LORD n. m., attesté en français depuis 1547 (1528, dans lord-chambellan), est emprunté à l'anglais lord, proprement « maître, souverain, seigneur » (IXe s.), du vieil anglais hláford, hláfweard, littéralement « celui qui garde (weard) le pain (hláf) », pour traduire le latin dominus, en particulier dans son sens religieux. Devenu l'équivalent de nobleman « gentilhomme », il a pour corrélatif le féminin lady*. Comme titre, il est attaché au rang nobiliaire, à la dignité épiscopale, à certaines fonctions officielles, et se donne aussi par politesse. The lords se dit de l'ensemble des pairs, temporels et spirituels, siégeant à la chambre des Lords, dont le rôle législatif d'abord essentiel est aujourd'hui très restreint.
❏  Le mot se réfère à une réalité anglaise, titre de certains fonctionnaires ou ministres dans l'exercice de leurs fonctions et titre de noblesse (1558). Il s'emploie en apposition au prénom (lord Winston ou lord Winston Churchill). Il entre dans de nombreux emprunts dont la forme est souvent mal fixée : lord-chambellan (1528) pour Lord Chamberlain, lord chef de justice (1680) pour Lord Chief Justice, lord député (1695) pour Lord Deputy, lord du trésor et lord trésorier pour Lord Treasurer. Ces emplois sont archaïques.
La forme MILORD n. m. (XIVe s., millour), emprunt à l'anglais my lord « mon seigneur », a désigné du XVIIe au début du XIXe s. un lord anglais, puis un Anglais riche et parfois tout étranger fortuné (aussi en appellatif, et ceci jusqu'au XXe s., comme l'atteste la célèbre chanson d'Édith Piaf).
■  Au XIXe s., on a appelé milord (1839) ou cabriolet-milord un cabriolet à quatre roues et à siège surélevé pour le conducteur.
LORETTE n. f., mot à la mode au XIXe siècle (depuis 1841) est tiré de Notre-Dame-de-Lorette, église et quartier parisien situés entre Pigalle et le quartier de l'Opéra. Lorette est la francisation de Loreto, en Italie, où se trouve un célèbre sanctuaire dédié à la Vierge, objet d'une légende selon laquelle la maison de la Vierge à Nazareth est transportée par les anges dans cette ville des Marches, près d'Ancône.
❏  Le mot, entre 1840 et 1870, désigne un type social de jeune femme élégante, de mœurs faciles, voisin de la grisette, et qui fait partie du Paris romantique.
G LORGNER v. tr. est dérivé (v. 1400) de l'ancien adjectif lorgne « qui louche » (v. 1175-XIVe s.), remplacé par louche*. Lorgne est en général considéré comme issu d'un germanique °lurni, dérivé du radical °lūr « guetter, espionner ». Celui-ci se dégage du moyen haut allemand lūren (allemand lauern), de l'anglais to lour « avoir l'air en colère, renfrogné », du suédois lura, danois lure « attendre tapi en embuscade ». P. Guiraud évoque plutôt le latin luscinius, de luscus « borgne » (→ louche) qui aurait donné °losgne devenu lorgne par « rhotacisme » (substitution de la consonne r à une autre, spécialement s).
❏  L'usage moderne de la construction transitive date du XVIIe s., époque où lorgner a pris le sens de « regarder, observer d'une façon particulière » (1645), spécialement dans une intention galante (1655). ◆  Dès 1683, il a développé un sens figuré, issu de la valeur « regarder avec jalousie, envie », « avoir des vues sur qqch. ». ◆  Le sens particulier de « regarder au moyen d'une lorgnette » (1752) ne s'est pas maintenu.
❏  Presque tous les dérivés de lorgner sont apparus aux XVIIe et XVIIIe s. : LORGNEUR, EUSE n. (1660 ; 1604, lorneur) est rare ou spécialisé pour « celui qui lorgne les femmes ».
■  LORGNEMENT n. m. (1656), LORGNERIE n. f. (1713, XIIIe s. une fois au sens de « mauvaise vue ») et LORGNADE n. f. « œillade » (1713) sont inusités de nos jours.
