LAINURE n. f. attesté au XXe s. pour désigner les fentes horizontales rapprochées de certains fromages, ne viendrait pas de laine, mais d'un mot dialectal suisse romand, se lainer, lui-même issu du francique lađo « planche », et employé en parlant du bois.
L LAÏQUE (également LAÏC au masculin) adj. est emprunté (XIIIe s.) au latin ecclésiastique laïcus « commun, du peuple », « non clerc, illettré », spécialement « non militaire », « séculier » et « vulgaire, parlée (en parlant de la langue) ». Lui-même est emprunté au grec d'église laikos « commun, du peuple » et « non clerc » (par opposition à klêrikos → clerc), dérivé de laos « peuple », mot sans étymologie connue, employé au pluriel au sens de « simples soldats » et de « gens, citoyens ».
❏  Laïque, attesté une première fois au XIIIe s. et repris à partir de 1487, a détrôné de l'usage courant, sans toutefois l'évincer entièrement, son doublet populaire LAI, LAIE adj. (XIIe s.), encore employé en droit ancien dans avocat lai, cour laie, et dans un contexte conventuel, frère lai, sœur laie (1690), synonymes de frère convers, sœur converse.
■  Laïc qualifie ce qui n'est pas ecclésiastique et, par extension, ce qui appartient au monde profane, à la vie civile (1690), en particulier ce qui est indépendant de toute croyance religieuse (1873). Avec ce dernier sens, développé dans le contexte de la lutte idéologique entre valeurs religieuses, traditionalistes, et valeurs républicaines (apr. 1848 et surtout 1871), il est entré dans l'expression paradoxale saint laïque (1882, Pasteur) appliquée à un homme (Littré) se distinguant par des qualités morales exceptionnelles sans adhérer à aucune religion. L'un des syntagmes les plus significatifs est école laïque, substantivé, familièrement, dans la laïque (1901), désignation historiquement marquée de l'école primaire laïque.
❏  Les dérivés sont tous apparus aux XIXe et XXe s., parallèlement à la création des vocables à valeur polémique anticlérical, anticléricalisme.
■  LAÏCISME n. m. et LAÏCISTE n. (1842), termes d'histoire religieuse, ont pris leur sens moderne à la fin du XIXe siècle.
■  LAÏCISER v. tr. (v. 1870) et LAÏCISATION n. f. (v. 1870), puis LAÏCISATEUR, TRICE n. et adj. (1913), peu usité, concernent tous le processus par lequel plusieurs institutions, dont l'enseignement, se sont dégagées en France de l'emprise de l'Église.
■  LAÏQUEMENT adv. (1913, chez Péguy) n'est pas usuel.
■  Le plus courant est LAÏCITÉ n. f., d'abord au sens de « caractère laïque » (1871, dans le Supplément du Littré), puis pour « conception politique et sociale impliquant la séparation de la religion et de la société civile », et « caractère de ce qui est organisé selon ce principe », notamment « caractère laïc de l'enseignement », affirmé par la loi du 28 mars 1882.
L LAISSER v. tr., d'abord laissier (v. 881), également lesser en ancien français, est issu du latin laxare « détendre, relâcher, libérer (au propre et au figuré) », aussi « quitter, abandonner, céder, déguerpir » et, à basse époque, « permettre, accorder », aux Ve-VIe s. avec l'infinitif (→ lâcher, relaxer). L'ancien français possédait, à côté du paradigme répondant à laisser, une forme laier, picarde et lorraine (conservée en Picardie, Lorraine et Franche-Comté), qui remonterait à un bas latin °laggare, altération très ancienne du latin laxare d'après un mot gaulois °laggos « mou » (→ délai, délayer, relais, relayer).
