L 1 LE, LA, LES art. déf. (881) continuent illum, illam et, pour le pluriel, illos, illas, formes de l'accusatif (au singulier et au pluriel) du latin ille « celui-là, celle-là, lui, elle », avec chute de la première syllabe due à la fréquence de ces emplois en position proclitique. Ille s'opposait à hic et iste dans le système des trois démonstratifs latins (→ ce) : si on ne peut, sans arbitraire, analyser ille, on y retrouve une racine contenant l indiquant l'objet éloigné (→ aliéner, ultra). Ille désignait ce qui est loin par opposition à hic et possédait une valeur emphatique. Sa valeur était cependant moins nette que celle des autres démonstratifs et a tendu à s'affaiblir, notamment dans la langue parlée où il jouait souvent le rôle de pronom personnel. Quand le système s'est disloqué, ille a tendu à remplacer is, sans doute pour substituer une forme plus pleine à un monosyllabe, et l'a finalement évincé. Près d'un substantif, il en est venu à se réduire à la valeur d'article, postposé ou antéposé en roman (le latin de Gaule a adopté l'antéposition après 271, date de la séparation de la Dacie, la postposition latine s'étant conservée en roumain, langue où l'article est postposé).
❏  Dans l'ancienne langue, l'usage du déterminant était beaucoup plus restreint qu'aujourd'hui : on le trouvait rarement devant un nom abstrait ou, sans extension, devant un nom propre. Il nous reste des traces de cet usage dans les proverbes, locutions verbales stéréotypées et autres syntagmes figés (groupes du type us et coutumes).
■  Une plaisanterie grammaticale, attestée depuis 1919 (dans une chanson) consiste à transformer redis, (refais...) le moi en : redis (refais) le me le (parfois ...moi le).
❏  AU, AUX sont issus de à* le, à les ; au a absorbé une ancienne forme ou (encore chez Villon), issue de en le (d'où el, eu, ou) comme on le voit dans jeter au (en, dans le) feu. Du fait que, devant voyelle, on employait simplement en, on a aujourd'hui au Portugal mais en Espagne, au printemps mais en été. Aux a éliminé une ancienne forme ès (f. et m.) qui subsiste dans les formules du type docteur ès-lettres et dans les parlers de l'Est et du Sud-Est.
❏ voir LE, LA, LES, pronoms personnels, DE et DES (de le ; de les).
L 2 LE, LA, LES pr. pers., attesté dès les premiers textes romans (842, lo, l' devant voyelle), est de même origine que l'article défini le, la, les.
❏  En fonction d'attribut devant un verbe (XIIIe s.), le pronom a soulevé un problème d'accord en genre avec l'adjectif qu'il représente : l'usage ancien était de faire l'accord quand il reprenait un mot du genre féminin, mais Vaugelas, puis Th. Corneille ont imposé au XVIIe s. la règle actuelle de le invariable.
L n. m. est la substantivation d'abord sous la formé led (v. 1170), puis (XIIIe s.), de l'ancien adjectif (1080) « large » et « spacieux, vaste » (XIVe s.), employé jusqu'au XVIe siècle. Ce mot, supplanté par large, est issu du latin latus de même sens. L'existence, auprès de latus, d'une forme populaire à consonne géminée intérieure, stlatta, donne lieu de supposer une initiale ancienne °stl-. Celle-ci amène à rapprocher le verbe slave stĭlati « étendre », le latin sternere « coucher, étendre » (→ consterner, strate) et, plus loin par le sens et la forme, le groupe du sanskrit tala- « surface ».
❏  Le mot a eu le sens général de « largeur » autrefois réalisé dans la locution de long en lé (XIIIe s., sous d'anciennes variantes) ; cette acception a disparu au XVIIe siècle. ◆  Il s'est spécialisé pour désigner la largeur d'étoffe comprise entre deux lisières (1412), désignant par métonymie une bande de tissu dans toute sa largeur. Par analogie, il désigne (1690) la largeur d'un chemin de halage puis, par métonymie, le chemin de halage lui-même (1812). Il s'applique également (1930) à la largeur d'un papier peint ou d'un revêtement souple en rouleau.
❏ voir ALAISE, DILATER, LAIZE, LATIFUNDIA, LATITUDE.
LEADER n. m. est emprunté (1822) à l'anglais leader « celui qui mène, dirige, conduit », attesté dès le moyen âge pour désigner les chefs de troupes, les meneurs d'hommes, et dérivé de to lead (v. 825) « conduire », verbe correspondant au néerlandais leiden et à l'allemand leiten, au suédois leda et au danois lede. Tous ces mots sont issus d'un verbe germanique dérivé d'un nom désignant le chemin, le convoi.
