LIVING-ROOM n. m. est un emprunt (1920 en français d'Europe, déjà au XIXe s. [1896] au Canada) à l'anglais living room littéralement « pièce à vivre » (1825). Room, « espace » (XIVe s.), « pièce dans un bâtiment » (XVe s.), comme le néerlandais ruim, l'allemand Raum, l'islandais rum-, vient d'un substantif tiré de l'adjectif germanique °rumaz « spacieux », dont la racine est identifiée à celle du latin rus, ruris « pays » (→ rural). Living est dérivé de to live « vivre », mot apparenté à plusieurs termes des langues germaniques anciennes (saxon, norrois) et à l'allemand leben, permettant de dégager une racine germanique °lib̸- « vivre, demeurer » ; celle-ci se rattache à un thème indoeuropéen signifiant « coller, adhérer ».
❏  Le mot est passé en français avec certains éléments du mode de vie britannique ; il a été abrégé en LIVING n. m. (1954), aujourd'hui plus courant. Son emploi correspond à la disparition dans les appartements bourgeois modernes des deux pièces traditionnelles à fonctions distinctes, le salon et la salle à manger. De tous les équivalents proposés, salle à vivre, pièce de séjour, salle commune, c'est salle de séjour qui s'est imposé en France, en concurrence avec living. ◆  Le Canada a connu le calque sémantique vivoir, mot créé pour remplacer l'anglicisme et à peu près inusité.
L 1 LIVRE n. f., d'abord livra (v. 980), est issu du latin °libra « objet qui sert à peser », probablement d'un °liþra d'origine inconnue appartenant à des civilisations antérieures à l'arrivée des populations de langue indoeuropéenne. On a aussi expliqué libra par °loudhra, adjectif féminin dérivé du nom du plomb en celtique °loudya, et en germanique °laueta (anglais lead). Le mot, attesté en latin depuis la Loi des douze tables, s'est spécialisé dans deux acceptions : il signifie d'une part « poids de douze onces (environ 333 grammes) », et de là désigne une unité de monnaie romaine et une unité de mesure pour les liquides (notamment l'huile) divisée en douze parties égales. D'autre part, il signifie « balance à deux plateaux ou à contrepoids, niveau » (→ niveau, libellule).
❏  Livre désigne une unité de poids qui varie selon les provinces de 380 à 552 grammes (489 à Paris) : elle s'est fixée à son poids actuel de 500 grammes en 1804. Par ailleurs, le mot sert à traduire l'anglais pound, pour l'unité de masse en usage dans les pays anglo-saxons (453,59 g), c'est dans ce sens que le mot est employé en français d'Amérique du Nord, notamment au Québec.
■  Par métonymie, le mot s'applique (1080) à une monnaie de compte représentant un poids d'une livre d'argent ; ce sens a vieilli, même si le mot s'est employé pour « franc » au XIXe et au début du XXe s. en parlant d'une rente. ◆  En revanche, il est bien vivant pour désigner une unité monétaire anglaise (1653), par traduction de l'anglais pound of sterling (1297) où pound représente une forme germanique issue du latin pondo « en poids » (→ pondérer). Le syntagme livre sterling est calqué de l'anglais.
LIRE n. f., « unité monétaire italienne » (1592), est un emprunt à l'italien lira, représentant lui aussi du latin libra.
❏ voir ÉQUILIBRE, LIBELLULE, NIVEAU.
2 LIVRE n. m. est emprunté (1080) au latin liber, mot qui désigne originellement la pellicule située entre le bois et l'écorce extérieure (dite cortex → écorce), sur laquelle on écrivait avant la découverte du papyrus. Par métonymie, il a désigné le livre, sens qui s'est conservé après l'abandon du liber au profit du papier fait avec des bandes découpées dans la tige du papyrus. C'est à ce sens que se rapportent la plupart des dérivés (→ libelle, libretto, libraire), le sens premier se retrouvant dans l'emprunt savant LIBER n. m. (1755), réfection de livre (1733) « tissu conducteur de la sève ». L'origine du mot est inconnue : le lituanien lupù « j'écorce » et le vieux slave lubŭ « écorce » sont trop isolés pour fournir des correspondants fiables.
