LÈPRE n. f., d'abord liepre (v. 1120), puis lèpre (1283), est emprunté au latin lepra « maladie qui ronge », dit au figuré de ce qui s'attaque aux objets, et répandu par la langue de l'Église avec le sens métaphorique de « péché, hérésie ». Lepra est emprunté au grec lepra, de lepein « éplucher, enlever l'écorce », verbe dont on rapproche plusieurs formes nominales, comme le lituanien lāpas « feuille », l'albanais lapë « lambeau », le russe lapotǐ « chaussures d'écorce ».
❏  Le mot, qui désigne anciennement toute maladie contagieuse rongeant les chairs (chancre, etc.) et, de nos jours, une maladie infectieuse provoquée par le bacille de Hansen (sens ancien, seulement précisé par la science), s'applique aussi par extension à un ensemble de taches qui rappellent les macules de la lèpre (1837), dite alors lèpre maculeuse (ou lépromateuse, adj. dérivé de léprome). Lèpre mutilante, se dit d'une forme de la maladie entraînant la chute de doigts, d'orteils.
■  Dès le XVIe s., il a développé le sens figuré de « mal qui s'étend de proche en proche », emploi archaïque relayé de nos jours par cancer.
■  En horticulture, le mot désigne une maladie des arbres provoquant l'apparition de croûtes blanchâtres sur les feuilles et les bourgeons (1767).
❏  Le mot est resté sans dérivés jusqu'à la fin du XIXe s., lorsqu'il a donné, en médecine, LÉPROME n. m. (1888) « lésion cutanée formant saillie », typique de la lèpre dite maculeuse, puis LÉPROLOGIE n. f. (v. 1970), LÉPROLOGUE n. et LÉPROLOGISTE n., ainsi que LÉPRIDE n. f. (XXe s.).
L'adjectif correspondant au nom, LÉPREUX, EUSE, est emprunté sous la forme leprous (1050), lieprous (XIIe-XIIIe s.), refait en lépreux (XIVe s.), au latin chrétien leprosus « lépreux » et, dans le domaine moral, « hideux ».
■  Il a évincé d'autres désignations médiévales du malade atteint par ce mal, ladre* et mesel. ◆  Il a pris la valeur figurée de « paria » (1844 ; déjà en locution, 1524, lépreux en ame). ◆  Par analogie, il qualifie (1863) une matière, une surface (un mur, un plafond) dont les altérations évoquent les croûtes et les taches de la lèpre.
■  L'hospice où l'on soigne les lépreux est dit LÉPROSERIE n. f., emprunt (1568, leprosarie) au latin médiéval leprosaria (XIIIe s.), de lepra.
❏ voir LÉPIDO-, LÉPIOTE.
LEPTO- est un élément savant tiré du grec leptos « mince » et que l'on trouve dans des composés scientifiques formés en grec, en latin moderne (empruntés) ou formés en français.
❏  LEPTURE n. m. est le nom (1770) tiré de leptos et oura « queue » pour désigner un coléoptère.
■  LEPTOCÉPHALE n. m. (1809), de -céphale, désigne la larve de l'anguille.
■  LEPTOSPIRE n. m. (1945 ; de spire) est le nom d'une bactérie qui peut causer une maladie infectieuse transmise aux humains par les rats ou les eaux contaminées, la LEPTOSPIROSE n. f. (1945).
LEPTON n. m., emprunt (v. 1960) à l'angl. lepton (1948 ; du grec leptos et electron) désigne les particules élémentaires légères (électrons, muons, neutrinos) et s'oppose à hadron. Il a pour dérivé LEPTONIQUE adj.
LEQUEL → QUEL
LERCHE → CHER
LÉROT → LOIR
LESBIEN, IENNE adj. et n. (surtout féminin) est dérivé (1640, Lesbin, n.) de Lesbos, nom d'une île de la mer Égée (Mytilène), patrie de la poétesse Sapho, célèbre pour ses mœurs homosexuelles (saphisme).
