L 2 LEUR, LEURS adj. et pron. poss. est issu (av. 950, lor) du même mot que le pronom personnel 1 leur* : en effet, en latin populaire, illorum, employé comme génitif possessif, a tendu à remplacer le possessif suus (→ son).
❏  Le mot est employé comme adjectif possessif de la troisième personne du pluriel aux deux genres. Il garde une trace de son ancien emploi tonique (1050, avec détermination par l'article défini, le leur voile) dans deux cas : le plus courant, appelé « pronom possessif », consiste dans l'emploi de leur précédé de l'article défini (le leur, la leur) et non suivi du substantif (1080). Il assume quelques valeurs particulières, le pluriel les leurs se référant implicitement aux hommes d'un même clan, d'un même groupe (1080), le singulier le leur (v. 1165) désignant le bien, l'avoir. ◆  Le second emploi de leur procédant de l'emploi tonique de l'adjectif correspondant à l'attribut du sujet ou du complément d'objet (v. 1155), dans la syntaxe littéraire (faire leur, être leur). Ces emplois sont parallèles à ceux de sien (et de mien, tien).
G LEURRE n. m., d'abord loire (1202), est issu d'un francique lôþr (lôthr) « appât » (reconstitué à partir du moyen haut allemand luoder « appât, ce qui attire en général »), allemand Luder. Le mot francique est probablement apparenté à un verbe °laþon « inviter » dont plusieurs langues germaniques ont un représentant (vieil anglais laþian, allemand laden, moyen néerlandais laden).
❏  D'abord employé, semble-t-il, au sens général de « ce qui attire », le mot s'est rapidement spécialisé en fauconnerie, désignant (v. 1225) un morceau de cuir rouge en forme d'oiseau garni de plumes, utilisé pour faire revenir l'oiseau de chasse sur le poing du fauconnier. Par analogie de fonction, il est employé comme terme de pêche et désigne une amorce munie de plusieurs hameçons (1769).
■  Vers 1580, le mot a développé la valeur figurée d'« artifice qui sert à attirer pour tromper », utilisée au XVIIe s. et devenue aujourd'hui plus abstraitement « ce qui trompe, abuse ».
❏  Son dérivé LEURRER v. tr. (v. 1119, luirié « rusé » ; 1266, loirier « instruire ») est employé en fauconnerie (av. 1300) puis au sens figuré d'« attirer », d'abord sans péjoration (1415-1418) puis avec une valeur défavorable, pour « attirer trompeusement par des apparences séduisantes » (1609). ◆  Depuis 1808, on rencontre la forme pronominale se leurrer avec son sens moderne « être victime d'illusions » (1637, au sens de « se flatter de »).
■  L'ancien composé ALEURER, ALEURRER v. (XIIIe s.), employé de façon isolée au XIIIe et au XVIIe s. comme synonyme de leurrer, en fauconnerie et en général, survit dans l'anglais to allure « attirer, entraîner » (XVe s.) qui l'a emprunté au français, de même que lure n. et to lure v. (de leurre et leurrer).
❏ voir DÉLURÉ, LUREX.
L LEVAIN n. m. est issu (v. 1176-1181) d'un bas latin °levamen « morceau de pâte qui fait lever la pâte à pain », spécialisation de sens du mot classique de sens psychologique levamen « soulagement », de levare (→ lever). Les gloses de Reichenau attestent déjà levamentum.
❏  Le mot désigne un morceau de pâte que l'on incorpore à la pâte fraîche pour la faire lever, puis aussi une substance ayant la même propriété (1690) avec influence réciproque de levure (→ lever). ◆  Avant la fin du XIIe s., le mot a développé le même sens figuré que ferment, désignant un principe qui stimule les idées et les passions.
L + LEVER v. est issu (v. 980) du latin levare, dénominatif de levis (→ léger), proprement « rendre léger ». De là, le sens figuré de « soulager » et, en argot des voleurs, « dérober ». De là également, par métonymie, le sens de « soulever, élever » qui s'est développé sous l'Empire, supplantant surgere (→ surgir), tollere (→ tollé) et oriri (→ orient), donnant le sens particulier de « gonfler, en parlant de la pâte » à basse époque et passant dans les langues romanes : roumain lua, italien levare, espagnol et catalan llevar, portugais levar.
