LAQUE n. f., réfection (1500) de lache (XIVe s.), est un emprunt à l'arabe lakk, lui-même pris au persan lāk, lequel est emprunté au sanskrit lākṣā. Ce dernier est glosé par « tache, marque » et aussi « cent mille » (pour « symbole de cette quantité ») ; par suite, il désigne la cochenille-laque par allusion à son pullulement et, par métonymie, la sécrétion résineuse rouge de certains arbres d'Extrême-Orient provoquée par la piqûre de cet insecte. L'ancien provençal a le mot laca dès le XIIIe s. ; on notera que les deux sens du sanskrit se sont maintenus dans les emprunts faits par l'anglais au hindi lac pour la matière résineuse (XVIe s.) et lac ou lakh pour « cent mille » (a lac of rupees « cent mille roupies »).
❏
Le mot désigne une résine d'un rouge-brun, produite par la piqûre d'un insecte, qui s'échappe de certains arbres de la famille des Térébinthacées, quelquefois en apposition dans gomme-laque.
◆
Par métonymie, il désigne (1718, alors le plus souvent au masculin) un vernis noir ou rouge préparé en Chine ou au Japon avec cette résine et appliqué sur des objets et par métonymie (1738, au féminin ; 1803, au masculin) cet objet d'art enduit.
◆
Par analogie, il s'applique dès le XVIe s. à un vernis coloré, une peinture transparente utilisée comme la laque (1548) puis aussi une préparation culinaire de couleur rouge qui enduit un mets (1896), et un produit capillaire qui fixe la chevelure (1957), ce produit ayant été inventé aux États-Unis en 1955 et employé en France en 1956.
❏
LAQUÉ, ÉE adj. (1830) qualifie ce qui est recouvert de laque (avec tous les sens de ce mot) ; par analogie, il décrit ce qui est brillant comme de la laque (1895), s'appliquant spécialement, dans la cuisine chinoise, à une viande enduite d'un caramel rouge brillant (1907,
canard laqué).
■
Le verbe LAQUER v. tr., enregistré en 1867, correspond à « enduire de laque ou d'un vernis brillant ».
■
LAQUEUR, EUSE n. (1875), nom d'ouvrier-artisan (on dit aussi LAQUISTE, 1924) et 1 LAQUAGE n. m. (1881) ont trait à l'opération consistant à laquer un objet d'art.
■
Sang laqué (1900), « dont l'hémoglobine a été libérée par hémolyse », a donné un nouveau dérivé 2 LAQUAGE n. m. (1920, laquage des hématies) désignant cette opération.
◆
LAQUIER n. m. est le nom de l'arbre à laque, variété de sumac, qui était courant en français du Viêtnam.
?
LARBIN n. m., (1827) est d'origine obscure, peut-être issu d'une altération, avec agglutination de l'article défini, de l'argot habin « chien » (1460), lui-même variante de hapin (1725) dérivé de happer* « attraper par la gueule ». L'évolution sémantique est normale, mais l'écart chronologique et la forme sont inexpliqués. Cette hypothèse fait rapprocher le terme d'hubineux désignant une catégorie de gueux qui prétendaient avoir été mordus par des bêtes enragées et qui disaient faire un pèlerinage à Saint-Hubert (1561). On note en effet hubins (1626) en ce sens, et hubin « chien » (1728), puis lubin « domestique ». P. Guiraud évoque une forme labrin avec métathèse du r, forme de labrit (XXe s. ; 1877, labry) « chien de berger du midi de la France », de Labrit, nom du chef-lieu du canton des Landes. En fait, aucune explication n'est satisfaisante.
❏
En moins d'un demi-siècle, le mot est passé du sens de « mendiant » à celui de « domestique » (1829), prenant comme laquais* la valeur péjorative d'« homme servile » (1872), usuelle.
❏
Il a produit LARBINAGE n. m. (XXe s.) et LARBINISME n. m. (attesté 1962), d'usage rare. La série est populaire, puis familière.
L
LARCIN n. m., d'abord larrecin (1130), puis larcin (1246), est issu du latin latrocinium « vol à main armée, brigandage », lui-même dérivé de latro (→ larron).
❏
Le mot désigne un vol, surtout de nos jours un vol minime, et par métonymie l'objet volé. Il a donné l'ancienne locution en larcin « en cachette, furtivement », employée du XIIe au XVe siècle. Les sens figurés de « faveur obtenue auprès d'une femme » (av. 1566, les larcins d'amour) et d'« emprunt à un auteur, plagiat » (1615) ont disparu après l'époque classique.