❏  Le mot, repris au sens large d'« assemblage de feuillets portant des signes (manuscrits ou reproduits) destinés à être lus », s'est trouvé naturellement désigner une subdivision d'un ouvrage (XIIIe s.) et, d'autre part, une unité, envisagée à la fois dans sa matérialité de volume et sa signification, d'où l'emploi absolu du mot, du XIIIe au XVe s., à propos de l'Évangile, continué par la valeur de « texte révélé, fondateur d'une croyance » (les religions du Livre).
■  Le concept moderne de livre est postérieur à l'invention de l'imprimerie. Il semble que sa désignation se soit dégagée d'anciennes désignations, livre d'impressure (1418), livre d'impression (1488). Cette évolution vers le sens d'« écrit imprimé relativement important » a orienté toute l'histoire du mot, s'imposant dans des locutions figurées parler comme un livre (1665 ; 1606 sous une variante), souvent employé par ironie, à livre ouvert (1636), ou les expressions sorties d'usage livre du monde (1637), archaïque on ferait un livre de (1677) « c'est une histoire étonnante ». ◆  Elle a déterminé l'emploi métonymique du mot au singulier pour désigner l'imprimerie et ses produits (1821) puis l'activité économique de production, distribution, édition des livres (XXe s., par exemple dans industrie du livre, syndicat du livre, Salon du livre). ◆  En marge de cette évolution, le mot s'est chargé de bonne heure d'une portée symbolique, d'abord dans des expressions religieuses comme livre des vivants « décret de Dieu touchant les élus » (v. 1120).
■  D'autres valeurs concrètes dépendent de l'aspect matériel du livre, notamment depuis l'imprimerie ; le mot désigne un cahier, un registre (1598) dans bon nombre de syntagmes de livre de compte (1598) à livre extrait (1675) en droit, et à livre de bord (1687) en marine. L'un d'eux, livre d'or, a évolué de « registre portant les noms des nobles vénitiens » (1740) à « répertoire des pairs de France sous la Restauration » (1842) puis à « registre destiné à recueillir les signatures et commentaires des visiteurs » (1928). D'autres expressions, livre de musique (1680) et livre d'opéra (1670), ont été abandonnées pour partition, livret ou l'italianisme libretto*.
■  Le pluriel les livres assume quelquefois, depuis Montaigne (v. 1580), la valeur abstraite humaniste de « culture, érudition », plus tard reprise par littérature*. ◆  D'autre part, le mot, hors de ses valeurs concrètes, désigne un texte normalement présenté sous la forme matérielle d'un livre, avec une valeur intellectuelle et surtout esthétique ; un beau livre est ambigu, entre « beau texte » et « livre ayant des qualités esthétiques, des illustrations, etc. ». ◆  L'évolution technique a produit des expressions comme livre électronique « appareil capable de stocker des textes sur un disque optique, avec affichage sur un écran intégré », auquel l'américanomanie fait parfois préférer e-book, i-pad, ou encore le composé AUDIOLIVRE n. m.
❏  LIVRET n. m. (v. 1200), « petit livre, carnet », s'emploie essentiellement avec la valeur de « registre » (1690) dans un certain nombre de syntagmes, tels livret militaire (1845), livret de caisse d'épargne (1845, d'abord livret absolument), livret de famille (1884), livret scolaire (1907). ◆  En français de Belgique, on parle de livret (ou carnet) de mariage, et non ...de famille. En Suisse, le mot, dans livret suivi d'un nombre de 1 à 9, s'emploie pour « table de multiplication ».
■  Il s'emploie spécialement en musique (1822, Stendhal) comme traduction de l'italianisme libretto*. Son sens de « catalogue d'exposition » (1872) a disparu sous la concurrence de catalogue.
LIVRESQUE adj., introduit par Montaigne (v. 1580) avec sa valeur péjorative, a été formé avec le suffixe -esque calqué sur l'italien -esco en vogue au XVIe s. (pédantesque, farcesque, poltronesque). Il est tombé dans l'oubli, puis a été repris au XIXe s., par exemple dans une culture livresque.