❏  Les principaux sens du verbe latin sont passés en français avant la fin du XIIe siècle. Dès les premiers textes, laisser exprime l'idée de ne pas intervenir, de se comporter de telle sorte qu'une personne, une chose restent dans le même état. Il se construit souvent alors avec un infinitif, comme en latin tardif, formant une locution verbale à valeur permissive, soit avec un verbe intransitif (v. 881, laisser entrer ; v. 1050, laisser courre, c'est à dire laisser courir), soit avec un verbe transitif (v. 1050) dans laisser qqn, qqch. faire... ou pronominal (v. 1160, se laisser mourir ; 1176-1181, se laisser cheoir aux pieds de qqn). Dans ce dernier cas, la règle moderne d'accord du participe passé avec le sujet dépend de la distinction entre sens passif, comme dans se laisser dire qqch. (XVe s.), se laisser faire (1656), et sens actif, comme dans se laisser aller à (v. 1580). Se laisser aller (1617) revêt les sens de « s'abandonner à ses penchants », « ne pas prendre soin de sa tenue » (1656), « relâcher ses muscles » (1690). Dans le sens de laisser faire « ne pas intervenir », on emploie en français de l'océan Indien l'expression laisser partir.
■  L'idée voisine de « maintenir (qqn, qqch.) dans un état déterminé », elle aussi très ancienne (v. 980), rend le verbe apte à signifier « laisser en liberté, relâcher » (1176-1181) [→ lâcher, relâcher, relaxer] et « permettre (qqch.) » (1160-1174).
■  La notion d'une séparation spatiale est présente avec l'une des valeurs originelles, « s'éloigner volontairement de (qqch., qqn) » (v. 881), qui, par extension, aboutit à « passer devant (un lieu) sans s'y arrêter » (1080) ; avec un complément désignant un être animé, une personne (v. 980), on rencontre aussi le verbe construit avec un attribut du complément (v. 1050, laisser qqn dolent). La séparation que marque laisser peut également être involontaire et résulter d'une impossibilité d'emmener qqn (1080), d'emporter qqch. avec soi (v. 1170). ◆  Avec une notion voisine, et comme en latin, le verbe exprime le fait de « céder, abandonner » (1080), indiquant quelquefois un procès qui s'accomplit non plus dans l'espace, mais dans le temps, avec l'idée de « mettre à la disposition de, après soi » (1616, laisser des enfants après soi), impliquant postérité, héritage, ou simplement avec l'idée de permanence dans la durée, comme dans continuer (laisser une trace, une cicatrice, etc., sens attesté au XVIe s. ; laisser un mauvais goût dans la bouche, 1690).
■  Le troisième grand axe du verbe latin se retrouve dès le Xe s. en français dans l'acception de « renoncer à, s'abstenir de » (v. 980). Laisser a aussi les nuances d'« interrompre qqch. en cours » (v. 980), de « ne pas garder, volontairement » (1080) ou « omettre involontairement, négliger » (v. 1274). ◆  La construction ne laisser de, et subjonctif (v. 1050), « ne pas manquer de, ne pas s'abstenir de », a été modifiée au terme d'un débat au XVIIe s. en ne pas laisser de et infinitif, encore vivante dans l'usage soutenu ou littéraire. Dans cet emploi, comme dans les locutions du type laisser à désirer « être imparfait » ou laisser à penser (1558), le verbe n'a plus qu'une valeur très faible, voisine d'être, avec une faible idée de permanence. ◆  En revanche, l'emploi absolu de laisser pour « cesser » (1119), spécialement « cesser de parler, se taire » (v. 1200), qui s'est éteint après l'époque classique, conservait la trace du sens initial d'« abandonner ».
❏  Le mot a produit un déverbal de chaque genre au XIIe siècle.
■  Le masculin LAIS n. m., d'abord relevé en 1142 sous la forme latine lessum, apparaît avec le sens juridique de « legs, donation ». Comme tel, il a éliminé le féminin laisse avant d'être lui-même supplanté par legs*, lequel représente une altération de lais par faux rattachement étymologique à léguer. Cet emploi, archaïque à partir des XVIe-XVIIe s., demeure en histoire littéraire, grâce aux lais des Testaments de Villon (1461), dans lesquels le poète distribue à ses amis des legs satiriques. ◆  Lais s'est spécialisé techniquement à propos des alluvions déposées par une rivière, terrains devenant propriété de l'État mais pouvant être concédés (1495), et en parlant d'un jeune baliveau laissé lors de la coupe des taillis pour devenir grand (1586).