LORGNETTE n. f., formé sur le modèle de lunette (1694), désignait à l'origine une petite ouverture pratiquée dans un éventail et permettant aux dames d'observer sans être vues, puis une petite lunette. La lorgnette fut un objet très en vogue tout au long du XVIIIe s. : on en faisait qui, grâce à un agencement spécial, permettaient d'observer tout en ayant l'air de regarder ailleurs (dites lorgnettes de jalousie). À l'origine, son emploi au théâtre était autant, sinon plus, dirigé vers l'observation des spectateurs que de la scène.
■  Vers 1812 est apparu LORGNON n. m. au sens aujourd'hui vieilli de « lentille correctrice » (d'ailleurs souvent portée par souci d'élégance, en face-à-main [av. 1792]), qui désigne de nos jours (1850) deux lentilles correctrices et leur monture sans branches. L'objet et, à sa suite, le nom ont vieilli au profit des lunettes.
LORIOT n. m. est l'altération (fin XIVe s., lorios), par substitution de suffixe, de °loriol, attesté de nos jours dans divers patois. Ce mot est issu, par agglutination de l'article défini, de l'ancien français oriol (1140, orïoel), lui-même issu du latin aureolus « d'or, de couleur d'or » (→ auréole), dérivé d'aurum (→ 2 or), à cause de la couleur jaune d'or du plumage de l'oiseau. Le latin désignait cet oiseau par chlorion, -onis, emprunté au grec khlôrion, de khlôros « jaune-vert » (→ chlore), et le français l'a désigné également par merle d'or.
❏  Le mot désigne un passereau dont le plumage est jaune chez le mâle et vert chez la femelle.
■  Pour le sens d'« orgelet » dans l'usage populaire (1834), Cf. compère-loriot, art. compère.
LORS adv., d'abord lur (1080) et lores (1119), est issu du latin tardif illa hora, proprement « à cette heure », ablatif circonstanciel de temps (→ heure, 1 or), avec constitution d'une diphtongue -ao- aboutissant par -au- à -o-. La disparition du -e final peut s'expliquer par le fait qu'il s'agit d'un mot accessoire ; il a reçu un -s adverbial.
❏  Lors, « à ce moment-là », a quasiment cessé d'être employé de manière autonome au XVIIe s. au profit d'alors*. Depuis, il s'est maintenu dans trois emplois : dans la locution prépositionnelle lors de (1599) à laquelle Vaugelas reprochait son inélégance, dans les locutions adverbiales dès lors (XIIIe s.), pour lors (1472) d'abord employé dans un sens temporel puis (1688) dans un sens logique et depuis lors (1677), enfin dans les locutions conjonctives dès lors que (1080, des l'ure que), lors que (v. 1200).
❏  LORSQUE conj. de temps, résulte (1454) de la soudure de lors que (ci-dessus) et a d'ailleurs longtemps continué de s'écrire en deux mots (encore au XVIIe s.) : de nos jours, c'est encore le cas quand on intercale même : lors même que... (1675), ou donc : lors donc que... La prononciation du -s- est tardive (on relève lorke en 1632) ; la prononciation populaire tend à ajouter un -e- de renforcement et à dire [lorseke] : L. Dumas, en 1733, met cette tendance au compte d'une prononciation parisienne, influencée par parce que (Cf. même phénomène pour puisque, jusque). À la valeur temporelle du mot, la langue classique a ajouté, en style littéraire, une expression d'opposition-simultanéité qui lui donne la fonction de tandis que.
ALORS adv. résulte du renforcement expressif (XIIe s.) de l'adverbe lors au moyen de la préposition à*. Cette hypothèse, soutenue par l'exemple parallèle de adonc (à + donc) et de l'ancien français ilors (avec le i de l'ancien français iluec « là » v. 1119), est préférée à celle d'une dérivation phonétique d'une locution latine °ad illam horam « à cette heure-là » (le latin attestant seulement ad horam).