Au XXe s., livre a fourni le premier élément de substantifs composés comme LIVRE-HORAIRE n. m. « cahier de la scripte », au cinéma (1947), SERRE-LIVRES n. m. (1936) et APPUI-LIVRES n. m. (1970) et le terme d'esthétique LIVRE-OBJET n. m. (1970).
EX-LIBRIS n. m. a été formé (1840) avec les mots latins ex, préposition marquant la provenance (→ é-) et libris, ablatif pluriel de liber, signifiant proprement « (qui fait partie) des livres de (qqn) ». Le mot désigne la formule qui, apposée sur un livre par son propriétaire, indique que le volume lui appartient (l'usage de cette formule, ex libris X, étant antérieur), puis la gravure portant le nom ou une image et que le propriétaire appose sur la page de garde.
L LIVRER v. tr. est issu (v. 980) du latin liberare « rendre libre, affranchir » et, en langue populaire, « remettre à, fournir » qui, par voie d'emprunt, a donné libérer* ; liberare est dérivé de liber (→ libre).
❏  Livrer est attesté dans les premiers textes au sens de « rendre libre », réservé depuis à délivrer*, et celui de « mettre (qqn) à la disposition de qqn ». ◆  Dès 1080, il diversifie ses emplois, se dit d'une chose que l'on met à la disposition de qqn, sens conservé par le langage juridique, signifie aussi « confier (une partie de soi) à qqn », et entre dans la locution livrer bataille avec l'idée d'« engager ». ◆  Au XIIIe s., apparaissent d'autres acceptions, « donner en proie à » et, plus couramment, « remettre à un acheteur (ce qui a été commandé et payé) » (1281). ◆  Par la suite, livrer a développé le sens de « remettre par trahison » (av. 1500), « confier un secret » (1669). ◆  La locution livrer passage,livrer est très voisin de laisser, semble tardive (1882). ◆  Le pronominal se livrer (à) est attesté depuis le XIIIe s. au sens de « se mettre au pouvoir de ».
■  Les autres valeurs du verbe se sont développées entre la fin du XVIe et la fin du XVIIe s. : « effectuer (une tâche), s'adonner à », « faire don de soi » (vieilli sauf dans un sens galant, d'ailleurs apparu dès le XIIIe s.), puis, en langue classique : « se confier à » (1672), en particulier en emploi absolu, « dire ce à quoi on pense, ouvrir son cœur » (1669) et aussi « s'abandonner à un sentiment, à une idée, à une activité » (1680).
❏  La majorité des dérivés du verbe a trait au domaine du commerce.
■  C'est le cas de LIVRAISON n. f. (v. 1140, livreisun), d'abord employé au sens de « salaire, rétribution » et, comme substantif, avec une valeur générale, pour « action de remettre qqch. à qqn » (1165-1170), spécialement dans faire livraison de son corps, qui correspond en ancien français (1176-1181) à se livrer.
■  La spécialisation moderne dans un contexte commercial (1535) a décidé d'un emploi métonymique pour la marchandise livrée (1800). ◆  Une autre spécialisation, dans l'édition (1752), a trait à chaque partie d'un ouvrage livrable périodiquement. ◆  Récemment, la politique internationale a remis en vigueur l'emploi pour « action de remettre qqch. ou qqn entre les mains de qqn ».
LIVRÉE n. f. (1290), participe passé féminin substantivé de livrer, désigne à l'origine les vêtements « livrés », « remis » par un seigneur aux personnes attachées à son service et, par extension (fin XIVe s.), les habits dont les galons, les boutons, l'étoffe rappelaient les armoiries du maître.
■  Dès lors séparé de son origine, le mot a pris son sens actuel : « habit d'une couleur convenue (souvent galonné) porté par les domestiques d'une même maison » (1606). Par métonymie, la livrée désigne collectivement l'ensemble des domestiques (1669) et, dans un style littéraire, les signes caractéristiques d'une condition, les marques distinctives d'une chose.
■  L'autre acception, « rubans distribués par la mariée lors de la noce » (1546), d'où livrée d'une dame « rubans, pièces d'étoffe à ses couleurs » (XVIIe s.), est aujourd'hui archaïque.