■  Le féminin LAISSE n. f. (v. 1175 ; en latin médiéval laxa, v. 924) est considéré comme le déverbal de laisser, bien que diverses hypothèses fassent état d'un étymon latin lectio ou °lectia. ◆  En effet, le sens courant, attesté dès les premiers emplois, « lien servant à conduire des chiens », se comprend spontanément par le fait que la laisse est un lien lâche qui laisse une certaine liberté à l'animal. Il pourrait alors s'agir de la confusion de deux homonymes, un seul étant rattaché à laisser. Laisse a reçu une valeur figurée mettant l'accent sur l'absence de liberté (déb. XIIIe s., tenir en laisse). ◆  Le sens d'« émission d'excrément » (v. 1202), duquel on passe au sens concret de « fiente d'animal sauvage » (1387-1391), se comprend aisément comme « ce qu'on laisse » (sens partagé par l'ancien type dialectal laie, 1376) ; Cf. ci-dessous laissées.
■  Quant à la valeur spéciale de « texte, couplet, tirade chanté ou dit sans interruption » (1220-1230), relative à un genre littéraire en usage au moyen âge et reprise ultérieurement en histoire littéraire, elle est à rapprocher de l'ancienne locution d'une laisse « d'un trait » (v. 1278), avec l'idée de « laisser libre cours à la voix » ; on peut aussi l'expliquer d'après l'ancien sens de laisser « interrompre la parole », la laisse étant fondée, comme le couplet, par une interruption.
■  C'est clairement l'idée de « ce qui est laissé » qui rend compte d'une autre valeur, concrète, « atterrissements, alluvions laissés par la mer » (1421, en toponymie), lequel fait de laisse le concurrent du masculin lais. Par métonymie, laisse désigne aussi les terrains découverts par la mer lors du reflux (1765, laisses de basse mer, de haute mer).
■  Le participe passé substantivé au féminin pluriel LAISSÉES n. f. pl. concurrence (av. 1573) laisse dans son acception d'« excrément des animaux sauvages », en vénerie.
La dérivation de laisser s'est accrue de quelques substantifs composés avec une forme verbale de laisser (participe, impératif, infinitif).
■  Le plus ancien est une création du langage de la vénerie, LAISSER-COURRE n. m. inv. « action de découpler les chiens après la bête » et « moment où a lieu cette action » (1387-1391). Concurrencé par laissé-courre et laissez-courre (1583), le mot désigne aussi, par métonymie, le lieu où l'on découple les chiens (1583) et la fanfare qui l'accompagne (1769) ; tous ces emplois sont techniques.
■  LAISSEZ-PASSER n. m. inv. (1673), apparu dans le domaine de la circulation des marchandises, s'emploie par extension à propos de l'autorisation de circuler (1790), s'étendant aussi à celle de faire circuler des véhicules (1804), valeurs demeurées courantes.
■  LAISSER-ALLER n. m. inv. (1786), substantivation du syntagme verbal se laisser aller, a trait à la négligence dans la conduite et, quelquefois, à la négligence dans la tenue vestimentaire ou la rigueur morale.
■  LAISSER-FAIRE n. m., autre substantivation (1843) d'un syntagme verbal, est employé spécialement dans le cadre de l'économie politique libérale ; c'est aujourd'hui un terme d'histoire.
■  LAISSÉ(E)-POUR-COMPTE n. (1867) concerne d'abord l'état d'une marchandise dont le destinataire a refusé de prendre livraison ; cette valeur technique a cédé la place à l'emploi courant pour une chose ou une personne dont personne ne veut (1873).
DÉLAISSER v. tr. (v. 1120) a d'abord signifié « renvoyer, laisser partir », sens disparu, puis « abandonner (qqn) » (1150), sens aujourd'hui dominant, et « renoncer à (qqch.) » (1150-1180, Tristan) en droit.