❏  La multiplicité des sens en anglais devait faire adopter le mot en français, non seulement en politique (1822 ; 1829 dans le contexte français), mais bientôt dans d'autres domaines de la vie sociale : vocabulaires du hippisme (1833), de la mode, du journalisme (1852, leader article, d'après l'anglais leader, 1844), du sport (1882), etc.
❏  LEADERSHIP n. m. (1875 ; 1864, au féminin) est emprunté à l'anglais leadership (1821) avec -ship, suffixe indiquant « l'état, la condition », apparenté à la racine germanique °skap- « créer, façonner » que l'on retrouve dans l'anglais to shape « former, façonner ».
■  Le mot a été introduit en français en parlant de la fonction de leader à la chambre des Communes britannique et est resté plus longtemps que leader réservé à une réalité anglo-américaine. Cependant, sa fréquence dans la langue actuelle de la politique et de l'économie marque sa renaissance, suscitée par l'intérêt pour la dynamique des groupes.
❏ voir MOTIF (LEITMOTIV).
LEASING n. m. est emprunté (1963) à l'anglo-américain leasing, néologisme apparu en 1952 dans la dénomination d'une société, The U. S. Leasing Corporation. Leasing, équivalent superflu et de nos jours disparu du substantif lease « location à bail », est dérivé de l'anglais to lease « donner en location » (XVIe s.), lequel est issu, dans un emploi spécialisé, de l'anglo-normand correspondant à l'ancien français lessier, laissier (→ laisser).
❏  Le mot s'emploie en commerce pour la location de biens d'équipement à une société financière qui se charge de l'investissement ; après avoir connu une certaine vogue, il tend à reculer au profit de crédit-bail (1966), plus transparent.
G LÉCHER v. tr. est issu (v. 1120) d'un verbe francique de même sens °lekkôn, postulé d'après le moyen néerlandais licken, lecken, l'ancien haut allemand lecchon et l'allemand lecken. Les mots germaniques appartiennent à la même racine indoeuropéenne que le latin linguere « lécher », le grec leikhein, (→ électuaire, lichen), le vieux slave ližǫ « je lèche ». ◆  P. Guiraud, sans exclure la possibilité d'une influence francique, y voit cependant un mot roman, doublet de lisser* (latin lixicare), le passage du i au e pouvant s'expliquer par l'influence fermante d'un yod (le son [j]).
❏  Le mot signifie « passer la langue sur (qqch.) » et particulièrement (1170) « enlever à coups de langue ». Il a développé quelques sens figurés : l'idée de « flatter », relevée dans quelques textes au XIVe s., a été reprise en 1798 par la locution lécher le cul à qqn (Cf. ci-dessous lèche-cul). ◆  L'idée d'« exécuter avec un soin minutieux » est attestée depuis 1690, dès 1680 par le participe passé léché, devenu usuel en peinture, et quelque peu péjoratif. ◆  Ours mal léché (1678) a pris son sens figuré d'« homme mal fait et grossier » un peu plus tard (attesté v. 1718), par allusion à la tradition populaire selon laquelle l'ourson naît informe, sa mère le léchant longuement pour lui façonner le corps (d'où le sens d'« enfant mal fait », en 1694). ◆  Le XIXe s. a vu apparaître le sens analogique d'« effleurer de près » (1826) et le XXe s. la locution lécher les vitrines (substantivé en lèche-vitrines, → vitre).
❏  LÉCHERIE n. f. (v. 1155) a désigné jusqu'au XVIe s. la luxure, la vie désordonnée et débauchée. Il se dit encore, familièrement, d'une extrême gourmandise (XIIe s.), sens tombé dans l'oubli après le XVIIe s. mais repris dans la seconde moitié du XIXe s., avant de disparaître. ◆  À la même époque, le mot a aussi reçu ses sens d'« action de lécher » (1884) et « flatterie » (av. 1885), tous deux rares.
■  LÉCHEUR, EUSE n. (v. 1138) a suivi le même type d'évolution : il n'a pas gardé le sens injurieux d'« homme impudique » qu'a conservé l'anglais lecherous et a aussi signifié « gourmand » (v. 1278), sens repris au XIXe s. puis disparu. ◆  Le mot a pris alors de nouvelles acceptions d'après des emplois spéciaux de lécher : « personne qui aime à embrasser » (1873), « personne qui achève un ouvrage avec minutie » (av. 1872) et « personne qui flatte bassement » (1894).
■  LÈCHEMENT n. m. (une fois au XIIIe s., puis déb. XIVe s.) a changé son sens figuré initial de « flatterie » pour le sens d'« action de lécher » (fin XVe s.).