■  Par analogie, le mot est employé en zoologie (1765) à propos du pelage, du plumage caractéristique d'un animal, notamment en vénerie, puis aussi (1950) de l'aspect extérieur d'un insecte.
LIVREUR, EUSE n., repéré au XIVe s. après une attestation isolée de livere (v. 1150) au sens religieux de « délivreur », désigne celui qui livre une marchandise.
■  LIVRABLE adj., attesté une fois au XIVe s., est repris et répandu à partir de 1792 dans sa double acception, en commerce et dans l'édition.
❏ voir DÉLIBÉRER, DÉLIVRER.
LOA n. m. est un emprunt au créole d'Haïti (attesté en 1936 : les loas), noté loa ou lao (peut-être d'origine africaine), présent dans le français d'Haïti (par exemple dans les œuvres de René Depestre) et désignant une divinité du culte vaudou, et la représentation matérielle de la divinité.
LOADER n. m. est un anglicisme par emprunt graphique à l'anglais, nom dérivé de to load « charger ». Le mot désigne (années 1990) un gros engin de travaux publics pour le chargement des déblais sur des camions.
LOB n. m. est emprunté (1893) à l'anglais lob (1851), terme de cricket désignant une balle lente frappée en dessous, puis de tennis : « envoi de la balle au-dessus et hors de portée de l'adversaire » (1890). Ce mot est dérivé de to lob « tomber » (XVIe s.), « se mouvoir ou lancer lourdement » (1819), lui-même dérivé de lob, ancienne dénomination d'un poisson, le lieu jaune (1357), puis « rustre, péquenaud, paysan » (1533), « chose qui pend » (1688), « gros morceau, tas, lingot » (1825) et « mélange grossier » (1839). Ce mot, dont les sens ont en commun l'idée d'une chose lourde, grossière ou lâche, recouvre divers emprunts à un mot bas néerlandais (moyen bas allemand, frison de l'Est) de structure onomatopéique.
❏  Le mot, d'abord attesté entre guillemets puis acclimaté (1895), est employé au tennis, puis, par analogie, pour une trajectoire haute dans d'autres sports de balle et de ballon.
❏  LOBER v. « faire un lob » (1896, lobber) est une création française ; le verbe anglais correspondant, to lob, n'est attesté qu'en 1921.
LOBBY n. m. est emprunté (1843) à l'anglo-américain lobby « personnes qui fréquentent les couloirs d'une assemblée législative pour influencer ses membres dans leurs fonctions officielles » (1808) et, par extension, « groupe de personnes représentant des intérêts particuliers » (1952). Ces sens sont des spécialisations issues d'emplois métonymiques de l'anglais lobby, d'abord « allée couverte dans un monastère », puis « couloir » (1593) et spécialement « hall ouvert au public dans un corps législatif » (1640). Le mot anglais est issu, peut-être par l'intermédiaire de formes de latin médiéval (lobium ou lobia), du même étymon francique que le français loge* (lui-même passé dans l'anglais lodge).
❏  Les attestations du mot au XIXe s., dans la Revue des Deux Mondes, puis en 1857 dans la Revue britannique, concernent et décrivent une réalité américaine : des courtiers parlementaires « se tiennent sur l'escalier de marbre de l'édifice ou dans le vestibule, the lobby ; aussi appelle-t-on communément cette compagnie interlope le Lobby, terme dont l'équivalent serait peut-être la coulisse. Le Lobby américain spécule sur tous les bills d'intérêt public et d'intérêt privé... Les députés eux-mêmes subissent l'influence du Lobby (...) ». ◆  Le mot refait son apparition dans un contexte américain en (1940) (le « Lobby ») avant d'être acclimaté (1952) à propos d'une réalité française comparable, d'abord en milieu parlementaire, puis dans d'autres milieux influents, notamment les organes de presse.
LOBE n. m. est emprunté (v. 1370) au grec lobos « lobe du foie, de l'oreille, etc. » et « capsule des légumineuses », conservé en grec moderne dans les deux sens. Le mot a été rapproché de l'allemand Lappen « lambeau », de l'anglo-saxon loeppa « bout, lambeau » et du nordique occidental lapa « pendre » (→ lambeau), mais si l'on pense que le sens originel est celui de « cosse, gousse », on situe lobos à côté du latin legumen (→ légume), qu'il s'agisse d'emprunts parallèles à une même langue ou de mots issus d'une racine indoeuropéenne °legw-. Il n'est pas non plus exclu que les deux sens viennent de deux mots d'origine différente confondus par la suite.