■  Son dérivé DÉLAISSEMENT n. m. (1274), d'abord employé en droit pour l'abandon d'un bien ou d'un droit, et spécialement en droit maritime (1681), se rapporte aussi à l'état d'une personne laissée sans appui, sans recours (1538) et, plus rarement, à l'état d'une chose à l'abandon (1825).
❏ voir LEASING, LEGS.
L + LAIT n. m. est issu (v. 1120) du latin populaire lactem, accusatif de déclinaison masculine ou féminine du mot neutre lac, lactis « lait (de femme, de femelle) » et « suc laiteux des plantes ». Ce mot est apparenté au grec gala, galaktos (→ galaxie), mais il est sans correspondant dans les autres langues indoeuropéennes qui ont autant de mots distincts, outre des formes populaires du langage technique des femmes, pour désigner le lait.
❏  Le mot désigne le liquide blanc opaque sécrété par les mamelles de la femme (dans le contexte de la maternité) et celui des femelles de mammifères, notamment domestiques, dans le contexte de l'élevage et de l'alimentation, domaine où le mot et ses dérivés sont en rapport avec les familles de crème, beurre et fromage. ◆  Le premier de ces emplois a donné les expressions frère, sœur de lait (1538) et, par allusion à la petite enfance, à l'âge du nourrisson, dent de lait (1549), fièvre de lait (1690) et quelques locutions se rapportant à une personne considérée comme un enfant (si on lui pressait le nez, il en sortirait du lait).
■  Du second domaine d'emploi relèvent agneau de lait (XIIIe s.), vache à lait (1549) « vache élevée pour son lait », au figuré (1561) en parlant d'une personne qu'on exploite. Dans le contexte de l'alimentation, le mot entre dans petit lait (1552), d'où au figuré boire du petit lait, prolongement récent (1948) de l'ancienne expression avaler doux comme lait (av. 1755 ; dès 1572 avec un autre sens). Certains syntagmes, comme lait concentré (1874), sont en relation avec le développement des industries agroalimentaires d'où viennent aussi lait en poudre, lait stérilisé, lait pasteurisé, à haute température, dit lait U. H. T. Lait battu, en français de Belgique, se dit du babeurre. Lait ribot est l'un des noms régionaux (Ouest) du petit lait « liquide qui subsiste après la transformation de la crème en beurre ». ◆  De soupe au lait vient la locution métaphorique — par l'idée du lait qui monte et s'échappe, lorsqu'il est chauffé — s'emporter comme une soupe au lait (1808), être soupe au lait « impulsif, coléreux ».
■  Par analogie, lait désigne dès le XIIIe s. un liquide ou une émulsion ayant l'apparence, la couleur du lait, seul et surtout dans un nom de préparations, comme lait d'amande (XIIIe s.), lait virginal (1611) puis lait de beauté, de toilette, et, techniquement, lait de soufre (1802), lait de chaux, de ciment. ◆  Lait de poule (1751) désigne un mélange de lait et de jaune d'œuf.
■  En botanique, le sens de « suc laiteux (de certaines plantes) » (XIIIe s.) a donné, par métonymie, des dénominations telles que lait de couleuvre (1845) « variété d'euphorbe ».
❏  1 LAITIER, IÈRE n. (fin XIIe s.) désigne la personne qui vend du lait ou le porte à domicile, sens aujourd'hui vieilli qui échappe à l'oubli par le titre de la fable de La Fontaine La laitière et le pot au lait.
■  L'adjectif LAITIER, IÈRE (1290) se dit d'une femelle qui donne du lait, substantivé au féminin (1762) par ellipse pour vache laitière. ◆  Il a acquis le sens plus général de « relatif au lait » (1611), par exemple dans industrie laitière, produits laitiers, incluant les dérivés, beurre et fromage.
■  LAITERIE n. f. (1315) désigne le lieu où l'on reçoit le lait et où l'on fait la crème et les fromages, d'abord dans un contexte rural et axé sur la distribution ; de nos jours il s'est dit, avant de s'effacer derrière crémerie, d'un endroit où l'on vend du lait et des produits fermiers (1840).