❏  Le premier sens attesté en français est « placer verticalement (ce qui était penché ou horizontal) » ou « porter (une chose) plus haut qu'elle n'était ». Il est réalisé dans un grand nombre d'emplois particuliers, dont lever l'ancre (1292, les ancres), « prendre la mer » (Cf. démarrer), aussi au figuré, lever l'étendard, la bannière (fin XVe s., sous diverses variantes), « prendre parti pour ». ◆  La nuance de « déplacer vers le haut pour découvrir ce qui était caché » (v. 1278) se manifeste notamment dans deux locutions, lever le masque (1629) et, au théâtre, lever le rideau (1835) après lever la toile (1765). ◆  Le complément du verbe est souvent le nom d'une partie du corps (fin XIVe s.) : lever les yeux (v. 1360), la tête (fin XIVe s.), le nez (1611), la jambe (1651), le pied (1835), le coude (1752), les épaules (1867), tous gestes révélateurs d'un trait psychologique ou d'un comportement imagé ; ainsi lever le pied correspond à « partir, fuir » ; lever le coude à « boire ». Certains syntagmes forment locution, tels lever la main sur qqn (1538) « s'apprêter à le frapper », lever les bras au ciel (1690), geste d'impuissance, de réprobation, lever les yeux sur qqch. ou qqn (1690), ne pas lever les yeux de « attacher son regard sur » (1538), lever le poing (1923), pour menacer ou par signe de fraternité révolutionnaire, ne pas lever le petit doigt (1936 ; 1935, le doigt) « ne rien faire (pour qqn) ».
■  La notion de « mouvement vers le haut » est également assumée par le pronominal se lever (1080), d'abord en parlant d'un bruit, de la voix, type d'emploi qui a souffert de la concurrence de s'élever, puis en parlant d'une personne qui se met debout (XIIe s.) — alors opposé à être couché, assis, à genoux... — spécialement qui sort de son lit après le réveil (se lever tôt) — alors opposé à se coucher. Au participe passé être bien, mal levé se dit en français de Belgique et du Luxembourg, pour « être de bonne, de mauvaise humeur », comme se lever du pied gauche en français de France. ◆  Se lever exprime aussi le mouvement de l'astre qui commence à paraître à l'horizon (XIIIe s.), celui du brouillard ou du vent qui commence à se faire sentir (XVe s. ; dès le XIIe s., lever intransitif), puis du temps qui se dégage (1640), de choses qui se déplacent vers le haut (1694) et, au figuré, qui apparaissent (1881).
■  L'emploi intransitif de lever partage les mêmes valeurs, mais son champ d'usage a été restreint au profit du pronominal : il se rapporte à une pâte qui fermente et se soulève sous l'action d'un ferment de la levure (1256) [→ levain, levure, ci-dessous], c'est dans ce sens qu'on parle au Québec de poudre à lever pour levure, et aussi à des choses qui se déplacent vers le haut, par exemple des plantes (XVe s.). ◆  La locution le cœur lui lève, employée dès 1160 au sens de « se gonfler de colère ou de joie », parallèlement à lever le cœur « réjouir » (XVIe s.), a été reprise dans la langue littéraire avec la même valeur que lever le cœur « soulever le cœur, écœurer », au XXe siècle.
Dès le XIe s., le verbe transitif exprime l'idée de « faire sortir de sa place, en soulevant » (1050), et surtout « en enlevant », cette notion prenant le pas sur la notion physique de « faire aller vers le haut ». Il signifie alors « prendre (une partie) d'un tout » (XIIIe s.) dans les quelques emplois que lui laisse prélever, par exemple lever l'aile, la cuisse d'une volaille « découper », ou « percevoir (un impôt, un tribut) » (XIIIe s.). Cet emploi, en partie remplacé par enlever (ou prendre, recueillir) dans l'usage général, est resté vivant dans plusieurs régions de France, spécialement pour « enlever (qqch.) d'un endroit pour le mettre ailleurs ». Cet usage (attesté à Toulouse en 1766) est fréquent dans le sud de la France, ainsi que « quitter (un vêtement qu'on portait) ». Dans les mêmes régions et en Auvergne, dans le Centre-Est (Jura), lever la table, le couvert, se disent pour « débarrasser ». De l'Auvergne à la Provence, on a dit jusqu'au XXe s. lever la récolte, lever les œufs du jour. Aujourd'hui encore, à Toulouse, on dit lever de l'argent à la banque. Au figuré, dans les mêmes régions, lever se dit pour « alléger, faire disparaître (une sensation, un sentiment) ». Enfin, lever la parole pour « enlever, retirer le salut, ne plus parler à qqn » semble propre au français de Provence (en usage à Marseille). ◆  Par abstraction, on passe à « faire disparaître » (1536) dans des expressions comme lever un doute, un obstacle et, en termes commerciaux, lever une option « y mettre fin en acceptant le contrat » (XXe s.).