L
LARD n. m. est issu (v. 1180, lart) du latin lardum, contraction de laridum « graisse entre la peau et la chair des mammifères », sans étymologie éclaircie.
❏
Le mot désigne plus particulièrement la graisse ferme qui se trouve entre la chair et la peau du porc, dont on fait un usage alimentaire. Dès le
XIIe s., il est employé familièrement à propos de la graisse humaine (v. 1180), surtout dans des locutions comme
frotter son lard « faire acte charnel » (1534),
faire du lard (1611) « grossir » et dans des appellations injurieuses croisant deux métonymies : la graisse, comme la peau, sert en effet à désigner l'individu et le mot, de plus, désigne le porc, valeur dont témoignent la locution
tête de lard « tête de cochon » et de nombreux usages régionaux, surtout dans le centre de la France, où
lard peut signifier « porc à l'engrais, porc tué pour être consommé » et aussi « viande de porc ». Le sens de « cochon » est encore vivant en français du Canada.
◆
Les syntagmes culinaires
lard gras (
XVe s.),
lard maigre (fin
XVIIe s. au Canada),
petit lard (1680) et
gros lard (1867) sont techniques ; le dernier est connu par un emploi métaphorique injurieux à l'adresse d'un homme. Il a alors la valeur dialectale de « porc ». Même effet pour l'expression
rentrer dans le lard (1920) « attaquer ».
■
Par analogie, le mot s'applique à la graisse des cétacés, à la partie de l'arbre sous l'écorce, à un talc blanc (1765, pierre de lard).
❏
Le dérivé
LARDER v. tr. (v. 1155) est employé en cuisine pour « introduire dans (une viande) des morceaux de lard » et par analogie (1393) « piquer d'ingrédients divers ».
◆
Il a développé dès l'ancien français quelques acceptions analogiques ; le sens de « piquer, transpercer » (1176-1184) s'est longtemps employé dans l'usage familier, au propre et (v. 1230) au figuré. Celui de « garnir » (v. 1200) s'est maintenu en style littéraire, en particulier avec la valeur péjorative « émailler (un texte) de citations trop fréquentes » (
XVIIIe s.). Tous ces emplois ont vieilli.
■
À partir du XVIIe s., le verbe a reçu plusieurs sens spéciaux procédant du sens de « piquer » et de « garnir » : il s'est employé en marine (1678 ; 1694, larder la bonnette), au jeu dans larder une carte « l'introduire frauduleusement dans un paquet » (1690), puis dans des techniques comme le tissage (1765), la rubanerie (1765) et la typographie (1794, copie lardée d'italiques), ainsi que pour « piquer (une pièce de bois) de multiples clous pour faire tenir le plâtre qu'on y applique » (1867).
■
Le verbe a produit LARDOIRE n. f. (1389), nom d'une petite broche servant à larder une viande, employé par analogie et en technique pour un fer en forme de sabot dont on arme un pieu (1730) et un éclat de bois qui reste parfois fixé à la souche d'un arbre abattu (1867). En argot, le mot a désigné diverses armes blanches (depuis 1842, Eugène Sue).
■
LARDAGE n. m. (1331), nom d'un ancien droit féodal perçu sur le lard, est devenu le nom d'action de larder, acception qui paraît tardive (1902).
■
LARDURE n. f. (1530) a eu le sens de « morceau de lard » qui a disparu ; il a été repris (1785) avec l'acception technique de « défaut dans un étoffe de laine », d'après larder spécialisé en tissage.
◈
Le préfixé verbal
ENTRELARDER v. tr. (
XIIe s.) a suivi la même évolution sémantique que
larder, acquérant dès le
XIIIe s. le sens figuré d'« intercaler, entremêler » qui est resté plus vivant que l'acception correspondante de
larder.
◆
Il a produit
ENTRELARDEMENT n. m. (1532), rare.
■
DÉLARDER v. tr. (1690) signifie « ôter les lards de (une pièce lardée) ».
◈
Un autre dérivé ancien de
lard est
LARDON n. m. (
XIIIe s.) « petit morceau de lard (surtout employé pour larder la viande) ». Ce mot a développé plusieurs sens techniques, notamment au jeu (1713).
■
Parmi ses sens figurés, celui de « raillerie, brocard » (1466) est sorti d'usage après l'époque classique.
◆
Celui d'« enfant » (v. 1878, en argot) est vivant dans l'usage populaire.
■
LARDONNER v. tr. (1422), employé anciennement au sens de « garnir », s'est limité aux sens de « garnir de lardons » (1606) et de « couper en lardons » (1803), en cuisine.
