LIBELLULE n. f. apparaît en 1798 chez Cuvier. Il est emprunté au latin scientifique libellula (1758, Linné), lui-même dérivé du latin libella « niveau », par allusion au vol plané horizontal de l'insecte. Libella est dérivé de libra « objet servant à peser » d'où « poids de douze onces » et « balance » (→ 1 livre).
❏
Le mot désigne un insecte à corps allongé, aux ailes translucides et nervurées, qui vole souvent au-dessus de l'eau. Sa sonorité évoque un monde de poésie champêtre.
❏
Avec le suffixe -idés indiquant une famille, on a formé LIBELLULIDÉS n. m. pl. (v. 1902), après libellulides (1873).
LIBÉRAL, ALE, AUX adj. et n. a été emprunté (v. 1175) au latin liberalis, dérivé de liber (→ libre) qui, comme ingenuus (→ ingénieux) et generosus (→ généreux), est passé du sens propre « qui concerne un homme libre » au sens figuré, psychologique de « digne d'un homme libre », c'est-à-dire « bienfaisant, généreux ».
❏
Libéral est apparu avec ce sens psychologique, encore en usage mais supplanté par
généreux. Son sens étymologique, « digne d'un homme libre » (v. 1190), est sorti d'usage, mais reste réalisé dans les syntagmes
arts libéraux (v. 1210 ; traduction de
artes liberales),
éducation libérale (1755) et surtout
profession libérale (1845).
■
Comme terme politique, libéral est attesté pour la première fois en 1750 (d'Argenson) ; cependant, le concept reçoit véritablement son acte de naissance avec la Révolution et le mot se répand vers 1800. Il s'applique aux partisans des libertés politiques et joue un grand rôle au XIXe s., époque où le parti libéral s'oppose aux conservateurs et aux monarchistes puis également aux socialistes (1848). De nos jours, il est employé spécialement en parlant de la vie politique anglaise.
◆
Par extension, libéral qualifie aussi un état d'esprit large, tolérant en matière sociale et politique.
◆
Il recouvre enfin un concept économique né d'une réaction envers les contraintes du colbertisme (Cf. concurrence), élaboré par les physiocrates (1758, Quesnay) et modelé par la réflexion d'Adam Smith (1776). Au XXe s., sa valeur est modulée en fonction des valeurs politiques et surtout économiques et financières prises par libéralisme (ci-dessous).
❏
LIBÉRALEMENT adv. (
XIIIe s.), rapidement supplanté par
librement au sens de « de son plein gré », puis « généreusement » (v. 1370) signifie plus rarement, « conformément à la liberté » (1800) notamment en politique (1835).
■
Les autres dérivés de libéral se rapportent tous au sens politico-économique du mot. Le premier apparu est LIBÉRALISER v. tr. (1785), probablement influencé par l'anglais to liberalize (1774), qui s'est répandu au XXe siècle.
◆
Il a produit LIBÉRALISATION n. f. (v. 1950), déjà proposé par Richard de Radonvilliers en 1842, peut-être d'après le mot anglais correspondant (1835).
■
LIBÉRALISME n. m. (1816 ; 1818 chez Maine de Biran), a d'abord défini la doctrine des libéraux français avant de prendre son sens moderne en politique et en économie par opposition à étatisme et socialisme. Dans les dernières décennies du XXe siècle, libéralisme, comme libéral, correspond à la doctrine et au système du capitalisme financier, avec l'idée d'excès exprimé par les composés en néo- et ultra- (ci-dessous).
◆
Par extension, libéralisme désigne un état d'esprit libéral, subissant alors parfois l'influence de libéralité.
■
Le développement d'une opposition au libéralisme politique et économique a entraîné la création de ANTILIBÉRAL, ALE, AUX adj. (1815) et ANTILIBÉRALISME n. m. (1842), ainsi que d'un péjoratif LIBÉRÂTRE n. et adj. (1866, « personne qui idolâtre la liberté ») qui s'est appliqué aux partisans et membres du Tiers Parti d'Émile Ollivier, sous le Second Empire, puis a disparu.
◈
Le composé
NÉOLIBÉRAL, ALE adj. (mil.
