LIMINAIRE adj. est emprunté (1548) au latin liminaris proprement « relatif au seuil » et, au figuré, « initial, placé au début ». Le mot est dérivé de limen « seuil », employé pour le pas et le linteau de la porte d'entrée, rattaché par étymologie populaire à limis « oblique » et peut-être apparenté à limes « chemin bordant un domaine » (→ limite).
❏
En dehors de son usage didactique en parlant d'un livre, d'un discours (1548,
épître liminaire),
liminaire est employé au sens plus large de « qui forme le début », dans un style soutenu.
■
Les psychologues l'emploient pour « au niveau du seuil » d'où « à peine perceptible » ; mais liminal (ci-dessous) est plus fréquent dans ce sens.
❏
PRÉLIMINAIRE n. m. et adj. a été emprunté (apr. 1648) au latin
praeliminaris, de
prae (→ pré-) et
liminaris, à l'occasion du traité de Westphalie, pour désigner au pluriel les négociations préparatoires au traité. Par extension, il se dit au singulier de tout ce qui prépare un événement plus important et il est devenu plus usuel que
liminaire. Depuis 1671, on le rencontre employé comme adjectif.
■
Il a produit PRÉLIMINAIREMENT adv. (1757), d'usage rare.
◈
LIMINAL, ALE, AUX adj. est un emprunt (déb.
XXe s.) à l'anglais
liminal « au niveau d'un seuil », dérivé savant du latin
limen spécialisé en psychologie, pour « à peine perceptible » (1884). Le mot tend à se substituer à
liminaire dans cet emploi.
■
SUBLIMINAL, AUX adj. est un emprunt à l'anglais, lui-même composé de sub- et du latin limen. Le concept semble créé par le psychologue allemand Herbart (1824) et a été diffusé par l'anglais Myers (the subliminal consciousness, 1892), calquant l'allemand Unter der Schwelle. Attesté en 1893 (Flournoy), ce mot qualifie ce qui n'atteint pas le « seuil » de conscience. On parle (d'après l'anglo-américain) de publicité subliminale.
◆
SUBLIMINAIRE adj. est une variante plus rare (v. 1960), alors que SUPRALIMINAIRE adj. (v. 1960) semble supplanter SUPRALIMINAL, AUX adj. (1893).
❏ voir
LIMITE.
LIMITE n. f. a été emprunté (v. 1372) au latin limes, limitis « chemin bordant un domaine », « sentier entre deux champs », « limite, frontière », mot sans étymologie connue que l'on rapproche, à titre d'hypothèse, de limen « seuil » (→ liminaire).
❏
Apparu avec le sens concret de « ce qui borde un terrain, un territoire », « ligne de démarcation entre territoires contigus », limite a aussi développé un sens plus abstrait, tant spatial que temporel. Il est rare avant le XVIe s. et surtout de genre masculin (1513) jusqu'au XVIIe siècle. Depuis 1539, il est employé au figuré, au singulier comme au pluriel.
◆
À partir d'une acception scientifique « toute grandeur dont une autre grandeur peut approcher à l'infini sans jamais la rejoindre » (1765, Encyclopédie), il a produit les expressions courantes à la limite, cas limite, où il réalise l'idée d'un point vers lequel tend une chose. Il est devenu un terme du vocabulaire mécanique (1844, limite de densité ; limite d'élasticité) et sportif (1924 en boxe) pour « limite de temps ».
◆
Un usage récent fait du mot une épithète (c'est limite), aussi suivi d'un adjectif, pour « presque » : c'est limite dangeureux, illégal...
❏
LIMITER v. tr. est un emprunt (v. 1310) au latin
limitare, dérivé de
limes, proprement « marquer les limites d'un territoire » et également employé au figuré. Le mot a été repris dans sa double acception, concrète et (v. 1350) abstraite.
◆
Le participe passé adjectivé
LIMITÉ, ÉE possède en propre la valeur de « restreint, modique » (v. 1350) et s'applique familièrement à une personne (notamment à son intelligence), avec une connotation péjorative.
■
De limiter sont issus LIMITABLE adj. (1845), LIMITANT, ANTE adj. (1925) et le terme technique LIMITEUR n. m. (1606) « celui qui limite », repris en technique (1912).
◈
LIMITATION n. f. est emprunté (1304) au dérivé latin
limitatio, -onis « bornage, délimitation », avec un sens concret, puis aussi (1322) abstrait.