Alors, relativement rare jusqu'au XVe s., s'est répandu ensuite aux dépens de lors. Il a d'abord une valeur temporelle : « à ce moment-là » s'appliquant à une action en train de se dérouler, puis aussi en référence au passé (XIIIe s.) et exprime parfois la durée, « à cette époque-là, en ce temps-là » (v. 1225). La locution alors comme alors (v. 1460) équivaut familièrement à « nous verrons alors comment nous en tirer ». ◆  À partir du XIIIe s., alors exprime aussi un lien logique de conséquence, « dans ce cas » (v. 1271). Celui-ci se distend dans l'usage oral, en interrogation (alors ? ; et alors ?) et en exclamation (alors ! 1866 ; ça alors !), au profit de valeurs expressives allant de l'indignation (et alors ?) à l'étonnement et à la joie (chic alors !). ◆  Dès le XIIe s., alors que constitue une locution conjonctive dont le sens correspond à « à l'heure où..., lorsque » (1167, a l'ore que). Toutefois, ce sens temporel a été évincé par lorsque (lors que) conformément aux prescriptions de Vaugelas qui signale aussi la disparition de l'ancienne interprétation graphique à l'heure pour alors. ◆  Alors que s'est maintenu au sens adversatif de « tandis que, au lieu que » (1422).
? LOSANGE n. m. est relevé à partir de 1225 mais semble antérieur vu la première attestation de losangé (v. 1220). Le mot est d'origine controversée bien qu'indiscutablement à dissocier de son homonyme ancien français losenge « flatterie, mensonge » (du francique °lausinga), très courant ainsi que ses dérivés, dont le principal est losengier « flatteur ». L'hypothèse d'un rattachement au gaulois °lausa « dalle de pierre, pierre plate » (passé dans lauze) satisfaisante sémantiquement, pose un problème géographique, les représentants gaulois étant groupés dans les domaines provençal et franco-provençal. M. Rodinson a émis l'idée d'une origine orientale avec l'arabe lawzīnag ou lawzīne, mot désignant un gâteau, lui même du pehlvi lawzēnak, de lawz « amande », mais on manque d'informations sur le cheminement du mot, et de plus, le sens de « gâteau » n'est attesté en français que fin XIVe s. et pourrait n'être qu'une analogie de forme sur le losange. À l'appui de cette hypothèse, on a avancé l'idée d'une origine arabe commune pour les mots losange « gâteau », lasagne* et son synonyme provençal lausan (1505), et pour l'anglais lozen, lozeyn.
❏  Losange a été de genre féminin jusqu'au XVIIIe s., le masculin s'imposant progressivement au XIXe siècle.
■  Apparu comme nom de figure géométrique, « parallèlogramme à côtés égaux, dont les angles ne sont pas droits (distinct de carré) », surtout en parlant d'un dessin sur un tissu, il est d'usage courant en ce sens (surtout pour la figure orientée verticalement), et compte quelques emplois spécialisés en héraldique (1294) et en musique (1855 ; 1767, Rousseau, noire en losange).
❏  En est dérivé LOSANGÉ, ÉE adj. (v. 1200, losengié), l'adjectif didactique LOSANGIQUE (1803, Cuvier) et le verbe technique LOSANGER v. tr. (1842).
LOSER n., anglicisme des années 1980, est pris au dérivé du verbe to lose « perdre », pour désigne une personne qui a une conduite d'échec et échoue en effet. Type de l'anglicisme de mode, absolument inutile sauf pour satisfaire un snobisme collectif, le français perdant pouvant toujours le remplacer.
G LOT n. m. est issu (v. 1140) du francique °lot « partie d'un tout partagé en plusieurs personnes », postulé d'après le gotique hlauts « sort, héritage », l'ancien haut allemand hlôz « sort » (d'où l'allemand Los « sort, billet de loterie »). Les langues germaniques ont toutes le mot : anglais lot, néerlandais lot, ancien norrois hlutr, hluti (→ loterie, loto).
❏  À partir du sens initial, lot a développé (v. 1245) le sens figuré de « ce qui échoit à qqn par le fait du hasard, de la nature, de la destinée ». ◆  De là, en relation avec loterie*, il a désigné ce qui échoit au gagnant d'une loterie (1680), et par métaphore, ce qui échoit par hasard (1805). En termes de finance, obligations, valeurs à lots (1890) se dit d'obligations, de valeurs participant à des tirages au sort périodiques. ◆  Parallèlement à cette évolution, il a pris (1429) le sens concret d'« ensemble d'objets, de marchandises (réunis pour la vente) ». ◆  C'est cet emploi dans la langue du commerce qui a suscité l'usage populaire du mot (1907) pour « fille séduisante » (un joli petit lot), le mot évoluant ensuite vers « fille à forte personnalité » (1957). ◆  Avec le sémantisme de lotir, lotissement, lot s'emploie en français de Madagascar pour « terrain alloué à qqn ». ◆  Ultérieurement, pour rendre l'anglais batch, il est entré dans la terminologie de l'informatique pour désigner un ensemble de programmes.