❏  Introduit en médecine pour désigner la partie arrondie de certains organes, lobe est entré dans l'usage courant (1611) dans lobe de l'oreille. Par analogie, il a pris des sens spécialisés en botanique (1675), et en zoologie. En architecture, on parle (1851) des lobes d'un arc (→ polylobe, ci-dessous).
❏  Plusieurs termes d'usage didactique en médecine et chirurgie sont dérivés de lobe.
■  LOBULE n. m. (1690) « petit lobe » a produit ses propres dérivés au XIXe siècle.
■  LOBÉ, ÉE adj. (1778), LOBAIRE adj. (1814, 1803 au pluriel « famille d'algues ») sont employés en anatomie.
Le sens spécial de lobe du cerveau a suscité en chirurgie deux composés devenus relativement courants, LOBECTOMIE n. f. (attesté 1941) et LOBOTOMIE n. f. (attesté 1950), d'où LOBOTOMISER v. tr. « enlever un lobe du cerveau à », ces deux derniers avec des valeurs figurées « rendre stupide, abrutir complètement ».
■  L'adjectif lobé entre comme second élément dans la série BILOBÉ, ÉE adj. (fin XVIIIe s.), MULTILOBÉ, ÉE adj. (1808), UNILOBÉ, ÉE adj. (1839), TRILOBÉ, ÉE adj. (1787) respectivement « qui présente deux, plusieurs, un seul, trois lobe(s) ». POLYLOBE n. m. et adj. (1875) et POLYLOBÉ, ÉE adj. sont réservés à l'architecture pour qualifier et désigner des arcs à plusieurs lobes. Le mot tend à remplacer multilobé. QUADRILOBÉ, ÉE adj. (1842) et QUADRILOBE n. m. (1890) qualifient et désignent plus spécifiquement l'ornement gothique à quatre lobes en arc brisé, autrement appelé quatre-feuilles ; de même, trilobé s'applique aux ornements architecturaux en forme de feuille de trèfle (1830), comme synonyme de tréflé.
LOCAL, ALE, AUX adj. a été emprunté (v. 1200) au bas latin localis « qui a rapport à un lieu », dérivé de locus (→ 1 lieu).
❏  Apparu dans un sens aujourd'hui archaïque, « qui occupe une portion de l'espace », l'adjectif a pris (1314) le sens particulier de « qui n'affecte qu'une partie du corps » (en médecine), à propos d'une affection ou d'un traitement (anesthésie locale), et alors opposé à général. ◆  Il y ajoute le sens didactique (1492) de « qui concerne la localisation, l'attribution d'une position », réalisé dans mémoire locale et dans la locution couleur locale (Cf. couleur). ◆  En administration, il a pris une valeur spéciale, notamment dans le contexte des affaires coloniales (opposé à central, à métropolitain). ◆  En français d'Afrique, l'adjectif qualifie ce qui ne vient pas de l'étranger (viande locale) et s'emploie aussi comme adverbe (consommer local).
LOCAL n. m. en est la substantivation (1731) au sens aujourd'hui hors d'usage de « lieu considéré dans ses caractéristiques ». Le sens moderne de « bâtiment, lieu servant à un usage déterminé » est attesté depuis 1789, au singulier comme au pluriel, où il entre dans plusieurs syntagmes, tels locaux disciplinaires (1902), locaux commerciaux (v. 1950).
❏  Les dérivés procèdent de l'adjectif.
■  LOCALEMENT adv., d'abord locaument (v. 1330), a signifié « spatialement » et « par le corps, non par l'esprit » (1495). Il se dit aujourd'hui pour « dans le cadre d'un seul lien » (1611).