■
LIMITATIF, IVE adj. est emprunté (1545) au latin médiéval limitativus « restrictif » (v. 1300), formé sur le supin de limitare.
◈
À partir de l'emprunt
ILLIMITÉ, ÉE adj. (1611) pris au bas latin
illimitatus, et qui correspond à « sans limite », ont été formés
ILLIMITATION n. f. (avant 1622, repris en 1815),
ILLIMITER v. tr. « faire durer » (v. 1792) et « rendre illimité » (1880), ainsi qu'
ILLIMITABLE adj. (1807) et
ILLIMITANT, ANTE adj. (1935). À l'exception de l'adjectif
illimité, tous ces mots sont rares.
◈
Sur la base de
DÉLIMITER v. tr. « assigner des limites à », et de
DÉLIMITATION n. f., « fait de délimiter », et « limite assignée à qqch. », tous les deux empruntés vers 1773 aux composés latins
delimitare et
delimitatio, -onis, a été formé
DÉLIMITABLE adj. (1938 chez Gracq) et le terme d'informatique
DÉLIMITEUR n. m. (1968) « caractère qui limite une suite de caractères et qui n'en est pas membre ».
◆
Délimiter et sa série se sont spécialisés par rapport à
limiter avec une idée de précision technique, qui est passée dans les emplois figurés, notamment avec le participe passé
DÉLIMITÉ, ÉE adj.
❏ voir
LIMITROPHE, LINTEAU.
LIMITROPHE adj. est emprunté (1467) au bas latin juridique limitrophus, composé hybride de limes, limitis (→ limite) et du grec trephein « nourrir » (représenté dans atrophie*, hypertrophie*) en parlant des régions frontalières assignées aux troupes pour leur entretien (limitrophi fundi). Il s'agit étymologiquement d'une limite pour l'intendance d'une armée. En latin médiéval (1349), il est synonyme de finitimus « voisin, contigu ».
❏
Limitrophe, apparu avec le sens strict de « frontalier », a développé (v. 1570) le sens de « contigu, voisin », au propre et au figuré, qui est resté courant, la valeur originelle du composé latin étant perdue quant à la partie grecque (aucun rapport n'est plus perçu entre ce -trophe et atrophie).
LIMOGER v. tr. est à l'origine un terme argotique de l'administration militaire, dérivé (1916) du nom de Limoges, ville où le généralissime Joffre assigna à résidence les officiers d'état-major qu'il avait relevés de leurs fonctions au début de la Première Guerre mondiale.
❏
Correspondant d'abord à « relever (un officier général) de ses fonctions », limoger est passé dans l'usage commun au sens plus général de « frapper (une personne haut placée) d'une mesure de disgrâce ».
❏
Son participe passé est aussi substantivé (1934), et le dérivé LIMOGEAGE n. m. est attesté chez L. Daudet (1934).
❏ voir
LIMOUSINE.
L
1 LIMON n. m. est issu (fin XIe s.) du latin populaire °limonem, accusatif de °limo « boue », issu du latin classique limus « boue, vase » et aussi « lichen », et « aubier », à rapprocher du vieil islandais slim, de l'ancien haut allemand slīm « boue » et, sans doute, du grec leimôn « prairie humide », limnê « marais ». Limus survit dans l'ancien français lum, lun (fin XIIe s., 1306), l'ancien provençal lim, l'espagnol et l'italien limo.
❏
Le mot désigne la boue, et plus spécialement la terre amollie ou dissoute et charriée par les eaux.
◆
Il a pris dès l'ancien français (v. 1280) la valeur figurée de « souillure morale », comme boue, fange, mais à la différence de ces derniers, il est à peu près sorti d'usage.
◆
Traduisant le latin de la Vulgate, il désigne en particulier (1664) la matière dont Dieu crée le monde, puis Adam, dans la Genèse.
❏
En sont dérivés LIMONEUX, EUSE adj. (1320 au sens figuré de « répugnant » ; v. 1375 au sens concret), LIMONITE n. f. (v. 1840), mot de minéralogie équivalent de fer limoneux, et LIMONAGE n. m. (1868).
+
2 LIMON n. m. est emprunté (v. 1314) à l'italien limone « sorte de citron acide » et « arbre qui le produit » (XIVe s.), lui-même emprunté par l'intermédiaire de l'arabe laymūn, au persan līmūn de même sens, à rattacher au sanskrit nimbū désignant une variété d'agrume. La culture de ce fruit, introduite par les Arabes dans le bassin méditerranéen, a été importée en Italie lors des Croisades (comme on le lit dans les récits de voyage en Terre sainte, au XIVe s.).