■  Avec la notion voisine de « mettre un terme », lever s'emploie dans un contexte guerrier (v. 1360, lever le siège ; 1564, lever le camp) et juridique ou administratif (lever une séance, une interdiction), se rapprochant parfois du champ d'emploi de enlever (voir ci-dessus). ◆  Plus concrètement, l'idée de « prendre en enlevant, en retirant » est réalisée en dessin (1596), par exemple dans lever un plan, en horticulture (1690), au jeu de cartes (1680, lever les cartes ; absolument lever, 1873) et en typographie (1867, lever la lettre).
Dès le XIIe s. enfin, lever réalise l'idée de « faire sortir, mettre en mouvement (un animal à la chasse) » (v. 1175). Dans le même contexte, l'expression lever un lièvre a développé un sens figuré (1663) « soulever une difficulté » et a donné l'expression lever une femme (1776), par transfert du vocabulaire de la chasse à ceux de la galanterie, voire de la prostitution pour « racoler » (XXe s.). L'expression pittoresque, en usage à l'île Maurice lever un nid de mouches jaunes, signifie « soulever un sujet de discussion, de dispute ». ◆  On passe figurément à l'idée de « mobiliser » dans le contexte de la guerre (fin XVe s.) : lever des troupes, une armée.
❏  La richesse sémantique de lever, ses nombreux sens particuliers, se reflètent dans le nombre de ses dérivés.
■  LEVANT, ANTE, son participe présent, est employé adjectivement (1080) en parlant d'un astre qui se lève, en particulier du soleil, l'ancien nom de l'Empire japonais étant Empire du Soleil levant. ◆  Substantivé pour désigner le côté de l'horizon où le soleil apparaît (v. 1265), levant désigne aussi, par métonymie, un vent d'Est (1343) et avec la majuscule, les pays qui bordent la côte méditerranéenne, Syrie et Liban (1528).
■  Dans cette acception, il a produit LEVANTIN, INE adj. et n. (1575) « originaire du Levant », mot repris au XIXe s. avec une coloration xénophobe, et dont le féminin LEVANTINE fournit le nom d'une étoffe (1744) et d'une sorte de dague (1902) originaires du Levant. ◆  Levant (en couple avec ponant) et levantin tendent de nos jours à disparaître au profit du couple orient-occident (et oriental-occidental).
LEVÉ, ÉE, participe passé de lever, a été substantivé dès l'ancien français au féminin LEVÉE n. f., pour exprimer l'action de recueillir, le résultat de cette action : d'après les emplois correspondants du verbe, il désigne l'impôt (XIIIe s.), l'enrôlement militaire (1559), d'où pendant la Révolution levée en masse (1793). ◆  Il se dit aussi du fait de prendre les cartes sur la table de jeu et, par métonymie, de ces cartes (1680), de l'action de prélever les lettres dans la boîte (1829) et de la somme retirée dans une banque ou un établissement de crédit (1867). Ces emplois se rattachent au sens de lever devenu archaïque dans l'usage dominant, pour « enlever, déplacer, recueillir » (→ lever, ci-dessus). Aussi la levée de fonds, en finance, expression courante au Québec, si elle correspond à l'anglais fund raising, est conforme aux usages anciens ou régionaux du français d'Europe.
■  Quelques emplois particuliers réalisent l'idée de « disparition, action de faire cesser » (1549), tel levée de la séance (1680), celle de l'enlèvement dans levée de corps (1690, du) et l'idée de « suppression » (1765), comme en psychanalyse l'expression levée des résistances (XXe s.). À l'idée de « cessation délibérée » correspond l'expression usuelle en français d'Afrique de levée de deuil « cérémonie marquant la fin, soit des funérailles, soit de la période de deuil ».
■  Le sens concret, « action de soulever verticalement », attesté dès l'ancien français (XIIIe s.), s'est mieux implanté dans quelques sens métonymiques concrets : levée désigne un matériau levé et entassé sur une même ligne, soit un remblai de terre et de maçonnerie (1269), puis une digue élevée le long d'un cours d'eau (1537), enfin un amas d'alluvions ou de galets (XXe s.).
■  Le sens dynamique, vieilli après l'époque classique, se maintient dans quelques emplois particuliers, tels levée de boucliers (v. 1389, avec une valeur figurée), ou levée de la pâte.
■  Le masculin LEVÉ n. m. (1534), s'il a perdu au profit de levée le sens de « cartes qu'on ramasse », et au profit de l'infinitif substantivé celui d'« action de se lever » (1666, Molière : le levé du roi), a pris ses sens modernes aux XVIIIe et XIXe s. : il s'emploie en musique pour l'action de lever la main ou le pied en battant la mesure (1823 ; dès 1705 au sens métonymique de « temps sur lequel on bat la mesure »), et en topographie dans levé ou levé de plan (1832 ; av. 1853 au sens métonymique de « plan ainsi relevé »). ◆  Par ellipse de personne levée, on parle en politique (1800) de vote par assis et levés.
