LICTEUR n. m. est emprunté (v. 1355) au latin lictor, nom de l'officier au service d'un grand magistrat ayant pour attributs un faisceau de verges liées et une hache, et dont le rôle était de précéder ce magistrat dans ses sorties et d'exécuter ses sentences. Les Romains ne séparaient pas le mot de ligare (→ lier), par allusion au faisceau de verges liées de l'appariteur ; cependant, en l'absence d'un doublet °ligere à côté de ligare, cette étymologie pose un problème morphologique.
❏
Le mot a été repris comme terme d'histoire romaine.
LIDAR n. m. est un emprunt (1971) à l'anglais, acronyme de Light Detecting and Ranging « détection et repérage par la lumière ». Comme le radar, le lidar est un appareil de détection par écho d'un faisceau laser, permettant de déterminer la distance d'un objet. Le mot, à la différence de radar, est resté du registre technique.
G
LIE n. f. est en général considéré comme issu (v. 1120) d'un celtique °liga qui remonterait à la racine indoeuropéenne legh- « se coucher, être couché » (avec passage du -e- au -i- en celtique) ; par là, il s'apparenterait au latin lectus (→ lit), au grec lektron « lit » et à des formes slaves et germaniques. P. Guiraud, qui cherche toujours à réduire les apports non latins (ici, gaulois), préfère y voir un dérivé de lier* pris au sens de « donner de la consistance ». Dès la fin du VIIIe s., on relève lias en latin médiéval au sens de « résidu, couche », puis (v. 850) de « lie de vin ».
❏
Lie apparaît en français pour désigner un dépôt qui se forme au fond des récipients contenant des boissons fermentées, et notamment du vin. De l'idée de boire jusqu'aux parties en dépôt, vient l'expression
jusqu'à la lie, au figuré « jusqu'au bout », avec des connotations pénibles, attestée d'abord dans l'expression
encuser jusqu'à la lie « dénoncer misérablement jusqu'au bout » (v. 1180-1190). De nos jours, on l'emploie surtout dans l'expression
boire le calice (la coupe) jusqu'à la lie (1495) par allusion évangélique.
◆
Régionalement, le mot a désigné un dépôt limoneux (d'où probablement
liais).
■
Lie, au figuré, exprime ce qu'il y a de plus vil, de plus trouble, et l'ancienne langue, ou aujourd'hui le style littéraire l'emploie spécialement à propos de la fraction la plus basse de la société (av. 1616), la « canaille ».
■
Le syntagme lexicalisé lie de vin, réduction de couleur de la lie de vin (1797), puis couleur lie de vin (1804) désigne une couleur vineuse et s'emploie aussi en adjectif de couleur.
❏ voir
LIAIS.
LIED n. m. est emprunté (1833) à l'allemand Lied « chant, chanson », en ancien haut allemand liod ; mot correspondant à l'ancien saxon -lioth, au moyen néerlandais liet, au moyen anglais, à l'ancien norrois. Ces mots pourraient être apparentés au latin laudare (→ 1 louer).
❏
Lied a été introduit en français sous l'influence de la musique romantique allemande, notamment celle de Schubert. Depuis 1841, il s'applique aussi à une chanson populaire germanique. À côté du pluriel lieder (conforme à l'allemand), le français admet la forme francisée lieds.
L
LIÈGE n. m. est issu (déb. XIIIe s.) du latin populaire °levius, « élargissement » du latin classique levis « peu pesant, léger », cette matière végétale étant ainsi nommée à cause de sa légèreté (→ léger).
❏
En dehors de son sens initial, « écorce légère de certains arbres, notamment le chêne-liège », usuel à cause des utilisations multiples de cette substance, notamment pour la fabrication des bouchons, importante dans toutes les zones vinicoles et cidricoles. Le mot est employé par extension en botanique (1902, Nouveau Larousse Illustré) en parlant d'un tissu secondaire recouvrant les tiges de certaines plantes et constitué de cellules mortes remplies d'air.