❏
Le mot a désigné un citron acide à l'écorce fine, mais il est sorti d'usage.
❏
Limon se maintient dans deux dérivés : le plus courant est
LIMONADE n. f. (1640,
limonnade), peut-être influencé par l'espagnol
limonada ou l'italien
limonata. Ce mot a d'abord désigné une boisson faite d'eau, de sucre et de jus de citron qu'on appelle aujourd'hui
citronnade (il a gardé ce sens en français d'Haïti), puis une boisson gazeuse et sucrée où n'entre plus aucun citron ni parfum de citron.
◆
Le mélange de bière et de limonade
(Cf. panaché) est aujourd'hui l'usage le plus fréquent de cette boisson un peu archaïque.
◆
Par métonymie, il a désigné le commerce de ceux qui vendent de la limonade et d'autres boissons au détail (1867), c'est-à-dire des cafetiers.
■
Son dérivé LIMONADIER n. m. (1666), après avoir désigné le marchand de citronnade, était naguère synonyme de cafetier, le pâtissier-limonadier étant le pâtissier qui vendait aussi des boissons rafraîchissantes.
◆
Techniquement, le mot s'applique au fabricant de limonade.
◆
LIMONADERIE n. f. se dit en français du Maghreb d'une fabrique de boissons sans alcool.
■
LIMONÈNE n. m. (1905) désigne, en chimie, un hydrocarbure extrait de diverses essences, dont l'odeur rappelle le citron.
◈
1 LIME n. f. a été emprunté (1555) à l'espagnol
lima ou au catalan
llima, eux-mêmes repris à l'arabe du Maghreb
līma.
◆
Le mot, désignant une sorte de citron doux, a produit
LIMETTE n. f. (1782) et
LIMETTIER n. m. (1845).
■
L'expression vin (ou blanc) limé, ou lime, (années 1970) se rattache à la fois à 1 limer au sens d'« adoucir », et à limonade.
◈
Les mots français
limon et
lime ont été empruntés par l'anglais où a eu lieu une nouvelle répartition sémantique :
lemon (
XIVe s.,
lymon) désignant le citron, tandis que
lime (
XVIIe s.) est appliqué à un fruit acide autrement appelé
citron vert.
◆
3 LIME n. m. est un réemprunt à l'angl.
lime, pour « citron vert ».
❏ voir
PAMPLEMOUSSE.
LIMOUSINE n. f., attesté au milieu du XIXe s. (1841 ; 1836 selon Bloch et Wartburg) recouvre deux emplois lexicalisés du féminin substantivé de limousin (1383, limosin), adjectif et substantif ethnique tiré de Limousin, issu du bas latin Lemovicinium, lequel est dérivé du latin Lemovices, proprement « guerriers de l'orme », appellation métaphorique apparentée au nom gaulois de l'orme (lema, leme) et qui a donné le nom Limoges.
❏
Si le sens de « manteau en forme de pèlerine fait de poils de chèvre ou de grosse laine » est aisément explicable, d'après le vêtement des bergers limousins, celui de « voiture où le chauffeur et les passagers sont séparés » (1902) n'est pas clair : on l'a expliqué (von Wartburg) par une comparaison entre le manteau protégeant de la pluie et la voiture bien fermée (Cf. l'évolution de capote / capot) ; on a également attribué l'invention du type de carrosserie de la voiture à Charles Jeantaud, originaire de Limoges (1843-1906). Le fait que limousine ait désigné un type de voiture à cheval en français régional de Saintonges (XVIIIe s.) a été négligé. Le mot désignait alors une automobile dont la carrosserie n'était entièrement fermée par des vitres latérales que pour les voyageurs de l'arrière ; de nos jours, il dénomme une grande voiture de luxe à conduite intérieure, avec une séparation entre le chauffeur et les places arrière.
◆
Par emprunt à l'anglais, où le mot est pris au français immédiatement après son apparition en 1902, limousine a pris un sens particulier aux États-Unis, celui d'une grande automobile de luxe généralement affectée à un service collectif, à la location, ce sens étant emprunté par le français (années 1960) à propos de ce type de véhicule.