■  LAITAGE n. m., d'abord lettage (1376), désigne à la fois le lait et un aliment préparé avec du lait (surtout au pluriel et collectivement).
■  1 LAITÉ, ÉE adj. (1662) a signifié « qui a du lait ». La locution poule laitée (chez Molière, 1688) correspondait au moderne poule mouillée.
D'autres dérivés ne concernent que l'apparence, la couleur du lait.
■  LAITE n. f. (v. 1350, lecte de hareng) désigne le sperme blanchâtre des poissons, sens avec lequel il a produit 2 LAITÉ, ÉE adj. (v. 1393, substantivé), employé à propos d'un poisson mâle.
■  Il est concurrencé par le synonyme LAITANCE n. f., d'abord leitenche (v. 1300, leitenches de carpes), lequel étend son domaine d'emploi au lait de ciment, en bâtiment.
■  LAITEUX, EUSE adj., peut-être attesté dès le XIVe-XVe s. dans terre leiteuse, qualifie ce qui a l'aspect du lait, en particulier dans le discours médical (v. 1560) et en joaillerie (1622). Il se dit en général de la couleur blanche (un blanc laiteux) et de la chair. ◆  Il se rapporte également aux plantes qui contiennent un suc semblable au lait (1690). L'emploi, dans le vocabulaire médical, pour ce qui a rapport à l'allaitement et à la lactation (1832), où le sens propre de lait est en œuvre, est archaïque. On en a dérivé LAITEUSEMENT adv. (1881), d'usage littéraire.
■  2 LAITIER n. m., homonyme de laitier, ière, dénomme (1676) une scorie de haut-fourneau utilisée dans divers secteurs d'activité, par allusion à son aspect vitreux. Buffon l'a repris pour nommer une lave de même aspect (1783).
L'ancien verbe dérivé de lait, LAITER (v. 1155), n'a pas vécu au-delà de l'ancien français.
■  Il a été supplanté par un verbe préfixé. ALLAITER v. tr., d'abord alaitier (XIe s.), est issu du latin tardif allactare (Ve s.), employé, comme le simple lactare dont il est issu, au sens de « téter », ainsi qu'au sens transitif de « nourrir de son lait ». ◆  Le verbe a plusieurs variantes en ancien français, alecter, alaictier avec le c étymologique, qu'on trouve en ancien français dans certains dérivés de lait. ◆  Allaiter a aussi (XIIIe s.) en ancien français le sens latin intransitif de « sucer le lait » et plusieurs valeurs figurées comme « nourrir l'esprit » (1209) et « profiter de qqch. » (1204), sorties d'usage en moyen français.
■  Il a eu de nombreux dérivés dont ALLAITANT, ANTE adj. (XIIe s.), « qui est à la mamelle » d'où « nourrisson » (v. 1120) jusqu'au XVIe s. et, au féminin (allaictante, 1530) « qui nourrit de son lait ».
■  Ces dérivés et le préfixé DÉSALLAITER v. tr. (XIIIe s., desalleter) « sevrer », sont sortis d'usage.
■  En revanche, le dérivé ALLAITEMENT n. m. (1273) est resté usuel au sens d'« action d'allaiter », partiellement, en concurrence avec nourrir, lequel s'applique aussi aux femelles des animaux.
❏ voir LACTÉ, LAITUE, LOLO.
LAITON n. m., d'abord laton (v. 1170-1180), puis laiton (v. 1220), est emprunté à l'arabe lāt̥ūn « cuivre », lui-même emprunté au turc altun (orthographe moderne altın) qui désigne l'or et, dans certains dialectes turco-tartares et mongols, le cuivre. Dès 832, on relève allatone puis (852) allaton dans le latin médiéval de l'Espagne, par emprunt à l'arabe avec agglutination de l'article al- (comme dans alcool, algèbre).
❏  Le mot désigne un alliage jaune, ductile et malléable, de cuivre et de zinc.
❏  Il a pour dérivé l'adjectif LAITONNÉ, ÉE (1419, latonné), « recouvert d'une couche de laiton », attesté isolément deux fois au XVe siècle.