XXe s.), qualifie une forme de libéralisme qui admet une intervention limitée de l'État, et qui est appelée
NÉOLIBÉRALISME n. m. (1844), terme dont le sens a évolué parallèlement à celui de
libéralisme, dans le domaine économique et financier, et sert d'euphémisme aux composés de
capitalisme. ULTRALIBÉRAL, ALE adj. est apparu en 1817 pour qualifier l'attitude des libéraux extrémistes en politique, sous la Restauration, appelée
ULTRALIBÉRALISME n. m. (1847). Au début des années 1970 les deux mots acquièrent les valeurs prises par le terme
libéralisme en économie et en finances : capitalisme libéral sans correctifs, économie de marché sans contrôle, système visé par l'
antilibéralisme et l'
anticapitalisme.
◈
En marge de cette évolution, l'emprunt
LIBÉRALITÉ n. f. (1213), représentant du dérivé latin
liberalitas « générosité, don », correspond à la notion psychologique de générosité et désigne concrètement (v. 1500) un don généreux.
◆
Au
XIXe s., il s'est étendu, d'après
libéral, à l'idée d'« attitude tolérante, ouverture d'esprit » (1802).
LIBÉRER v. tr. a été emprunté (v. 1495, au participe passé) au latin liberare, dérivé de liber (→ libre), « affranchir un esclave », « rendre libre » et « délivrer qqn d'une dette, d'une obligation ».
❏
On relève d'abord
libérez de au sens d'« affranchi de, exempt de », puis le verbe transitif (1541) pour « mettre (un prisonnier) en liberté ».
◆
Par extension, le verbe prend le sens de « délivrer de ce qui gêne, entrave » (1585) et au figuré (1690) « décharger d'une dette, d'une servitude ». Au
XIXe s., d'après le sens particulier de « renvoyer (un soldat) dans son foyer » (1834), il a reçu la valeur plus générale de « rendre à (qqn) sa disponibilité après l'exercice de ses fonctions ».
■
Le sens de « délivrer un pays de la tutelle étrangère » est attesté pour la première fois en 1942 chez le général de Gaulle, en relation avec le sens pris alors par la libération.
❏
Sont issus de
libérer les adjectifs
LIBÉRATOIRE (
XVIe s.) « qui libère d'une obligation, d'une dette », dérivé savant de
libérer d'après le radical latin
liberat-, et
LIBÉRABLE (1931, proposé dès 1842 par R. de Radonvilliers), surtout en contexte militaire.
■
Tous les sens de libérer sont repris par LIBÉRATION n. f. (v. 1398, liberacion), emprunt au dérivé latin liberatio et qui s'est spécialisé comme nom propre historique à propos de la délivrance de la France envisagée en 1942 et obtenue en 1944 (emploi attesté en 1942).
■
LIBÉRATEUR, TRICE n. et adj. a été emprunté (1500) au latin liberator, -trix formé sur liberare avec un suffixe indiquant l'agent. Il a remplacé le plus ancien délivreur dans le même sens.
❏ voir
LIBERTIN, LIVRER et DÉLIBÉRER, DÉLIVRER.
LIBÉRO n. m. est un emprunt (1913) à l'italien libero (→ libre) qui avait pris ce sens en football. Le mot désigne le joueur de l'arrière ou du milieu de terrain qui, étant libéré du marquage individuel, peut agir en attaque comme en défense.
LIBERTIN, INE adj. et n. a été emprunté (v. 1468) au latin libertinus « affranchi, rendu libre », diminutif de libertus de même sens, lui-même formé sur le supin de liberare (→ libérer).
❏
Le mot, introduit avec le sens d'« affranchi » en droit et en histoire romains, a connu une évolution originale.
◆
Au
XVIe s., il a pris le sens de « membre d'une secte juive au temps des apôtres » (v. 1525), probablement à la suite d'une mauvaise interprétation des
Actes des Apôtres (II, 9) par Lefèvre. De là, il a désigné également le membre d'une secte hérétique fondée vers 1525 dans le nord de la France et dans les Pays-Bas (1542), ainsi que celui d'une secte politico-religieuse qui s'est dressée contre l'autorité de Calvin à Genève (1544).
◆
Par extension (av. 1555),
libertin désigne une personne qui s'affranchit de toute religion, un libre-penseur, d'abord avec des connotations injurieuses. Son sens évolue au cours du
XVIIe s., le libertin se livrant à un épicurisme plus pratique que spéculatif et se caractérisant davantage par une propension à la débauche (1625) que par son irréligion. Progressivement, le nom correspond à un type littéraire au
XVIIIe s. (de Crébillon à Laclos) et recouvre une réalité plus flottante.