LARE n. m., le plus souvent au pluriel les lares (1488), est emprunté au latin Lares, pluriel de Lar, nom d'esprits tutélaires considérés comme les âmes des morts, chargés de protéger la maison, la cité, les rues, et employé par métonymie pour la maison elle-même. Il semble qu'avant d'avoir été des divinités bénéfiques, les lares étaient des divinités infernales qui poursuivaient les vivants : ce sens originel rend probable une parenté avec larva (→ larve), mot dont le suffixe, qui rappelle celui de Minerva « Minerve » (→ minerve), est emprunté à l'étrusque ; les deux mots pourraient également venir de l'étrusque, où la religion accorde une grande importance au culte des morts et des divinités infernales.
❏
Le mot, repris comme terme d'antiquités romaines, est quelquefois employé au sens métonymique de « foyer » (1678, La Fontaine) dans quelques expressions comme transporter, installer ses lares, plus littéraires et rares que celles qui sont formées avec pénates.
❏
LARAIRE n. m. (av. 1570), emprunté au latin lararium « chapelle pour les dieux lares », a été repris à partir de 1732.
L
LARGE adj., adv. et n. est le féminin devenu épicène (1050) de l'ancien adjectif larc, au cas sujet lars, dont on possède seulement quelques attestations entre 1188 et la fin du XIIIe siècle. Ce mot est issu du latin largus « abondant (surtout à propos des fleuves) » d'où « qui donne en abondance, généreux », mot sans étymologie claire ; on n'évoque plus l'ingénieux rapprochement avec indulgere (→ indulgent). Largus a supplanté le latin latus de sens physique (→ lé), probablement grâce à l'appui de longus (→ long) avec lequel il formait couple par l'identité de sa finale.
❏
Le mot est passé en français avec le sens moral de « généreux, qui traduit la générosité » et le sens physique de « qui a une étendue importante, vaste, grand ». Ce dernier, conservé par l'anglais
large, emprunté au français, s'est restreint en « qui a une grande étendue, dans la dimension la moins importante » (1080), formant un couple complémentaire avec
long, seul ou suivi par un complément prépositionnel (
large de, 1585).
◆
Il n'est pas toujours facile de distinguer si le sens extensif « qui n'est pas rigoureux, tolérant » (v. 1135) se rattache au sens moral ou, par figure, au sens physique ; en revanche, l'acception de « qui ne serre pas, lâche » (1478-1480), en parlant d'un vêtement, procède du sens concret.
■
Le mot est substantivé dès le XIIe s. dans la locution au large (1176-1180), dont le sens primitif qui correspondait à « en liberté » (mettre au large, plus tard remplacé par élargir) a évolué d'après l'emploi de large pour désigner la largeur, l'ampleur (v. 1200), en particulier la partie de la mer loin des côtes (1395). Le contexte maritime domine aujourd'hui dans les emplois de au large et de prendre le large (1409), concurrencé par l'italianisme prendre le largue (→ larguer), cette locution s'entendant aussi avec une valeur figurée de « s'éloigner à la hâte » (v. 1470).
■
L'adverbe large correspond d'abord au sens physique (1376), spécialement dans le contexte vestimentaire (1683, habiller large) et dans les locutions en large « dans la dimension de la largeur » (1580), en long et en large (1807), de long en large, surtout employé avec marcher (1811). La locution familière ne pas en mener large (1866) « être mal à l'aise, peu rassuré » procède d'un emploi particulier de l'adverbe pour « à l'aise, d'une façon ample ».
LARGESSE n. f. (v. 1155), en s'établissant au sens moral de « générosité » et, par métonymie, de « don généreux » (1373), se sépare de l'autre dérivé nominal
largeur.
■
LARGEUR n. f. (fin XIIe s.) a surtout la valeur physique, spatiale, de large, avec quelques extensions figurées (1564) comme dans largeur de cœur (av. 1715), de vue, d'esprit.
■
LARGEMENT adv. (1176-1184) correspond à tous les sens de l'adjectif, exprimant l'idée d'abondance, en particulier devant une indication numérique, avec la valeur de « au moins » (1216, largement trois mois).
◆
Sur le plan moral, il correspond à « libéralement » (fin XIIe s.), « avec tolérance » (XIIIe s.).
■
LARGET n. m., homonyme d'un ancien adjectif signifiant « un peu large » (v. 1210), a été repris comme substantif par la langue technique dans l'industrie textile (1765), sens tôt disparu, puis comme dénomination de la barre de fer destinée au relaminage des tôles ou au forgeage à chaud en métallurgie (1867).