■  LEVER n. m., infinitif substantivé de lever (v. 1175), correspond à l'action de soulever vers le haut et à celle de se lever du lit ; le mot a développé quelques emplois particuliers, désignant l'apparition d'un astre à l'horizon (1364), d'où le point du jour (av. 1648), le moment où le roi recevait dans sa chambre après s'être levé (1664), le levé et le lever n'étant pas distingués. Le lever du rideau désigne le moment où le rideau du théâtre se lève (1798) d'où par métonymie lever de rideau « petite pièce que l'on joue avant la pièce principale » (1826). Il dispute à levé son emploi en topographie (1840).
LEVURE n. f., d'abord lieveure (av. 1188), rappelle le latin médiéval levatura qui se disait d'un mélange d'herbes employé pour la fermentation de la bière (1042). D'après lever, le mot a d'abord désigné une élévation de terrain, une éminence.
■  Son sens moderne de « substance provoquant la fermentation », réemprunt du latin, est plus tardif (1419) et probablement influencé par levain* ; il a donné quelques emplois déterminés (levure de bière, 1611) et une spécialisation en médecine à propos d'un champignon microscopique se reproduisant par bourgeonnement. ◆  Levure, alors dérivé de lever, ne s'est pas maintenu aux sens de « ce qu'on lève de dessus et de dessous le lard » (1642, levure de lard) et de « fait de lever un filet », en pêche et chasse (av. 1680).
■  Son sens le plus vivant a produit les termes techniques LEVURIER n. m. (1803), LEVURER v. tr. (1909) d'où LEVURAGE n. m. (1909) et LEVURERIE n. f. (1949).
LEVIER n. m., autre dérivé apparu au XIIe s. comme nom d'outil (v. 1130), se définit (v. 1160) par sa fonction, qui est de permettre de soulever un poids. Il a développé le sens figuré de « moyen d'action » (1684, en parlant d'une personne ; 1754, d'une chose) et différentes spécialisations techniques, en chirurgie obstétrique (1812) et dentaire (1820), ainsi qu'en technique pour l'organe de commande d'une machine (1867), en particulier d'un véhicule automobile (1899, levier de changement de vitesse). Le sens technique a donné lieu à un sens figuré, à propos d'un poste de direction, de contrôle (1931), notamment dans levier de commande (1936).
■  LÈVE n. f., déverbal de lever (1242), a vieilli dans la plupart de ses emplois. Il ne s'est maintenu que comme nom technique de la lame soulevant le maillet qui retombe sur les chiffons broyés dans un moulin à papier (1788 ; 1765, sens attribué à levée), aujourd'hui archaïque.
D'autres dérivés ont gardé un rapport plus net avec le verbe.
■  LEVEUR, EUSE n. (1253), nom d'agent, « personne qui lève », se limite à quelques-uns des emplois spéciaux du verbe : il a cessé de dénommer le percepteur des droits seigneuriaux, puis des impôts, pour désigner en technique l'ouvrier qui déballe le chanvre pour le faire peser (1260), celui qui lève qqch. en papeterie (1723), en imprimerie (1823), en topographie et, au féminin, en dentellerie (1867). Il s'est employé dans la langue populaire pour désigner un séducteur (1858), en relation avec lever une femme, et, dans l'usage commun, dans l'expression leveur de sort qui répond à jeteur de sort.
■  LEVAGE n. m., autre terme apparu à propos de la perception des impôts seigneuriaux (1289), s'est fait une place à côté des autres substantifs d'action de lever à partir du XVIIe siècle. Il a reçu des acceptions spécialisées en architecture (1819), en boulangerie (1893), en pêche (1873) et en dentellerie (1840) et s'est répandu en argot pour « action de séduire, de racoler » (1861). L'emploi concret le plus usuel, pour « action de soulever », est le syntagme appareil de levage (Cf. manutention).
■  À plusieurs siècles de distance, LEVADE n. f. est attesté avec le sens concret de « pré situé sur une hauteur » (1875, pré de levade), surtout vivant dans le Centre et certainement très antérieur dialectalement. Le mot a été repris dans le vocabulaire de l'équitation (XXe s.).
On ne compte pas les formations composées faites avec l'élément verbal lève- tant dans l'usage technique, LÈVE-GAZON n. m. (1842), LÈVE-VITRE, etc., que dans l'usage familier, LÈVE-PIEDS « échelle » en argot (1836) ; LÈVE-TÔT et LÈVE-TARD (v. 1967), Cf. aussi lève-glace*.
❏ voir ALEVIN, ÉLEVER, ENLEVER, LEVAIN, LÉVITATION, PONT-LEVIS, PRÉLEVER, RELEVER, SOULEVER.