■
L'adjectif qui en est tiré (1568) au sens premier d'« épris d'indépendance, qui hait la contrainte sans s'écarter de l'honnêteté », a évolué, d'une part vers l'acception péjorative de « qui se dispense de ses devoirs, indiscipliné » (XVIIe s.) et, d'autre part, a suivi le glissement de sens du nom, d'« irréligieux » à « débauché ».
■
Hors de ce contexte dominant, le mot a reçu en fauconnerie la valeur spéciale de « qui ne revient que difficilement à l'appel », en parlant d'un oiseau de proie (1812).
◆
Il s'est dit aussi d'un poète qui s'affranchit des règles de la versification (1859, Baudelaire).
❏
L'histoire de
LIBERTINAGE n. m. (1603) retrace l'évolution complexe de la notion. Apparu au sens d'« attitude d'affranchissement à l'égard des croyances religieuses », le mot désigne au
XVIIe s. une attitude d'indépendance vis-à-vis de toute sujétion (1680).
◆
Ces deux sens se sont effacés au profit de l'acception moderne (1674) qui met l'accent sur l'inconduite des mœurs, la débauche. Historiquement, le mot recouvre deux mouvements de pensée : l'un qui s'est développé autour de Théophile de Viau dans la noblesse de cour, vers 1620, l'autre qui s'épanouit au
XVIIIe s. et dont l'expression romanesque a connu un grand succès.
■
LIBERTINER v. intr. (1734) « vivre dans le libertinage, la débauche », s'est employé également en parlant d'un enfant qui se dissipe (1762).
◆
Il est peu usité, de même que l'adverbe LIBERTINEMENT (1866).
LIBIDINEUX, EUSE adj. et n. est emprunté (XIIIe s., libidineus) au latin libidinosus « qui suit ses désirs, voluptueux », dérivé de lubido (forme archaïque) ou libido « désir, envie », pris dans son acception érotique. Ce nom est issu du verbe lubere, libere « avoir envie de », surtout utilisé à la forme impersonnelle lubet, libet, « il me plaît de », à laquelle remontent lubie* et quolibet*.
❏
Libidineux, relevé au XIIIe s., puis vers 1485, est rare avant le XVIIIe s. ; de nos jours, il est réservé à un usage religieux, littéraire ou plaisant.
❏
Le nom correspondant
LIBIDINOSITÉ n. f. (
XVe s.), encore enregistré en 1611 et repris au
XIXe s., relève soit d'un usage didactique, soit d'un usage littéraire archaïsant.
◈
Le nom latin
LIBIDO n. f. est passé en français en 1913 à la suite de son emprunt par Freud au latin en des sens qui ont varié avec l'élaboration de sa théorie des pulsions : la libido consiste en la manifestation dynamique de la pulsion sexuelle dans la vie psychique. En ce sens, le terme a remplacé
aimance ; il est employé couramment (au pluriel ou au singulier) au sens de « recherche instinctive du plaisir sexuel ».
◆
Sont formés sur
libido LIBIDINAL, ALE, AUX adj. (1923, par ex. dans
objet libidinal) et le terme plus rare
LIBIDINISATION n. f. (v. 1950) « érotisation ».
LIBRAIRE n. est un emprunt ancien (1284) au latin librarius, substantivation de l'adjectif correspondant à liber (→ livre) signifiant « relatif au livre », pour désigner un copiste et, à époque impériale, quelqu'un qui fabrique et vend des livres.
❏
Avant l'apparition de l'imprimerie, libraire désigne un auteur de livres (1284) et un copiste de manuscrits (XIVe-XVe s.). À partir de 1460, l'invention de techniques d'impression donne une impulsion à un marché et à une politique du livre : les centres typographiques se multiplient ; libraire commence alors (1491) à désigner un marchand de livres. Pendant longtemps, cependant, les fonctions d'imprimeur, d'éditeur et de libraire demeurent solidaires et le mot s'applique à ce qu'on a appelé imprimeur-libraire (1538) et, plus tard, avec l'apparition des mots éditeur, édition au sens moderne, libraire-éditeur (1813). Le libraire est encore décrit par Furetière (1690) comme « un artisan et un marchand qui imprime, qui vend et qui relie les livres ». On peut donc dater l'acception moderne du XVIIIe s. et sa généralisation au XIXe (Cf. librairie, ci-dessous) ; l'évolution du commerce des imprimés a modifié les connotations du mot.