■  LÈCHE n. f. (XIVe s.) a disparu au sens de « gourmandise ». Le mot est repris fin XIXe s. pour une touche délicate et minutieuse en peinture, sens disparu, à la différence de lécher. ◆  Familièrement, lèche désigne l'action de flatter servilement (1878, dans l'argot de Polytechnique piquer la lèche), courant dans faire de la lèche à qqn.
■  LÉCHAGE n. m. (1894) complète la série avec la plupart des sens du verbe.
■  De nombreux dérivés ont été créés pour l'essentiel au XIXe s. et, pour la plupart, sans lendemain, tels que LÉCHADE n. f., les dérivés fréquentatifs et diminutifs LÉCHOTER, LÉCHOUILLER v. et leurs dérivés, et enfin LÉCHURE n. f.
Une série parallèle double lécher dans l'usage populaire et familier : il s'agit de LICHER v. tr. (av. 1486), dont le i (noté dans certains dérivés de lécher dès le XIIe s.) est probablement dû à l'influence de lisser*, sémantiquement et formellement voisin.
■  Licher, à partir du sens propre « lécher », a développé les sens de « manger, boire avec gourmandise » (1772, « boire ») et de « flatter » (1880), spécialement « chercher à obtenir une place auprès d'un supérieur » (1930), deux emplois relevés au Canada. ◆  Dans des expressions familières, comme se licher la gueule, le museau, la pomme, la couenne... il correspond à « embrasser ». La vie de cette variante de lécher, aux XIXe et XXe siècles, a surtout été régionale, en France, surtout dans l'Ouest et dans la vallée du Rhône. C'est la spécialisation au sens de « boire beaucoup de vin, d'alcool » qui est la mieux diffusée en France, avec le dérivé LICHE n. f. « action de boire, ivrognerie ».
■  LICHEUR, EUSE n. et adj. (XIIe s.), variante de lécheur, désigne surtout la personne qui aime la bonne chère (1240-1280) ; le mot semble être sorti d'usage, et avoir été repris au XIXe siècle (1827).
■  LICHÉE n. f. (1885), participe passé féminin substantivé de licher, désigne une petite quantité de liquide ou de nourriture.
■  LICHAILLER v. tr. (1901) est une variante argotique de licher « boire ».
■  LICHETTE n. f. (1821) désigne familièrement une petite tranche, un petit morceau (d'un aliment). En français de Belgique, par comparaison de forme, lichette désigne la petite attache servant à suspendre un torchon, un vêtement. On dit aussi une liche.
La dérivation de lécher s'est accrue de plusieurs substantifs composés formés avec l'élément verbal lèche.
■  LÈCHEFRITE n. f. (v. 1193, leschefrite), nom d'un ustensile de cuisine placé sous la broche pour récupérer la graisse et le jus de la viande, est probablement l'altération, sous l'influence du participe passé féminin de frire*, de lechefroie, mais ce dernier est attesté seulement à partir du XIVe siècle. Il est composé de lèche et de froie, forme de froiier « frotter » (du latin fricare, → frayer), et signifie proprement « lèche-frotte (ce qui dégoutte de la broche) ».
■  LÈCHE-PLAT n. m. s'emploie en français de Belgique pour une raclette souple pour nettoyer la vaisselle.
■  LÈCHE-CUL n., attesté dès 1581, mais repris au XIXe s. d'après la locution verbale lécher le cul pour « flatteur et bas », est usuel dans l'usage familier.
■  LÈCHE-BOTTES n. m. (1901, Bruant) d'après lécher les bottes (1848), en constitue une variante atténuée.
POURLÉCHER v. tr., surtout fréquent à la forme pronominale attestée la première (XVe s., se pourlecquer), a été formé de pour*, pris comme préfixe à valeur intensive, et de lécher, pour exprimer la gourmandise puis, abstraitement, la vive satisfaction à l'idée de qqch. (1767). ◆  Le transitif, attesté plus tard (1837), s'est employé pour « fignoler » et se dit concrètement au sens de « lécher soigneusement » (1869).
■  Le déverbal POURLÈCHE n. f. (1923), avec sa variante dialectale perlèche (de perlécher, 1903), désigne une inflammation de la commissure des lèvres. ◆  Formé sur licher, le préfixé populaire POURLICHE n. m. est synonyme de pourboire.
❏ voir LÈCHE-VITRINES (art. VITRE).
LÉCITHINE n. f. a été formé en français par N. T. Gobley (1850) à partir du grec lekithos « jaune d'œuf », également « purée de légumes ou de céréales », mot sans étymologie établie, et du suffixe -ine.
❏  Le mot désigne un lipide complexe présent dans les tissus animaux et végétaux, abondant dans le jaune d'œuf et le tissu nerveux, et un mélange commercial formé de ce lipide, de phosphatides et de lipides, par exemple extrait du soja.