LÉVITATION n. f. est un emprunt du vocabulaire de l'occultisme (1864) à l'anglais levitation. Celui-ci a été formé (v. 1668) sur le modèle de gravitation à partir du latin levis (→ léger) au sens d'« action de s'élever en raison de sa légèreté », et s'est spécialisé en spiritisme (av. 1874).
❏  LÉVITER v. intr. est plutôt dérivé (1930) du radical de lévitation qu'emprunté à l'anglais to levitate (1673). Attesté chez H. Michaux (sans doute antérieur dans les textes spécialisés), il est d'un usage beaucoup plus rare que le nom.
LÉVITE n. m. est emprunté (v. 1170) au latin de la Vulgate levita, levites, transcription du grec des Septante levitês, dérivé au moyen du suffixe -itês du nom propre Levi (de l'hébreu Lēvī), pour traduire le mot hébreu lēvī.
❏  Le mot est introduit dans la traduction du Livre des Rois au sens de « membre de la tribu de Lévi (troisième fils de Jacob) voué au service du temple sans avoir accès à l'autel ». Son extension pour « prêtre, clerc, séminariste » (1690) emprunt sémantique au bas latin chrétien levita « clerc de rang inférieur, diacre », est rare et d'usage littéraire.
■  En référence au costume que portaient les lévites représentés sur les tableaux et au théâtre, lévite a donné son nom à une robe longue, simple et austère, portée dans la seconde moitié du XVIIIe s. par les femmes (1781). Il a aussi désigné, à la même époque, une redingote d'homme ample et descendant à mi-mollet (1782).
❏  LÉVITIQUE adj. et n. m., d'abord sous la forme latine Levitici (v. 1265), puis sous sa forme francisée (1295), est emprunté au latin de la Vulgate Leviticus n. m., également leviticus adj. Le latin transcrit le grec des Septante to Levitikon et le grec du Nouveau Testament levitikos, dérivés de levitês. Le substantif a été introduit le premier, comme nom du troisième livre du Pentateuque, contenant principalement les lois des lévites et les règles des sacrifices. ◆  L'adjectif (1541, Calvin) qualifie ce qui est relatif aux lévites, notamment dans loi lévitique (1867) « ensemble des prescriptions de Moïse sur les fonctions sacerdotales ».
L LÈVRE n. f., d'abord lavras (v. 980) au pluriel, puis levres (1090), est issu du latin populaire labra, pluriel pris comme singulier féminin du neutre labrum « lèvre, bord », employé techniquement à propos du bord d'un vase, d'un fossé. Il n'y a pas de nom indoeuropéen commun pour la lèvre ; cependant, on peut en rapprocher un groupe de mots germaniques expressifs : ancien haut allemand leffur (→ balafre), ancien anglais lippa (anglais lip, passé en français dans lipstick), moyen néerlandais lippe (→ lippe). Le latin employait, surtout dans la langue parlée, la forme apparentée labia (→ labial).
❏  Le mot, employé au pluriel dès les premiers textes, désigne les parties charnues des contours de la bouche humaine : ce sens, le plus courant, a donné la phraséologie du bout des lèvres (1677) « sans conviction (de la parole) », avoir sur les lèvres (1538, entre les lèvres ; 1635, sur le bord des lèvres) « être prêt à dire, à prononcer ».
■  L'expansion du sens s'est faite par analogie : lèvre désigne les bords d'une plaie (1314), les replis charnus de la vulve (1680) d'où grandes et petites lèvres, les commissures de la bouche d'un animal (1690), les bords d'un coquillage univalve (1752). ◆  D'autres extensions plus techniques, apparues au XIXe s., concernent une réalité non organique : comme le mot latin, lèvre désigne le bord d'une cassure, d'une faille, en géographie (1834) et en géologie (1877), le bord de l'orifice d'un vase (v. 1840) ; il dénomme aussi les bords aplatis de la bouche d'un tuyau d'orgue (1893).
❏  BALÈVRE n. f., réfection (v. 1220) de l'ancien français baulivre (fin XIIe s.), baulevre (XIIIe, jusqu'au XVe s.), est formé sur un élément initial d'origine germanique, le francique °balu « mauvais » (ancien haut allemand balo).
■  Le mot désigne d'abord une grosse lèvre, avant de prendre des valeurs techniques par métaphore « saillie d'une pierre » (1694), « saillie du métal moulé à l'endroit des joints » (1751).
❏ voir LABRE.