❏
LIBRAIRIE n. f. est lui aussi un emprunt (1365,
liberarie) au latin impérial
libraria « bibliothèque », pluriel pris comme féminin singulier de
librarium, neutre de l'adjectif tiré de
liber.
■
Le mot a gardé son sens latin jusqu'au XVIIe s. (c'est ainsi que l'emploie Montaigne), avant de le céder à bibliothèque et de se réserver au sens de « commerce des livres » (1544) sous l'influence de libraire, très répandu à partir du XVIe siècle. Cette évolution n'a pas eu lieu en anglais où library (emprunté au XIVe s. au français) continue à désigner la bibliothèque par opposition à bookshop, proprement « magasin de livres ».
◆
Par métonymie, librairie désigne la corporation des libraires, « le monde de l'édition ».
◆
Depuis le XIXe s. (1846), le mot s'applique à un magasin où l'on vend des livres, le même commerce pouvant réunir, en France, les fonctions de librairie-papeterie, qui sont plus indépendantes mais s'expriment aussi dans le vocabulaire d'autres langues (anglais bookshop-stationery ; italien libreria-cartoleria). La librairie (et le libraire) d'ancien se distinguent à la fois de la librairie courante et des bouquinistes ; cependant, en français d'Afrique on parle de librairie-trottoir à propos des étals de bouquinistes dans les rues des villes.
❏ voir
LIVRE.
LIBRATION n. f., latinisme du XVIe siècle, avec le sens de « nivellement », a été repris au début du XVIIIe (1704) pour désigner le balancement apparent d'un astre autour de son axe. Le mot est emprunté au latin libratio, dérivé du verbe librare « mettre de niveau, peser dans une balance », de libra « poids », puis « niveau » et « balance » (→ 1 livre).
LIBRE adj., d'abord liure (v. 1200), est emprunté au latin liber, terme plus vaste qu'ingenuus (→ ingénu), dit de personnes, de cités, de peuples, d'abstractions, quelquefois avec la valeur péjorative de « trop libre ». On rapproche le grec eleutheros « libre » et, sans certitude, des désignations du peuple en ancien haut allemand, en lette et en vieux slave.
❏
Au moyen âge,
libre signifie « qui dépend de soi, n'est soumis à aucune autorité » et (1339) « qui n'appartient à aucun maître ».
◆
Le sémantisme du mot s'étend considérablement au
XVIe s. : il prend alors la valeur de « qui n'éprouve pas de gêne » (1538), particulièrement dans
libre de et substantif (1558), et « non prisonnier, non captif » (1552). Il développe son acception philosophique de « qui a le pouvoir de se déterminer » (1541, Calvin) en même temps que son acception politique : il est appliqué à un territoire jouissant de la liberté politique (1564) et à une personne qui n'est pas soumise à des entraves de la part des autorités (v. 1580 chez Montaigne).
■
Toujours au XVIe s., il commence à qualifier les choses qui s'effectuent sans contrainte extérieure (physique ou morale), entrant notamment dans air libre (1559), surtout dans à l'air libre « à l'extérieur », vers libre (1549), accès libre (1681).
◆
Le sens péjoratif de « désinvolte, familier » d'où « trop libre, qui tend à la licence » est apparu au XVIIe s., tout comme celui de « sans occupation, sans engagement » (1680) qui a produit les expressions avoir l'esprit libre (av. 1695) et être libre (1690) « n'être pas marié ».
◆
L'époque du libertinage religieux a introduit libre penseur (1659), d'après l'anglais free thinker, mais libre pensée est attesté ultérieurement (1848, Michelet, Journal).
■
Au XIXe s., procédant de la valeur « qui n'est pas assujetti et peut se mouvoir » (v. 1560), sont apparus des emplois didactiques en botanique (1819) et en chimie (1845, cristaux libres).
◆
À la même époque, avec son acception politique, le mot s'est étendu à de nouveaux objets (institutions, activités économiques, juridiques, syndicales), entrant dans quelques syntagmes du type enseignement libre (1864), et, plus près de nous, radio libre.
■
Deux adaptations de l'anglais ont fourni libre-échange (→ échange) et libre-service (→ service). Pour libre arbitre, voir arbitre.