LIMPIDE adj. est emprunté (1509) au latin limpidus « clair, transparent » et, avec une valeur morale, « pur, propre ». La rareté de l'adjectif en latin et son apparition relativement tardive font pencher pour une origine dialectale, osco-ombrienne ; on a aussi émis l'hypothèse d'un croisement de lympha (→ lymphe) et liquor (→ liqueur).
❏
Limpide a eu du mal à s'imposer ; encore rare au XVIIe s., il est critiqué par Richelet (1680) qui le condamne comme un mot écorché du latin, et il n'est admis par l'Académie que dans la quatrième édition de son Dictionnaire (1762). Depuis, il est devenu courant au propre, puis (1834) au figuré.
❏
La lenteur avec laquelle l'adjectif s'est imposé explique peut-être l'apparition tardive du nom correspondant LIMPIDITÉ n. f. (1680), emprunt au dérivé bas latin limpiditas, et de LIMPIDEMENT adv. formé en français (1835). Le dernier est plus courant au sens figuré « de manière très claire, compréhensible » qu'avec sa valeur concrète.
L +
LIN n. m. est issu (v. 1155) du latin linum qui désigne une sorte de plante, par métonymie le fil (spécialement la ligne de pêche, le filet pour la chasse), et le tissu qu'on en fait. Beaucoup de langues indoeuropéennes ont un terme de forme voisine, le grec linon, le russe lën mais il faudrait connaître l'histoire de la culture de la plante pour pouvoir faire celle du mot. Les formes germaniques, anglais line, néerlandais lijn, allemand Lein- en composition, suédois lin-, remontent à un type °lînom, apparenté à linum.
❏
Lin, « plante textile » dès le XIIe s., désigne aussi le fil et le tissu de lin (v. 1180).
❏
Lin a produit
LINAIRE n. f. (
XIIIe s.) et
LINIÈRE n. f. (1228) « champ de lin »,
LINIER, d'abord nom masculin (1260) « fabricant de toiles de lin » puis adjectif (1752) « relatif au lin », et, en botanique
LINACÉES (1822) ou
LINÉES n. f. pl. (1813) et l'adjectif rare
LINACÉ, ÉE (1842).
◈
Le mot a aussi servi à former
LINOTTE n. f. (
XIIIe s.), l'oiseau étant ainsi nommé parce qu'il est friand de graines de lin ; il a donné l'expression figurée courante
tête de linotte « étourdi » et s'emploie au figuré dans ce sens. Dans tous ses emplois,
linotte n'est plus senti comme venant de
lin.
■
Il en va de même pour le nom de plante LINAIGRETTE n. f. (1789), formé de lin et de aigrette*, à cause de ses épis aux soies plumeuses en forme d'aigrette.
■
Au XXe s., on a formé LINICULTURE n. f. sur le modèle d'agriculture, etc.
❏ voir
LIGNE, LINCEUL, LINGE, LINOLÉUM, LINON.
L
LINCEUL n. m., d'abord linçol (v. 1050), linçoel (v. 1140), est issu du latin linteolum « petite pièce de toile de lin », diminutif de linteum « étoffe de lin », qui vient de linum (→ lin). En latin médiéval, lintoleum est relevé au sens de « suaire » (876) et de « drap de lit » (1096).
❏
Linceul, apparu avec ce dernier sens, « drap de lit », l'a conservé jusqu'au XVIIe s., voire plus longtemps dans les parlers gallo-romans (en portugais lençol signifie « drap », le suaire étant désigné par sudaria).
◆
Le sens moderne spécialisé de suaire, « drap où l'on place les morts avant de les enterrer », est attesté depuis le XIIIe s. et a éliminé le sens premier.
LINÉAIRE adj. a été emprunté (XIVe s. in F. e. w.) au latin linearis « relatif aux lignes », « qui se traduit par des lignes », « géométrique », de linea (→ ligne).
❏
Comme le mot latin, linéaire qualifie ce qui a rapport à des lignes, en a l'aspect, la forme, se fait au moyen de lignes.
◆
Il a reçu quelques spécialisations en géométrie, en algèbre (1743, équation linéaire ; 1752, grandeur, fonction linéaire) et la valeur abstraite de « qui peut être représenté par une ligne, suit un tracé de ligne », parfois péjoratif en parlant d'un récit « sans épaisseur ».
◆
Il est substantivé en commerce (v. 1960) pour la longueur occupée par un produit sur des rayonnages et désigne la longueur de voie devant le bâtiment d'une gare, d'une aérogare, etc.