Le préfixé verbal
ÉLARGIR v. tr. (v. 1210) « rendre plus large physiquement » a reçu, d'après la locution
mettre au large, le sens particulier de « rendre sa liberté à qqn » (
XVe s.).
■
Les deux sens sont réalisés dès le XIVe s. par son dérivé ÉLARGISSEMENT n. m. (1314).
■
ÉLARGISSEUR n. m., attesté une fois en 1568, a reçu tard dans le XIXe s. (attesté 1888) le sens technique de « trépan servant à élargir un puits » et (1902) celui d'« appareil servant à augmenter la largeur des tissus traités sur les machines d'apprêt des tissus ».
■
RÉLARGIR v. tr., enregistré en 1690 après rélargi (1470, reslargi), et RÉLARGISSEMENT n. m. (1834) ont trait à l'action de rendre encore plus large ; ils sont peu employés.
❏ voir
LARGO, LARGUER.
LARGO adv. est emprunté (1705) à l'italien largo « large », « largement », spécialement en musique « lentement, majestueusement », terme correspondant au français large* et attesté en musique comme adjectif (tempo largo, 1605 Frescobaldi).
❏
Le mot a été repris avec sa spécialisation musicale, comme adverbe et (1722, Rameau) comme substantif.
❏
LARGHETTO adv. est emprunté (1765) à l'italien larghetto, terme de musique et diminutif de largo. Il est aussi substantivé et dénomme (1834) un mouvement musical à interpréter un peu moins lentement et majestueusement que le largo.
LARGUER v. tr. est dérivé (1609) de l'adjectif moins répandu
LARGUE, employé en moyen français adverbialement dans
faire largue « céder la place » (1533, en art militaire) et substantivement dans
prendre le largue « s'éloigner vers la haute mer » (1559), locutions enregistrées jusqu'au
XIXe s. et qui ont disparu au profit de
prendre le large*. Cet adjectif s'est maintenu comme terme de marine en parlant d'un vent oblique par rapport à la mer (1560), pour désigner l'allure d'un navire à voiles lorsque les voiles ne sont pas tendues (1643) et pour qualifier un cordage lâche (1845). Sa valeur moderne en marine concerne l'allure d'un voilier qui reçoit le vent entre l'arrière et le travers (aussi comme adverbe, dans
aller grand largue).
■
Le nom largue est emprunté à l'italien largo (correspondant au français large*) dans les expressions stare de la larga « être éloigné » (XIIIe s.), andare, stare largo (1306) et fare largo (1338) « céder la place », également spécialisé en marine (mare largo « haute mer »).
❏
Le verbe
larguer est d'abord un terme de marine employé intransitivement pour « recevoir le vent largue et y conformer sa voilure » et « s'éloigner » (1616), ce dernier sens disparaissant au profit de la locution
prendre le large, antérieure à la variante
prendre le largue (ci-dessus) et qui lui a survécu. Par extension, mêlant la référence maritime au contexte militaire, il a eu le sens de « se servir d'un vent favorable pour échapper au combat » (1690) jusqu'au
XVIIIe siècle. Le sens transitif moderne, toujours en marine, dans
larguer les manœuvres, les amarres (1678), est emprunté à l'espagnol ou au portugais
largar « lâcher », existant avec cette valeur depuis 1525 en espagnol et 1541 en portugais (alors qu'il n'est pas aussi ancien en italien). Le verbe s'est appliqué par analogie aux amarres d'un aérostat.
■
Par extension, le mot s'est répandu en argot (1886) puis dans la langue familière au sens de « se débarrasser (de qqn), abandonner », en particulier dans un contexte amoureux (1901) [Cf. lâcher] et « lâcher (qqch.) » (1908). Le participe passé LARGUÉ, ÉE, adj. et n., correspond (années 1980) à « dépassé, incapable de s'adapter au présent ».
❏
Les quelques dérivés modernes, apparus au
XXe s., ont trait à une activité aéronautique : ce sont
LARGABLE adj. (1931), en technique aérienne,
LARGAGE n. m. (v. 1950) et
LARGUEUR, EUSE n. et adj. (1976), ces deux mots étant aussi employés au sens figuré de
larguer « abandonner ».
◈
ALARGUER v. intr., emprunté (1420) à l'italien
allargare « gagner le large », « manœuvrer de façon que le vent devienne plus large », ne s'est pas maintenu.
