personne jouant aux jeux d'argent »). Il est aussi employé comme adjectif (1690).
◈
JOUET n. m. (v. 1250), « objet avec lequel les enfants jouent », s'est longtemps dit également de ce qui servait à amuser les adultes (bijoux, animaux de compagnie). Jusqu'aux
XVIIIe-
XIXe s., il a subi la concurrence de
bimbelot, bimbeloterie dans le vocabulaire du commerce et de l'industrie, avant de les supplanter.
◆
Depuis le dernier tiers du
XVIe s., le mot est employé au sens métaphorique de « personne servant d'objet de raillerie » (1585) et (av. 1600) de « personne, chose qui semble livrée à une force, une volonté qui l'opprime ».
■
Jouet ou jouer est à l'origine de la forme enfantine JOUJOU n. m. (1715), antérieurement jojo (v. 1400) dans faire jojo, avec influence possible de la finale de bijou. Attesté clairement au sens de « jouet » depuis 1721, et usuel dans ce sens au XIXe s. (La Morale du joujou, de Baudelaire), joujou est employé au figuré en parlant d'un petit objet mignon, d'un mécanisme très perfectionné.
◆
Son composé JOUJOUTHÈQUE n. f. (1974), concurrent hybride de ludothèque, semble peu usité.
◈
Jouer a produit d'autres dérivés au
XVIIIe siècle.
■
Les adjectifs JOUABLE (1741) et INJOUABLE (1767), tous deux relevés chez Voltaire, s'emploient à propos d'un jeu et, figurément, d'une action que l'on peut ou non tenter (c'est, ce n'est pas jouable).
◆
Le verbe familier JOUAILLER (1718) est devenu archaïque.
■
1 JOUETTE n. f. (1795), terme technique ou mot régional, désigne un trou peu profond creusé par un lapin de garenne.
◆
Une autre dérivation de jouer donne à 2 JOUETTE adj., en français de Belgique, le sens de « qui aime jouer, s'amuser » (un enfant jouette).
◈
Par préfixation,
jouer a produit
REJOUER v. tr. (
XIIe s.) « jouer une seconde fois », qui a gardé le sémantisme fondamental de
jouer, à la différence du préfixé en
dé-.
■
DÉJOUER v. tr. (1121) est d'abord attesté (1121, se déjüer) avec la valeur perfective de dé- (comme dans délaisser, découper, dépasser), le verbe signifiant « se réjouir, prendre un plaisir complet ». De là pour l'intransitif (1694) le sens de « voltiger au gré du vent », qui renforce une valeur spéciale de jouer.
■
C'est une autre valeur sémantique, attachée à dé- privatif, qui correspond au verbe moderne apparu (XIIIe s.) pour « décontenancer, déconcerter », sens sorti d'usage, puis « faire échouer le jeu, l'action de qqn », et enfin (1792, Marot) « faire échec à », seule valeur vivante.
❏ voir
ENJOUER, JEU.
JOUFFLU, UE adj. (1530) résulte du croisement de joue* et du moyen français giflu, « aux joues rebondies », dérivé (1531) de gifle* pris au sens de « joue ».
❏
Joufflu, employé en parlant d'une personne aux joues rebondies (parfois avec une valeur péjorative), est appliqué par analogie à un objet (1842). Il fournit une désignation argotique du derrière (le joufflu, 1881).
L
JOUG n. m., d'abord orthographié jou (v. 1120), a pris son -g final par rétablissement savant du g étymologique, au XIIIe siècle. Le mot est issu du latin jugum « pièce de l'attelage emboîtant le cou de l'animal ». Par suite, le mot a aussi pris le sens figuré de « servitude », par allusion à la coutume qui consistait à faire passer les vaincus sous deux lances fichées en terre et en supportant une troisième transversale, évoquant un joug (Cf. les fourches caudines). Jugum, qui a des correspondants dans le grec zugon, le hittite iugan, le sanskrit yuga-n (→ yoga) et le gotique juk, remonte à une racine indoeuropéenne °yug- qui se rapporte à l'attelage (de même que les anciens mots equus, rota et axis) (→ axe, équestre, roue).
❏
Joug, d'abord attesté par le hasard des textes avec le sens figuré de « contrainte qui pèse fortement sur qui la subit », d'usage littéraire, dans des expressions et syntagmes déterminés, quelquefois avec la notion plus précise de « contrainte résultant d'une obligation morale ou sociale » (v. 1265), par exemple dans le
joug du mariage (1544).
■
Dès le XIIe s. (v. 1170), il est également employé concrètement, désignant la pièce de bois à incurvation qu'on place sur la tête ou l'encolure des bœufs pour les atteler (dans les pays industrialisés, il a à peu près disparu au XXe s.).
■
Depuis le XVIe s. (1526), d'abord dans l'expression faire joug « se soumettre », il est employé en histoire romaine pour désigner (1690) l'assemblage des trois piques utilisé par les vainqueurs pour asservir les vaincus.
❏
JUGAL, ALE, AUX adj. et n. m. est emprunté (1541) au latin jugalis « de joug, en forme de joug » et, en anatomie, « qui forme la pommette ». Le mot a été repris dans cette spécialisation anatomique, également substantivé pour l'os appartenant à l'arcade osseuse de la joue.