LEVRETTE, LÉVRIER → LIÈVRE
LEVURE → LEVER
LEXIQUE n. m., d'abord lexicon (1563), francisé en lexique (1721), est emprunté au grec lexikon (sous-entendu biblion), proprement « livre de mots », « dictionnaire ». Ce mot est le neutre substantivé de l'adjectif lexikos, « qui concerne les mots », dérivé de lexis « parole, mot, style ». Lui-même est le nom d'action de legein « rassembler, cueillir », d'où « raconter, dire » (→ logique).
❏  Avec son premier sens de « dictionnaire », lexique a longtemps été en concurrence avec la forme plus ancienne lexikon (ci-dessous), avant d'être lui-même évincé par dictionnaire. Il s'est maintenu au sens particulier, voisin de celui de glossaire, de « dictionnaire succinct (d'une science, d'une technique, d'un domaine spécialisé) » (1838), antérieurement réservé à lexicon, puis de « recueil des mots employés en propre par un auteur dans une œuvre littéraire » (1846), ce dernier sens repris lui aussi à lexicon et synonyme de vocabulaire. Le sens didactique d'« ensemble des mots — des unités analogues — d'une langue » est attesté chez Baudelaire en 1861 mais est certainement antérieur.
❏  LEXICON n. m., emprunt au grec (1563), a eu le sens de « dictionnaire succinct » (1697) et de « recueil des mots d'un auteur » (1587). Dans tous ses emplois, il a été éliminé par lexique.
■  LEXICAL, ALE, AUX adj. est attesté une fois en 1804 dans une traduction de W. von Humboldt et repris au XXe s., par exemple dans champ lexical.
■  L'adjectif a produit LEXICALISÉ, ÉE adj. et LEXICALISATION n. f. (v. 1927) puis LEXICALISER v. tr. (1950), termes qui concernent le processus par lequel une suite de mots se figent et constituent un élément du lexique, du code de la langue.
■  LEXICALISTE n., employé en grammaire générative-transformationnelle (hypothèse lexicaliste), est pris à l'anglais.
Le grec lexikon se retrouve sous la forme de l'élément LEXICO- dans deux groupes de mots.
■  Après LEXICOGRAPHE n. (1578), emprunt au grec lexikographos, de lexikon et graphein « écrire » (-graphe), on a formé LEXICOGRAPHIE n. f. (1757, article « grammaire » de L'Encyclopédie, par Douchet et Beauzée) qui a eu le sens de « science de la graphie des mots » avant de prendre son sens moderne « technique des dictionnaires » vers 1824 et de produire LEXICOGRAPHIQUE adj. (1801).
■  Le composé MÉTALEXICOGRAPHIE n. f. (v. 1975) semble emprunté à l'allemand et désigne l'étude critique des dictionnaires.
■  L'autre nom de discipline, LEXICOLOGIE n. f. a été formé (av. 1748) avec lexiko- et -logie* ; le sens en est fixé dans l'article « grammaire » de L'Encyclopédie « science du lexique ». ◆  Il a entraîné la création de LEXICOLOGIQUE adj. (1827) et de LEXICOLOGUE n. (1840).
Au XXe s. sont apparus les termes de linguistique LEXIS n. m. (1926), emprunt savant à lexis, tout comme LEXIE n. f. (1962) et LEXÈME n. m. (1950), d'après l'anglais lexeme (1940).
LÉZARD n. m. au masculin (v. 1460), précédé par d'autres graphies (XIIIe s., lesard ; 1290, lezart), a remplacé l'ancienne forme féminine lajjsarde (av. 1100), laisarde (v. 1125), plus fréquente en ancien français. Toutes deux sont issues du même mot latin, attesté au masculin et au féminin : lacertus, lacerta, dont le masculin semble le même mot que lacertus (surtout au pluriel) « muscle du bras supérieur », « muscle de l'épaule » et « muscles » en général (Cf. musculus et son sémantisme), mot sans étymologie connue. Le latin s'est conservé sous des formes très variées dues à des altérations d'origines diverses, marquées par l'influence de lux « lumière » : lucerta en italien, par ailleurs lagarto en espagnol (→ alligator).
❏  Le mot, désignant comme en latin un petit reptile agile, qui s'immobilise souvent au soleil, a donné l'expression faire le lézard « paresser au soleil » (1832) [Cf. ci-dessous lézarder]. Par métonymie, il désigne la peau de l'animal, utilisée en peausserie (1922), comme celle du crocodile.
■  Un emploi figuré récent (v. 1980) reprend un dérivé argotique de léser ou lésiner, lésard « escroc, faux ami ». Lézard correspond alors à « difficulté » et fait aussi allusion à 1 lézarde.
❏  LÉZARDEAU n. m. « petit du lézard » (XVIe s.) a éliminé l'ancienne forme laisardin, lizardin (XVIe s.). ◆  LÉZARDET n. m. (1817) se dit d'une espèce de vaurien du genre monitor, puis (1931) du jeune lézard.