❏  Lesbien, nom masculin, apparu au sens de « mignon, amant d'un homme », a pris son sens moderne « homosexuelle » comme adjectif féminin (1784) et, vers 1867, comme nom féminin.
■  Parallèlement, il est quelquefois employé au sens propre de « relatif à l'île de Lesbos, à son ancien dialecte » (1832).
❏  Il a pour dérivé LESBIANISME n. m. (1936, Gide) ou LESBISME n. m. (1952) « homosexualité féminine ».
LÈSE adj. f. inv. antéposé, d'abord leze (1344), est l'élément tiré du latin juridique crimen laesae majestatis « crime de majesté lésée » où laesae est le génitif féminin du participe passé de laedere (→ léser) : c'est donc à l'origine un adjectif, bien qu'on ait tendance à le percevoir aujourd'hui comme l'élément verbal « qui lèse ».
❏  Apparu dans meffait de leze majesté, puis criesme [crime] de lese majesté (1354), expression calquée sur la formule latine, il entre depuis dans des constructions formées sur le modèle de lèse-majesté et qui ressortent soit du style littéraire soit du style plaisant (1673, crime de lèse-faculté, Molière).
❏ voir LÉSER.
LÉSER v. tr. est dérivé (1538), d'après l'expression lèse-majesté, du latin laesus (→ lèse), participe passé de laedere « frapper, blesser » au physique et au moral, d'où « faire injure ou dommage », mot sans étymologie connue. Un latin populaire °laesiare, dérivé de laesus, a donné l'ancien français laisier (XIIIe s.), parallèlement à l'espagnol lisiar (d'où catalan lesiar, portugais lesar).
❏  Le mot a d'abord été employé dans la locution léser la majesté, avant d'étendre ses emplois avec le sens d'« offenser » (1611), abandonné après la période classique. Il a pris alors le sens toujours usuel d'« atteindre qqn dans ses droits » (1636). ◆  Depuis 1834, il est employé spécialement en médecine, d'après lésion, au sens concret de « causer une lésion à (un organe vivant) ».
❏  LÉSION n. f. est emprunté dès le XIIe s. (v. 1175) au latin laesio « dommage, tort » (juridiquement) et « blessure » (médicalement), nom d'action surtout employé à basse époque, dérivé de laedere. ◆  Le sens général de « dommage » a cédé la place aux spécialisations juridique (1261) et surtout médicale (1314), reprises au mot latin. La seconde valeur est la seule à être entrée dans l'usage général.
■  Tardivement, lésion s'est doté d'un adjectif juridique, LÉSIONNAIRE adj. (1872), et d'un adjectif médical, LÉSIONNEL, ELLE adj. (1921).
■  Le préfixé RADIOLÉSION n. f. (attesté en 1969) désigne une lésion provoquée par l'exposition aux radiations, aux rayonnements ionisants.
Un dérivé argotique de cette famille, LÉSARD n. m. a été confondu avec lézard*, pour « difficulté ».
❏ voir COLLISION, ÉLIDER.
LÉSINE n. f., d'abord écrit sans accent lesine (1604), aussi lezina (1609), est emprunté à l'italien lesina, proprement « alêne » (de cordonnier), attesté dans le titre d'une satire de la fin du XVIe s., Della famosissima Compagnia della Lesina, où l'auteur, Vialardi, décrit une société d'avares qui raccommodent leurs chaussures eux-mêmes et ont pris pour emblème une alêne. Le succès de cette satire fut tel qu'elle fut traduite très rapidement en français (1604, La Contre-Lésine). Le mot italien remonte au même étymon germanique que le français alêne*.
❏  C'est à la vogue de cette satire italienne que l'on doit lésine, nom donné à une épargne sordide poussée jusqu'aux moindres détails. Qualifié de « burlesque » de 1680 (Richelet) à 1759, le mot, archaïque après 1650, est encore connu, sinon employé.