LEÇON n. f. est emprunté (v. 1135) au latin lectionem, accusatif de lectio « lecture » (au sens concret et abstrait), dérivé du supin de legere (→ lire).
❏  Dans les premiers textes, leçon a le sens particulier de « texte de l'Écriture ou des Pères de l'Église lus ou chantés aux offices nocturnes » (leçons de ténèbres*).
■  Il a pris (fin XIIe s.) le sens aujourd'hui courant de « ce qu'un élève doit apprendre et réciter » et, par métonymie, désigne aussi l'enseignement d'un maître (v. 1160), spécialement dans leçon particulière (1845), expression qui témoigne contrastivement de l'importance prise par l'enseignement collectif.
■  Parallèlement, dès la fin du XIIe s., le mot a développé le sens figuré de « conseil, règle de conduite », surtout réalisé dans la locution faire la leçon, passée du sens de « dicter une règle de conduite » (1558, faire leçon) à l'acception moderne de « réprimander » (1754 ; 1690). En ce sens, elle est concurrencée par donner une leçon (1833), à distinguer de donner des leçons « montrer sa supériorité ». Depuis le XVIIe s. (1668), leçon a le sens d'« enseignement tiré d'un événement », cette fois du point de vue de l'élève, non plus du maître.
■  L'idée première de « lecture » se maintient indirectement dans le sens didactique (1680) de « texte tel qu'il a été lu par un copiste, un éditeur, variante ».
-LECTE, élément de mots didactiques tiré de dialecte sert à former des termes de linguistique, à propos d'usages spécifiques d'une langue, par exemple sociolecte.
LECTEUR, TRICE n., qui a remplacé une forme populaire litre, leiteur (XIIe-XIIIe s.), est emprunté (1307) au latin lector « qui lit pour soi, lit à haute voix pour le compte de qqn » et à époque chrétienne « le second des ordres mineurs chargé de lire les leçons dans le culte » (Cf. leçon). Le mot est dérivé de legere (→ lire).
❏  Lecteur désigne d'abord le clerc chargé de lire les leçons dans le culte chrétien, puis, dans un tout autre contexte, celui qui lit à haute voix (1330). Dès le XIVe s., le mot se spécialise notamment dans l'enseignement : il désigne sous l'Ancien Régime un professeur de cours publics (1376), puis de nos jours, par emprunt à l'allemand Lektor, un professeur adjoint dans une université pour l'enseignement des langues vivantes (1842), et (1923) un assistant étranger à l'université.
■  Il s'applique aussi (1379) à la personne qui lit pour elle-même et a développé au XIXe s. une autre spécialisation dans les métiers de l'édition : il concerne alors la personne qui lit et corrige les épreuves typographiques (1867) et celle qui lit les manuscrits (1890).
■  Au XXe s. est apparu (n. m.) le sens d'« instrument servant à reproduire des sons enregistrés » (1934), suivi par des sens spécialisés en technique de la documentation et en informatique.
❏  LECTORAT n. m. (1939), dérivé savant du latin lector, au sens d'« action de lire les manuscrits dans une maison d'édition », désigne aussi la fonction de lecteur à l'université (1968) et, récemment, l'ensemble des lecteurs d'une publication ou d'un livre.
LECTURE n. f. est emprunté (1350) au latin médiéval lectura « fait de lire », « études, érudition, commentaire juridique » (XIVe s.), dérivé comme lector du supin de legere.
■  Les premières attestations du mot réalisent le sens de « récit, instruction, enseignement » et la spécialisation religieuse de « texte liturgique » (1380). Le sens courant, « action matérielle de lire à voix haute », n'est attesté que depuis 1445, suivi au XVIe s. par celui d'« action de prendre connaissance d'un texte en le lisant pour soi (pour l'instruction, le plaisir) » (1561) ; par métonymie (1676), lecture désigne aussi ce qu'on lit. Le sens extensif, « déchiffrement de toute espèce de notation », est apparu au XVIIIe s. (v. 1741) en musique.
■  Sous l'influence de l'anglais lecture « conférence » (lui-même du latin médiéval ou du mot français), le mot a pris le sens particulier de « discours, sermon », puis « conférence » (1536), sens archaïque, parfois repris par anglicisme (mais le mot normal reste conférence*). Le sens de « discussion d'un projet de loi par une assemblée » semble être un anglicisme (1719, lecture d'un Bill). ◆  L'expression être en lecture, qui se dit d'un livre prêté, dans une bibliothèque, et aux journaux empruntés dans un café, s'est appliquée en argot à une fille occupée avec un client (1894).