1 LÉZARDE n. f. n'est pas à proprement parler le dérivé de lézard, mais continue (1676) la forme archaïque féminine du mot, laisarde, spécialisée pour « crevasse étroite dans un mur », par analogie dit-on avec la forme allongée d'un corps de lézard et probablement par une métonymie suscitée par l'observation, le lézard se cachant volontiers dans les fissures de la pierre. Depuis 1819, il est employé avec le même sens figuré que les mots de valeur voisine, fissure, crevasse, etc. Littré atteste des emplois analogiques dans les domaines de la passementerie et de la typographie. 2 LÉZARDE n. f. (1803) « femelle du lézard » est dérivé du masculin.
■  Au XIXe s. sont apparus deux verbes homonymes. 1 LÉZARDER v. tr. est dérivé de 1 lézarde. Se lézarder correspond à « se couvrir de lézardes » (1829) et le transitif à « couvrir de lézardes » (1845-1846).
■  2 LÉZARDER v. intr., de lézard dans la locution faire le lézard, se dit pour « se chauffer paresseusement au soleil » (1872).
LI n. m. est un emprunt (1603) au mot chinois désignant une mesure itinéraire (près de 576 m).
LIAIS n. m., d'abord liois (v. 1112), est probablement dérivé au moyen du suffixe -ais, de lie*, employé dans certaines régions de France au sens de « dépôt limoneux », cette variété de pierre rappelant la lie par sa couleur grisâtre.
❏  Le mot désigne une espèce de pierre calcaire dure, résistante, fréquemment utilisée au moyen âge pour les travaux sculpturaux.
❏ voir LIAS.
LIANE n. f. a été emprunté (1640, au pluriel lienes) au français des Antilles qui doit probablement le mot aux dialectes de l'ouest de la France : en effet, on relève dans ces régions les formes liene, liane, lienne pour désigner diverses plantes, la plupart grimpantes (armoise, clématite, liseron, chèvrefeuille). Ce sont probablement des dérivés régressifs du verbe dialectal liener « lier des gerbes », lui-même dérivé de lien*, qui alterne avec lian dans les dialectes de l'Ouest, avec la désinence -er. Le mot n'est donc exotique que par un détour par les « îles ».
❏  En français moderne d'Europe et d'Amérique, liane s'applique surtout aux plantes de la forêt tropicale ou équatoriale. ◆  En français d'Afrique subtropicale, de l'océan Indien, de l'océan Pacifique, le mot est plus courant et décrit des réalités végétales familières, avec des expressions spécifiques : liane à eau (à sève potable), liane à caoutchouc (la landolphia), liane à indigo, liane corail (ornementale, à fleurs roses) s'emploient en français d'Afrique. En Nouvelle-Calédonie, liane aurore (ou du 14 juillet), liane bleue, liane jaune (ornementales) désignant diverses espèces, sont courants.
? LIARD n. m., relevé pour la première fois le 20 février 1383 dans les archives de l'Isère (Chambre des Comptes du Dauphiné), est d'étymologie controversée. L'hypothèse qui le tire du nom de Guigues Liard, censé avoir frappé cette monnaie en 1430, pose un problème chronologique et semble anecdotique. La source communément admise est la substantivation de l'ancien adjectif liart (1150) « grisâtre » pour qualifier la robe d'un cheval et, plus rarement (XIIIe s.), la chevelure. L'origine de liart est elle-même discutée, certains le tirant du moyen irlandais liath « gris », d'autres le faisant dériver de lie* (de vin), le marc de raisin blanc étant lui aussi de couleur jaune grisâtre. Selon P. Guiraud, l'élément de sens commun à liard et liart ne serait pas tant une notation de couleur qu'une idée d'« alliage » (de métaux dans un cas, de teintes dans l'autre) et liart viendrait de lier* au sens d'« allier, mêler ».
❏  Le mot a désigné une petite pièce de bronze valant le quart d'un sou, en usage du XIVe au XVIIIe siècle. Il n'est plus vivant que dans quelques expressions où il exprime une valeur minime, dérisoire (1526), à la manière de sou en français moderne (pas un liard, etc.). Il connote toujours le passé.
❏  Le dérivé LIARDER v. intr. (1611) « mendier, gagner misérablement » est déjà considéré comme vieilli par Furetière (1690). Le sens de « lésiner » (1801) a également vieilli, tout comme le dérivé LIARDEUR, EUSE adj. et n. « avare » (1798).
LIAS n. m. est un emprunt savant (1818) à l'anglais lias, lui-même emprunté par les géologues au français liais*, pour désigner le jurassique inférieur et les terrains (calcaires, marneux, schisteux...) qui lui correspondent.