❏  Son dérivé LOTIR v. tr., apparu (fin XIIe s.) au sens de « partager par lots », s'en est éloigné, bien qu'il reste une trace de son ancien sens juridique, « pourvoir (qqn) d'un lot dans une succession » (av. 1615), dans l'expression figurée être bien, mal loti (1666). Il a connu un développement récent en urbanisme avec l'idée de « partager un terrain en parcelles pour y construire des habitations » (1907, lotir un terrain).
■  Ses dérivés LOTISSEUR, EUSE n. (XIIIe s.) et LOTISSEMENT n. m. (v. 1300) sont surtout employés de nos jours dans le domaine de l'urbanisme ; ce dernier désignant par métonymie le terrain loti (1919) et l'ensemble d'habitations construites dessus.
■  LOTISSAGE n. m. (1723), synonyme de lotissement au sens de « action de lotir », est spécialisé depuis 1762 au sens technique de « tri du minerai ».
Le composé ALLOTIR v. tr. (1611 ; 1304, aloter) et son dérivé ALLOTISSEMENT n. m. (1866 ; 1577, allotement) sont deux termes juridiques se rapportant à la répartition des lots aux héritiers.
❏ voir LOTERIE, LOTO.
LOTERIE n. f. a été emprunté (1538, document de Béthune) au néerlandais loterij (loteria, dans une lettre en latin de 1513). Ce mot est soit dérivé de lot, correspondant au français lot*, soit emprunté à l'italien lotteria, lui-même de lotto (→ loto). Il semblerait que la pratique de la loterie se soit répandue en France avec les Italiens venus à la suite de Catherine de Médicis (également sous le nom de bianque, blanque) ; elle a fait l'objet d'un édit de François Ier en 1539.
❏  Désignant proprement un système où l'on gagne des lots, loterie s'applique à un jeu de tirage au sort organisé pour les particuliers et, très tôt dans son histoire, exploitée par les gouvernements. Il a reçu la valeur figurée de « ce qui est gouverné par le hasard » (1658) et, par métonymie, s'entend parfois de la baraque foraine organisant des jeux de tirage au sort (XXe s.). Le mot s'est référé couramment en France à la Loterie nationale, instituée par la loi du 31 mai 1933, mais ce jeu de hasard officiel, qui n'est pas perçu comme un impôt consenti, ce qu'il est depuis le XVIe s., est concurrencé par d'autres jeux analogues, tiercé, loto*, etc., et l'emploi du mot s'en ressent. Au figuré, c'est la loterie insiste sur le caractère de pur hasard d'un processus présenté comme rationnel ou contrôlé.
LOTION n. f. a été emprunté (XIVe s., loccion) au latin lotio « action de laver le corps, une de ses parties », de lautus, lotus, participe passé de lavare (→ laver).
❏  Lotion était donc un doublet partiel de lavage avant d'être spécialisé à propos de l'application thérapeutique d'un liquide sur le corps ou une de ses parties. Par métonymie, il a pris le sens courant de « liquide pharmaceutique ainsi utilisé » (1690). ◆  L'ancien sens de « lavage » a persisté plus longtemps avec une valeur technique aujourd'hui vieillie : « action de laver une substance à l'aide d'un liquide dissolvant pour en séparer les matières qui y adhèrent » (v. 1785).
❏  Son dérivé LOTIONNER v. tr. est attesté une fois au XIVe s. au sens de « battre par plaisanterie » (Cf. aujourd'hui savonner) et repris vers 1835.
LOTIR → LOT
LOTO n. m., attesté pour la première fois en 1782 dans un texte qui range ce jeu parmi les divertissements à la mode, est emprunté à l'italien lotto « jeu de hasard, souvent géré par l'État, où l'on parie sur des numéros allant de un à quatre-vingt-dix » (1673). Ce mot italien a lui-même été emprunté au français lot*, à l'origine pour désigner un impôt extraordinaire institué à Florence en 1530 et dont la perception se faisait au moyen d'un jeu de hasard.