■  En relation avec lecteur*, il a développé ultérieurement le sens technique de « première phase de la reproduction de sons enregistrés » (1959, tête de lecture) et des emplois correspondants en informatique et en documentologie (d'où MICROLECTURE, n. f., 1969).
■  Le composé RELECTURE n. f. (fin XVIe s.) a été repris vers 1801 sous l'influence de relire* (→ lire).
LÉGAL, ALE, AUX adj. est emprunté (1365, legal) au latin legalis, adjectif dérivé de lex, legis (→ loi), proprement « relatif à la loi » et en latin chrétien « conforme à la loi divine », employé à l'époque médiévale au sens de « fondé en la loi Mosaïque » (v. 830) et aussi « loyal » (v. 1130).
❏  L'adjectif, qui a supplanté l'ancien français leial (1080), forme populaire, correspond donc à loi dans son sens juridique (1365) et théologique (1374) ; en outre, il a longtemps assumé un sens moral, aujourd'hui disparu, fonctionnant comme doublet de loyal* jusqu'au XVIIe siècle.
❏  LÉGALEMENT adv. (v. 1371) a suivi la même évolution : le sens de « conformément à la loi » (au figuré ; 1690, au propre) l'a emporté sur la valeur psychologique de « loyalement » (av. 1621).
LÉGALISER v. tr., d'abord attesté par légalisé (1668) « rendu authentique, certifié », assume le double sens d'« attester l'authenticité de » (1681) et de « rendre conforme à la loi » (1789). ◆  Il a produit LÉGALISATION n. f. (1690).
■  Ultérieurement sont apparus deux termes didactiques d'usage reli gieux : LÉGALISME n. m. (av. 1868) et LÉGALISTE n. (1908), à propos du respect absolu des termes de la loi, auparavant en politique (1894) « socialiste modéré ».
LÉGALITÉ n. f. serait soit dérivé de légal, soit plutôt emprunté (v. 1370) au latin médiéval legalitas « ensemble des droits qui se rattachent à une propriété ou à une fonction » (1011) et « capacité d'ester en justice » (1100), également « loyauté », dérivé de legalis.
■  Comme pour l'adjectif, les sens d'« avantage légalement accordé » — qui a ensuite vieilli — et de « conformité à la loi » (1609) ont eu raison du sens moral de « loyauté » (fin XVe s.).
ILLÉGAL, ALE, AUX adj. a été emprunté (1361) au latin illegalis, et a produit ILLÉGALITÉ n. f. (v. 1361) et ILLÉGALEMENT adv. (1789) ; les trois mots sont usuels. ◆  ILLÉGALISME n. m. (1920), en revanche, est rare. ◆  EXTRA-LÉGAL, AUX adj. (1874) se dit de ce qui est étranger à la légalité explicite, sans forcément tomber dans l'illégalité.
LÉGAT n. m. est emprunté (v. 1155) au latin legatus « ambassadeur, envoyé d'un général ou d'un gouverneur de province », participe passé substantivé de legare pris au sens d'« envoyer », sens conservé non par son représentant léguer* mais par le préfixé déléguer*.
❏  Le mot est apparu comme terme de droit canonique, désignant le délégué du pape chargé d'administrer une province ecclésiastique, d'après un sens du latin chrétien. Le titre de légat a latere a été donné au cardinal chargé de représenter le pape dans les grandes solennités religieuses (1480), calqué du latin médiéval legatus a latere (1191) « légat de l'entourage » [du côté : latus] → latéral. ◆  Depuis 1284, légat est aussi utilisé comme terme d'antiquités romaines.
❏  LÉGATION n. f., d'abord lecaciun (v. 1138) puis légation (v. 1165), est emprunté au latin legatio « ambassade, mission particulière », du supin de legare.
■  Il a été employé au sens général de « mission » jusqu'au XVIIIe s., puis spécialisé comme terme de droit pontifical. ◆  Son emploi au sens juridique laïque de « représentation diplomatique auprès d'une puissance où il n'y a pas d'ambassade » est peut-être suscité par l'anglais legation (en ce sens, depuis 1756, d'abord au Canada). Dans ce dernier sens, le mot, séparé de légat, entre dans le vocabulaire de la diplomatie, sur le même plan que consulat et ambassade.
LÉGATAIRE n. est emprunté (XIVe s., comme adj.) au latin juridique legatarius « celui à qui on fait un legs », attesté comme adjectif en bas latin au sens de « stipulé par testateur », formé sur le supin legatum de legare (→ léguer).
❏  Depuis son abandon comme adjectif au sens de « fait par legs » (XIVe-XVIe s.), légataire est seulement employé comme nom (1463) au sens de « celui à qui on fait un legs », en particulier dans légataire universel (1607). ◆  Il a concurrencé et évincé au XVIIIe s. l'emploi au même sens de légateur (1438), notamment au féminin dans legatteresse universelle (1529).