❏  Le dérivé LÉSINER v. intr. (1604) « épargner sordidement » est resté plus courant, surtout dans la construction lésiner sur, au propre comme au figuré pour « ne pas donner toute l'extension souhaitable à (une chose) ».
■  Il a produit LÉSINEUR, EUSE n. (v. 1650, lezineur).
■  LÉSINERIE n. f. (1604), dérivé de lésine ou emprunté à l'italien lesineria, désigne la propension à lésiner et, au pluriel, des marques d'avarice.
L LESSIVE n. f., d'abord lissive (v. 1200) puis lessive (fin XIIIe s.), est issu du latin lixiva « solution cendreuse qui sert à laver ». C'est la substantivation au féminin de l'adjectif lixivus, dérivé de lix, licis « solution qui lave », mot emprunté (étrusque ?). Lixiva a donné le sarde lissía, le roumain leşie, l'italien lisciva, l'espagnol lejía, tandis que le substantif neutre lixivum a donné l'ancien et moyen français lessu, lessif n. m. « solution cendreuse pour laver ». Cette alternance de genre est due à l'hésitation en latin du genre de cinis (→ cendre), auquel l'adjectif lixivus était associé avant d'être substantivé. La forme régulière loissive d'où leissive, n'apparaît qu'en ancien français, supplantée par lessive qui pourrait être une forme dialectale de l'Ouest. Son concurrent buée*, usuel jusqu'au XVIe s., ne survit plus que dans les dialectes.
❏  Lessive, d'abord attesté dans le contexte de la toilette, est employé (fin XIIIe s.) pour désigner une solution alcaline (d'abord préparée avec de la cendre) qui nettoie le linge. Les progrès de la chimie lui valent de désigner aujourd'hui une poudre à dissoudre dans l'eau (1926) ; son appellation varie (au Québec, savon à linge, en poudre).
■  Par métonymie, il sert à désigner l'action de laver le linge (v. 1460, faire la lessive), une opération technique de nettoyage (1690) et s'applique aussi au linge sur le point d'être nettoyé ou venant de l'être (XVe s. ; étendre, faire sécher la lessive ; on dit au Québec, le lavage).
■  Il est employé familièrement au sens figuré, pour « purification », d'abord dans lessive du genre humain (trad. de Tertullien, chez Balzac 1829), puis au figuré (XXe s.) « action d'éliminer les personnes indésirables » (surtout dans faire la lessive).
❏  Son dérivé LESSIVER v. tr. (v. 1300) est moins employé que faire la lessive en parlant du linge. Ce sens initial, archaïque en France, reste vivant en Belgique, notamment dans machine à lessiver (à laver en français de France) et réservé à des valeurs plus techniques (1701, en chimie ; 1792). ◆  Il signifie familièrement « perdre au jeu » (1866, se faire lessiver), « vendre par besoin d'argent » (1888), « éliminer d'une compétition » (1922). Au passif, être lessivé (1935) correspond à « être épuisé » ou « ruiné ».
Les autres dérivés, à part LESSIVAGE n. m. (1779), sont apparus au XIXe siècle. ◆  LESSIVEUR, EUSE adj. (1842), est surtout utilisé comme nom des deux genres, avec une spécialisation au masculin en papeterie (1867) et au féminin LESSIVEUSE n. f. (1892) pour l'ustensile servant à lessiver le linge, aujourd'hui supplanté par machine à laver, sauf en français de Belgique, où le mot s'emploie à propos de cette machine (dite à lessiver, ci-dessus). ◆  LESSIVABLE adj. (XXe s.) est rare.
■  S'y ajoutent, tirés de lessive, les mots techniques LESSIVIER n. m. (1845), aujourd'hui « fabricant de produits détersifs » et au figuré « gros annonceur », dans le jargon de la publicité, et LESSIVIEL, ELLE adj. (1951), dans produits lessiviels.