■  Un verbe LAITONNER, proposé par Richard de Radonvilliers (1845), est employé plus tard avec pour dérivé LAITONNAGE n. m. (1895).
L LAITUE n. f. est issu (XIe s.) du latin lactuca de même sens, dérivé de lac, lactis (→ lait), la plante recevant sa dénomination de son suc laiteux. Le mot latin est passé dans les langues romanes : roumain lăptucă, italien lattuga, espagnol lechuga, catalan lletuga, et dans les langues des pays germaniques, qui ont acclimaté la plante par les jardins des cloîtres : allemand Lattich ; l'anglais lettuce et le néerlandais latuw sont empruntés au français.
❏  Le mot, aujourd'hui démotivé par rapport à lait, désigne une plante herbacée dont plusieurs variétés sont cultivées pour ses feuilles, que l'on mange crues ou cuites ; il est employé avec un complément de détermination ou un adjectif (laitue romaine, scarole, batavia, plutôt désignées par le qualificatif substantivé) et absolument (pour la laitue pommée). Le nord de la France tend à lui préférer salade. ◆  Par analogie, il fournit la dénomination d'une algue consommée en salade (laitue de mer, 1812 « ulve ») et de plantes qui lui sont comparées. Laitue d'eau désigne une plante tropicale flottante qui se développe à la surface des eaux calmes.
LAÏUS n. m. est emprunté (1842) au nom propre latin Laïus (en grec Laïos), époux de Jocaste et père d'Œdipe, les élèves de l'école Polytechnique ayant eu en 1804 pour premier sujet littéraire au concours d'entrée un Discours de Laïus.
❏  Le mot, d'abord limité à la vie à Polytechnique, a gagné toutes les écoles et s'est répandu dans la langue familière pour un discours, un long exposé verbeux. Par extension, il se dit de tout discours, la péjoration initiale étant neutralisée (comme dans bagnole, godasse, etc.).
❏  Vers 1891, on a formé LAÏUSSER v. intr. « discourir, pérorer » et LAÏUSSEUR n. m. (1892) « bavard intarissable », d'abord utilisés par les polytechniciens (« auteur d'un laïus ») et répandus au début du XXe siècle.
L LAIZE n. f. est issu (v. 1140) d'un latin populaire °latia « largeur », de latus « large » (→ lé), sans rapport avec latus, -eris signifiant « côté ».
❏  Le mot, au sens général de « largeur, étendue », a été supplanté au XVIe s. par largeur, tandis que l'ancien adjectif let, lé était lui-même évincé par large. Laize s'est maintenu avec l'acception technique de « largeur d'étoffe comprise entre deux lisières », en termes de commerce (1474). D'autres acceptions techniques ont disparu, mais le mot s'emploie encore en marine pour chacune des bandes de toile qui, cousues ensemble, forment une voile (1831).
❏  ALAIZE, ALÈSE n. f., d'abord aleize (1419), est formé par agglutination à partir de l'article la et de laize par suite d'une mauvaise interprétation de la laize en l'alaize. Beaucoup plus courant aujourd'hui que le mot simple, alaize désigne la toile dont on garnit le lit d'un malade ou d'un enfant pour le protéger. ◆  Il a en outre éliminé laize dans deux spécialisations techniques, en menuiserie, où il désigne la planche la plus étroite mise dans un panneau d'assemblage pour le premier (1694), et en horticulture, à propos d'un lien végétal servant à fixer une jeune branche dans une certaine position (1767).
❏ voir ALÉSER.
LALLATION n. f. désigne d'abord (1808) un défaut de prononciation, par emprunt au latin lallatio, de lallare, dérivé de l'onomatopée lala. Le mot désigne (1913) l'émission de sons précédant, chez le jeune enfant, l'apparition des sons articulés d'une langue (synonyme gazouillis).
1 LAMA n. m. est emprunté (1598), par l'intermédiaire de l'espagnol llama (1535), au quichua llama, désignant un ruminant du Pérou. La forme llama a été employée en français, de 1633 à 1878.