❏
Il a produit quelques dérivés techniques comme LIÉGER v. tr. (1492), LIÉGÉ, ÉE adj. (1492), d'où LIÉGEUR n. m. (attesté au XXe s.), et didactique comme LIÉGEUX, EUSE adj. (1803) « qui a le caractère, l'apparence du liège ».
LIÉGEOIS, OISE adj. est tiré du nom de la ville de Liège, en Belgique wallonne. Outre son emploi normal de gentilé (1285), à partir du milieu du XXe s., les expressions café et chocolat liégeois s'appliquent en français d'Europe à un dessert fait de café ou de chocolat servi frappé et accompagné de crème. Vulgarisé, industrialisé, ce dessert est souvent une glace* (au café, au chocolat) surmontée de crème chantilly. Certains affirment que l'expression aurait remplacé café viennois (origine de ce dessert) lors de la guerre de 1914-1918, pour éliminer les connotations germaniques alors indésirables en français.
L +
LIEN n. m. est issu (v. 1120) du latin ligamen « ce qui sert à attacher, cordon », de ligare (→ lier). Les formes régulièrement issues par évolution phonétique étant leien, ou loien, lien s'explique par l'attraction de lier*.
❏
Lien, attesté pour la première fois en emploi imagé, est employé en 1130 avec son sens propre. L'ancienne langue utilisait également le mot là où le français moderne emploie laisse (d'un chien). Plus particulièrement, lien a développé le sens d'« entraves d'un prisonnier » (aujourd'hui vieilli).
◆
Dès le XIIe s., il est employé au figuré avec, selon le contexte, la valeur de « ce qui unit affectivement (v. 1175), moralement », et de « contrainte résultant d'un vœu » (fin XIIe s. ; fin XIIIe s. pour lien du mariage, aujourd'hui surtout au pluriel) ; il signifie aussi « ce qui maintient dans une étroite dépendance, en servitude » (XIIe s.). À l'époque classique, ce dernier sens était surtout réservé à l'expression d'un esclavage amoureux ; puis, par atténuation il correspond à « relation affective » (liens d'amitié).
◆
D'autre part, il a reçu une acception juridique (1283), et une spécialisation logique (1851-1862, lien du discours).
◆
HYPERLIEN n. m. « lien d'hypertexte ».
❏
Lien a produit le dérivé inattendu
LIMIER n. m., altération de
lïemier (v. 1150), pour désigner un chien tenu en laisse, comme l'indique la formule latine relevée dès le
VIe s. dans la Loi salique :
« canem qui ligamen nouit ». Le mot lui-même est apparu sous la forme
liemarius (v. 1135).
■
Limier désigne en vénerie le chien dressé à guetter et à lancer le gibier (Cf. lévrier). Il est passé dans l'usage au sens figuré de « personne qui suit une piste » (1709), se spécialisant à propos d'un policier (fin limier), valeur répandue par les romans policiers au XXe siècle.
❏ voir
LIANE.
L +
LIER v. tr. est issu (v. 980) du latin ligare « attacher, bander, entourer, ceinturer, fixer, unir » (au propre et, d'abord dans la poésie impériale, au figuré). Sans pouvoir constituer une famille indoeuropéenne, on rapproche cependant ligare d'un verbe albanais et du vieil islandais lite « corde ».
◆
Les formes régulières issues de ligat (3e personne du singulier) -ligare étant lieie-leier et loie-loier (attestées en ancien français et conservées dans de nombreux dialectes du Nord-Est), le type très ancien lie-lier s'explique par analogie de prie (issu de precat), scie (issu de secat) et nie (issu de negat) avec extension du radical du présent à la conjugaison entière. On a aussi émis l'hypothèse d'un type latin °līgat, °līgare non attesté, mais que postuleraient aussi l'ancien provençal liar, ligar, le catalan ligar et le portugais ligar.