❏ voir
AJOUTER, CONJUGAL, CONJUGUER, ENJOINDRE, JOINDRE (et JONCTION), JOUTER, JOUXTE, JUCHER, JUGULAIRE, JUGULER, JUMENT, JUNTE, YOGA.
L +
JOUIR v. tr. ind., d'abord goïr (déb. XIIe s.), joïr (1140) puis jouir (XIIIe s.), est issu du latin tardif °gaudire, altération de la forme classique gaudere « se réjouir intérieurement », et poétiquement « se plaire à, se complaire dans » (en parlant de choses). Le verbe est dérivé de gaudia (→ joie).
❏
Jouir s'est employé pendant longtemps au sens transitif d'« accueillir chaleureusement, faire fête à » (encore au
XVIe s.).
◆
L'usage moderne a imposé la construction indirecte
(jouir de) attestée depuis 1155 en parlant de la possession d'un bien, dans le domaine juridique (1272) et, par suite, dans l'usage soutenu au sens d'« avoir la possession de » (la santé,
XVIe s., une qualité, 1690).
■
L'emploi courant du mot met l'accent sur l'idée de « plaisir » avec la valeur de « tirer agrément, profit de qqch. » (1165, tr.), particulièrement : « éprouver un plaisir de nature sexuelle » — aujourd'hui intransitif — sens attesté dès le XIIe s. (v. 1140, tr.). Ce dernier sens s'est répandu dans l'usage moderne au point de rendre difficile l'emploi du verbe dans tout autre contexte, au moins en français d'Europe, si ce n'est dans quelques syntagmes et expressions particulières, alors que la valeur correspondante de joie a disparu. Le verbe est cependant courant en français du Canada au sens général et ancien d'« éprouver du plaisir à une activité ». De la même façon, jouir de qqn, en ancien français, s'était limité au sens de « disposer charnellement de qqn pour son plaisir » (XIIIe s.).
◆
Ces valeurs se sont répandues au détriment du sens ancien, plus général, de « tirer avantage, agrément de la fréquentation de » (XVIe s.), encore usuel en langue classique et régionalement, notamment au Canada (ci-dessus), pour des emplois rendus impossibles en France par la valeur érotique.
❏
JOUISSANT, ANTE adj. (1549 ; v. 1165,
joïssant), « qui jouit de la possession d'une chose » et, familièrement, « qui procure du plaisir, délicieux », subit en ce sens la concurrence de
JOUISSIF, IVE adj. (v. 1950) ainsi que de
réjouissant (ci-dessous). Alors que
jouissant, comme
jouir, est marqué par les connotations sexuelles,
jouissif a plutôt la valeur générale de « plaisant, agréable » et par antiphrase « douloureux ».
■
JOUISSANCE n. f. est tiré (1466) du radical de jouir avec les sens correspondant au verbe : sens juridique (1466, spécialement 1671 : « usufruit ») et sens commun de « plaisir intense des sens » (1503 ; 1488 en contexte religieux), spécialement « plaisir sexuel ».
◆
Il entre dans COJOUISSANCE n. f. (1835) et NON-JOUISSANCE n. f. (1660), tous deux d'usage juridique.
■
JOUISSEUR, EUSE n., d'abord utilisé en droit (1529 ; 1509, faire jouisseur de), s'applique plus généralement à la personne (1846) avide de jouissances matérielles, comme nom et comme adjectif (1885). Il est relativement moins marqué que jouir et jouissance par la connotation érotique, pourtant fréquente.
◈
Le préfixé
RÉJOUIR v. tr., d'abord
resjoïr (
XIIe s.), est issu de l'ancien
esjoïr (v. 1120) « rendre joyeux », encore relevé au
XVIIe s. sous la forme
esjouir. Il n'a pas pris la spécialisation sexuelle du verbe simple
jouir. Il est surtout utilisé à la forme pronominale
se réjouir (v. 1175) « s'amuser », puis « éprouver de la joie » (1559).
■
Le participe passé RÉJOUI, IE est adjectivé (v. 1200, resjoï) pour qualifier une personne, son apparence, son visage, lorsqu'ils manifestent de la joie, du plaisir.
■
Le dérivé RÉJOUISSANCE n. f. (v. 1460) a remplacé resjouissement (XIVe s.) au sens de « vif plaisir » et « célébration de ce plaisir », surtout au pluriel pour « fête » (1666).
◆
Il a pris (1783) le sens très particulier d'« os que le boucher ajoute à la viande après l'avoir pesée », en souvenir des réjouissances qui auraient suivi l'ordonnance d'Henri IV supprimant l'usage d'ajouter et de peser les os pour les bas morceaux vendus au peuple.
■
RÉJOUISSANT, ANTE adj. (1425, resjouissant) qualifie d'abord ce qui réjouit, procure du plaisir ou de l'amusement ; il a bénéficié du vieillissement de jouissant (ci-dessus). L'adjectif s'emploie souvent par antiphrase.
❏ voir
GAUDRIOLE, GODIVEAU.