❏  Le mot désigne un jeu ; les petits cylindres de bois qu'on y emploie (1833) ont inspiré la locution familière yeux en boule de loto (1893). ◆  Tandis que le jeu de société tombe progressivement en désuétude, loto a été relancé depuis 1976 pour désigner un jeu public avec tirage au sort de numéros ; le succès de ce jeu a incité la création d'un jeu analogue, inspiré par les paris des courses (tiercé, quarté, etc.) et du sport (le totocalcio italien) : le loto-sportif.
❏ voir LOTERIE.
G LOTTE n. f., attesté depuis 1553, est probablement un mot d'origine préromane, peut-être d'un gaulois °lotta : cela expliquerait le maintien anormal du t dans une forme héritée, non empruntée. Le mot est aussi attesté en latin médiéval sous la forme lota, par une glose du Xe siècle. Littré proposait d'y voir le représentant du latin lotum « boue », ce poisson étant visqueux, gluant (comme la boue).
❏  Le mot désigne d'abord un poisson d'eau douce, puis, dans l'expression lotte de mer, par analogie de forme, la baudroie.
LOTUS n. m. est emprunté, sous la forme francisée lote (1512) puis lotus (1537), au latin lotus, lotos, lui-même emprunté au grec lôtos, qui désigne diverses plantes fourragères, trèfles ou mélilots, trèfle-fraise, lotus aquatique sauvage, jujubier sauvage, ainsi que le micocoulier qui fournissait le bois pour les flûtes. Lotos est un terme méditerranéen d'origine obscure, pour lequel on a évoqué un rapprochement avec l'hébreu lôṭ, dans la Genèse, traduit par le grec staktê « huile parfumée ». Il s'agirait alors originellement d'un arbre distillant une huile, ce qui s'appliquerait par exemple au micocoulier.
❏  Le mot désigne une plante du littoral africain produisant un fruit auquel les Anciens attribuaient la propriété de faire oublier leur patrie aux étrangers qui y goûtaient. Rendue célèbre par un épisode de l'Odyssée (IX) où Ulysse et ses compagnons se voient offrir du lotus par les lotophages (« mangeurs de lotus »), la plante a longtemps été identifiée avec le jujubier ; il semble qu'il s'agissait plutôt du caroubier, dont la gousse se développe avant que la fleur ne soit fanée (d'où l'appellation homérique « mets fleuri »). En ce sens, on emploie aussi LOTOS, conformément à l'étymon.
■  Lotus s'applique aussi (1553) à différentes espèces (d'Afrique, d'Asie orientale) de la famille des Nymphéacées, ce qui est devenu l'acception usuelle du mot, qui évoque les motifs décoratifs orientaux et certains thèmes religieux (bouddhiques) d'Extrême-Orient.
❏  L'utilisation de la fleur de lotus dans l'art égyptien a fait créer l'adjectif d'usage didactique LOTIFORME (1873) « en forme de fleur de lotus » (lotos).
? LOUBARD, ARDE n., attesté depuis 1973, semble issu de loulou n. m., de même sens et d'origine incertaine (le loulou provenant de loup* semble n'être qu'un homonyme), avec un élément argotique -bard d'origine obscure (Cf. nibar, pour nichon). On écrit également loubar et on abrège le mot en LOUB. Une autre origine serait loubé (n. m.) « enfant », largonji de bout (Esnault) attesté dès 1892, avec le suffixe -ard, mais le sens est différent. L'italien balordo ayant pris le sens de « voyou », un verlan des milieux italiens est plausible.
❏  Le mot désigne un jeune délinquant des grandes villes et des banlieues urbaines.
G 1 LOUCHE n. f. est la forme normanno-picarde (v. 1250, encore regardée comme régionale par Nicot en 1606 et Cotgrave en 1611) de l'ancien français louce, loce et lousse (dans les dialectes de l'Ouest). Louce est issu du francique °lôtja « grande cuiller » que permet de restituer le moyen néerlandais loete, loet, nom d'instruments en forme de cuiller à long manche pour creuser ou puiser.
❏  Nom d'un ustentile de cuisine en forme de grande cuiller, louche a pris dès l'ancien français quelques sens techniques fondés sur une analogie de forme : il a désigné (fin XIIIe s.) une bêche (Cf. ci-dessous louchet) et une vrille pour percer les tonneaux (1464), avant d'être repris au XIXe s. comme nom d'un outil servant à agrandir les trous (1803). ◆  Il fournit une désignation familière de la main (1455), surtout réalisée dans la locution serrer la louche (1889). ◆  Par métonymie, il désigne le contenu d'une louche (1803). ◆  Au figuré, la louche étant de grande capacité par rapport à la cuiller, on dit (mil. XXe s.) à la louche pour « approximativement » et, plus récemment, en remettre une louche pour « insister lourdement, répéter sans mesure ».