❏
Lier est attesté dans la plupart de ses sens avant la fin du
XIIIe s. : « entourer (qqn) de liens », « attacher à qqch. » (v. 1130), « unir (différentes choses) par un lien » (v. 1150), « fermer par un lien » (fin
XIIIe s.).
◆
Au figuré, le verbe apparaît dans un contexte biblique (1174) avec le sens de « refuser d'absoudre, imposer des obligations en relation avec le péché ». Il s'emploie aussi avec l'idée d'établir un lien affectif, moral (1160-1174) ou juridique (1283), et pour « entraver, assujettir » (v. 1200).
◆
Certaines valeurs concrètes particulières ont disparu, par exemple « attacher les liens de (une femme) » (1160-1174) au profit de
lacer, et « bander (une plaie) » (v. 1200).
◆
Par figure, il correspond à « rendre plus épais » en cuisine (v. 1393,
lier un potage, une sauce), et aussi en maçonnerie (1396).
◆
Il se dit de l'écriture (1690,
lier ses lettres) et en musique (1771,
notes liées).
◆
L'expression familière
fou à lier est issue par hyperbole de la locution verbale
lier un fou (1668), qui correspond à l'ancien sens « attacher », d'abord « lacer, serrer par des liens », sorti d'usage.
◆
Avec une valeur abstraite,
lier s'est étendu à l'expression d'un lien magique (1408) et d'un lien logique (av. 1563).
■
Se lier, pronominal, s'emploie spécialement en parlant des personnes pour « contracter une relation, un lien d'amitié avec (qqn) ».
❏
Du verbe sont issus plusieurs substantifs : le plus ancien est
LIASSE n. f. (1170 ; 1080,
lïatse), dont la forme féminine actuelle l'a emporté sur le masculin
lïaz attesté dans les mêmes textes. D'abord employé pour « assemblage d'objets de même nature », il s'est spécialisé au sens d'« assemblage de papiers » (1299), qu'ils soient attachés ou pas. Cette dernière acception l'a emporté.
◈
Au
XIIIe s. sont apparus trois noms.
■
LIAGE n. m. (1243) s'est limité essentiellement à son sens technique en tissage (1765).
■
LIERNE n. f. (1296 en marine), mot technique, s'est spécialisé en charpenterie (1561) et architecture « nervure de la voûte gothique (aboutissant à la clé) ».
■
LIAISON n. f. (1260, loison), est celui dont le champ sémantique est, de loin, le plus étendu.
◆
Liaison a probablement hérité de la polysémie du latin ligatio, -onis (de ligare) tout en exprimant les sens généraux et techniques de lier. Aux XVIe et XVIIe s. sont notamment apparus les sens abstraits : « ce qui lie logiquement les parties du discours » (1538), « rapport logique, psychologique » (1656) et « lien grammatical » dans mot de liaison, (1649).
◆
Vers 1681, liaison a pris le sens affectif d'« attache, lien », souvent employé au pluriel avec une connotation péjorative (Les Liaisons dangereuses, célèbre roman de Choderlos de Laclos, 1781), dans une acception plus large que l'acception moderne de « relation amoureuse » (1694, liaison amoureuse ; 1768 absolument : avoir une relation).
◆
Ultérieurement, le mot est entré dans des vocabulaires scientifiques (chimie, mécanique), en psychanalyse, et a développé (1902) le sens de « relations établies entre formations militaires par la transmission de nouvelles, d'ordres », réactivant le sens de la locution en liaison (1725). Vers 1950, le mot est passé dans l'usage courant au sens de « communication assurée régulièrement entre deux lieux ».
■
Son dérivé LIAISONNER v. tr. (1575), d'abord employé avec un sens général, s'est restreint de nos jours à un emploi technique en maçonnerie (1694).
◈
Lier a produit le nom d'agent
LIEUR, EUSE n. (1304,
lieour « personne qui lie les bottes de foin »), dont le féminin,
LIEUSE, dénomme (1894) l'outil qui assure cette fonction (en composition
moissonneuse*-lieuse).