LÉGENDE n. f. est emprunté (fin XIIe s.) au latin médiéval legenda « vie de saint » (v. 1190), emploi substantivé de l'adjectif verbal neutre pluriel de legere (→ lire), interprété comme un féminin singulier, proprement « ce qui doit être lu ».
❏  Le mot désigne d'abord le récit de la vie d'un saint qu'on lisait au réfectoire, dans les couvents et, en concurrence avec leçon*, le texte qu'on lisait à l'office des matines et qui contenait le récit de la vie du saint du jour (déb. XIIIe s.). Ces vies de saints étaient relatées par le Martyrologe de saint Jérôme, le recueil de Syméon le Métaphraste, la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe s.), les Acta martyrum et sanctorum de Ruinart et des Bollandistes. La monotonie de ces récits avait suscité un sens figuré, « longue énumération » (v. 1400), sorti d'usage en français classique et voisin de celui de litanie. ◆  Par extension, légende s'applique à tout récit merveilleux d'un événement du passé, fondé sur une tradition plus ou moins authentique, sens attesté selon certains dès la fin du XIIe s., selon d'autres à partir du milieu du XVIe s., après un emploi concernant le récit de la vie et des faits d'un prince (v. 1460).
■  Vers la même époque, le mot a été réinterprété strictement avec sa valeur de « chose à lire », désignant l'inscription sur une monnaie, une médaille (1579) et s'étendant au texte accompagnant une image et lui donnant un sens (1598). En cartographie (1797), il se dit de la liste explicative des signes conventionnels. C'est dans cette acception qu'il a produit légender (ci-dessous).
■  Le sens devenu courant de « représentation déformée de faits ou personnages réels » est noté pour la première fois (1853) dans l'Histoire de la Révolution française de Michelet ; sa valeur est voisine de celle de mythe.
❏  LÉGENDAIRE n. m. et adj. désigne d'abord (1558) un compilateur, un auteur de légendes, puis un recueil de légendes (1606), se substituant ainsi au plus ancien légendier (XIVe s.). ◆  L'adjectif est seulement attesté à partir de 1836, qualifiant ce qui relève de la légende et (1848) ce qui est entré dans la légende, d'où (XXe s.) ce qui est universellement connu.
■  Il a produit LÉGENDAIREMENT adv. (1894).
■  LÉGENDER v. tr. (1884) signifie « accompagner une carte, un document iconographique d'un texte explicatif » ; il est surtout utilisé au participe passé légendé.
L + LÉGER, ÈRE adj. est issu (1080) du latin tardif °leviarius, par lequel on est amené à supposer une forme °levius (d'ailleurs attestée par l'ancien français liége) à côté de l'adjectif classique levis « peu pesant » (au propre et au figuré), « de peu d'importance », et psychologiquement « frivole, inconstant », antonyme de gravis (→ grave).
❏  Tout comme le mot latin, léger, au sens concret de « qui pèse relativement peu », qualifie fréquemment les pièces d'armement, dans ses premières attestations. Un de ses autres emplois particuliers, monnaie légère (1589), « qui n'a pas le poids requis », est sorti d'usage. ◆  Par analogie, léger qualifie un repas, un mets qui ne pèse pas sur l'estomac (1690), une chose qui donne l'impression d'être peu chargée (notamment une partie du corps). ◆  Par glissement de sens, léger signifie aussi « qui se meut avec rapidité » (1080), d'où pas léger (XIIe s.), et aussi « qui a peu de matière, de substance » (1690), s'opposant alors à épais ; il correspond également à « qui a peu de force (d'un thé, d'un parfum) » (1732), s'opposant à fort. Une autre nuance, beaucoup plus ancienne, est « qui a de la délicatesse dans la forme » (XIIe s.). ◆  Depuis la fin du XIIe s., l'adjectif est employé avec un sens affaibli pour exprimer une idée de petitesse, de ténuité.
■  Ses sens figurés sont eux aussi apparus très tôt (1174), à propos d'une personne qui a peu de profondeur, de sérieux, quelquefois avec une nuance d'inconstance (déb. XIIIe s.) qui n'est plus réalisée, de nos jours, qu'en parlant des choses de l'amour (1573). ◆  Depuis l'ancien français (1210), il s'applique aussi à un esprit qui a de la grâce, de la délicatesse et (1692) à une production artistique (musique, poésie) facile à comprendre, gaie. Au début du XVIIIe s. (av. 1711), s'y ajoute le sens de « trop libre » (de propos, de mœurs). ◆  Léger entre dans la locution adverbiale à la légère (1544), qui est passée de son sens premier « de façon peu pesante » à « sans réfléchir » (1668). ◆  Appliqué à une chose, il la définit comme « facile à supporter » (v. 1165), « facile à apprendre » (1280), « de peu d'importance » (XIIIe s.) et, en termes médicaux, « qui agit légèrement » (v. 1278, dépuration légère). ◆  Avec une nuance dynamique, il qualifie un esprit délié, subtil (v. 1210), puis également une conversation (1690), un ouvrage plaisant, agréable, peu profond (1751, ouvrages légers, en bonne part).