LARIGOT n. m. est tiré (av. 1518) d'un ancien refrain « Larigot va, Larigot Mare, tu ne m'aimes mie » (1403) et s'est appliqué à une flûte. L'hypothèse d'une formation à partir de larynx* est peu probable vu l'apparition plus tardive de ce mot.
❏
Le mot apparaît dans l'expression boire à tyre Larigault « boire d'un trait en vidant une bouteille l'une après l'autre », emploi métaphorique analogue à celui de flûter « vider des verres, boire beaucoup », d'après le nom de la petite flûte rustique. Ce dernier n'est attesté qu'en 1563 sous la forme harigot, puis (fin XVIe s.) larigot. Le nom de la flûte est tombé dans l'oubli, mais non la locution, dont est sortie la locution adverbiale familière à tire-larigot « en grande quantité » (1585, à tirelerigot).
L
LARME n. f., d'abord lerme, lairme (1050) puis larme, est issu du latin de même sens lacrima (→ lacrymal), lacruma (surtout au pluriel), anciennement dacruma, probablement emprunté, d'abord en langue poétique, au grec dakruma « ce qui est pleuré », de dakruein « pleurer », lui-même de dakru, nom usuel de la larme. Le mot, d'origine indoeuropéenne, a des correspondants en celtique, arménien et germanique et, sans la consonne initiale, en indo-iranien.
❏
Larme a fourni de bonne heure en français des expressions encore usuelles comme
pleurer à chaudes larmes (v. 1180,
plort à chaudes lermes),
fondre en larmes (v. 1200,
en larmes fondre), auxquelles s'ajoutent
larmes de crocodile (→ crocodile), larme à l'œil (1501) dans
avoir la larme à l'œil « être prêt à pleurer », en général péjoratif.
(Pleurer) toutes les larmes de son corps est attesté au
XVIIIe s. (1746).
◆
Par métonymie, dès le
XIIe s., il est pris au sens figuré de « chagrin, affliction » en style littéraire, notamment dans l'expression
vallée de larmes (v. 1120), expression traduite de l'antienne
Salve Regina.
■
Par analogie, il désigne une goutte, une petite quantité (déb. XIIIe s.), familièrement en parlant d'une larme d'alcool.
■
Il s'applique aussi à un motif ornemental (v. 1462), à la sève (1538, larme de la vigne), et, en pharmacie, à une petite masse de suc ou de résine de forme analogue à celle d'une larme (1575), d'après un emploi connu du grec et du latin.
◆
Par analogie, le mot a développé des emplois poétiques dans larmes de l'aurore (1810), larme du matin (1803) « rosée ». Larme entre dans larme-de-Job (1752), nom d'une plante exotique dont la graine servait à confectionner des colliers, et qui était aussi appelée larme-du-Christ (1848), qui se maintient régionalement.
❏
LARMER v. intr. (
XIIIe s. ; 1155,
lermer), bien attesté en ancien et moyen français au sens de « pleurer », est déclaré « vieilli » dans le dictionnaire de Trévoux en 1752 ; il se maintient seulement dans les dialectes de l'Ouest, et Huysmans le reprend (1887) au sens de « couler comme une larme ».
◈
LARMOYER v. (fin
XIIe s.,
larmoier) est parfois employé avec une connotation péjorative (en parlant de personnes) depuis 1567. Par extension, il signifie également « se lamenter » (v. 1695) et transitivement « dire avec une intonation larmoyante ».
■
Ses dérivés LARMOYANT, ANTE adj. (1470) et LARMOIEMENT n. m. (1538) sont plus usités que LARMOYEUR, EUSE (1700).
◈
LARMIER n. m. (1321), créé en architecture pour la corniche extérieure d'un édifice servant à faire égoutter la pluie, a été reformé (1606) en médecine vétérinaire à propos de la veine la plus rapprochée de l'œil du cheval, désignant au pluriel les tempes du cheval (1680).
◆
Il a reçu en vénerie le sens de « sac à parois glanduleuses situé près de l'œil du cerf » (1665) et, en anatomie, celui d'« angle interne de l'œil » (1835).
❏ voir
LACRYMAL.
L
LARRON n. m. est la réfection (v. 1176) de ladron ou ladrun (v. 980) « brigand », mot issu du latin latro, -onis « soldat, mercenaire grec » et, par la suite, « brigand, voleur de grand chemin ». Latro est le dérivé péjoratif en -o d'une base grecque latr- qui apparaît dans latron « salaire », latreia « service de mercenaire », latris « serviteur » et latreuein « servir » (en revanche °latrôn « mercenaire » n'est pas attesté), groupe sans étymologie claire. Cependant, l'étymologie populaire l'a rapproché en même temps de latere « être caché » (→ latent), ce qui a pu influer sur le sens du mot en latin populaire, à en juger par un ancien sens du français.