❏  Le mot, d'abord cité comme mot indien, a été acclimaté par les relations de voyage au XVIIe siècle. Inconnu des dictionnaires du XVIIe s., il n'est enregistré par l'Académie qu'en 1762. Assez diffusé, le mot est en concurrence avec alpaca ou alpaga, vigogne, qui désignent des espèces, et avec guanaco qui s'applique à cet animal à l'état sauvage.
2 LAMA n. m. est emprunté (1629) au tibétain blama (avec b muet), nom d'un prêtre bouddhiste au Tibet et chez les Mongols, formé de bla « le supérieur » et de ma « mère », c'est-à-dire « qui engendre (l'éveil) ».
❏  Ce terme de religion orientale désigne un maître spirituel (qui peut être ou non un moine) bouddhiste. ◆  Il est employé en composition dans grand lama « souverain spirituel du Tibet », titre qui correspond au tibétain dalaï lama dont le premier terme (dalae ou delli) signifie « océan », et qui a lui-même été emprunté dans les langues d'Europe, dont le français (voir ci-dessous).
❏  La terminologie didactique relative au bouddhisme tibétain et mongol s'est constituée aux XVIIIe et XIXe s. avec LAMAÏSTE adj. (1845), forme qui s'est substituée à lamiste (1773), aussi substantivé, LAMAÏSME n. m. (1816 ; 1813, lamisme), LAMAÏQUE adj. (1840).
■  LAMASERIE n. f. (1850), ou quelquefois LAMASSERIE (1857), forme disparue, désigne un monastère bouddhique où vivent des lamas.
■  DALAÏ-LAMA n. m. est l'emprunt d'un syntagme tibétain (ci-dessus), d'abord écrit dalaé lama (1692), l'Académie donnant en 1762 la graphie moderne. ◆  Il désigne le grand lama tibétain.
LAMANAGE n. m. est un dérivé ancien (1353), du moyen français laman « pilote d'un port », lui-même pris au moyen néerlandais lootsman.
❏  Ce mot de marine désigne le polotage des navires à l'entrée et à la sortie des ports, dans les passes, chenaux, goulets ou parmi les écueils, ainsi que l'amarrage des navires à quai.
❏  Le dérivé de laman, LAMANEUR n. m. désigne le pilote de lamanage (1583), ainsi que l'ouvrier chargé de l'amassage des grands navires.
LAMANTIN n. m., attesté dans un texte antérieur à 1627, est probablement dû à l'influence de lamenter, altérant la forme originelle manatl (1553), emprunt à l'espagnol, lui-même pris au karib (langue amérindienne des Caraïbes, disparue) « vache de mer », d'un radical signifiant « mamelle ».
❏  Le mot désigne un gros mammifère marin au corps en fuseau, à nageoire caudale non échancrée.
LAMBDA n. m. est emprunté (av. 1550) au grec.
❏  Ce mot désigne la lettre grecque correspondant au l latin. Il a reçu une valeur spéciale en anatomie (1877), puis en physique (point lambda) et est devenu (mil. XXe s.) un adjectif — opposé à alpha — pour « moyen, ordinaire », par référence aux mathématiques.
LAMBE ou LAMBA n. m. est un emprunt au malgache, pour désigner le vêtement drapé, en tissu de coton ou de soie, pièce essentielle du vêtement traditionnel à Madagascar.
G LAMBEAU n. m., d'abord label (v. 1165), labiau (v. 1165), nasalisé en lambiau (v. 1250), puis lambel (1285), lambeau, est probablement issu d'un francique °labba « morceau d'étoffe déchirée », dont le type est reconstitué par l'ancien haut allemand lappa « pan de vêtement, morceau déchiré », le moyen bas allemand lappe, l'allemand Lappen, l'anglais lap. La racine pourrait être la même que celle du grec lobos (→ lobe). P. Guiraud a invoqué un croisement avec lambre, lambe « lamelle », du latin lamnula, pour expliquer la nasalisation, mais celle-ci peut exister en francique.