❏ voir LISSER.
LEST n. m., d'abord sous les formes last (1208) et less (1282) dans le nord du domaine d'oïl, puis lest (1351), est emprunté au moyen néerlandais last « poids, charge », et à sa variante frisonne lest. L'ancien gascon et le français régional du sud-ouest ont emprunté le mot à l'anglais last, lest, terme de même sens (v. 1000), qui remonte, comme le mot néerlandais et l'allemand Last, à une racine verbale germanique signifiant « charger » (→ layette).
❏  Le mot a désigné une sorte de poids, en particulier une mesure pour le hareng (1282, Saint-Omer ; v. 1440, Lille) d'où, par métonymie, une certaine quantité de harengs (entre 1690 et 1771). ◆  Il s'est spécialisé à propos du poids dont on charge un navire pour en assurer la stabilité (1473, last dans le sud-ouest de la France), donnant lieu au sens figuré de « ce qui sert à assurer l'équilibre » (1748). ◆  Par analogie (1837), il sert aussi à désigner le corps pesant que les aéronautes emportent avec eux pour régler le mouvement ascensionnel d'un ballon : de là, la locution figurée jeter du lest (1907) « faire des sacrifices pour rétablir une situation compromise ».
■  Il est pris familièrement pour désigner la nourriture (1907) et, en diététique, pour un aliment peu nutritif assurant une bonne digestion des nutriments.
❏  LESTER v. tr., d'abord laster (1366), pourrait, au sens de « charger (un navire) », être emprunté directement au moyen néerlandais lasten. Il a suivi l'évolution de lest, prenant la valeur générale de « charger » (1771) et le sens métaphorique familier de « manger » (dès 1787, bien lesté « repu » ; 1828-1829 se lester).
■  À son tour, il a donné LESTAGE n. m., d'abord lastage (1366), et LESTEUR adj. m. et n. m. (1366) « homme chargé de disposer le lest à bord » et, par ellipse pour bateau lesteur (1681), « bateau portant le lest aux navires » (1710).
Le préfixé DÉLESTER v. tr., d'abord delaster, (1593) correspond à « décharger (un navire) de son lest » et par extension « alléger (qqn) de qqch. » (1870), parfois familièrement « déposséder » (se faire délester de qqch).
■  Il a produit DÉLESTAGE n. m. (1660), DÉLESTEMENT n. m. (1671), plus rare, et DÉLESTEUR, EUSE adj. (1723), employé elliptiquement comme substantif masculin (1845).
LESTE adj. est emprunté (1578) à l'italien lesto (mil. XVe s.) « rapide, agile » et (mil. XVIe s.) « bien équipé », lui-même d'origine incertaine, l'hypothèse d'une origine germanique étant difficilement recevable, tant pour des difficultés chronologiques que phonétiques.
❏  Cité au XVIe s. par Estienne parmi les italianismes à la mode, leste y est employé dans un sens aujourd'hui sorti d'usage, « élégant, plein de grâce, bien vêtu » (1584), encore attesté tout au long du XVIIe siècle. ◆  D'après certains emplois où leste qualifie une armée bien équipée, agile (1585), il a glissé vers la valeur actuelle, « agile, prompt » au début du XVIIe s. (1611), et a développé (1765) l'acception figurée de « qui fait preuve d'une liberté excessive vis-à-vis des convenances », plus particulièrement dans le domaine érotique. ◆  Le sens figuré classique, « apte à trouver des expédients pour se tirer d'affaire », est sorti d'usage.
❏  Le dérivé LESTEMENT adv. (1605) a pris les sens successifs de l'adjectif.
LÉTAL, ALE, AUX adj. est emprunté au XVe s. (apr. 1450) au latin letalis « qui cause la mort, mortel », dérivé de letum « trépas », mot archaïque conservé par la poésie comme terme noble, supplanté dans la langue courante par mors (→ mort) et d'origine incertaine. La graphie lethal relevée au XVIe s. est due à un rapprochement erroné avec Léthé, terme de mythologie désignant le fleuve des Enfers dont les eaux procuraient l'oubli.