❏  En ce sens, il est concurrencé par LOUCHÉE n. f. (1273), mot originaire de Flandres et de Picardie, d'abord appliqué à une mesure à céréales, puis (XVe s.) au contenu d'une louche, rare avant 1822.
■  LOUCHET n. m. (1342), utilisé jusqu'au XVIe s. uniquement dans le nord de la France, désigne techniquement une bêche étroite pour fouiller les terres meubles et, spécialement, un des instruments utilisés pour dépecer la baleine.
L 2 LOUCHE adj. est la généralisation (v. 1200, lousche) de la forme féminine losche (1188) issue du latin lusca, féminin de luscus, mot d'origine inconnue, attesté au sens de « borgne » mais dont les dérivés signifient aussi « qui a la vue courte » et « qui voit mal le soir ». Le mot n'a pas été conservé au sens de « borgne » par la plupart des langues romanes, donnant l'ancien français lois (adj.) [v. 1185] « qui voit mal ». Il a dû subir un élargissement de sens en latin populaire et signifier « qui a la vue faible » : en témoignent le sarde luscu et l'espagnol lusco « myope », ainsi que le mot des dialectes du nord de l'Italie losc.
❏  Louche, presque exclusivement employé en ancien français pour qualifier une personne, signifie alors « qui ne voit pas très bien » (la nuance n'est pas toujours aisée à définir). Il a changé de valeur en moyen français (vers 1300), qualifiant d'abord les yeux affectés de strabisme, puis (v. 1380) une personne, emploi aujourd'hui perdu, en supplantant lorgne (→ lorgner).
■  Par analogie, depuis le XVIIe s., il est appliqué à une chose trouble, concrètement pour qualifier le vin et (1676) un émail. ◆  L'adjectif a pris (1747) le sens figuré de « qui n'est pas très clair, ambigu » (d'une phrase, d'une construction). ◆  L'acception moderne péjorative de « suspect, trouble » s'est développée au XVIIIe s. (v. 1740) d'abord dans l'usage familier, entraînant la substantivation du mot avec une valeur de neutre (1784, il y a du louche). ◆  Le verlan CHELOU adj. (années 1990) a pris la valeur un peu différente de « bizarre et désagréable » (appliqué aux personnes et aux situations).
❏  LOUCHER v. intr., apparu au sens transitif ancien de « regarder du coin de l'œil avec dégoût » (1599) [Cf. lorgner], s'est fixé avec son sens moderne intransitif « avoir du strabisme » (1611). Au XIXe s., il a développé des emplois figurés : faire loucher qqn (1859) « provoquer l'envie, le dépit », loucher sur (1896), loucher vers (1904) « convoiter ».
■  Il a produit quelques dérivés peu usités : LOUCHEMENT n. m. (1611, louschement), LOUCHERIE n. f. (v. 1740), LOUCHEUR, EUSE n. « personne qui louche » (1823), adjectivé au XXe s. (1936).
■  Louche a aussi produit au XIXe s. le verbe technique LOUCHIR v. intr. « perdre sa limpidité, se brouiller » (1867), ainsi que LOUCHON, ONNE n. et adj. (1866), mot familier pour « personne qui louche » employé par Proust dans sa correspondance au sens de « qui fait loucher, ahurit par son ridicule » (le même Proust en avait tiré LOUCHONNERIE n. f.).
LOUCHERBEM → BOUCHER
L 1 LOUER v. tr., apparu au XIVe s. après les formes lauder (v. 980) et loer (1080), représente l'aboutissement d'une évolution du latin de même sens laudare, dérivé de laus, laudis « éloge, louange, mérite, gloire », spécialisation favorable du sens primitif de « fait de citer, de nommer » : cette évolution a pu être favorisée par le fait que laus, laudare et laudatio servaient à désigner l'appel suprême que l'on adressait au mort, puis l'éloge funèbre qui s'est ajouté à cet appel. L'étymologie du mot latin n'est pas éclaircie.