❏  La forme non nasalisée, qui a disparu en moyen français, est revenue en français moderne par l'anglicisme label* et s'est maintenue dans le dérivé aujourd'hui démotivé délabrer*. Lambeau a d'abord désigné un ruban pendant en manière de frange, jusqu'au XVIe siècle. Il reste trace de ce sens dans la spécialisation, en blason, pour « brisure formée d'un filet horizontal garni de pendants à la partie supérieure de l'écu » (1273). ◆  Cette acception, d'abord réalisée par label, a assuré le maintien de la forme archaïque LAMBEL (XIVe s.). ◆  L'usage moderne de lambeau s'est installé à partir du XVe s. et du sens courant de « morceau de tissu déchiré ou détaché irrégulièrement » (v. 1480), qui a donné la locution en lambeaux (1835) « déchiqueté ». ◆  Les autres emplois sont sentis comme des extensions analogiques bien qu'ils participent du même sens de base « morceau pendant » : lambeau se dit de la peau velue qui se détache du bois du cerf (1561), abstraitement, de la partie tronquée d'un ensemble, par exemple d'un discours (1559). Dans la langue littéraire (1662, Racine), puis aussi en chirurgie (1838), notamment en chirurgie plastique (XXe s.), il se réfère à un morceau de chair arraché, un fragment de peau.
❏  LAMBREQUIN n. m. (1480), d'abord lambequin (1451-1452) et lampequin (1458), est dérivé du radical de lambeau avec le suffixe diminutif -quin, issu du néerlandais -kijn (→ mannequin).
■  Avec le sens de « bande d'étoffe », il a désigné la bande d'étoffe enroulée autour du cimier d'un casque, se spécialisant au pluriel pour désigner en blason des bandes d'étoffes découpées descendant du heaume et encadrant l'écu (1581). Aux XVIIe et XVIIIe s., le mot se référait à une bande d'étoffe pendant au bas d'une cuirasse, dans les imitations du costume antique (1690). ◆  De nos jours, il se rapporte à une bordure à festons, garnie de franges, qui couronne une tente, une galerie de fenêtre, un ciel de lit (1835), et à l'ornement découpé que l'on pose au bord d'un toit (1873).
❏ voir LABEL, LAMBIN, 1 LAMPAS.
? LAMBI ou LAMBIS n. m. est l'altération possible (attestée en 1743) de alambic (→ lambic, lambick) attestée en ancien français. Le mot s'emploie en français des Antilles, pour un gros gastéropode marin comestible, de sa chair, et aussi de sa coquille, qui sert de résonateur en musique (français d'Haïti).
1 LAMBIC ou LAMBICK n. m. (1832) est un emprunt au flamand lambick, de l'ancien français lambic (v. 1270) apocope de alambic. Il désigne, surtout en français de Belgique, une bière fortement alcoolisée, produite grâce à des levures sauvages. En apposition, gueuse* lambick (ou lambic).
2 LAMBIC ou LAMBIG n. m. est pris (attesté 1918) au breton lambig, désignant à la fois l'alambic et son produit. L'origine semble la même que celle de 1 lambic. C'est, en français de Bretagne, le nom de l'eau-de-vie de cidre, connu en français central sous le nom normand de calvados.
LAMBIN, INE n. est probablement dérivé par changement de suffixe (1584) de lambeau*, avec transposition de l'idée attachée au chiffon au domaine moral (Cf. chiffe molle). L'attestation au XVIe s. de l'adjectif lambineux, euse « déchiré » consolide cette hypothèse.
❏  Le mot désigne puis, comme adjectif (1727), qualifie une personne qui traîne en longueur ; il se dit d'une chose lente (1877).
❏  Le dérivé LAMBINER v. (1642), intransitif « agir avec lenteur », s'est employé transitivement (av. 1850, Balzac) pour « faire attendre (qqn) ».
■  Il a produit LAMBINERIE n. f. (1744 en français du Canada), LAMBINEUR, EUSE n. (1821) et LAMBINAGE n. m. (1879). Le caractère familier de ces mots s'est atténué.