❏  Le mot, rare ou littéraire au sens de « qui provoque la mort », s'est spécialisé au XVIe s. dans le langage médical (1555) ; il est employé plus particulièrement en pharmacie (dose létale), puis en génétique (1905) notamment dans facteur létal (1921) et gène létal (1936). Les sciences humaines en ont fait au XXe s. l'adjectif correspondant à mort.
❏  LÉTALITÉ n. f., d'abord fautivement léthalité (1814), recouvre en médecine l'ensemble des conditions faisant qu'une lésion est mortelle. Le mot est employé, comme létal, en génétique (1875 ; 1936, léthalité génétique) à propos de la mortalité due au fait que certaines combinaisons génotypiques ne sont pas viables, ainsi qu'en démographie.
LÉTHARGIE n. f., d'abord litargie (XIIIe s.), refait savamment en léthargie (1538), est emprunté au bas latin lethargia, terme médical emprunté au grec tardif lêthargia « état de sommeil profond et prolongé ou de mort apparente ». Ce dernier est dérivé de lêthargos « oublieux », puis en médecine « léthargique », peut-être proprement « qui ne bouge pas parce que son esprit est plongé dans l'oubli ». Cette valeur hypothétique justifierait la thèse de la composition sur lêth-, radical de plusieurs mots (dont lêthê « oubli », personnifié et appliqué à l'un des fleuves des Enfers) du groupe de lanthanein « faire oublier, oublier, être caché », verbe rapproché du latin latere (→ latent) ; le second élément représente argos « paresseux, inactif », privatif (d'abord aergos) dérivé de ergon « travail, œuvre » (→ -ergie, orgue). Cependant, certains tirent lêthargos de l'analogie avec podargos « aux pieds agiles », de pous (→ podo-) et argos « rapide, agile », épithète des chiens chez Homère (d'où Argos, nom du chien d'Ulysse) et, avec la valeur de « blanc, brillant », nom du gardien d'Io (→ argus).
❏  Le mot, d'usage médical, est employé par extension avec la valeur figurée de « torpeur, engourdissement » (1652) et « hibernation » (1805).
❏  LÉTHARGIQUE adj. est emprunté (1325) au latin lethargicus, lui-même emprunté au grec lêthargikos, de lêthargos.
■  Introduit comme nom, puis employé adjectivement (XVe s.) en médecine, il a développé la valeur figurée d'« apathique » (1604).
L LETTRE n. f., d'abord letre (v. 980), est issu du latin littera « lettre de l'alphabet » qui, sous l'influence du grec de sens correspondant grammata (→ grammaire, gramme), a pris les sens de « missive » (au pluriel), « ouvrage écrit » et par suite « littérature », d'où plus généralement « culture, instruction ». Étant donné que les sens de littera sont calqués sur le grec et que l'alphabet latin est emprunté au grec (par un intermédiaire étrusque), il n'est pas exclu que littera soit d'origine grecque, directement ou indirectement. Des gloses évoquent le grec diphthera « peau travaillée, cuir, fourrure » appliqué à des peaux travaillées pour écrire, au parchemin (→ diphtérie) ; l'hypothèse est séduisante mais non démontrable.
❏  Les principales valeurs du mot sont vivantes avant la fin du XIIe siècle. Le premier sens de lettre est abstrait ; c'est celui de « connaissance que procure l'étude des livres », mais il s'est surtout développé au XVIe s., comme un des mots clés de l'humanisme renaissant, donnant lieu à l'expression homme de lettres (1580, Montaigne) et, au XVIIe s., à belles-lettres (1666) et lettres humaines (1671), de sens voisin et aujourd'hui archaïque. ◆  Son évolution va dans le sens d'une opposition à sciences (professeur, études de lettres).