■  LOCALISER v. tr. a été créé sous la Révolution aux sens de « mettre en ordre, ranger » (1796) et « adapter, rendre local » (1798). Il a changé d'emploi quelques années plus tard, avec l'acception de « situer, repérer dans l'espace » (1801), puis « situer dans le temps » (1818), et a développé un emploi médical (1826). ◆  Son participe passé LOCALISÉ, ÉE est employé comme adjectif (1827 ; par exemple émeute localisée, 1862).
■  Du verbe ont été dérivés LOCALISATION n. f. (1803 « action d'adapter à un lieu ») qui a pris son sens moderne d'après le verbe vers 1845 et est spécialement pris (1936) au sens d'« action de limiter un phénomène dans l'espace », et de « situer exactement », les techniques de localisation des objets terrestres par satellites aboutissant au GPS*. ◆  Le composé préfixé RADIOLOCALISATION n. f. (attesté 1963) désigne l'application du radar* à la localisation d'objets mobiles. ◆  GÉOLOCALISATION n. f. (1989) désigne la localisation, à partir de satellites, d'objets situés sur la surface terrestre (le G. P. S. est un système de géolocalisation). LOCALISATEUR, TRICE n. et adj. (1865), terme de médecine étendu à d'autres types d'emplois (1878), et LOCALISABLE adj. (1873).
■  Les préfixés DÉLOCALISER v. tr. et DÉLOCALISATION n. f., tous deux attestés au XIXe s. (1863) ont été repris dans les années 1970, puis en 1991 (époque de la diffusion du mot) par Mme Édith Cresson, à propos des déplacements d'entreprises ou de sièges sociaux pour des raisons économiques, financières ou fiscales, entraînant des réductions de personnels, des fermetures d'usines dans les sites traditionnels. ◆  RELOCALISER v. tr et RELOCALISATION n. f. « localiser dans son premier site ce qui avait été délocalisé ».
LOCALISME n. m. a été créé pendant la période révolutionnaire (1798) pour désigner l'amour exagéré du lieu où l'on vit ; il a eu aussi le sens de « état de ce qui est local » (1873), aujourd'hui disparu.
■  LOCALIER n. m. est une création récente de l'argot des journalistes pour désigner le correspondant local d'un journal, en relation avec LOCALE n. f. elliptique pour agence locale.
LOCALITÉ n. f. est emprunté (v. 1590) au dérivé bas latin localitas. Il désigne d'abord en général un lieu, un endroit, jusqu'au XVIIe siècle. C'est pendant la Révolution, époque où apparaît le sens moderne de local n. m., et localiser, que localité commence à désigner, surtout au pluriel, les circonstances locales, les spécificités d'un lieu (1790). ◆  De nos jours, à côté d'un emploi technique en peinture (1803) correspondant à ton local, couleur locale, mais non maintenu, et en philosophie (1802), le mot désigne couramment une petite ville (1816) et, en botanique et zoologie, une région où se trouve une espèce (1816), sens qui a reculé devant localisation.
2 LOCATIF, IVE adj. dérivé des formes en locat- du verbe latin locare, de locus, qualifie ce qui exprime le lieu, la position, la situation (proposition locative), le nom (1873) s'appliquant à la morphologie du complément dit « de lieu », dans les langues à cas (latin, russe...).
LOCATION n. f. est emprunté (XIIIe s.) au latin locatio « louage », dérivé du supin de locare (→ 2 louer), pour fournir un nom correspondant à 2 louer.
❏  Location signifie « action de prendre ou de donner à louer » et, plus couramment, « action de louer un logement, un local », d'où en location, (1885). ◆  Par métonymie, il est appliqué à la chose louée ou à louer, ainsi qu'au prix de la location. Depuis 1835 (dès 1830 dans bureau de location), il désigne particulièrement l'action de retenir des places dans un théâtre. ◆  Récemment, le langage journalistique a osé l'expression location d'utérus en parlant des mères porteuses.
❏  Le mot, demeuré dans la dépendance de louer, n'a d'autres composés que sous-location, formé d'après sous-locataire (ci-dessous), et LOCATION-VENTE n. f. (1910).