■  Au sens concret, une spécialisation en athlétisme et surtout en boxe, correspond à poids léger, catégorie située entre plume et mi-moyen (autour de 60 kg). De cet emploi vient SUPERLÉGER adj. et n. m. (1960) à propos d'athlètes, de boxeurs pesant entre 60 et 63,5 kg.
❏  LÉGÈREMENT adv. (v. 1131), « d'une manière légère », a signifié « facilement » en ancien et moyen français (XIIe-XVe s.), ainsi que « rapidement, sans tarder » (v. 1360-v. 1600). ◆  Il correspond surtout à la valeur physique de « sans lourdeur » (v. 1131), et, à propos des actions, des processus, d'« un peu, faiblement », « d'une manière qui donne une impression de souplesse » (fin XVe s.). ◆  Le sens abstrait, « inconsidérément » (fin XVe s.), empiète alors sur l'emploi de la locution adverbiale à la légère.
LÉGÈRETÉ n. f., dont la forme est issue (1355) de legerté (1150) par substitution de suffixe, correspond à tous les sens de l'adjectif ; le sens abstrait de « caractère de ce qui est inconsidéré », attesté dès les premiers textes, a donné lieu à un emploi métonymique (une, des légèretés) pour « acte irréfléchi » (av. 1778).
Deux verbes correspondent à léger.
■  Le plus courant est ALLÉGER v. tr. (XIe s.), issu du bas latin alleviare, de levis, et qui a produit ALLÉGEMENT n. m. (XIIe s.), le déverbal de sens technique ALLÈGE n. f. (XVIIe s., au sens ancien d'« allègement ») et 2 ALLÉGEANCE n. f. (XIIe s.), vieux mot qui signifie « soulagement », à ne pas confondre avec l'anglicisme allégeance (→ 1 allégeance).
■  Le second est ÉLÉGIR v. tr. (XIIIe s., eslegier), de é- et du bas latin leviare, qui signifie d'abord « rendre plus léger », mais a été éliminé dans ce sens par alléger. ◆  La variante ÉLIGIR s'est conservée avec le sens technique de « réduire les dimensions d'une pièce de bois » (1694), aujourd'hui rare.
❏ voir ALEVIN, ÉLEVER, ENLEVER, LEVER, LÉVITATION, LIÈGE, PRÉLEVER, RELIEF, SOULAGER, SOULEVER.
LEGGINGS n. m. pl., attesté une première fois en 1803 transcrit leguins (Volney), puis en 1844 sous la forme moderne, est emprunté à l'anglo-américain leggings « jambières » (1751), dérivé de leg « jambe » (XIIIe s.). Ce mot est emprunté à l'ancien norrois leggr « membre », également employé dans les dénominations de la jambe, du bras.
❏  Le mot, qui désigne des jambières de cuir ou de forte toile, se réfère d'abord à l'habillement des Indiens d'Amérique (glosé guêtre ou culottes de peau), puis à une pièce de l'équipement des joueurs de cricket, des chasseurs et sportifs. Il ne s'est pas répandu en français avant 1860.
LÉGIFÉRER v., d'abord légisférer (1796), est dérivé savamment du latin legifer « qui établit des lois » et en latin chrétien « législateur », de lex, legis (→ loi).
❏  Le verbe, d'abord donné comme un néologisme, puis enregistré avec sa graphie actuelle par l'Académie (1840), a supplanté le verbe législater (1799) de même sens. Outre son usage juridique, il est employé au sens figuré (1873) de « dicter des règles » (par exemple en grammaire).
❏  On en a tiré l'adjectif rare LÉGIFÉRABLE (1938).
LÉGION n. f. est emprunté (v. 1155, legiun) au latin legio, dérivé de legere « recueillir, choisir, lire » (→ lire), proprement « choix, faculté de choisir ». Le mot a pris concrètement le sens de « division de l'armée romaine », soit parce que les hommes y étaient recrutés au choix, soit parce que chacun pouvait se choisir un compagnon d'armes.