❏
Le dérivé de
libre, LIBREMENT adv. est attesté depuis 1339 sous la forme
liberement et refait au
XVIe s. (1546) en
librement.
◈
Le nom correspondant,
LIBERTÉ n. f. (v. 1190) a été emprunté au dérivé latin
libertas, nom correspondant à
liber avec tous les sens de celui-ci.
■
Il est apparu sous la forme livreteit avec le sens philosophique de « libre arbitre ». Son pluriel libertés a développé (1266) le sens particulier de « franchises, immunités accordées à une ville » dans le cadre de l'affranchissement des villes à l'égard du pouvoir seigneurial.
◆
Depuis le XIVe s., le mot désigne l'état d'une personne juridiquement autonome, en opposition à esclavage, servitude, puis l'état d'une personne non captive (1365) et définit aussi l'état d'une personne qui n'a pas d'engagement (1393) ; ces emplois, antérieurs aux valeurs correspondantes de libre, ont influé sur l'adjectif. Dès cette époque, le nom entre dans la locution liberté de et infinitif.
◆
Au XVIe s., il y ajoute les sens d'« absence de contrainte sociale ou morale » (1538), de « hardiesse en parole », d'où l'expression prendre des libertés (1694 en contexte galant).
■
La valeur de « jouissance des droits politiques accordés à tout citoyen » (1538) est une spécialisation parallèle à celle de l'adjectif. Mais les significations politiques du mot se développent surtout pendant le XVIIIe s., dans la France prérévolutionnaire qui voit apparaître les expressions liberté politique (1748, Montesquieu), liberté de la presse (1753, d'Argenson), liberté de penser (1763, Voltaire) et liberté individuelle (1787). La revendication liberté ! liberté ! apparaît alors dans les écrits (1835, Liberté ! Libertas).
■
Le composé LIBERTICIDE, formé sur liberté avec le suffixe -cide « qui tue » (→ suicide), est apparu sous la Révolution (1791, Babeuf) au sens de « qui attente aux libertés ». Depuis 1829, il est seulement employé comme substantif.
■
Liberté a aussi produit LIBERTAIRE adj. et n. (1858, Proudhon), terme didactique et idéologique synonyme d'« anarchiste », qui a donné son nom (1892) à une revue et a gardé cette valeur très spécifique.
❏ voir
LIBÉRAL, LIBÉRER, LIBÉRO, LIBERTIN ; DÉLIVRER, LIVRER, ainsi que LIBRE-ÉCHANGE*, LIBRE ARBITRE*, LIBRE-SERVICE*.
LIBRETTO n. m. est un emprunt de la langue musicale du début du XIXe s. (1819, au pluriel libretti chez Stendhal) à l'italien libretto, proprement « petit livre » (diminutif de libro, correspondant de livre*). Libretto est attesté au sens de « livret d'opéra » depuis le XVIIIe siècle.
❏
Le mot a vieilli au profit de livret.
❏
On continue d'employer son dérivé LIBRETTISTE n. m. (1844, Gautier) pour désigner un auteur de livrets d'opéra.
G
1 LICE n. f. est issu (v. 1155) du francique °listia « barrière », dérivé de °lista « bordure, bande » qui est représenté par liste (1150) « bordure », conservé comme terme d'hippologie depuis 1600. L'anglais list, le néerlandais lijst, l'allemand Leiste viennent du même étymon. Cette origine germanique est contestée par P. Guiraud, qui préfère apparenter le mot aux dérivés du latin licium (pluriel licia), terme technique d'origine inconnue, « fil de trame », par analogie fonctionnelle autour d'une idée de « séparation ».
❏
Lice, en ancien et moyen français, désignait le champ clos où se déroulaient les joutes, les tournois (1278) et, plus généralement, l'espace circonscrit par une clôture et destiné aux courses de chevaux et aux compétitions (1538).
◆
Il s'est conservé au sens de « clôture entourant un champ de courses, de foire, etc. », et surtout dans la locution entrer en lice, originellement « combattre » (1564) et au figuré « intervenir dans un débat » (1622).
2 LICE ou LISSE n. f. est issu (XIIe s.) du lat. licia, pluriel neutre (licium) pris en latin populaire pour un féminin.
❏
Le mot désigne la pièce du métier à tisser dans laquelle passe le fil de chaîne. Les loc. haute lice « lice à chaîne disposée verticalement » et basse lice (où les fils sont horizontaux) sont surtout connues par tapisserie de haute lice.