❏
Larron n'a gardé le sens de « brigand » que dans le contexte biblique (dès la première attestation, dans une
Passion) des deux brigands crucifiés en même temps que le Christ. Il est également vieilli au sens de « celui qui prend furtivement le bien d'autrui » (
XIe s.), la notion de « secret » ayant donné l'ancienne locution
a larron « en cachette » (
XIIe s.), « sans bruit ». Le sens métonymique de « larcin » (v. 1155) est sorti d'usage en moyen français.
◆
En revanche, le mot se maintient bien dans les locutions proverbiales
s'entendre comme larrons en foire (1656 ; 1594
s'entendre comme larrons),
l'occasion fait le larron, et dans l'expression
troisième larron, allusion à la fable de La Fontaine
Les Voleurs et l'âne.
◆
Le féminin
larronnesse est archaïque, mais
larronne se dit et s'écrit.
■
Larron a pris au XVIIe s. divers sens métaphoriques et techniques, tels « petit canal pratiqué pour l'écoulement des eaux d'un bassin, d'un étang » (1600) et « défaut dans la pâte à papier qui intercepte une partie de l'impression et pratique une fenêtre » (1765).
❏
LARRONNEAU n. m. (1487) « petit voleur » a disparu.
■
LARRONNER v. tr. (apr. 1250) « voler » et LARRONNERIE n. f. (v. 1450) « repaire de voleurs » puis « vol » (déb. XVIe s.), sont également sortis de l'usage normal.
❏ voir
LARCIN, LATRIE.
LARSEN n. m., pour effet Larsen (1949), du nom du physicien danois Sören Larsen (1871-1957), désigne un ensemble d'oscillations parasites provoquant un sifflement aigu dans le processus sonore d'une chaîne électroacoustique (du larsen ; un larsen), ainsi que le sifflement.
LARVE n. f. est emprunté (1495) au latin impérial larva « figure de spectre, fantôme », d'où aussi « épouvantail », « masque (en tant que représentation des vivants) » et « pantin en forme de squelette », les fantômes n'ayant pas d'autre corps dans la croyance populaire. Le mot se rattache probablement à lar, laris « esprit tutélaire considéré comme l'âme du mort et chargé de protéger les vivants » (→ lares), et lar comme larva pourraient être empruntés à l'étrusque.
❏
Larve signifiait d'abord « fantôme hideux », surtout en référence au monde antique.
◆
Le mot a pris, probablement d'après les marques de fantômes grimaçants du théâtre romain, le sens (1762) de « forme d'un insecte qui représente son premier état, avant la métamorphose », la chenille pouvant être considérée comme le « masque » de l'insecte ailé.
◆
De ce sens lui vient (1830) la valeur métaphorique de « premier rudiment de qqch. », qui a disparu.
◆
Une autre acception métaphorique (av. 1872) correspond à « être inférieur, incomplètement évolué », avec des valeurs péjoratives démotivées « individu mou et veule, méprisable ».
❏
Le sens figuré est plus vivant dans ses deux dérivés adjectifs.
■
LARVÉ, ÉE (1814, en médecine) se dit d'une maladie qui ne se manifeste pas, et s'emploie dans l'usage général (1824) pour « qui ne se déclenche pas, n'éclate pas ».
■
LARVAIRE (1845, en géologie), est employé en zoologie (1876) et (1916) au sens figuré de « qui n'existe qu'à l'état d'ébauche ».
◈
Larve, au sens zoologique, entre dans la formation d'autres adjectifs d'usage didactique :
LARVIPARE (1867),
LARVIVORE (1873) et
LARVICIDE (1962), qui semblent peu usités.
LARYNX n. m., réfection (1538) de laryngue (1532), est emprunté au grec larunx, larungos « gosier » (notamment en parlant des gloutons chez les auteurs comiques), ingénieusement supposé issu d'un croisement de pharunx (→ pharynx) et de laimos « gorge, gosier », mot expressif sans étymologie connue.
❏
Le mot désigne l'organe de la phonation, situé entre la partie buccale du pharynx et la trachée. Par jeu de mot sur œil de lynx, l'expression absurde œil de larynx « œil perçant » a eu un succès peu compréhensible.
❏
Deux adjectifs didactiques en sont dérivés.
LARYNGÉ, ÉE adj. (1743) s'emploie surtout en anatomie.