❏  Emprunté au XIIe s. comme terme d'histoire romaine, légion s'est appliqué par analogie au corps de l'armée française créé par François Ier (1534). ◆  En 1792, a été créée la légion franche étrangère qui désignait tout régiment de volontaires étrangers au service de la France. Cependant, la légion étrangère moderne, qui a été instituée par la loi du 9 mars 1831, fut cédée à l'Espagne en 1835 et peu à peu recréée pour participer à la conquête de l'Algérie. On dit absolument la Légion pour désigner ce corps, qui a survécu à la décolonisation, avec une symbolique très active. ◆  La Légion d'honneur est le nom d'un ordre national hiérarchisé créé en 1802 par Napoléon Bonaparte pour récompenser les services civils et militaires.
■  Par analogie, légion avait pris très tôt (v. 1170) le sens de « grand nombre de personnes formant une sorte de troupe », d'abord en contexte biblique à propos des anges et démons (célestes légions, légions infernales), puis (av. 1191) dans un style assez familier pour « grand nombre » (1903, être légion). ◆  Le mot, emprunté par l'anglais, a été repris en français pour dénommer en histoire la légion arabe, armée arabe formée par les Britanniques en 1921, dirigée ensuite par « Glubb Pacha », et dissoute en 1956 par le roi Hussein de Jordanie. Dans American Legion, le mot anglais se retrouve francisé dans légionellose (ci-dessous).
❏  LÉGIONNAIRE adj. (v. 1213) et n. (1290), est emprunté au latin legionarius comme terme d'histoire romaine.
■  Son histoire suit celle de légion, du sens de « soldat de corps d'armée française » (1534) à celui de « soldat de la légion étrangère » (1902). ◆  Le langage officiel et juridique l'emploie pour désigner un membre de la Légion d'honneur (généralement au grade de chevalier) [v. 1802].
■  Après la maladie qui frappa en 1976 les participants au Congrès de la Convention de l'American Legion, association d'anciens combattants américains, on parla de maladie du légionnaire et LÉGIONELLOSE n. f. (1938) dérivé du latin scientifique legionella pneumophila devint assez usuel. LÉGIONELLE n. f. est la francisation du latin moderne legionella (années 1980), bactérie aérobie responsable de la légionellose.
LÉGISLATEUR, TRICE n. est emprunté (v. 1370) au latin juridique legislator « celui qui propose des lois », de legis, génitif de lex (→ loi), et de lator « celui qui propose », formé sur latum, supin de ferre « porter » dans l'expression legem ferre (→ légiférer).
❏  Le mot signifie en général « personne qui fait les lois », puis désigne historiquement (1790) un membre du corps législatif sous la Révolution ; il est surtout employé avec son sens figuré, dans le contexte de la philosophie kantienne, ou au sens de « pouvoir qui légifère ».
❏  Les autres mots du même groupe ont été empruntés au latin avec influence de l'anglais.
■  LÉGISLATION n. f. (v. 1361), emprunté une première fois au bas latin legislatio « proposition de lois » pour désigner un ensemble de lois relatives à un pays, à un domaine, a été repris (1721) par emprunt à l'anglais legislation (av. 1655) « droit de faire des lois, exercice de cette puissance », mot de même origine que le français. Depuis 1848, il signifie aussi « science, connaissance des lois ». Il a reçu une acception philosophique dans le cadre de la pensée kantienne (déb. XIXe s.).
■  LÉGISLATURE n. f., apparu (1636) comme synonyme du précédent, a été formé sur lui et sur législateur par substitution de suffixe, sous l'influence de mots comme magistrature. Son sens de « pouvoir législatif » (1776) est un emprunt à l'anglais legislature (av. 1678), lui-même formé sur legislator. Le sens le plus courant du mot aujourd'hui, « durée d'un mandat d'une assemblée législative », est attesté depuis 1791.
■  LÉGISLATIF, IVE adj., attesté une première fois comme nom féminin (la legislative) pour « science du législateur » (v. 1370), a été repris comme adjectif (1652) d'après l'anglais legislative « qui fait des lois, qui a la fonction de législateur » (1651) et « relatif à la législation » (1641). ◆  Le mot français a repris ces sens (respectivement 1652 et 1803), son usage normal datant de la seconde moitié du XVIIIe s., puis de la Révolution, notamment avec l'Assemblée législative (1791), substantivement la législative (id.).
LÉGISTE n. m. et adj., réfection (av. 1300) de legistre, legitre (1210), est emprunté au latin médiéval legista « homme de loi » (1188), dérivé de lex, legis (→ loi).
❏  Historiquement, le mot désigne les conseillers juridiques des rois de France, plus spécialement sous les Capétiens qui employaient toutes les ressources du droit pour justifier et accroître l'autorité de la monarchie, notamment contre la féodalité.
■  Il est employé en apposition dans médecin légiste (1833) « chargé d'expertises en matière légale et s'occupant notamment des victimes de meurtres ». L'expression aboutit au substantif le, la légiste.