❏
Le dérivé LICIER ou LISSIER n. m. (1532 écrit ss-) désigne l'ouvrier qui monte les lices, et haut licier, haut lissier la personne qui fait des tapisseries de haute lice.
L
3 LICE n. f. est issu (XIIe s.) du lat. pop. °licia, du lat. class. lycisca, du grec lukos « loup » → lycée.
❏
Ce terme de vénerie désigne la femelle d'un chien de chasse.
+
LICENCE n. f. est emprunté (v. 1170) au latin licentia « faculté, pouvoir de faire librement », employé à basse époque avec diverses spécialisations, par exemple « permission de se marier » en droit, « autorisation d'enseigner en faculté » dans l'éducation, et avec le sens dérivé de « loisir ». Le mot est dérivé de licere « être permis » (→ loisir).
❏
Le sens originel de « liberté de faire qqch. » a vieilli au
XVIIe s. dans sa généralité (
avoir licence, toute licence de... est encore connu), au profit de sens dérivés et de spécialisations. Le mot s'est implanté dans le domaine de l'éducation, d'abord à propos de l'autorisation d'enseigner en faculté (av. 1350) puis comme nom d'un grade universitaire et de l'examen nécessaire pour l'obtenir (1530) et, par métonymie, du temps passé sur les bancs de la faculté avant d'acquérir ce diplôme (1680). Dans ce sens pédagogique, divers emplois, selon les systèmes scolaires des pays francophones, sont spécifiques. Ainsi, en français de Belgique, la
licence est le cycle de trois années
(première licence) ou quatre
(deuxième licence) du deuxième cycle universitaire, la première année du troisième cycle étant appelée
licence spéciale.
■
Dans l'usage commun, licence, avec l'idée de « liberté », a reçu une coloration psychologique défavorable dès le moyen français, impliquant une certaine insolence (v. 1460), puis l'insubordination (1512) et le dérèglement des mœurs (1550), valeur surtout vivante dans l'adjectif correspondant, licencieux (ci-dessous).
■
Une spécialisation technique donne au mot le sens de « liberté prise par un écrivain à l'égard des règles » (1521, licence poétique).
◆
Ultérieurement, la valeur juridique de « permission accordée » a été réactivée dans le domaine des échanges commerciaux (1780), par exemple dans licence d'importation. Cet emploi a perdu de son importance avec la modification des règles administratives, sauf en français du Canada où le mot, outre la licence de boissons des établissements publics, se réfère aussi à ce qu'on nomme en France plaque minéralogique d'un véhicule et carte grise d'un conducteur.
❏
LICENCIÉ, ÉE adj. et n. est emprunté (1349) au latin médiéval
licentiatus, « auquel a été accordée l'autorisation d'enseigner » (1231). Le mot correspond d'abord à la spécialisation de
licence dans le domaine de l'enseignement supérieur.
◆
Il a reçu deux autres acceptions techniques en droit commercial et fiscal (1876) et en sport (1919).
◈
LICENCIER v. tr. est emprunté (v. 1360) au latin médiéval
licentiare « congédier » (
XIIe s.), par une évolution de sens à partir de « rendre sa liberté », et aussi « permettre » (av. 1240).
■
Le sens de « renvoyer, congédier », d'abord appliqué au renvoi d'un haut personnage disgracié, puis (1565) à des domestiques, accapare l'usage actuel du verbe, particulièrement vivant dans un contexte professionnel (XXe s.).
◆
Cependant, dans l'usage classique, licencier avait aussi développé, sous l'influence de licence « abus de liberté », le sens propre de « rendre trop libre » (1611 au pronominal). Il s'employait également au sens figuré de « repousser, refuser (qqch.) » (1655).
■
Le sens de « pourvoir d'une licence », attesté une fois en moyen français par l'infinitif substantivé, n'est guère réalisé qu'en sport (XXe s.), les emplois avec cette valeur étant réservés à licencié (ci-dessus).