■  LOCATAIRE n., attesté depuis 1510 (peut-être 1435), est le dérivé savant du latin locatum, supin de locare (→ 2 louer). ◆  D'abord employé dans un contexte juridique, locataire est entré dans l'usage courant depuis le milieu du XVIe s. (1566). Par extension, il est employé pour un occupant qui n'a pas le statut de locataire et, par plaisanterie, désigne les parasites, d'après les valeurs figurées du verbe loger.
■  Il a servi à former le composé SOUS-LOCATAIRE n. (XVIe s.), mot à partir duquel on a fait SOUS-LOCATION n. f. (1804), et COLOCATAIRE n. (1875).
■  1 LOCATIF, IVE adj., dérivé des formes en locat- du verbe latin locare (→ louer) signifie au milieu du XVe s. « qui loue ses services », a pris son sens actuel au XVIIe s. (1636). Il qualifie ce qui est relatif à la location ou aux locataires, valeur locative (1806) désignant la valeur estimée d'un bien immobilier cédé à loyer. Un sens spécial est « de la responsabilité du locataire » (réparations locatives, risques locatifs). LOCATIF n. m. se dit en français de Suisse d'un immeuble, d'un appartement destiné à être loué.
1 LOCH n. m. est attesté en français chez les géographes depuis 1893, mais il est bien antérieur dans les récits de voyage qui parlent de l'Écosse. On le relève en 1708 comme nom propre, puis sous la forme logh dans L'Encyclopédie (1765) où il est traité comme un mot étranger. Il est emprunté à l'écossais loch, locht, louch (1375), lui-même emprunté au gaélique, désignant un lac de vallée ou un bras de mer très allongé en Écosse. Le gaélique lough, du moyen anglais lowe, loze, lough, correspond à l'ancien anglais luh et remonte à la même racine que le latin lacus (→ lac).
❏  Le mot se réfère à une réalité géographique écossaise, lac de montagne ou bras de mer resserré ou enclavé dans les terres. Il est rare, sauf dans des noms géographiques.
2 LOCH n. m. est emprunté (1683, lok) au néerlandais log « bûche, poutre ». Ce mot, de même que l'allemand Log, le danois log et le suédois logg, est emprunté dans sa spécialisation nautique à l'anglais log de même sens (XIVe s.). L'origine du terme est obscure, certains le faisant remonter à l'arabe lauḥ « tablette » pour le sens nautique.
❏  Le mot a été repris dans sa spécialisation technique désignant un appareil servant à mesurer la vitesse d'un navire en fonction du temps que met à se dévider une ligne comportant un certain nombre de nœuds espacés d'un cent-vingtième de mille. Il entre dans une phraséologie : bateau de loch (1867) désigne la pièce de bois triangulaire lestée qui fait dérouler ce qu'on appelle la ligne de loch (1867), soit la cordelette qui file quand on jette le loch ; loch à hélice ou loch enregistreur (1963) se rapporte à un loch muni d'une hélice qui, en tournant sous l'effet de la vitesse, fait enregistrer le nombre de tours sur un cadran gradué.
? 1 LOCHE n. f. mot ancien (v. 1190) vient peut-être du radical gaulois °lauka « blancheur », ou plutôt, selon P. Guiraud, d'un dérivé du latin lutum « boue » (comme limace* de limus « bave »).
❏  Ce mot désigne un petit poisson d'eau douce à chair comestible, dont une variété, la loche franche est appelée localement barbote. ◆  Le sens apparu plus tard (1488) de « limace grise » a donné lieu à une comparaison : être mou, gras... comme une loche (1893). L'emploi du mot pour limace est régional en France (Ouest, de la Bretagne à l'Aquitaine).
? 2 LOCHE n. m., mot populaire pour « chauffeur de taxi » a été attribué au nom propre d'un secrétaire syndical de ces chauffeurs (selon Esnault). Mais le largonji de cocher, tronqué, fournirait une origine moins anecdotique.
LOCK-OUT n. m. inv. est emprunté (1865, écrit lock out) à l'anglais lock-out (1854) « fermeture d'une entreprise ou d'un atelier par la direction, pour faire pression sur le personnel en grève ». Lui-même est dérivé de to lock out « condamner sa porte à quelqu'un » (XVIe s.), composé de to lock « fermer (une porte) » à côté du substantif lock qui a donné loquet*, et de out « hors de ».