■  Depuis 1130, lettre a repris au latin le sens initial de « signe graphique », appliqué aussi à un caractère typographique depuis 1486. Par métonymie, il se dit du phonème représenté par un caractère (1265) ; cet emploi crée des ambiguïtés, et le mot désigne spécialement une lettre non prononcée (1650). ◆  Très tôt, lettre désigne, par une figure allant de la partie au tout, un texte en tant que composé d'une suite de lettres (v. 1160). Précédé de l'article défini, il prend la valeur particulière de « sens littéral » (v. 1170), réalisé dans des locutions comme à la lettre (v. 1278) et au pied de la lettre (fin XVIe s.). On oppose ainsi la lettre à l'esprit, et on emploie lettre morte (1560, Calvin) pour un texte de loi sans effet, d'où rester lettre morte, au XIXe s. ◆  En revanche, le sens qu'il a dans la locution avant la lettre relève de sa spécialisation en gravure où il désigne la légende inscrite au bas d'une estampe et qui en indique le sujet : on parle ainsi d'estampe avant ou après la lettre (1794).
■  Le sens de « missive » est lui aussi apparu en ancien français (v. 1170), mais il est toujours assumé par le pluriel, conformément au latin. Aujourd'hui, ce pluriel s'applique particulièrement à une correspondance publiée, genre littéraire très prisé aux XVIIe-XVIIIe siècles. ◆  En ce qui concerne le singulier, le XIXe s. a vu apparaître la locution familière passer comme une lettre à la poste « passer très facilement » (1825) et l'expression lettre ouverte « texte polémique qu'on est censé adresser au public » (1835). ◆  La diversité des fonctions de la correspondance est à l'origine de l'emploi métonymique du mot pour désigner un écrit officiel (1234) dans les domaines de la diplomatie, de l'administration, du commerce et de la banque (lettre de change, 1671). Pour lettre de cachet → cachet.
❏  Lettre fournit le second élément de CONTRE-LETTRE (XIIIe s.), qui a désigné un acte secret modifiant ou annulant une lettre officielle, et PORTE-LETTRES un messager (1636), puis une sorte de portefeuille.
■  CARTE-LETTRE n. f. (1890) désigne une feuille qui, pliée, peut être expédiée comme une lettre. Pour pèse-lettres, voir peser.
Lettre a pour dérivés LETTRER v. (XIIe s., letrer) « rédiger une lettre » puis, techniquement (XVIe s.), « disposer des caractères, des lettres », et LETTRAGE n. m. (1873), terme technique signifiant « action de disposer des lettres ».
■  Autres dérivés de lettre, les termes d'histoire littéraire LETTRISME n. m. et LETTRISTE, n., formés en 1942 par Isidore Isou qui érigeait en principe esthétique l'attention accordée à la matérialité de la lettre.
LETTRÉ, ÉE n. et adj. est dérivé (v. 1135) de lettre sur le modèle du latin litteratus « couvert de lettres » et « savant, instruit ». Apparu au sens concret, pour « couvert de lettres, d'inscriptions », il a été réservé en moyen français au sens abstrait, qualifiant une personne instruite, savante (v. 1150). ◆  Cette valeur est reprise par le substantif masculin (1174), spécialement (1605) à propos d'un homme cultivé qui exerçait un emploi public dans la Chine ancienne, comme synonyme de mandarin.
Son antonyme ILLETTRÉ, ÉE adj. et n. est un emprunt du XVIe s. (1560) au préfixé latin illiteratus. ◆  Malgré l'existence de lettré, ce mot a eu du mal à s'imposer avant le XVIIIe s. ; de nos jours vieilli au sens de « non cultivé », il est employé pour « qui ne sait ni lire, ni écrire », sens avec lequel il a produit ILLETTRISME n. m. (v. 1983) « incapacité à maîtriser la lecture d'un texte simple », mot recouvrant une notion distincte de celle d'analphabétisme.