■
LICENCIEMENT n. m. (av. 1592) correspond au sens de « renvoi », dans un contexte militaire et professionnel ; cette valeur exclusive est devenue essentielle en économie sociale, avec tout un vocabulaire (licenciement collectif, licenciement sec, sans indemnités, licenciement pour raison économique...) et une série de rapports avec les notions de chômage, de crise, de délocalisation, dans le cadre du capitalisme libéral. L'importance et la fréquence de ces emplois peuvent laisser une place à d'autres dérivés, LICENCIAGE n. m. et LICENTIATION n. f. pour exprimer d'autres valeurs correspondant à celles du verbe ou de licence.
■
On relève aussi LICENCIEUR, EUSE n. depuis peu (v. 1970) pour « personne qui accorde une licence ».
◈
LICENCIEUX, EUSE adj. est emprunté (1537) au latin
licentiosus « libre, déréglé, sans retenue ». Le mot assure le maintien du sens psychologique légèrement archaïque de
licence : avec l'idée de liberté excessive, il qualifie une personne qui offense la pudeur par son comportement (v. 1590), se montre libertine (1671) et, par métonymie, un acte ou un propos jugé trop libre (av. 1704,
conversations licencieuses).
■
LICENCIEUSEMENT adv., attesté chez Calvin pour « en prenant trop de liberté » (1541), se rencontre encore quelquefois pour « de manière débauchée » (1671).
❏ voir
LICITE.
LICHEN n. m. est emprunté sous la forme lichine (1363) au latin lichen, lui-même emprunté au grec leikhên « lèpre, dartre » et « lichen ». Le mot est dérivé de leikhen « lécher » qui remonte à la même racine indoeuropéenne que lécher* : la maladie, comme la plante, semble lécher son support.
❏
Historiquement, le premier sens de lichen est celui d'« éruption sur la peau », conservé par la dermatologie moderne dans une acception moins générique. Le sens courant en botanique, attesté depuis 1546, se prolonge dans les dérivés.
❏
La dérivation consiste en adjectifs didactiques créés au
XIXe s. :
LICHÉNOÏDE (1823,
n. ; 1840,
adj.) et son synonyme
LICHÉNIFORME (fin
XIXe s.),
LICHÉNIQUE (1846) et
LICHÉNEUX, EUSE (1861).
■
LICHÉNIFICATION n. f. (1900) est le seul dérivé ayant trait à l'emploi de lichen en dermatologie.
LICHER, LICHETTE... → LÉCHER
LICITE adj. est emprunté (v. 1310, mais antérieur) au latin licitus « permis, autorisé, légitime », de licere « être permis » (→ loisir).
❏
D'usage didactique ou soutenu, le mot est parfois employé dans la locution impersonnelle il est licite de, calque du licet latin, également rendu par il est loisible de.
❏
LICITEMENT adv. (1266), et surtout
LICÉITÉ n. f. (1907), dérivé savant du latin
licere, qui reprend le sémantisme du moyen français
licicité n. f. (1530), sont d'un usage plus didactique.
◈
ILLICITE adj. (1364) a été emprunté au préfixé latin
illicitus « non autorisé ». Le mot est plus courant que
licite lui-même, de par ses emplois à connotation juridique.
■
Il a produit ILLICITEMENT adv. (1491) et ILLICITÉ n. f. ou illicéité (fin XIXe s.), terme technique et rare.
❏ voir
LICENCE.
LICORNE n. f., attesté pour la première fois en 1349 (la Dame à la lycorne), est un emprunt, avec mauvaise coupure de l'article défini élidé, à l'italien alicorno (XIVe s.) qui a aussi produit alicorne en français (1674) et alicorn en béarnais (XVIe s.). Le mot italien représente lui-même une forme altérée par dissimilation du latin chrétien unicornis « licorne », proprement « qui a une corne » (d'où l'anglais unicorn), de unus (→ un) et cornu (→ corne), calque du grec monokéros. Une forme isolée locorne (XIIIe s.) est probablement une altération de l'italien liocorno (XIVe s.) qui est lui-même une altération de lunicorno (XIIIe s.), issu d'unicorno avec agglutination de l'article.
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Le mot désigne un animal fabuleux, représenté à l'image d'un cervidé ou d'un cheval, avec une longue corne rectiligne au milieu du front, et symbole important dans les légendes médiévales, où il figure comme allégorie de la pureté difficile à atteindre.
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On appelle licorne (1664), puis licorne de mer (1694) le narval, cétacé dont la longue défense était vendue en pharmacopée sous le nom de corne de licorne.