■
Lier a aussi produit un adjectif et un nom à partir de son participe présent LIANT, LIANTE ; celui-ci, attesté depuis 1397 au sens de « qui donne de la consistance à une préparation culinaire », a développé le sens concret de « souple, élastique » avant de prendre la valeur moderne de « sociable » en parlant de personnes (1671).
◆
À la même époque, il a été substantivé (le, du liant) pour « disposition favorable aux relations sociales » et a ensuite repris le sens physique de « flexibilité » perdu par l'adjectif (XIXe s., repris v. 1950 en technique).
◈
Formé par préfixation, l'antonyme
DÉLIER v. tr. (v. 1160) entre dans les locutions classiques
sans bourse délier et
délier la langue « faire parler ».
◆
Il a pour dérivé
DÉLIEMENT n. m. (1596, d'abord 1190 en théologie).
■
L'adjectif DÉLIÉ, ÉE (1181) n'est pas dérivé du verbe, bien qu'il soit tombé sous son attraction : c'est l'adaptation du latin delicatus (→ délicat). Il est employé dans un style soutenu au sens physique de « très fin » et, au figuré, « subtil, pénétrant » (1580). Son sens classique d'« impalpable, léger » est sorti d'usage.
◆
L'adjectif est substantivé (1706) pour désigner la partie fine d'une lettre, en opposition à plein (les pleins et les déliés).
◆
Le participe passé de délier, parfois adjectivé, n'est qu'un homonyme de cet adjectif.
◈
RELIER v. tr. (1185) n'est plus employé au sens de « lier une seconde fois » (1564) qui s'opposait à
délier.
◆
Il partage avec
lier son sens général, réalisé en technique à propos des douves d'un tonneau (1347), ainsi que les sens abstraits de « mettre en rapport avec » (1834), particulièrement dans le domaine de la communication (1842).
■
Sa spécialisation pour « assembler les feuilles d'un livre », d'abord à propos d'un manuscrit, puis (XVIe s.) d'un livre imprimé est ancienne (fin XIIe s.) et est devenue un emploi automone du verbe, détaché de lier. Il a alors une double valeur, générale et particulière, désignant alors l'opération finale par laquelle on donne au volume assemblé une couverture rigide. Ce dernier élément de sens oppose relier à brocher*.
◆
Le participe passé relié, ée est adjectivé.
■
Dans cette acception, relier a plusieurs dérivés.
◆
RELIEUR, EUSE n. est la réfection (XIVe s.) de relierres (cas sujet ; XIIIe s.). Le mot désignant d'abord l'artisan qui relie les livres (relieur d'art, maître relieur) se dit aussi (XXe s.) des ouvriers, du patron d'une entreprise industrielle de reliure.
■
RELIURE n. f., apparu après l'invention de l'imprimerie (1548, relieure), désigne l'action de relier, puis l'art, la technique. À la reliure artisanale traditionnelle s'est ajoutée au XXe s. la reliure industrielle.
◆
Par métonymie, le mot s'applique au XVIIe s. (attesté 1680) à la manière dont un livre est relié, à la couverture d'un livre relié. Dans ce sens, il donne lieu à une riche terminologie, qui reflète la nature et l'évolution de cet art, tant du point de vue des matériaux (cuirs, vélin, maroquin, veau, basane, chagrin, etc., puis cartons, matériaux synthétiques...) que du décor (reliure janséniste, aux armes, à la fanfare, à la cathédrale, mosaïquée, etc.) ou du style d'un relieur (reliure signée). Dans ce sens, le mot est moins usuel lorsqu'il s'agit de reliure industrielle, et on parle alors souvent de couverture.
◈
RELIAGE n. m., dérivé (1328 ; attestation antérieure à celle du verbe dans ce sens) de
relier employé en tonnellerie, est un terme technique ancien.
❏ voir
ALLIER, ALOI, LIANE, LICOL (art. COL), LIEN, LIGAMENT, LIGATURE, LIGOTER, LIGUE, OBLIGER, RALLYE.