■
LARYNGIEN, IENNE adj. (1753) le concurrence, et s'applique aussi en phonétique au son produit par le larynx.
■
Au XIXe s. apparaît LARYNGITE n. f. (1801), devenu courant pour désigner l'inflammation du larynx (suffixe -ite, du latin savant -itis).
■
LARYNGISME n. m. (1898) désigne un syndrome caractérisé par des spasmes du larynx.
■
LARYNGAL, ALE, AUX adj., dû à Niedermann (av. 1909), s'applique en phonétique aux sons articulés dans le larynx, au niveau de la glotte, d'où (1913) une laryngale, à propos d'un son laryngal.
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Sous la forme de l'élément
LARYNGO- ou
LARYNG-, larynx a servi à former des termes didactiques en médecine et physiologie, apparus en grand nombre depuis 1850, tels
LARYNGOLOGIE n. f. (déjà 1793, « traité sur le larynx » ; repris 1867),
LARYNGOLOGIQUE adj. (1832),
LARYNGOSCOPE n. m. (1860, Czermak) et
LARYNGOSCOPIE n. f. (1851).
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LARYNGOPHONE n. m. désigne (1942, chez Saint-Exupéry en aviation) un microphone qui fonctionne par les vibrations du larynx.
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LARYNGOTOMIE n. f. est un emprunt savant de la Renaissance (1584) au grec
larungotomia (Cf. -tome, -tomie), pour désigner l'incision du larynx, distincte de l'ablation du larynx (
LARYNGECTOMIE n. f. [1890]).
❏ voir
LARYNGOSPASME (art. spasme), OTO*-RHINO-LARYNGOLOGIE.
L +
LAS, LASSE adj. et interj. est issu (938-952) du latin lassus « harassé, fatigué, épuisé », peut-être primitivement « qui s'incline, tombe en avant », forme populaire qui semble avoir été évitée par les puristes au profit de fessus « fatigué ». On en rapproche hypothétiquement le vieil islandais lǫskr « mou, lâche », peut-être le vieux slave lĕnŭ « paresseux ».
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Le mot a signifié « malheureux, misérable » jusqu'au XVIe s., sens qui a subsisté plus longtemps dans l'interjection las ! (1050), abandonnée pour son composé hélas !*.
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L'usage moderne a retenu le sens physique de « fatigué, qui ne supporte plus l'effort » (1080), absolument et dans la construction las de (v. 1170). Celle-ci, dès le XIIe s., réalise la valeur psychologique de « dégoûté ».
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La forme féminine, dans l'expression de guerre lasse (v. 1750), s'explique soit par un transfert de la lassitude de la personne qui l'éprouve à la guerre qui en est la cause, soit (Grevisse) parce que le -s de las était anciennement prononcé à la pause.
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LASSER v. tr. est issu (1080) du latin
lassare « fatiguer », de
lassus (→ las).
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Alors que l'usage ancien employait le mot et ses dérivés avec une idée de « fatigue physique », en construction intransitive et (v. 1130) transitive, l'usage moderne privilégie l'idée morale de « fatiguer en ennuyant » (dès le XIIe s. au pronominal se lasser) depuis le XIIIe s. (v. 1265), quelquefois avec la valeur de « rebuter, décourager » (1485). La construction se lasser de a éliminé se lasser à, employé en langue classique avec indication de ce qui cause la lassitude.
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La même évolution se retrouve dans les participes adjectivés, LASSÉ, ÉE (v. 1160) et LASSANT, ANTE (1680).
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Le préfixé
DÉLASSER v. tr. (
XIVe s., rare avant le
XVIe s.) a produit
DÉLASSEMENT n. m. (1475) et
DÉLASSANT, ANTE adj. (v. 1860). Mais cette série de mots, dans l'usage courant, n'est plus symétrique de la série simple de
lasser, et
se délasser équivaut à « se distraire en se reposant », la distraction passant avant le repos (alors que
se lasser et
lassant insistent sur l'ennui, et non plus sur la fatigue).
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INLASSABLE adj. (1869), formé à partir de
lasser, a pour premier sens « incessant, inépuisable » et, depuis le
XXe s. seulement (attesté 1933), signifie « infatigable » (d'une personne).
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L'adjectif et son dérivé INLASSABLEMENT adv. (1907) ont été critiqués par les puristes, qui auraient préféré des formes en il-, mais sont usuels.
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LASSITUDE n. f. est emprunté (v. 1380) au latin
lassitudo « fatigue ».