❏
En sont issus
LINÉAIREMENT adv. (1465,
lignéairement, rare av. déb.
XXe s.),
LINÉARITÉ n. f. (1910), mot didactique de sciences.
■
JUXTALINÉAIRE adj. qualifiant une traduction en regard (1847, dans Les Auteurs grecs expliqués d'après une méthode nouvelle par deux traductions, l'une littérale et juxtalinéaire) et BILINÉAIRE adj. (XXe s.).
◆
LINÉIQUE adj. qualifie ce qui est relatif à l'unité de longueur (par exemple, masse linéique d'un fil homogène).
◈
INTERLINÉAIRE adj., le plus ancien des termes de cette série, est emprunté (1389) au latin médiéval
interlinearis « écrit dans l'interligne » (
XIIe s.), de
inter (→ inter-) et
linearis.
■
D'abord attesté isolément, en parlant d'un vent placé entre les quatre vents principaux qui composent la rose des vents, le mot a été repris au XVIe s. (1564, glose interlinéaire) en relation avec entreligne et interligne (→ ligne) ; il a reçu une spécialisation en imprimerie.
LINÉAMENT n. m. est emprunté (1532, Rabelais) au latin lineamentum « ligne, contour, traits », dérivé de linea (→ ligne).
❏
Outre le sens propre, « ligne caractéristique dans la forme », linéament est employé (1642) au sens figuré de « premiers traits d'une chose encore à l'état d'ébauche ».
❏
En sont dérivés deux termes littéraires : LINÉAMENTAIRE adj. (1886) « réduit à des linéaments », et LINÉAMENTER v. tr. (1918 chez Proust) « dessiner dans ses linéaments ».
LINGA ou LINGAM n. m. est un emprunt au sanskrit liga, accusatif ligam, passé par l'anglais lingum (1719), pris en français (1724), qui adopte la forme en a au XVIIIe s. (1765 dans l'Encyclopédie). Le mot désigne le symbole en forme de phallus du dieu Shiva, lié à l'idée de création, d'engendrement.
L
LINGE n. m. est la substantivation (v. 1125) de l'ancien adjectif linge « de lin, de toile » (entre 1125 et le XVIe s.), lui-même issu du latin de même sens lineus, adjectif tiré de linum (→ lin).
❏
L'évolution de linge est analogue à celle de lange, autre substantif tiré d'un ancien adjectif de matière, en l'occurrence de laine : il a désigné une toile de lin, puis un morceau d'une toile quelconque.
◆
Par métonymie, il a servi à dénommer la chemise (XIIIe s.), sens disparu en français classique, et collectivement les vêtements de dessous et les pièces détachables de l'habillement quand elles sont en tissu léger (cependant, pour les jeunes enfants, on emploie les termes spécialisés layette, lange, etc.). Ce sens n'est plus représenté que par des expressions comme linge de corps (1798), entre dans des locutions comme laver son linge sale en famille (XVIIIe s., Voltaire) « étaler ses dissensions ».
◆
D'abord en argot, linge fin (1808) puis beau linge (1835) s'emploie à propos de personnes élégantes ; on a dit avoir du linge pour « être élégant » (av. 1861).
◆
Au XVIe s., linge prend aussi le sens de « morceau de tissu non travaillé pour frotter, nettoyer, etc. » (1570) et « ensemble des pièces de tissu (à l'origine en lin) employé pour la table, le lit » d'où linge de table (1587), linge blanc, linge de couleur... Ces valeurs du mot se retrouvent dans des expressions en usage en français de Suisse, avec linge de toilette, linge de bain, là où on parle de serviettes, en France. Au Québec, linge à vaisselle correspond à « torchon ».
◆
L'emploi du mot pour « pièce d'habillement » en général, disparu en français d'Europe sauf dans les cas signalés plus haut, est resté vivant au Québec (un morceau de linge « un vêtement »), en Afrique (linge d'été, d'hiver ; faire le linge « laver et repasser les vêtements »), dans l'océan Indien. En français de Madagascar, linge s'emploie pour « tissu d'ameublement ».
❏
Certains de ses dérivés sont aujourd'hui tombés en désuétude, tels
LINGETTE n. f. (
XVe s., « toile de lin »), dit d'une flanelle de qualité inférieure, et
LINGEUR n. (1292), disparu dans son premier sens de « personne qui confectionne et vend du linge », encore parfois employé au sens de « ouvrier en lingerie » et en apposition dans
frère lingeur « personne chargée du linge dans une communauté » (1680).