L
LIERRE n. m., d'abord écrit lyere (1372), est issu avec agglutination de l'article le de l'ancien français de même sens iere (v. 1180, ierre), forme évoluée de iedre (v. 1070), d'abord edre (av. 950). Celui-ci est issu du latin hedera ou edera « lierre », nom féminin qui serait devenu masculin en français par alignement sur le genre habituel des noms d'arbres et d'arbustes. Pour les Anciens, hedera se rattachait à *hendere, « prendre, saisir », seulement attesté en composition (→ prendre, appréhender).
❏
Le mot désigne une plante ligneuse grimpante. Lierre terrestre (1549), après hierre terrestre (XIIIe s.), désigne une plante rampante de la famille des labiacées, dont les feuilles ont quelque analogie avec celle du lierre proprement dit.
L
LIESSE n. f. est issu (1050) du latin laetitia dont le français a seulement retenu le sens de « joie débordante, allégresse ». Laetitia était à l'origine un mot de la langue rustique signifiant « fertilité, fécondité », dérivé de laetare « fumer, engraisser la terre », de laetus « gras » et, par une évolution qui correspond aux sentiments d'une société rurale et religieuse, « joyeux ». L'origine de ce mot populaire (vocalisme en a) est inconnue.
◆
La forme française liesse (v. 1120, lëece ; XIIIe s., lïesce), qui a supplanté la forme primitive ledece (1050), est due à l'influence de l'ancien adjectif lié, liée (v. 980) « joyeux », qui représente le latin laetus. Ce dernier ne survit plus, incompris, que dans la locution chère lie (→ chère), où lie est la contraction d'origine picarde de liée.
❏
Liesse est considéré comme archaïque à partir du XVIIe siècle. Cependant, il continue d'être employé dans la locution en liesse (av. 1648), d'usage soutenu mais aussi plaisant.
L
1 LIEU n. m., attesté en ancien français sous les formes loc (fin Xe s.), leu (1050) puis lieu (v. 1120), est issu du latin locus (forme ancienne stlocus) « lieu, place, endroit », qui sert à traduire le grec topos (→ topo- ; isotope, topique, utopie) et en a repris les sens techniques (médecine, littérature), y compris rhétorique. Locus a également reçu le sens figuré de « situation, rang ». Son étymologie n'est pas claire. (Cf. ci-dessous lieux communs.)
❏
Lieu, apparu avec son sens général de « portion déterminée d'espace », est aussi pris spécialement dans
lieu saint (v. 1150) « temple, église », dont le pluriel
les lieux saints est attesté ultérieurement (1690) pour désigner les lieux de la vie de Jésus en Palestine.
◆
La plupart des sens particuliers du mot sont apparus au
XVIe s. et en langue classique : il entre dans
lieu public (v. 1538), est employé en géométrie (1690 ; 1691,
lieu géométrique).
◆
L'expression
haut lieu (1691) désigne proprement la hauteur sur laquelle les Juifs élevaient des autels et faisaient des sacrifices ; le sens figuré courant de « théâtre de hauts faits »
(un haut lieu de...) étant très postérieur (1931).
■
Le pluriel les lieux a fréquemment une valeur de singulier, dans la langue juridique (1538) et dans l'usage courant de la langue classique où il désigne un endroit considéré ou non dans ses parties (1643). C'est ainsi qu'il prend, par euphémisme (fonction qu'avait le pluriel grec et latin où loci se disait des parties génitales), le sens de « cabinets » (1640), aujourd'hui vieilli, aussi dans le syntagme lieux d'aisances (1801). Les lieux a aussi désigné la maison, la propriété (1690).
◆
Son usage spécialisé dans lieux communs (1562) est calqué sur la locution latine loci communes, elle-même prise au grec koinos topos terme de rhétorique désignant les sources où un orateur peut puiser des pensées et des preuves sur tous les sujets ; par extension (au singulier ou au pluriel), l'expression a pris son sens moderne de « banalité, platitude du discours » (1666).