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Le mot, comme nom correspondant à las* et lasser, a remplacé les plus anciens lassece, de las, et lassement, dérivé (XIIe s.) de lasser. À l'état de fatigue physique, lassitude a ajouté celle d'une fatigue morale, affective ou psychique (1652, La Rochefoucauld).
❏ voir
HÉLAS.
LASAGNE n. f., d'abord lasaigne (v. 1470), est emprunté à l'italien lasagna « pâte en forme de ruban » (fin XIIIe s.), mot d'origine incertaine. L'hypothèse d'une dérivation d'un latin populaire °lasania, dérivé du latin lasanum « trépied pour poser la marmite » (qui aurait aussi désigné la marmite), lui-même repris au grec lasanon « trépied de marmite », mot sans étymologie connue, fait difficulté pour le sens. Une autre hypothèse rapproche lasagna du français losange* et du provençal lausan, et voit à l'origine de ces mots l'arabe lawzīnağ « gâteau aux amandes », d'origine persane ; en effet, lasagna et losange ont désigné des gâteaux de forme carrée et, d'autre part, la cuisine arabe a exercé une certaine influence sur la cuisine italienne ; des preuves historiques manquent encore pour cette hypothèse séduisante.
❏
Le mot, qui semble avoir désigné au
XVIe s. une sorte de beignet (1596 selon Wartburg), s'emploie ensuite à propos d'une pâte taillée en forme de large ruban ondulé, aujourd'hui servie cuite au four et garnie d'une farce de viande
(des lasagnes).
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Par métaphore, le mot a reçu en argot les sens de « lettre » (1836) et de « porte-monnaie » (1900, au masculin), ce dernier sens par abréviation de porte-lasagne (1899), calque de l'argot italien porta lasagna. La métaphore pourrait porter sur le ruban de pâte, comparé à la ligne d'écriture.
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Le sens argotique de « lettre » a donné LAZAGNER, LASAGNER v. « écrire », d'où LAZAGNEUR, LASAGNEUR n. m. « celui qui écrit une lettre », mots argotiques et rares.
LASCAR n. m. est emprunté (1553), par divers intermédiaires, au persan laškar « armée, camp », peut-être employé également comme abréviation de son dérivé, l'adjectif laškari « militaire », substantivé au sens de « soldat ». La forme lascarin, relevée en 1553 et employée jusqu'au XVIIe s., représente le portugais lascarim (pluriel lascarins), emprunté au dérivé du mot persan, et passé également dans l'anglais lascarine (1598, sorti d'usage). Lascar, attesté isolément en 1610 au sens de « matelot hindou », correspond à un emprunt au portugais lascar (1577), lui-même pris probablement par l'intermédiaire de l'hindoustani, au persan. Le mot, repris et diffusé à partir de 1769 (lascard), a été réimporté de l'anglais lascar (1625, laskayre), lui-même repris au portugais.
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Le mot français a connu une évolution originale : le sens étymologique d'« armée, camp » n'a pas été repris, ni celui de « soldat hindou » spécialisé en « matelot hindou naviguant dans l'océan Indien ».
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Cette acception a disparu au XIXe s. au profit du sens moderne, dérivation psychologique et quelque peu raciste en « vaurien, filou » dans l'argot des soldats (1769), puis « gaillard hardi, malin » (1830), seule acception vivante en français d'Europe, aussi en appellatif (mes lascars !).
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En français de l'océan Indien, le mot a conservé et élargi le sens ancien, et désigne une personne d'origine indienne et de religion musulmane.
LASCIF, IVE adj. est emprunté (1488) au latin lascivus « folâtre, joueur, pétulant » (des animaux et des enfants) et, de là « provoquant, agaçant », « qui provoque le désir, licencieux » (de personnes, de choses). Le mot se rattache à une racine indoeuropéenne las- « être avide » également représenté en germanique (→ loustic).
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Lascif a perdu son sens primitif, « enclin à folâtrer » (1512, poétique), gardant la valeur érotique de « qui excite aux plaisirs amoureux » (1488), réciproquement « enclin aux plaisirs amoureux » (1579). Le mot est littéraire ou plaisant.
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En ce sens, il a produit LASCIVEMENT adv. (1542), LASCIVETÉ n. f. (v. 1460), « comportement lascif », synonyme de LASCIVITÉ n. f. (1512), emprunté au bas latin lascivitas « humeur folâtre » et « libertinage », de lascivus. Dès les premiers textes, le nom a le sens de « caractère portant à la sensualité, à la luxure ». Tous les mots de la série sont d'usage soutenu ou plaisant.