❏  Louer a conservé le sens initial de « faire l'éloge de, féliciter » mais non celui de « conseiller », vivant entre le XIe (1080) et le XVIe siècle. Le sens juridique intermédiaire d'« approuver » (1248) est sorti d'usage dès le XIVe siècle. ◆  Le verbe actif est précédé par le pronominal se louer (1080) « se glorifier de » ou (v. 1160) « être satisfait de ».
❏  Louer a produit ses principaux dérivés dès le XIIe siècle.
■  1 LOUABLE adj. (v. 1120, loable), était employé spécialement en médecine (1314) au sens de « satisfaisant, de la qualité requise » ; la langue classique l'appliquait à des personnes, dans la construction louable de (avec de causal) « digne d'estime pour » (1695).
■  1 LOUEUR, EUSE n. (XIVe s. ; v. 1180, loeres) n'est plus guère employé, soit à cause de l'homonymie qu'il présente (comme louable) avec un dérivé de 2 louer (de locare), soit à cause de la concurrence des synonymes du même groupe.
LOUANGE n. f. (v. 1120, löange) a perdu son sens initial, « titre de gloire, mérite », sauf dans quelques expressions, comme chanter les louanges, c'est tout à sa louange. ◆  Il a bientôt (v. 1160) pris le sens d'« action de louer » (dans l'usage soutenu), concurrençant et éliminant l'ancien français los (n. m.) [1080] représentant du latin laus au pluriel laudes, déjà marqué comme vieux ou burlesque dans les dictionnaires du XVIIe siècle. ◆  Louange est courant au sens métonymique de « témoignage d'admiration » (v. 1278), au singulier et surtout au pluriel.
■  Il a produit LOUANGER v. tr. (1475 ; v. 1155, loengier) « louer » (Dieu) et ce dernier LOUANGEUR, EUSE n. (1570) qui fournissent à 1 louer et 1 loueur deux doublets d'usage plus littéraire, souvent employés avec une notion péjorative d'« excès ».
Les dérivés latins de laudare ont eux-mêmes fourni le terme liturgique LAUDES n. f. (v. 1112), du latin ecclésiastique laudes.
■  LAUDATEUR, TRICE n. (XVIe s., repris 1801) emprunté au dérivé latin laudator, et LAUDATIF, IVE adj. (1787), au dérivé latin laudativus, d'usage soutenu, sont assez courants, en l'absence de dérivés usuels de louer, les adjectifs laudatif, laudateur étant concurrencés par louangeur.
❏ voir LIED.
L 2 LOUER v. tr., d'abord luer (1080), est issu par évolution phonétique du latin locare « placer, situer », spécialisé dans la langue juridique dans des expressions telles que locare se, locare operam suam (ou au pluriel operas suas) « se placer », « placer ses services moyennant salaire » d'où « se louer », et locare res « offrir des biens en location ». Cette valeur a éliminé le sens premier de « placer », pour lequel le latin a eu recours à un composé marquant l'aspect déterminé : collocare (→ coucher) ; tous ses dérivés se réfèrent au sens juridique (→ location, locataire, loyer). Le verbe est dérivé de locus (→ lieu).
❏  Louer, apparu au sens de « donner un salaire à (qqn), prendre à gages », est aussi employé (1165) au sens d'« obtenir l'usage de (un bien) contre paiement ». L'inconvénient de cette polysémie n'a pas empêché le verbe de subsister dans ces deux emplois complémentaires, ambiguïté partagée par location et locataire. ◆  Depuis 1268, louer est attesté à la forme pronominale.
❏  En sont issus dès l'ancien français LOUAGE n. m. (v. 1170, lowage), vieilli au profit de location et loyer, mais maintenu dans l'expression juridique contrat de louage, et 2 LOUEUR, EUSE n. (1283), doublé partiellement par le belgicisme LOUAGEUR, EUSE n. « loueur de véhicules, de sièges, de chevaux », dérivé de louage.
■  2 LOUABLE adj., attesté en 1606 au sens « qu'on prend à louage », et au XXe s. pour « qu'on peut louer », est peu usité à cause de l'homonymie avec 1 louable.
■  Louer a produit RELOUER (1267, avec son sens moderne depuis 1431) et SOUS-LOUER v. tr. (1557 ; 1609 selon T.L.F.).
❏ voir ALLOUER.