■
Lieu figure dans un grand nombre de locutions dès l'ancien français : on relève dans La Chanson de Roland, es lius de, forme ancienne de au lieu de (1531) ; dès 1155, tens et leu (pour le moderne en temps et lieu) et au XIIIe s., en haut lieu et de haut lieu, qui correspondent au sens spécial de lieu « place dans la hiérarchie sociale » (1165), hérité du latin, et employé au XIXe s. avec une idée de « milieu influent » (1863).
◆
Les autres locutions sont apparues aux XVIe et XVIIe s. ; après n'avoir nul lieu (v. 1500) « ne pas se produire », avoir lieu (apr. 1550) s'applique à des souhaits qui trouvent leur réalisation puis, plus généralement, par l'intermédiaire des formes il y a lieu de (1611), avoir lieu de (1636), à ce qui prend place dans le temps (1778).
◆
Le sens de « passage d'un livre » (XIIIe s.), repris au latin, a inspiré en premier, second... lieu (1538). Tenir lieu de (1534) est suivi de donner lieu de (1643) et donner lieu à (1656) qui expriment toutes deux une idée d'occasion.
Enfin lieu entre dans le terme juridique NON-LIEU n. m. (1836) qui désigne une décision de justice interrompant la procédure par laquelle une personne est mise en examen, et dans le terme de topographie LIEU-DIT (1873) « lieu non bâti ou bâtiment isolé auquel est attaché un nom traditionnel », ainsi que dans chef-lieu (→ chef), milieu* et lieutenant*. L'absence de dérivés s'explique par l'existence de termes empruntés directement au latin (→ local) et de mots scientifiques formés sur le grec. Voir aussi le schéma.
❏ voir
ACCOUCHER, 1 COLLOQUER, COUCHER, DISLOQUER, ILLICO, LIEUTENANT, LOCAL, LOCATION, LOCOMOTIF, LOCOMOTION, 2 LOUER, LOYER, MILIEU.
2 LIEU n. m., d'abord lief (1431) puis lieu (1553), a été emprunté à l'ancien norrois lýrr, lýr qui désigne le même poisson.
❏
Le mot s'applique à un poisson de mer comestible, avec deux syntagmes usuels, lieu jaune et lieu noir, désignant deux variétés.
L
LIEUE n. f. est issu, sous la forme liue (1080), du latin leuca, leuga, donné par les auteurs latins pour un mot gaulois (qui a un correspondant dans l'arménien leo).
❏
Lieue, mesure de distance terrestre, est resté utilisé jusqu'au XXe s. mais se fait rare au profit de kilomètre, mesure différente imposée par la Révolution et longtemps critiquée.
◆
Lieue reste usité pour lieue marine (1704), dans quelques locutions figurées classiques où il exprime l'idée imprécise d'une « grande distance » (1671), y compris au figuré avec être à cent lieues de (+ infinitif) [1866], et dans les bottes de sept lieues, par allusion au conte de Charles Perrault, Le Petit Poucet.
❏ voir
BANLIEUE.
LIEUTENANT n. m., d'abord altéré en luetenant (1260), est composé de lieu* et de tenant, participe présent de tenir*, proprement « celui qui tient lieu de », « remplaçant ».
❏
Le mot désigne celui qui tient la place du chef dans certains cas et le seconde ordinairement. Il se spécialise dans le domaine militaire, désignant un grade (1478), et entre dans quelques syntagmes correspondant à des fonctions militaires ou civiles ; lieutenant général (v. 1470) désigne celui qui, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, était investi du pouvoir suprême et remplissait les fonctions du roi en son absence (ou quand celui-ci n'était pas apte).
◆
Depuis 1538, lieutenant désigne aussi l'officier qui préside le tribunal d'une sénéchaussée en l'absence du sénéchal d'où, dans la terminologie juridique, lieutenant civil et lieutenant criminel (1549).