■
LINGER, ÈRE n. (1292, lingier) désigne la personne qui confectionne, vend du linge et (1680), surtout en apposition dans frère linger, la personne chargée de l'entretien du linge dans une communauté.
■
LINGERIE n. f. (av. 1320) est le dérivé le plus vivant : les sens de « commerce, marché du linge fin » (av. 1320) et « ouvrage en linge, ensemble des pièces de linge » (1552) ont reculé, mais le mot se maintient au sens de « linge de corps pour une femme » et, par métonymie, « tissus employés pour la lingerie fine » (1844).
◆
Par une métonymie spatiale, lingerie désigne la pièce où l'on entretient le linge (et, dans une communauté religieuse, celle où l'on fait aussi des travaux de couture).
■
LINGÉ, ÉE adj. attesté une fois au XIVe s. au sens « de lin, de toile », a été repris en argot (1850) avec celui de « bien vêtu, élégant ».
■
Linge, plus récemment, a produit les substantifs masculins CHAUFFE-LINGE (1753), SÈCHE-LINGE (v. 1966), LAVE-LINGE (1970).
?
LINGOT n. m. est d'origine inconnue (1392). On a avancé l'hypothèse d'un emprunt, avec agglutination de l'article défini °l'ingot, de l'anglais ingot attesté une fois chez Chaucer (v. 1386) puis, dans la seconde moitié du XVIe s., et qui signifie « moule dans lequel on coule une masse de métal » et « masse de métal ». L'origine du mot anglais est elle-même douteuse, peut-être de in « dans » et du vieil anglais goten, participe passé de geotan « couler, verser (du métal) », verbe dont la racine est la même que celle du latin fundere (→ fondre) ; des formes parallèles existent en germanique avec l'allemand Einguss, le suédois ingöte et, pour les verbes, le néerlandais, le suédois. La pauvreté des dépouillements interdisant de tenir cette hypothèse pour sûre, on a aussi évoqué, inversement, la possibilité que l'anglais soit emprunté au français avec déglutination du l-, et que le français soit emprunté au provençal lingot (1403) « lingotière », lui-même issu de lenga « langue » (→ langue), par allusion à la forme allongée de ces morceaux de métal.
❏
Le mot désigne une masse de métal obtenue par coulée dans un moule et qui n'a pas encore été mise en œuvre, spécialement un bloc de métal précieux (1707, lingot d'or).
◆
Par analogie, il désigne un morceau de plomb ou de fer cylindrique dont on chargeait les fusils pour chasser du gros gibier (1721), sens disparu, et une pièce de métal employée par les typographes (1832).
❏
LINGOTIÈRE n. f. (1606), peut-être d'après le provençal
lingotiera (1506), désigne le moule dans lequel on coule les lingots.
■
Les autres dérivés datent du XXe s. : LINGOTIER n. m. (1902) pour le casier d'imprimeur où l'on range un lingot, LINGOTER v. tr. et LINGOTAGE n. m. (attestés 1931) pour l'opération consistant à couler du métal en lingots.
LINGUISTE n. est attesté bien avant le nom correspondant linguistique (ci-dessous) : c'est un dérivé savant (v. 1668, ou 1632 selon Bloch et Wartburg) du latin lingua (→ langue) avec suffixe -iste (l'anglais possède le mot linguist dès 1591 au sens de « celui qui étudie plusieurs langues », depuis 1641 au sens de « celui qui étudie la langue »).
❏
Linguiste a d'abord désigné celui qui étudie une langue ancienne ; rarissime au XVIIe et absent des dictionnaires des XVIIe-XVIIIe, il a véritablement été repris au début du XIXe s. en relation avec linguistique pour désigner le spécialiste de l'étude scientifique des langues, d'une ou plusieurs langues particulières.
◆
Dans l'usage courant, il est encore employé pour qualifier une personne remarquable par sa connaissance des langues étrangères.