❏  Le terme a d'abord été employé à propos de l'Angleterre et de ses usines métallurgiques (un lock out général, c'est-à-dire le chômage absolu) avant d'être acclimaté.
❏  Au début du siècle, il a produit LOCK-OUTÉ, ÉE adj. (1902) et LOCK-OUTER v. tr. (1908), l'anglais ayant locked out pour « frappé de lock-out » (1854).
LOCOMOTIF, IVE adj. est issu (1583) du latin des humanistes locomotivum « faculté de changer de place, de se déplacer », composé de loco, ablatif de locus (→ lieu) et de motivum, neutre substantivé de motivus, « relatif au mouvement, mobile » (→ motif), lui-même issu de motum, supin de movere (→ mouvoir).
❏  Le mot a été introduit au XVIe s. en physiologie dans l'expression faculté locomotive. L'adjectif est devenu archaïque dès lors que cette expression a été remplacée par locomotion (ci-dessous) et que locomoteur s'est dégagé comme l'adjectif usuel. Locomotif s'est maintenu en se spécialisant dans le domaine des transports, notamment dans la dénomination machine locomotive (1825).
❏  Le substantif LOCOMOTIVE n. f., formé (1834) par ellipse de machine locomotive, évoque surtout une machine de traction à vapeur, l'usage technique recommandant motrice quand il y a traction électrique (mais on dit couramment locomotive électrique). Il est passé rapidement dans l'usage courant avec le développement des chemins de fer, comme en témoignent un emploi métaphorique à propos d'un élément moteur qui entraîne (1845), et un sens figuré à propos d'une personne ayant un rôle moteur par son dynamisme et son prestige (1846). ◆  Le XXe s. a apporté deux emplois figurés spécialisés en sport (1913), et en économie (v. 1950), en parlant d'un élément moteur dans un ensemble de produits de consommation. ◆  L'expression bruit de locomotive, cette fois par allusion directe au bruit de l'engin, s'emploie en médecine (1931) à propos d'un bruit de frottement péricardique.
■  L'abréviation familière LOCO n. f. « locomotive à vapeur, puis électrique » a vieilli.
Locomotive, réduit à l'élément LOCO-, s'est combiné à tracteur* dans la dénomination technique LOCOTRACTEUR n. m. (1921).
LOCOMOTEUR, TRICE adj. a été formé (1690) de loco- et de moteur* sur le modèle de locomotif, qu'il a immédiatement concurrencé en physiologie (1690, faculté locomotrice). ◆  Puis il s'est employé en anatomie (1800) et en pathologie (1859, ataxie locomotrice). ◆  Son histoire est parallèle de celle de locomotif, et a été spécialisé en chemins de fer, par exemple dans voiture à vapeur locomotrice (1825).
La substantivation en LOCOMOTEUR n. m. (1825) a été éliminée après 1840 par locomotive.
■  LOCOMOTRICE n. f. (1949) désigne une locomotive diesel ou électrique de moyenne puissance, dans un usage technique.
LOCOMOTION n. f. a été formé savamment (1771) par combinaison de loco- et de motion* « action de se mouvoir, mouvement », sur le modèle des adjectifs locomotif et locomoteur.
■  Dès ses premiers emplois, le mot recouvre à la fois la notion de physiologie appelée également fonction locomotrice et l'idée d'un déplacement d'un lieu à un autre, d'un transport ; il n'a cependant pas suivi la spécialisation de locomotif et de locomoteur en chemins de fer.
LOCOMOBILE adj. et n. f., terme technique ancien formé de loco- et mobile, s'est d'abord employé pour qualifier un appareil qui peut se mouvoir (1805) et, comme nom féminin (1840) une machine industrielle ou agricole montée sur roues et capable de se déplacer (notamment, une batteuse, une moissonneuse). ◆  LOCOTRACTEUR n. m. est un mot-valise (1921) formé sur locomotive.
LOCUSTE → LANGOUSTE
LOCUS n. m., au pluriel LOCUS ou LOCI, est un emprunt (1865) au latin locus « lieu », en biologie pour désigner une localisation précise sur un chromosome, correspondant à un gène.