◆
Le sens moderne correspond à la hiérarchie des grades actuelle ; il correspond à l'officier subalterne au-dessous du capitaine (et au-dessus du sous-lieutenant). Cette valeur existe déjà en français classique où le mot a une valeur beaucoup plus large, mais où on parle déjà de lieutenant de la compagnie (1690, Furetière).
◆
On dit au lieutenant et au sous-lieutenant mon lieutenant. Le mot est abrégé en lieut' (1960).
◆
Dans la marine, le mot correspond au premier grade des officiers de pont. Lieutenant de vaisseau concerne un grade correspondant à celui de capitaine dans l'armée de terre et de l'air.
❏
LIEUTENANCE n. f. (1364), « emploi, fonction de lieutenant », spécialement dans l'armée (1587), ne s'emploie plus qu'en histoire, pour les dignités et fonctions de lieutenant sous l'Ancien Régime.
■
Le féminin LIEUTENANTE n. f. (1462), d'abord « femme tenant lieu de remplaçante », a désigné (1529) l'épouse d'un magistrat portant le titre de lieutenant.
■
Lieutenant est entré dans des noms de grades.
■
SOUS-LIEUTENANT n. m. (1479) « remplaçant d'un lieutenant de justice », puis (1641) « officier servant sous les ordres d'un lieutenant », a suivi l'évolution de sens de lieutenant. Le grade est aujourd'hui le grade inférieur des officiers, avec un galon (armée française), l'aspirant (à qui l'on dit aussi mon lieutenant) étant assimilé aux sous-officiers.
■
LIEUTENANT-COLONEL n. m. (1669) désignant un officier supérieur au-dessus du commandant et au-dessous du colonel, dans l'armée de terre.
◈
LIEUTENANT-GOUVERNEUR n. m. composé (1867) du langage constitutionnel canadien, désigne le représentant de la Couronne britannique nommé dans chaque province par le gouverneur général. En français canadien, le mot a un féminin
LIEUTENANTE-GOUVERNEURE.
L +
LIÈVRE n. m., d'abord lèvre (1080) puis lièvre (1155), est issu du latin leporem, accusatif de lepus, -oris « lièvre, hase ». Ce mot est d'origine méditerranéenne : il n'existe pas de nom indoeuropéen du lièvre, probablement parce que l'animal était tenu pour de mauvais augure, et qu'on évitait de le nommer.
❏
En ancien français, le mot était fréquemment de genre féminin (v. 1280) et l'est resté dans de nombreux usages dialectaux. Il est resté usuel, malgré la raréfaction de l'animal recherché par les chasseurs, en partie à cause de son emploi en cuisine et en gastronomie (
civet de lièvre, etc.).
◆
Dans la langue classique, il entrait dans plusieurs locutions figurées aujourd'hui sorties d'usage et inspirées des usages de la chasse. Il en reste deux expressions
courir deux lièvres à la fois (1668) et
lever un lièvre (1663), où
lièvre incarne l'idée de « but, ce que l'on recherche ».
■
Par analogie, le mot qualifié sert à former des dénominations d'animaux différents : lièvre de mer (XIIIe s.) ou lièvre marin (v. 1560), appliqué à un poisson, lièvre des patagons ou des pampas (1873 ; 1867, lièvre pampa) « agouti », lièvre sauteur (1867), etc.
■
D'après la qualité de vitesse communément reconnue à l'animal, il désigne (1899) le coureur qui se place en tête pour assurer un train rapide (les lévriers de course sont eux-mêmes entraînés par un lièvre électrique).
❏
Le dérivé le plus ancien — aujourd'hui démotivé — est
LÉVRIER n. m. (v. 1135), nom d'une espèce de chien autrefois entraînée pour la chasse au lièvre (dès le
VIIIe s., le latin a
canis leporarius, « chien à lièvres »). Le mot a eu des sens figurés (1622), aujourd'hui vieillis partiellement au profit de
limier (Cf. étymologie de ce mot), et se dit en sport d'un coureur cycliste rapide (1901).