❏
LINGUISTIQUE n. f., dérivé savant du latin
lingua ou de
linguiste d'après l'allemand
Linguistik (
XVIIIe s.), est attesté en 1826 dans
L'Introduction à l'atlas ethnographique du Globe par Adrien Balbi qui en impute la création à l'allemand. Il se trouve comme adjectif en 1832 dans le dictionnaire de Raymond et en 1833 dans
L'Introduction aux notions élémentaires de linguistique de Charles Nodier, mais on peut penser qu'il est antérieur. Tout au long du
XIXe s.,
linguistique est concurrencé par
philologie et d'autres termes. C'est seulement à la fin du
XIXe s. qu'apparaît le concept moderne, issu des travaux de l'Américain Whitney, des néo-grammairiens et surtout de Ferdinand de Saussure. Le mot, chez les linguistes français (Hovelacque, Bréal), prend alors un sens différent, précisé par Saussure. Dès 1839, un autre Suisse, Töpffer, employait l'adjectif dans un sens quasi moderne.
■
Son dérivé LINGUISTIQUEMENT adv. est attesté depuis 1877.
◈
Le latin
lingua se retrouve dans quelques termes didactiques :
LINGUAL, ALE, AUX adj. (1735 ; 1694 en phonétique) a été formé savamment sur
lingua ou emprunté au bas latin
lingualis, après l'anglais
lingual (v. 1400) « en forme de langue », spécialisé en anatomie (1650) et en phonétique (1668).
■
BILINGUE adj. a été emprunté (XIIIe s.) au latin bilinguis « en deux langues » et « fourbe, à la langue fourchue » (Plaute), de bi- « deux fois » (→ bi-) et lingua. Le sens latin, attesté deux fois au XIIIe s., semble encore réalisé en 1618 lorsque le mot est glosé (au pluriel) « ceux qui parlent autrement en particulier qu'en public ».
◆
Le sens actuel apparaît en 1826 (ouvrage bilingue), donnant le dérivé BILINGUISME n. m. (1918). Ce dernier est employé par A. Meillet au sens de « fait de pratiquer deux langues ».
◆
BILINGUISER v. tr. (1974) est employé au Canada pour « rendre bilingue », ce pays pratiquant sauf au Québec le bilinguisme officiel anglais-français.
■
TRILINGUE adj. a été introduit par Marot en parlant d'un collège où l'on parle trois langues, emploi calqué du latin médiéval collegium trilingue. Il s'est répandu au XIXe s., qualifiant un locuteur, un ouvrage (1842), un lieu (1907).
■
UNILINGUE adj. (1872), quelquefois concurrencé par le composé hybride MONOLINGUE, est une formation savante qui s'oppose à PLURILINGUE adj. (XXe s.) ; chacun de ces mots a produit au XXe s. un substantif en -isme d'usage didactique.
LINIMENT n. m. est un emprunt (XVe s.) au latin linimentum « enduit », dérivé de linire « enduire, oindre ». Ce verbe est issu d'une racine indoeuropéenne signifiant « verser un corps gras » et « rester fixé », d'où « se reposer », reconstituée par les langues celtiques, germaniques, le grec, le sanskrit.
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Le mot désigne en pharmacie et médecine un médicament externe, gras, pour enduire et frictionner la peau.
LINKS n. m. pl. est un emprunt (1890, après un emploi comme mot anglais, 1836) à l'anglais, pour désigner le parcours d'un terrain de golf en bord de mer, comportant des dunes. Le mot est un régionalisme écossais, correspondant à l'anglais linch « bord ».
LINOLEUM ou LINOLÉUM n. m. est emprunté à l'anglais linoleum (1864), mot forgé avec le latin linum (→ lin) et oleum (→ huile), ce tissu, inventé par l'Anglais F. Walton — qui en déposa le brevet le 25 avril 1863 —, étant enduit d'huile de lin.
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Le mot est employé couramment en ameublement, surtout sous la forme abrégée
LINO (1936, d'après l'anglais
lino, 1907) et, techniquement, en arts graphiques pour une gravure sur linoléum.
La forme abrégée lino- est entrée dans deux termes d'arts graphiques : LINOGRAPHIE n. f. (1884) et LINOGRAVURE n. f. (1948).
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LINOLÉIQUE adj. est emprunté (1873) à l'anglais
linoleic (acid), nom donné par Sacc vers 1857
(Oxford dictionary) à un acide oléique obtenu par saponification de l'huile de lin, et formé des éléments
lin- (de
linum),
ole- (de
oleum) et du suffixe
-ic correspondant au français
-ique.
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Le mot qualifie un acide constituant de la vitamine F existant dans les huiles siccatives.
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La terminologie scientifique a emprunté à sa suite LINOLÉINE n. f. (1873) à l'anglais linolein (1857) et LINOLÉATE n. f. (1873) à l'anglais linoleate (1865).