❏ voir LETTRINE et les mots issus du latin sur la base littera- : ALLITÉRATION, LITTÉRAL, LITTÉRATURE, OBLITÉRER, PESER (PÈSE-LETTRES).
LETTRINE n. f. est emprunté (1625) à l'italien letterina (XVIIe s.), diminutif de lettera (→ lettre) « petite note mise à côté d'un mot pour renvoyer à une note (appel de note) ».
❏  Le mot s'est détaché de son sens d'emprunt pour désigner une lettre d'un corps supérieur à celui du texte, dans un dictionnaire (1762), et une lettre ornée ou non placée au début d'un chapitre (1889), d'un manuscrit enluminé. Ces lettres, soulignées de rouge, étaient proprement des rubriques (Cf. ce mot, et aussi miniature) ; elles comportaient souvent des enluminures, mais, après que Jean de Pucelles (déb. XIVe s.) eut pris l'habitude de faire figurer la scène décorative au début de la page, elles furent dégagées du décor figuré et ornées de motifs floraux.
1 LEU → LOUP
2 LEU n. m., pluriel LEI, emprunt au roumain, désigne l'unité monéraire de la Roumanie.
LEUCO- est un élément savant tiré du grec leukos « blanc lumineux, blanc éclatant », mot remplacé en grec démotique par aspros qui avait pris ce sens par dérivation de celui de « rugueux » (→ âpre). Leukos entre dans la grande famille indoeuropéenne de mots ayant trait à la lumière, avec le latin lux (→ luciole) et le grec leussein « diriger son regard vers » ; il répond formellement au sanskrit rocá- « brillant », à l'irlandais luach, au lituanien laũkas, dit d'animaux ayant une tache blanche sur le front.
❏  La vitalité de l'élément est importante dans le domaine des sciences de la nature à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
■  LEUCITE n. m. et f. (1796), terme de minéralogie, est emprunté au mot créé en allemand par Werner.
■  LEUCOME n. m., d'abord et aussi leucoma (1701), représente le bas latin leucoma, lui-même repris au grec leukoma qui l'a formé sur leukoun « rendre blanc », dérivé de leukos. ◆  Le mot, qui désigne une tache blanche sur la cornée de l'œil, inaugure la série des composés en leuco- en médecine, biologie et pathologie.
■  Au XIXe s., LEUCOCYTE n. m. (1855), formé avec -cyte* « cellule », donne son nom au globule blanc du sang. ◆  Il a produit plusieurs dérivés, LEUCOCYTOSE n. f. (1863), LEUCOCYTAIRE adj. (1897), et quelques composés en leuco- comme leucogramme, leucose, leucophlegmasie, leucopénie. Certains de ces composés ont une importance médicale, telle LEUCODYSTROPHIE n. f. (1933) « affection où le système nerveux perd sa myéline, ce qui entraîne la paralysie des fonctions vitales ».
C'est comme représentant de leucocyte que leuco- figure dans LEUCÉMIE n. f. (1856), francisation de leukémie (1855), lequel est l'adaptation de l'allemand Leukämie (1845), formé des éléments grecs leukos et haima « sang » (→ -émie), cette maladie, parfois appelée cancer du sang, étant caractérisée par une prolifération anormale des globules blancs, ainsi que par leur altération. ◆  Le mot a pour dérivé LEUCÉMIQUE n. et adj. (1856) qui désigne un malade atteint de leucémie et qualifie ce qui se rapporte à la leucémie (1866, rétine leucémique).
L 1 LEUR pron. pers. inv. est issu (v. 980, lor) du latin illorum, génitif masculin pluriel du démonstratif ille (→ il, le). L'existence d'un correspondant roumain de forme lor permet de dater l'aphérèse du mot latin (chute de l'initiale) comme antérieure à 271.
❏ voir LUI.