■
Lièvre a servi à former LEVRON n. m. (1585), probablement issu par haplologie de *levreron, comme levrette de levrerette, autre diminutif de lévrier, « jeune lévrier » et (1680) « lévrier de petite taille ».
■
LEVRETTE n. f. lui-même (v. 1380 ; puis 1554) désigne non seulement la femelle du lévrier mais, depuis la fin du XVIIe s., une variété de petite taille de lévrier d'Italie. Le mot est employé pour caractériser une position érotique dite en levrette depuis le XVIIe s. (déjà en latin more canimo « à la mode des chiens ») : outre le fait que la femme est assimilée à une chienne, et que le diminutif peut atténuer la vulgarité de la comparaison, on peut s'interroger sur la présence étymologique du lièvre, en rapport possible avec les valeurs érotiques de lapin*.
◆
Par analogie de forme, levrette a pris un sens technique : « rabot » (1902).
■
On en a tiré l'adjectif rare LEVRETTÉ, ÉE adj. (1611) « qui a le ventre creux à la manière d'une levrette », et LEVRETTER ou LEVRETER v. intr. (1397) « mettre bas » en parlant de la femelle du lièvre. Un verbe homonyme (v. 1550) s'emploie en chasse au sens de « chasser avec des lévriers ».
◈
Lièvre a aussi produit
LEVRAUT n. m. (déb.
XIVe s.), réfection par changement de suffixe de
levrot (1306,
levroz) « jeune lièvre ».
■
Les variantes LEVRETEAU n. m. (1573) et liévreteau (1803), de même sens, sont rares.
❏ voir
(BEC DE LIÈVRE).
1 LIFT n. m. est emprunté (1885) à l'anglais lift « ascenseur », spécialisation concrète du sens général d'« action de soulever, d'élever », déverbal de to lift « lever, faire monter, soulever » (XIVe s.). Ce mot est emprunté (XIIIe s.) à l'ancien norrois lypta (suédois lyfta) et remonte à un verbe germanique dérivé des substantifs désignant l'air, le ciel (anglais lift, néerlandais lucht, allemand Luft). Le sens propre est donc « élever dans les airs ».
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D'abord cité comme un anglicisme, le mot est appliqué en 1902 à une réalité française ; par métonymie, il a désigné le garçon d'ascenseur (1914, Proust), appelé en anglais lift-boy (1904), lift-attendant. Le mot, avec des incertitudes phonétiques dues au snobisme anglicisant (laïft), a été à la mode au début du XXe s., puis a vieilli.
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Seul le dérivé
LIFTIER n. m. (1918, Proust) a conservé quelque vie, bien que
garçon d'ascenseur semble plus usuel.
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Le terme de sport
2 LIFT n. m. (1909 en tennis), « coup consistant à frapper une balle de bas en haut », est une abréviation purement française de l'anglais
lifted shot (1902) « coup soulevé »,
lifted étant le participe passé de
to lift.
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Il a pour dérivé
1 LIFTER v. tr. (1921) dans
lifter la balle, balle liftée.
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L'autre emprunt d'une forme verbale de to lift a eu lieu au milieu du XXe s. en chirurgie esthétique où LIFTING n. m. (1955) représente l'anglais face-lifting (1922) puis lifting, de to lift pris au sens de « relever (une partie du visage affaissée en la refixant) ». Un arrêté du 2 janvier 1975 recommande en France l'emploi de lissage, remodelage ou déridage en lieu et place de cet anglicisme.
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Le français a aussi dérivé un verbe 2 LIFTER v. tr. (1968) au sens de « retendre la peau ».
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3 LIFT n. m., emprunt distinct, est passé en français de Belgique et du Québec pour « fait de conduire qqn quelque part en voiture »
(chercher, avoir un lift pour tel endroit, donner un lift à qqn). Il n'y a pas de terme autre qu'
auto-stop en français de France.
❏ voir
LOFT.