❏  Il a pour adjectif LIASIQUE (1828).
LIASSE → LIER
LIBANAIS, AISE adj. et n., tiré du nom francisé de Liban, désignant une chaîne de montagnes du Proche-Orient, parallèle à la côte méditerranéenne, et un pays, entre Syrie et Israël, où ces montagnes s'étendent. Le latin libanus est un hellénisme, le mot grec étant emprunté à une langue sémitique, où la racine ibn correspond à la « blancheur », soit à cause du calcaire des monts Liban, en arabe djebel Lubnan, d'où le dérivé Lubnaniya pour ce pays, soit à cause des sommets enneigés. La forme anglaise Lebanon est prise à l'hébreu biblique. Le nom est très antérieur à la conquête de la Syrie par les Arabes, au VIIe siècle.
❏  Le mot qualifie et désigne ce qui est relatif au Liban, à ses habitants, à sa civilisation. ◆  En français d'Afrique subsaharienne, il s'étend à toute personne, notamment aux commerçants, originaires du Proche-Orient (Liban, Syrie...).
❏  LIBANISME n. m. se dit des faits de langue (lexique, phonétique, syntaxe) propres au français du Liban. ◆  LIBANITÉ n. f., dans l'usage de ce français, se dit de ce qui est spécifique à sa culture. ◆  Le composé LIBANO-SYRIEN, IENNE adj. s'emploie surtout en français d'Afrique, en concurrence avec libanais (ci-dessus).
LIBANISATION n. f. est un dérivé (1985) qui suppose un verbe LIBANISER, de Liban, et désigne la division d'un pays par des affrontements ethniques, religieux, pouvant conduire à une guerre civile. Le mot dit plus que balkanisation, qui a pu servir de modèle formel.
LIBATION n. f. est un emprunt de la langue religieuse (1491) au latin libatio, nom formé à partir du supin de libare « répandre un liquide (lait, vin, eau, etc.) en l'honneur d'un dieu ». Le fait remarquable est que le grec possède un verbe leibein « verser goutte à goutte », également spécialisé dans le domaine religieux (pas nécessairement funèbre). On en rapproche aussi des mots slaves ou baltiques signifiant « verser » (vieux slave líti, lituanien líeti). La racine pourrait être la même que l'indoeuropéen °lei-kw- « laisser ».
❏  Seul le sens religieux du mot, qui, de là, avait pris la valeur laïque de « prendre une part de, goûter », a été repris par libation. ◆  En français d'Europe, son pluriel se prête à un emploi familier (1750), au sens de « fait d'absorber de l'alcool de façon abondante et répétée » (faire des libations). ◆  En français d'Afrique, le mot s'applique à la coutume de verser sur le sol quelques gouttes de la boisson qu'on absorbe, en l'honneur des ancêtres.
PRÉLIBATION n. f., attesté en français dans Voltaire, dans droit de prélibation pour « de cuissage », est un emprunt au composé latin praelibatio « offrande, libation préalable faite aux dieux ». Le mot a été repris comme terme d'antiquité (1826) pour « offrande des prémices », puis en droit moderne (1846) « fait de jouir en premier de qqch. » et « prélèvement sur une part d'héritage » (prélibation d'hérédité, 1869). ◆  Le mot rare et littéraire PRÉLIBER v. tr., latinisme (latin praelibare) est employé par Brillat-Savarin (1825) pour « goûter, observer, sentir, avant dégustation », puis au sens de « goûter le premier ou la première, s'emparer d'un sujet ».
LIBELLE n. m. est un emprunt juridique (1283) au latin libellus, diminutif de liber (→ 2 livre) « petit livre » et, dans les domaines littéraire et juridique, « pamphlet, mémoire ». Dès 1262, on relève la forme libel, en usage jusqu'au XVIe s., au sens de « requête écrite présentée par le demandeur », valeur reprise par libelle.
❏  Par extension de son sens juridique, le mot est passé dans le langage littéraire (1465) où il désigne un écrit court et diffamatoire contre qqn, et par métonymie, le genre correspondant, avec un sens voisin de celui de pamphlet.
❏  Le dérivé LIBELLER v. tr. (1451) signifie « rédiger dans les formes légales ou requises » et en particulier « remplir en indiquant un ordre de paiement ». ◆  Le sens plus général de « rédiger, formuler » (1796) est surtout réalisé par la forme passive, et détache sémantiquement le verbe de libelle.
■  Son participe passé LIBELLÉ, ÉE a été substantivé (1832) avec des sens correspondant à ceux du verbe.
■  LIBELLISTE n. (1640) désigne l'auteur d'un libelle ; il est rare.